Cour d’appel d’Amiens, 17 janvier 2025, RG n° 22/02722
Cour d’appel d’Amiens, 17 janvier 2025, RG n° 22/02722

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Amiens

Thématique : Contrôle de facturation et contestation des indus en soins infirmiers

Résumé

Contrôle de la CPAM

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Somme a effectué un contrôle administratif de la facturation de Mme [E], infirmière libérale, pour la période du 28 juillet 2016 au 29 février 2020, concernant dix patients. À l’issue de ce contrôle, un indu de 32 883,27 euros a été notifié à Mme [E] le 29 septembre 2020.

Recours et décisions judiciaires

Mme [E] a contesté cet indu en saisissant la commission de recours amiable (CRA) le 29 novembre 2020, qui a implicitement rejeté sa demande. Elle a ensuite porté l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, qui, par jugement du 2 mai 2022, a déclaré son incompétence pour statuer sur la décision de la CRA, a débouté Mme [E] de ses demandes d’annulation des indus, et l’a condamnée à payer 23 095,43 euros à la caisse, ainsi qu’à verser 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Appel et demandes de Mme [E]

Mme [E] a interjeté appel de cette décision le 23 mai 2022. Lors de l’audience du 12 septembre 2023, les parties ont été convoquées, et l’affaire a été renvoyée à plusieurs dates ultérieures. Dans ses conclusions, Mme [E] a demandé l’annulation du jugement, la jonction des instances, la désignation d’un expert pour analyser la cotation et la facturation des soins, ainsi que l’annulation des indus pour certains patients.

Arguments de la CPAM

La CPAM de la Somme a demandé à la cour de débouter Mme [E] de toutes ses demandes, de confirmer le jugement de première instance, et de condamner Mme [E] à rembourser la somme de 23 095,43 euros avec intérêts. Elle a également contesté la demande de jonction, arguant que cela compliquerait le traitement des dossiers.

Analyse des griefs

La cour a examiné les griefs soulevés par la CPAM, qui incluent des facturations d’actes avec des prescriptions falsifiées, des actes facturés au-delà de la durée prescrite, et des actes sans prescription médicale. Les juges ont constaté que Mme [E] ne contestait pas certains indus, mais seulement ceux relatifs à trois patients spécifiques.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant la demande de nullité pour défaut de motivation et la demande d’expertise. Elle a maintenu l’indu pour les patients concernés, soulignant que les prescriptions médicales n’étaient pas conformes aux exigences légales. Les intérêts au taux légal sur la somme due commenceront à courir à partir du 2 octobre 2020. Mme [E] a été condamnée aux dépens d’appel et à verser 2 000 euros à la CPAM au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

ARRET

[E]

C/

CPAM de la Somme

Copies certifiées conformes

Mme [N] [E]

CPAM de la Somme

Me Alain DEGUITRE

tribunal judiciaire

Copie exécutoire

CPAM de la Somme

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 17 JANVIER 2025

*************************************************************

N° RG 22/02722 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IOZW – N° registre 1ère instance : 21/00273

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS (PÔLE SOCIAL) EN DATE DU 02 MAI 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [N] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et plaidant par Me Alain DEGUITRE, avocat au barreau de MARSEILLE

ET :

INTIMEE

CPAM de la Somme

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et plaidant par Mme [A] [B], munie d’un pouvoir régulier

DEBATS :

A l’audience publique du 17 octobre 2024 devant Mme Claire BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Diane VIDECOQ-TYRAN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Claire BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, greffier.

*

* *

DECISION

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Somme a procédé à un contrôle administratif de la facturation de Mme [E], infirmière libérale, pour la période du 28 juillet 2016 au 29 février 2020 et portant sur dix patients, à l’issue duquel il lui a été notifié, le 29 septembre 2020, un indu d’un montant de 32 883,27 euros.

Contestant cet indu, Mme [E] a saisi la commission de recours amiable (CRA) le 29 novembre 2020, laquelle a implicitement rejeté sa demande, puis le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens qui, par jugement du 2 mai 2022, a :

déclaré son incompétence pour statuer sur la décision de la commission de recours amiable,

débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes d’annulation des indus réclamés,

condamné Mme [E] à payer à la caisse la somme de 23 095,43 euros,

condamné Mme [E] aux dépens,

condamné Mme [E] à verser à la caisse la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [E] a relevé appel de cette décision le 23 mai 2022, après notification intervenue le 3 mai précédent.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 12 septembre 2023, lors de laquelle il a été procédé au renvoi à l’audience du 16 avril 2024, puis à celle du 17 octobre 2024.

Par conclusions visées par le greffe le 17 octobre 2024 et soutenues oralement à l’audience, Mme [E], appelante, représentée par son conseil, demande à la cour de :

annuler le jugement querellé, à tout le moins en ce qui concerne sa condamnation au paiement d’un indu qu’il ne mentionne ni ne valide d’un montant de 6 263,59 euros,

subsidiairement, ordonner la jonction des instances numéros RG 22/02721 et RG 22/02722 en raison de leur connexité et pour une bonne administration de la justice,

avant dire droit, désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission l’analyse de la cotation et de la facturation des soins dispensés aux patients concernés par l’indu,

annuler comme dépourvus de fondement les indus au titre des soins dispensés aux patients suivants :

Mme [P] ‘ 6 224,40 euros,

Mme [R] ‘ 4 852,80 euros,

Mme [S] [M] ‘ 50,40 euros,

lui donner acte de ce qu’elle ne conteste pas les indus qui lui sont imputés au titre des soins dispensés à Mme [I] (5 707,11 euros),

condamner la caisse au paiement d’une indemnité de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Au titre de la nullité du jugement pour défaut de motivation, elle soutient qu’après avoir analysé quatre dossiers de patients et pris acte de la renonciation de la caisse à certaines de ses demandes, le tribunal lui a imputé un indu global de 16 834,71 euros mais n’a pas fait mention, ni motivé les indus qu’il a également retenus pour un montant de 6 263,59 euros.

Concernant la jonction, elle explique que M. [V], son concubin, et elle-même exercent dans le même cabinet infirmier, qu’ils dispensent des soins aux mêmes patients et que les griefs de la caisse à l’encontre de chacun d’eux sont identiques.

S’agissant de l’instauration avant-dire droit d’une mesure d’expertise, celle-ci se justifie selon elle par la nécessité d’appréhender et de comprendre l’incident technique de réception d’ordonnance via un logiciel.

S’agissant de l’analyse des griefs, elle fait essentiellement valoir que la caisse écarte des ordonnances alors qu’elles constituent un fait générateur du paiement de la prestation, que le renouvellement de la prescription n’est soumis à aucune obligation de consultation du patient, qu’en fonction du conditionnement des médicaments, elle peut disposer d’un stock permettant d’assurer le traitement sans nouvelle prescription, qu’il ne saurait être tiré aucune conséquence de l’absence de prescription d’insuline, que la caisse ne tire aucune conséquence des erreurs des prescripteurs, et que la remise a posteriori d’un duplicata d’ordonnance ne signifie aucunement qu’il a été établi a posteriori.

Par conclusions visées par le greffe le 17 octobre 2024 et soutenues oralement à l’audience, la CPAM de la Somme, intimée, demande à la cour de :

débouter Mme [E] de sa demande d’expertise avant dire droit,

débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

confirmer le jugement querellé en chacune de ses dispositions, tant sur l’indu que sur la condamnation à 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dire bien fondé l’indu notifié à Mme [E] et en conséquence condamner cette dernière à lui rembourser la somme de 23 095,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la notification d’indu le 2 octobre 2020,

y ajoutant, condamner, en cause d’appel, Mme [E] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle s’oppose à la demande de jonction laquelle apparaît de nature à compliquer le traitement des dossiers, dès lors que les deux dossiers de pénalités financières n’ont pas été joints, et sont suspendus aux décisions de la cour.

Sur la demande d’expertise, aucun des griefs ne porte sur des problèmes de cotations, de sorte que les problèmes posés, de nature uniquement règlementaire, ne requièrent pas la mise en ‘uvre d’une expertise.

S’agissant du bien-fondé des indus, elle détaille, patient par patient, les anomalies constatées et les griefs reprochés.

Sur la portée du jugement, elle soutient que l’infirmière a été condamnée au paiement d’un indu de 23 095,43 euros, que si elle n’argumente que sur la somme de 16 608,63 euros, elle n’a pas, pour autant, réglé le différentiel de 6 486,80 euros, lequel reste dû, et que si le tribunal n’a pas estimé devoir argumenter sur les dossiers et griefs non contestés, cela ne saurait avoir pour effet de la priver de l’indu pour lequel elle a argumenté.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la demande de jonction

La jonction est une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours, conformément aux dispositions de l’article 537 du code de procédure civile.

Mme [E] sollicite la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 22/02721 et 22/02722.

Malgré certaines similitudes entre ces deux dossiers, les griefs sont reprochés à deux personnes physiques, professionnels de santé parfaitement distincts quoique concubins, de sorte que la bonne administration de la justice ne commande pas de les joindre.

La cour rejette la demande de ce chef.

Sur la nullité du jugement pour défaut de motivation

En application de l’article 455 du code de procédure civile le jugement doit être motivé.

Il résulte notamment de ce texte qu’un défaut de réponse aux conclusions régulièrement présentées par les parties constitue un défaut de motifs et que l’insuffisance, malgré leur existence, de motifs équivaut à leur absence.

Il résulte ensuite des articles 458 et 459 du code de procédure civile que la motivation du jugement est prescrite à peine de sa nullité et que l’irrégularité tenant à l’absence de cette motivation n’est pas susceptible de réparation.

La lecture du jugement querellé enseigne que Mme [E] a notamment demandé au premier juge d’annuler la décision implicite de rejet de la CRA, de lui donner acte de ce qu’elle ne contestait pas les indus revendiqués à hauteur de la somme de 6 357,26 euros, d’annuler la somme de 16 806,17 euros.

Il s’en déduit que l’appelante reconnaissait l’indu pour la somme de 6 327,26 euros et ne formulait aucune contestation à ce titre.

La cour rappelle qu’une demande de « donner acte » n’est pas une prétention en ce qu’elle ne confère pas de droit à la partie qui la requiert ; elle est donc dépourvue de portée juridique, et il n’appartient pas au juge saisi de statuer sur cette demande laquelle n’est au demeurant pas contestée.

En tout état de cause, le premier juge a condamné, dans le dispositif, Mme [E] à payer à la caisse la somme totale de 23 095,43 euros, et non de 16 834,71 euros comme le prétend cette dernière.

La demande de nullité du jugement pour défaut de motivation est rejetée.

Sur la demande d’expertise

Mme [E] soutient que la procédure d’indu présente une complexité certaine en raison du nombre important d’actes dont la facturation est contestée, et que les problèmes techniques pour la communication des pièces via un logiciel, lesquels sont survenus en dehors de la période de contrôle, ont également pu se produire pendant ladite période ; elle considère que le recours à l’expertise se justifie pour analyser et comprendre l’incident technique survenu dans la transmission des pièces via un logiciel, et produit des courriels de juin et juillet 2022 établissant que les pièces étaient bien communiquées via un logiciel.

Sur ce, conformément à l’article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.

En application des articles 263 à 284-1 du code de procédure civile, le juge peut autoriser le recours à l’expertise dans les cas où des constatations ou une consultation ne peuvent suffire à l’éclairer.

La cour rappelle qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve qui lui incombe.

Il relève du pouvoir discrétionnaire du juge d’apprécier l’opportunité et l’utilité d’une mesure d’instruction ou de consultation. Celui-ci n’est en principe pas tenu d’ordonner une telle mesure en cas d’insuffisance des éléments fournis par les parties ou des résultats des précédentes mesures confiées à des techniciens.

En l’espèce, aucun des griefs reprochés ne porte sur un problème de cotation et l’indu est fondé sur l’absence de production de prescriptions.

En outre, la cour constate, d’une part, que les échanges de courriels sont postérieurs au contrôle ayant été réalisé entre le 28 juillet 2016 et le 29 février 2020 et, d’autre part, qu’aucun élément développé ou produit par l’appelante ne justifie de mettre en ‘uvre une telle mesure technique à ce stade de la procédure.

Partant, la demande d’expertise sollicitée par Mme [E] sera rejetée.

Sur le fond

A titre liminaire, la cour relève ici que l’indu de 23 095,43 euros se décompose comme suit, selon les écritures et éléments apportés par la caisse, lesquels ne sont pas remis en cause :

Mme [R] : 4 852,80 euros (facturation d’actes avec des prescriptions falsifiées) et 816,70 euros (facturation d’actes hors nomenclature),

Mme [P] : 6 224,40 euros (facturation d’actes avec des prescriptions falsifiées),

Mme [I] : 5 481,03 euros (facturation d’actes au-delà de la durée prescrite) et 226,08 euros (facturation d’actes pendant l’hospitalisation du patient),

Mme [G] : 110,50 euros (facturation d’actes au-delà de la durée prescrite),

Mme [S] [M] : 50,40 euros (facturation d’actes sans prescription) et 197,12 euros (facturation d’actes comportant une erreur sur le taux de remboursement),

Mme [Z] : 4 246,20 euros (facturation d’actes sans prescription) et 161,80 euros (facturation d’actes pendant l’hospitalisation du patient),

Mme [C] : 615 euros (facturation d’actes comportant une erreur sur le taux de remboursement),

Mme [X] : 113,40 euros (facturation d’actes fictifs).

Il est ainsi relevé sept griefs différents, à savoir :

Grief 1 : facturation d’actes avec des prescriptions falsifiées : 11 077,20 euros,

Grief 2 : facturation d’actes au-delà de la durée prescrite : 5 591,53 euros,

Grief 3 : facturation d’actes sans prescription médicale associée : 4 296,60 euros,

Grief 4 : facturation d’actes hors nomenclature : 816,70 euros,

Grief 5 : facturation d’actes comportant une erreur sur le taux de remboursement en défaveur de la caisse : 812,12 euros,

Grief 6 : facturation d’actes pendant l’hospitalisation du patient : 387,88 euros,

Grief 7 : facturation d’actes fictifs et non réalisés : 113,40 euros.

Les parties admettent que l’indu total réclamé s’élève à la somme de 23 095,43 euros.

Selon les premiers juges, l’infirmière ne contestait pas les indus revendiqués à hauteur de 6 357,26 euros mais demandait l’annulation de l’indu de 16 806,17 euros.

En cause d’appel, Mme [E] ne conteste pas l’indu au titre des soins dispensés à Mme [I], pour la somme totale de 5 707,11 euros, mais uniquement les indus concernant les patients suivants :

Mme [P] : 6 224,40 euros,

Mme [R] : 4 852,80 euros,

Mme [S] [M] : 50,40 euros.

Il s’en déduit que la professionnelle de santé conteste en appel non la totalité de l’indu, mais uniquement celui correspondant aux soins dispensés aux trois patients précités, ce qui représente une somme cumulée de 11 127,60 euros, sur laquelle il convient de statuer.

Aux termes de l’article R. 4312-42 du code de la santé publique, l’infirmier applique et respecte la prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, quantitative et qualitative, datée et signée.

Il demande au prescripteur un complément d’information chaque fois qu’il le juge utile, notamment s’il s’estime insuffisamment éclairé.

Si l’infirmier a un doute sur la prescription, il la vérifie auprès de son auteur ou, en cas d’impossibilité, auprès d’un autre membre de la profession concernée. En cas d’impossibilité de vérification et de risques manifestes et imminents pour la santé du patient, il adopte, en vertu de ses compétences propres, l’attitude qui permet de préserver au mieux la santé du patient, et ne fait prendre à ce dernier aucun risque injustifié.

Il résulte de ce texte que l’infirmier ne peut s’affranchir des termes de la prescription médicale ni se retrancher derrière les erreurs ou omissions du médecin prescripteur.

La nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) autorise le remboursement des actes effectués par un auxiliaire médical s’il a fait l’objet d’une prescription médicale préalable écrite, qualitative et quantitative. La facturation doit être conforme à la NGAP.

Sur l’indu concernant Mme [P] (6 224,40 euros) :

L’indu consiste ici en la facturation d’actes libéraux avec des prescriptions falsifiées.

La caisse relève une discordance entre la prescription du 8 août 2016 du médecin M. [F] produite par la pharmacie, laquelle mentionne une durée de soins d’un mois, et le document produit par Mme [E] au soutien de sa facturation, sur lequel cette mention est manquante. Elle a ainsi estimé à partir de ces éléments que les soins réalisés après le 8 septembre 2016 sur le fondement de cette prescription n’étaient pas justifiés.

L’infirmière soutient que :

le renouvellement de la prescription n’est soumis à aucune obligation de consultation du patient,

les médecins disposent d’une liberté de prescription ; ils ne sont pas tenus de respecter un horaire ou un jour mais doivent assurer une prise en charge des soins,

la patiente diabétique nécessite des soins trois fois par jour,

en fonction du conditionnement des médicaments, elle peut disposer d’un stock lui permettant d’assurer la continuité du traitement sans besoin d’une nouvelle prescription,

la caisse ne saurait tirer de conséquence de l’absence de prescription d’insuline,

elle est accusée sans preuve d’une falsification,

le duplicata de l’ordonnance, copie de l’original, n’est pas nécessairement établi a posteriori.

Elle produit, au soutien de ses arguments :

une ordonnance bizone du 18 août 2015,

un duplicata d’une ordonnance bizone, du 4 juillet 2016, avec la mention « duplicata ordonnance égarée », faisant état de dispense de soins trois fois par jour,

une prescription du 17 août 2015.

Or, comme l’ont exactement retenu les premiers juges, les ordonnances de 2015 sont inopérantes puisqu’elles ne concernent pas la période de contrôle.

S’agissant du duplicata de l’ordonnance du 4 juillet 2016, la cour constate qu’aucune consultation de la patiente par M. [T], médecin prescripteur, n’a été enregistrée durant cette période.

En outre, il sera rappelé que le remboursement des soins est subordonné à la délivrance d’une prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, préalable à leur réalisation.

L’examen des pièces de la caisse révèle à l’évidence une falsification, dès lors que la mention relative à la durée des soins a disparu du document fourni par la professionnelle de santé lors du contrôle, et que la production a posteriori de duplicatas d’ordonnances, qui n’ont pas été transmis à la caisse au moment de la facturation des actes, ne permet pas d’écarter l’indu.

Le jugement qui a maintenu l’indu pour cette patiente à la somme de 6 224,40 euros sera confirmé.

Sur l’indu concernant Mme [R] (4 852,80 euros) :

La caisse a également relevé, pour cette patiente, la facturation d’actes libéraux avec des prescriptions falsifiées.

La caisse expose qu’il existe une discordance entre la prescription du 11 août 2017, transmise par l’infirmière laquelle ne mentionne aucune durée de soins, et celle qu’elle a obtenue auprès du centre hospitalier de [Localité 5], laquelle mentionne une durée de soins d’un mois. Elle a ainsi considéré que les soins réalisés après le 11 septembre 2017, sur le fondement de cette prescription, n’étaient pas justifiés.

Mme [E] verse aux débats une ordonnance de M. [D], médecin, du 1er septembre 2017 comportant la mention « duplicata au 20 [mars] 2021 » ; elle fait valoir que, si la caisse soutient que ce médecin prescripteur a établi un faux, elle n’en tire aucune conséquence, et qu’il importe peu qu’il ne s’agisse pas du médecin traitant de la patiente.

Comme précédemment indiqué, le remboursement des soins est subordonné à la délivrance d’une prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, préalable à leur réalisation, et il appartient au professionnel de santé de se rapprocher du prescripteur en cas de lacune de la prescription.

L’examen des pièces du dossier fait apparaître une falsification, en ce que la mention relative à la durée des soins n’apparaît plus sur le document fourni par la professionnelle de santé, qui ne saurait se retrancher vers une faute du prescripteur, et la production a posteriori de duplicatas d’ordonnances qui n’ont pas été transmises à la caisse au moment de la facturation des actes ne permet pas d’écarter l’indu.

Le jugement qui a maintenu l’indu pour cette patiente à la somme de 4 802,80 euros sera confirmé.

Sur l’indu concernant Mme [S] [M] (50,40 euros) :

L’indu porte sur la facturation d’actes sans prescription médicale associée.

L’article 5 de la NGAP, relatif aux actes donnant lieu à prise en charge ou remboursement, prévoit que seuls peuvent être pris en charge ou remboursés les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve d’avoir fait l’objet d’une prescription médicale qualitative et quantitative et de relever de sa compétence.

La caisse explique que l’infirmière a produit des prescriptions médicales de M. [L], médecin, du 1er juillet, 1er septembre 2017 et 1er juillet 2018, ce dernier lui indiquant qu’il en était bien l’auteur, mais qu’elles avaient été produites a posteriori, à la demande de M. [V], infirmier libéral travaillant avec Mme [E].

La professionnelle de santé explique que la caisse accepte ou rejette de manière arbitraire, pour des motifs infondés, les ordonnances régulièrement établies, que la remise a posteriori d’un duplicata ne signifie pas qu’il a été établi a posteriori, et qu’elle peut rapporter la preuve par tout moyen.

A la lecture des pièces du dossier, la cour constate que trois prescriptions ont été établies par le médecin, M. [L], le 1er juillet 2017, le 1er septembre 2017 et le 1er juillet 2018 ; ces dernières ont été communiquées à la caisse lors d’un entretien s’étant déroulé le 17 mars 2021.

Outre le fait que ces ordonnances ont été produites postérieurement à la notification d’indu, la caisse a interrogé M. [L], médecin prescripteur, qui lui a répondu par courrier du 30 avril 2021 : « j’ai retrouvé M. [U] [V], infirmier diplômé d’état avec lequel j’avais travaillé. Il m’a demandé de régulariser les dates de ces prescriptions médicales, chose que j’ai effectué[e] ».

Partant, lors de son contrôle, la caisse n’a pas pu vérifier que les actes avaient été réalisés conformément à une prescription médicale préalable de sorte, comme l’ont justement retenu les premiers juges, que le montant de l’indu concernant cette patiente doit être maintenu à la somme de 50,40 euros.

En conséquence, le jugement querellé est confirmé en toutes ses dispositions critiquées.

En application de l’article 1231-6 du code civil aux termes duquel les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure, et sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte [‘], l’appelante doit restituer la somme qui ne lui était pas due avec les intérêts moratoires à compter de la demande, dès lors que le montant de ladite somme pouvait être déterminé par l’application de dispositions légales ou réglementaires.

Il s’ensuit que les intérêts au taux légal sur la somme indue de 23 095,43 euros courront à compter du 2 octobre 2020, date de réception de la notification de l’indu du 29 septembre 2020.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Mme [E], appelante qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

Mme [E] sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée, sur ce même fondement, à payer à la CPAM de la Somme, la somme de 2 000 euros.

 


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