Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Amiens
Thématique : Confidentialité de l’adresse IP de l’entreprise
→ RésuméLa communication de l’adresse IP d’une entreprise à un concurrent constitue une violation grave de l’obligation de loyauté du salarié, comme le stipule l’article L1222-1 du code du travail. Dans une affaire jugée, un salarié a transmis des informations sensibles, permettant à un concurrent de bloquer l’accès aux sites de son employeur. Bien que des actes de concurrence déloyale aient été allégués, la juridiction a retenu un doute sur les intentions du salarié, ce qui a conduit à sa protection. Ainsi, la société Responis a été déboutée de ses demandes de réparation pour préjudice.
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Communiquer l’adresse IP de son employeur (société) à un concurrent n’est pas anodin et peut justifier une sanction pour manquement du salarié à son obligation de loyauté.
Aux termes de l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par le salarié, celui-ci comme l’employeur étant tenu à une obligation générale de loyauté dès la conclusion du contrat. Des actes de concurrence déloyale et des actes de parasitisme commis par un salarié à l’égard de son employeur constituent une violation de cette obligation de loyauté.
En l’espèce, un salarié a remis à des concurrents les adresses IP des deux sociétés afin de permettre le blocage de l’accès à leurs sites internet litigieux à partir de leurs locaux et ainsi éviter un contrôle du contenu rédactionnel, a dupliqué les contenus rédactionnels des sites internet «solutis» et «responis» sur des sites concurrents comme le site «le mois du crédit», a positionné plusieurs sites internet concurrents sur les mêmes requêtes et mots-clés que les sites solutis et responis, fournissant les liens créés afin de leur assurer un bon positionnement, utilisant aussi des thèmes provenant des sites solutis et responis pour créer d’autres sites concurrents.
La juridiction a toutefois retenu le doute sur les intentions réelles du salarié, ce doute devant lui bénéficier.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2021
N° RG 20/02051 – N° Portalis DBV4-V-B7E-HWUM
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SAINT QUENTIN DU 16 MARS 2020 (référence dossier N° RG 19/00063)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
[…]
[…]
02100 SAINT-QUENTIN
concluant par Me Isabelle SANTONI, avocat au barreau de PARIS
représentée et plaidant par Me CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS
ET :
INTIME
Monsieur C X
né le […]
de nationalité Française
[…]
[…]
représenté, concluant et plaidant par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON
DEBATS :
A l’audience publique du 09 juin 2021, devant M. E F, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
— M. E F en son rapport,
— les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
M. E F indique que l’arrêt sera prononcé le 01 septembre 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
M. E F en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :
M. E F, Président de Chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller,
Mme Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 01 septembre 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller pour le Président de Chambre empêché et Mme Isabelle LEROY, Greffier.
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DECISION :
Vu le jugement en date du 16 mars 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Saint-Quentin, statuant dans le litige opposant la Sarl Responis à son ancien salarié monsieur C X a
débouté la société Solutis (sic) de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à payer 3000′ à titre d’indemnité de procédure et aux dépens.
Vu l’appel interjeté le 4 juin 2020 par la société Responis à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée le 26 mai 2020.
Vu la constitution d’avocat de l’intimé effectuée par voie électronique le 9 juin 2020.
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 12 février 2021 et régulièrement communiquées, par lesquelles la partie appelante, poursuivant l’infirmation du jugement, faisant valoir que le premier juge a omis de statuer en ce que seule la société Responis a été employeur de monsieur X et non pas la société Solutis, soutenant que son ancien salarié a violé son obligation de loyauté en fomentant un détournement des prospects et/ou clients intervenants sur les sites internet de la marque Solutis et Responis dont il avait pour fonction la gestion et la promotion commerciale, sollicite la condamnation de monsieur X à lui payer les sommes de 420000′ à titre de dommages-intérêts, 10000′ pour préjudice moral et 1000′ à titre d’indemnité de procédure et aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Amiens Douai.
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 2 décembre 2020 et régulièrement communiquées, par lesquelles la partie intimée, réfutant l’argumentation et les moyens de la partie appelante, rappelant l’effet dévolutif de l’appel, la cour n’étant saisie d’aucune demande, la confirmation du jugement étant de droit, à titre subsidiaire, soutenant l’absence de faute de sa part et de préjudice de la société demanderesse, sollicite le débouté intégral de la société Responis et sa condamnation à une indemnité de procédure.
Vu l’ordonnance de clôture du 3 juin 2021 renvoyant l’affaire pour plaidoirie à l’audience du 9 juin 2021.
Vu les conclusions transmises le 12 février 2021 par l’appelant et le 2 décembre 2020 par l’intimé auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel.
SUR CE,
La société Responis a pour objet le montage et la réalisation de projets ou plan de financement pour tout type de crédits et de restructurations de crédits. Elle a été créée en 2009.
En 2013, la même dirigeante a créé la Sasu Solutis ayant pour objet de servir d’intermédiaire en opération de banque et service de paiement notamment dans le rachat de crédit. Il est à noter que la société Solutis rétrocède 53% de son chiffre d’affaires à la société Responis.
Monsieur X a été embauché par la société Responis en qualité de ‘ web marketeur ‘ à effet du 19 avril 2011 d’abord dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée puis à compter du 1er septembre 2011 à durée indéterminée. Par avenant prenant effet au 1er janvier 2016, le salarié a été nommé responsable marketing et superviseur des projets informatiques, statut agent de maîtrise.
Il intervenait à la fois pour les marques Responis et Solutis.
Parallèlement à son activité, monsieur X a obtenu le 13 novembre 2012 de la part de son employeur l’autorisation d’exercer une activité d’auto-entrepreneur.
Le 13 avril 2018 la société Responis a notifié à monsieur X son licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :
‘.. Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements graves dont nous vous avons fait part lors de l’entretien préalable du 4 avril 2018 auquel vous vous êtes présenté, assisté. Les explications recueillies auprès de vous au cours de cet entretien, au terme duquel vous avez d’ailleurs reconnu les faits, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation.
Nous avons décidé par conséquent de vous licencier pour faute grave à raison des faits ci-après exposés, à savoir :
– Transmission délibérée et sans autorisation de l’adresse IP de la société à un site concurrent en l’occurrence le site https://www.lemoisducredit.com.
– Communication à un site concurrent des contenus et thématiques du site de la société,
– Violation de I’accord donné par la société dans Ie cadre de votre activité d’auto entrepreneur,
– Violation de vos obligations contractuelles.
Ainsi, nous tenons à vous rappeler que nous avons été informés de dysfonctionnements graves le 16 mars 2018, ce qui nous a conduit à diligenter des investigations internes entre les 16 et 20 mars 2018 qui ont révélés des faits graves.
De première part, le 16 mars 2018, nous avons été informé par l’administrateur système que I’adresse IP de la société avait été transmise à un site concurrent: ‘lemoisducredit.com ‘.
En votre qualité de responsable marketing et superviseur des projets informatiques, nous vous avons immédiatement demandé des explications sur cette situation totalement incompréhensible, dans la mesure où il est impossible face à des centaines de connexion sur un site d’identifier et de bloquer précisement une adresse IP sans que celle-ci ait été communiquée intentionnellement. Vous nous avez alors avoué avoir délibérément transmis I’adresse IP de la société à ce site concurrent sans aucune autorisation de notre part.
Il est établi que la communication de I’adresse IP de la société a permis à ce site concurrent de bloquer nos tentatives de connexion ayant pour objet de vérifier son contenu rédactionnel, lequel était apparu positionné sur la plupart des mots clés et requêtes stratégiques que nous ciblons. Après enquête, il est ressorti que le blocage de I’adresse IP de la société est intervenu après que vous avez été informé par Ie webmarketer que le site «lemoisducredit.com » avait des thématiques en contenus identiques à ceux du site de la société.
De seconde part, il est ressorti des investigations menées que vous avez volontairement communiqué à ce site concurrent, notamment des articles de conversion. Ces transmissions, sans autorisation de notre part, a permis au site «lemoisducredit.com » de se positionner favorablement en partie grâce à nos sites SEO et à la reproduction de nos articles.
Ce positionnement de la concurrence particulièrement favorisé par les éléments du contenu du site web de la société transmis par vos soins conjugué à la transmission de notre adresse IP préjudicie gravement à la société.
De troisième part, si nous vous avions autorisé une activité d’auto entrepreneur, les conditions en avaient été strictement fixées, particulièrement en ce qui concerne les exigences suivantes:
a) que cette nouvelle activité ne vous place pas en infraction avec les durées maximales autorisées du travail,
b) que cette activité ne soit pas exercée pour le compte de clients dont l’activité est susceptible de concurrencer, directement ou indirectement, nos activités dans la finance ou l’assurance.
II ressort des éléments en notre possession que vous n’avez pas respecté ces obligations en exerçant de facto une activité concurrentielle avec des sites que vous avez vous-même qualifié de « contacts pour du business» notamment en ce qui concerne les sites concurrents «lemoisducredit.com » et ‘jeregroupemescredits.com ‘ lequel renvoie directement sur le site «lemoisducredit.com »,
Non seulement votre activité concurrence directement les activités de la société mais également est exercée auprès de sites concurrents, ce qui constitue une violation grave et renouvelée de I’accord donné.
De quatrième part, les clauses de votre contrat de travail comportent notamment les obligations précises suivantes:
– clause de discrétion assortie d’un respect du secret professionnel,
– clause de sécurité des informations.
Dans le cadre de votre contrat de travail, il a été souligné également la stricte obligation du respect du secret professionnel et de l’obligation de loyauté, même en dehors de votre temps de travail.
Le poste occupé est un poste stratégique qui nécessite une totale loyauté dans la mesure où il en résulte un contrôle total des accès et données informatiques essentielles pour la société dans un secteur hautement concurrentiel.
L’ensemble de vos comportements constitue non seulement une violation grave et renouvelée des clauses contractuelles mais également, porte gravement atteinte à la confiance indispensable sur un poste où vous avez toute latitude d’agir mais uniquement dans l’intérêt de la société et non pour votre propre intérêt.
La violation grave et renouvelée des clauses contractuelles est inacceptable. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et leurs conséquences, votre maintien dans I’entreprise s’avère impossible. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied conservatoire dont vous faites I’objet depuis le 21 mars 2018. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement … ‘ .
Monsieur X n’a pas contesté son licenciement.
Soutenant un détournement de clientèle et des actes de malveillance générant une perte de chiffre d’affaires et estimant que son ancien salarié a manqué à son obligation de loyauté à son égard, la société Responis a saisi le 6 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Saint-Quentin qui par jugement du 16 mars 2020 dont appel a statué comme rappelé précédemment.
– sur l’omission de statuer :
La société Responis expose que la société Solutis est tiers à la présente procédure qui ne la concerne pas et soutient qu’en mentionnant dans son dispositif cette société à son lieu et place , la juridiction prud’homale a omis de statuer sur ses propres demandes.
Au vu de la motivation du jugement déféré, il n’est pas utilement contesté que le premier juge a commis non pas une omission de statuer au sens de l’article 463 du code de procédure civile mais une erreur matérielle en confondant les deux sociétés dans la mesure où la société Responis dans la motivation de ses demandes évoquait la société Solutis et l’utilisation de ce site pour caractériser la violation de l’obligation de loyauté à l’encontre de monsieur X.
Aux termes des articles 561 et 562 du code de procédure civile, l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit, dans la limite des chefs de jugement expressément critiqués.
Au vu de la déclaration d’appel interjetée par la société Responis, la cour constate qu’elle est saisie de cette demande qualifiée d’omission de statuer et qu’ainsi le moyen opposé par monsieur X n’est pas opérant.
Par l’effet dévolutif de l’appel, la cour rectifiera l’erreur matérielle commise par le premier juge dans son jugement et statuera sur les demandes de la société Responis.
– sur la violation de l’obligation de loyauté :
Aux termes de l’article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par le salarié, celui-ci comme l’employeur étant tenu à une obligation générale de loyauté dès la conclusion du contrat. Des actes de concurrence déloyale et des actes de parasitisme commis par un salarié à l’égard de son employeur constituent une violation de cette obligation de loyauté.
En l’espèce la société Responis expose que le mode de fonctionnement des deux sites internet gérés par monsieur X et mettant en exergue les marques Responis et Solutis était le suivant : les clients qui souhaitaient renégocier ou faire racheter leurs crédits formulaient une demande en ligne sur l’un des sites via un formulaire type dédié qui reprenait les éléments de la demande et les coordonnées précises des prospects, qui ensuite était traitée par les sociétés concernées.
Elle soutient que monsieur X a reconnu expressément les fautes reprochées, qu’il exerçait les fonctions de responsable marketing et superviseur des projets informatiques, assurant la gestion et la promotion du site internet de la société et ayant ainsi une fonction stratégique dans la mesure où grâce à son travail, les deux sociétés étaient visibles sur les moteurs de recherche et pouvaient fidéliser la clientèle et la développer.
La société Responis expose que monsieur X a remis à des concurrents les adresses IP des deux sociétés afin de permettre le blocage de l’accès à leurs sites internet litigieux à partir de leurs locaux et ainsi éviter un contrôle du contenu rédactionnel, a dupliqué les contenus rédactionnels des sites internet solutis et responis sur des sites concurrents comme le site ‘ le mois du crédit’, a positionné plusieurs sites internet concurrents sur les mêmes requêtes et mots-clés que les sites solutis et responis, fournissant les liens créés afin de leur assurer un bon positionnement, utilisant aussi des thèmes provenant des sites solutis et responis pour créer d’autres sites concurrents.
Elle rappelle que 53% du chiffre d’affaires de la société Solutis lui est normalement rétrocédé du fait du support technique, administratif, et informatique fournis et du développement et de la promotion du site internet de la marque au profit de Solutis. Elle soutient qu’il y a eu une baisse du chiffre d’affaires corroborée par l’attestation de son expert comptable et que le manque à gagner du fait des agissements de monsieur X s’élève à 420000′ .
En réponse, monsieur X conteste la valeur probante des attestations versées à hauteur d’appel (pièces 36 à 41 de la société Responis) celles-ci ne répondant pas aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile. Il rappelle qu’il n’est titulaire que d’un master droit économie et gestion et que si effectivement dans le cadre de ses fonctions, il a été chargé de mettre en oeuvre des techniques de marketing et de communication avec les technologies informatiques et de télécommunications en créant des sites internet et en alimentant leur contenu, il ne disposait pas des compétences pour pénétrer un système informatique et d’en utiliser les données. Il soutient qu’une autre personne est à l’origine de ce piratage connu de la société dès juin 2017 et ayant donné lieu à un audit sécurité, l’auteur ayant été identifié comme étant monsieur M’H I. Il soutient aussi que s’il a bien créé des sites parallèles comme d’ailleurs l’a fait monsieur G Y autre salarié de
l’entreprise , cela a été fait en pleine connaissance de son employeur dans le but de favoriser la visibilité des sites Responis et Solutis, ayant même servi d’intermédiaire dans des démarchages de son employeur pour le rachat d’autres sociétés. Il soutient qu’il a toujours refusé de travailler pour des sites concurrents.
A titre liminaire la cour rappelle qu’en matière prud’homale, la preuve est libre et dès l’instant que la partie à qui sont opposées des attestations a pu en contester la force probante, notamment en faisant valoir que les auteurs des attestations étaient en lien avec l’employeur, il appartient au juge saisi de cette contestation d’apprécier souverainement la valeur et la portée desdites attestations. Le juge ne peut, par principe, dénier toute valeur probante à une attestation émanant d’un salarié ou d’un ancien salarié sans un examen préalable du contenu de l’attestation et des circonstances de l’espèce. Enfin il est rappelé que les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité.
La cour considère que le fait de ne pas contester le licenciement prononcé ne vaut pas pour le salarié reconnaissance des faits fautifs énoncés et il appartient à l’employeur de justifier la matérialité des griefs et leur imputabilité au salarié mis en cause.
Il est établi par les attestations versées de messieurs Y et Z que monsieur X a reconnu qu’il avait délibérément communiqué l’adresse IP du site Solutis au site ‘ le mois du credit ‘ courant mars 2018 pour bloquer toute visite sur ce site , ‘ sans avoir conscience de la gravité de son geste ‘ tel que cela est relaté dans le compte rendu de l’entretien préalable établi exclusivement par le seul employeur.
En revanche contrairement à ce que soutenu par l’employeur monsieur X n’a pas reconnu les autres faits. Il indique d’ailleurs toujours dans ce compte rendu que s’il y a eu des échanges de données entre les sites,’cela reposait sur le principe des échanges de liens en référencement et des échanges d’articles pour avoir des liens’. A aucun moment monsieur X a reconnu avoir délibérément communiqué des contenus et thématiques des sites de son employeur.
Il en est de même sur la création de sites comme auto-entrepreneur, reconnaissant avoir créé notamment le site ‘ je regroupe mes crédits ‘ mais expliquant l’avoir fait dans le cadre de test et pour éviter de prendre des pénalités aux sites de l’entreprise.
Enfin il est noté sur ce document ‘ j’ai fait une erreur quand je me suis rendu compte, il était trop tard, je m’excuse auprès de vous, je n’ai pas d’intention de nuire, j’ai trop de respect pour vous, madame A ‘ .
Il résulte des documents versés par l’employeur que celui-ci a eu connaissance d’un détournement de ses données par la société Devisprox en juin 2017 suite à des remontées de clients et qu’il a alors sollicité et obtenu une ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris le 27 juillet 2017 pour procéder à des recherches informatiques en lien avec la société Solutis dans les fichiers des clients concernés ainsi qu’une ordonnance du président du tribunal judiciaire de Paris du 18 septembre 2017 pour procéder à la même opération au siège social de l’activité professionnelle de monsieur M M’H I. Il est à noter que la société Responis n’a pas communiqué la suite des diligences accomplies malgré la sommation de communiquer, estimant que ce litige ne concernait pas monsieur X. Parallèlement à ces procédures civiles et commerciales, la société Responis a fait diligenter un audit de sécurité du système d’information qui a mis en évidence un niveau de sécurité insuffisant (le rapport produit datant de septembre 2017).
La cour constate que l’employeur est défaillant à caractériser une implication de monsieur X dans ce détournement de données.
Monsieur X rappelle que dans le cadre de son activité professionnelle il doit oeuvrer pour que
le site Solutis apparaisse dans les premiers résultats des moteurs de recherche (faire du référencement search engine optimization SEO) grâce à des mots clés, des contenus, des liens etc, tout en évitant des pénalités du moteur de recherche en cas de non suivi du référencement naturel. A cette fin, son employeur va l’autoriser à mener une activité d’auto-entrepreneur et dans ce cadre il indique qu’il a créé le site ‘ je regroupe mes crédits ‘ sur lequel il publie des articles sur le rachat de crédits et crée un lien vers le site Solutis .
Il explique que cette technique génère des ‘ leads ‘ (autrement dit des contacts commerciaux) et que dans le cadre de ses fonctions, il lui est demandé de récupérer les critères d’achat des leads des concurrents afin de vérifier si le ‘scoring’ de son employeur est cohérent et si les prix des leads générés par Reponis ne sont pas plus élevés que la concurrence. Pour ce faire et en accord avec son employeur dans le cadre de son activité d’auto-entrepreneur, il a crée divers comptes comme Public Idées, Tradedoubler, Zanox, Devisprox, recueillant des informations notamment par son site ‘ jeregroupemescredits ‘, le transformant suite à des pénalités prises par le moteur de recherche Google en ‘lemoisducredit’ et les transmettant aux sociétés Responis et Solutis, rappelant que la progression du chiffre d’affaires , celui-ci passant de 796 043′ en 2013 à 3545 962’ en 2017. D’ailleurs il rappelle que postérieurement à son licenciement, alors qu’il a créé un nouveau site internet dénommé Alexeo, il a été démarché par monsieur J K L, webmarketeur chez Solutis pour un échange de contenus, démarche identique à ce qu’il faisait auparavant, élément non utilement contredit par la société Responis.
La cour constate que l’ensemble des éléments ci-dessus rappelés ne sont pas utilement contredits par l’employeur.
Enfin monsieur X soutient que si effectivement il a bloqué l’accès au site depuis l’entreprise, cette action a été initiée pour en empêcher l’accessibilité à monsieur Y et à son frère alors même que ceux-ci avaient créé le même genre de site sous le nom de ‘projetfinancier ‘, et non pas pour cacher à son employeur les démarches accomplies. S’il est établi qu’effectivement il a bloqué l’accès au site contreversé à son employeur, cette action s’inscrit dans le climat de suspicion engendré par l’employeur quant à une diffusion de ses données auprès de concurrents dans le cadre d’un piratage informatique et ne saurait à elle seule caractériser un manquement contractuel grave commis par le salarié.
Ainsi, au vu des pièces et documents versés par les parties aux débats, la cour considère que les faits fautifs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis avec certitude et qu’un doute subsiste devant profiter au salarié et qu’il convient ainsi, par confirmation du jugement, de débouter la société Responis de sa demande de réparation du préjudice allégué relatif à une violation de son obligation de loyauté de la part de monsieur X.
Au surplus la seule pièce comptable fournie par la société Responis est insuffisante à elle-seule pour justifier du préjudice allégué, l’attestation de madame B expert comptable étant insuffisamment circonstanciée pour évaluer le préjudice hypothétique allégué.
Il convient aussi de débouter la société Responis de sa demande de communication des éléments justificatifs du chiffre d’affaires réalisé par monsieur X dans le cadre de son activité d’auto-entrepreneur, cette mesure d’instruction n’étant pas utile à la solution du litige. Il en est de même pour sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, la société appelante n’apportant aucun élément probant pour justifier du préjudice distinct allégué.
— sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les mesures accessoires prises à ce titre par le premier juge seront reportées.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur X les frais irrépétibles exposés par lui
pour l’ensemble de la procédure et il convient de condamner la société Responis à lui payer à ce titre la somme qui sera précisée au dispositif de l’arrêt.
La société Responis, succombante en sa demande initiale et en appel sera condamnée aux dépens et sa demande d’indemnité de procédure sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort, par dispositions nouvelles, tant confirmatives que réformatives et supplétives.
Dit recevable en la forme l’appel interjeté par la SASU RESPONIS.
Le dit mal fondé.
Déboute la SASU RESPONIS de l’intégralité de ses demandes.
Condamne la SASU RESPONIS à payer à Monsieur C X la somme de 3500′ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
Déboute la SASU RESPONIS de sa demande d’indemnité de procédure.
Condamne la SASU RESPONIS aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, P/LE PRESIDENT.
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