Cour d’appel d’Amiens, 17 janvier 2025, RG n° 22/00124
Cour d’appel d’Amiens, 17 janvier 2025, RG n° 22/00124

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Amiens

Thématique : Reconnaissance de la faute inexcusable : enjeux et conséquences pour l’employeur et la victime

Résumé

Les faits et la procédure antérieure

M. [C] [H], salarié de la société [13], a subi un accident du travail le 18 juillet 2013, reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme le 10 octobre 2013. Son état de santé a été déclaré consolidé le 31 mars 2017, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 20%, contesté par la suite. Le 14 octobre 2017, M. [H] a demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Après une tentative de conciliation infructueuse, la société [13] a été placée en liquidation judiciaire le 26 novembre 2014. M. [H] a saisi le tribunal judiciaire d’Amiens le 11 juillet 2020 pour faire reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur.

Le jugement dont appel

Le 27 décembre 2021, le tribunal judiciaire d’Amiens a mis hors de cause la société [11] et la société [15], tout en déboutant M. [H] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [13]. Le jugement a également condamné M. [H] aux dépens de l’instance. Ce jugement a été notifié à M. [H] le même jour.

La déclaration d’appel

M. [H] a formé appel le 6 janvier 2022, dans les délais et formes requis. La cour d’appel d’Amiens a ordonné la réouverture des débats pour le 5 février 2024, demandant à M. [H] de justifier de la signification de la convocation à l’audience. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 17 octobre 2024.

Les prétentions et moyens des parties

M. [H] demande à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, de reconnaître la faute inexcusable de son employeur, et d’ordonner une expertise médicale pour évaluer ses préjudices. Il soutient que l’accident est dû à une électrisation causée par des manquements de l’employeur à ses obligations de sécurité. La société [15] conteste la compétence du tribunal et soutient que les circonstances de l’accident sont indéterminées, demandant la confirmation du jugement initial. La CPAM de la Somme, quant à elle, demande à la cour de se prononcer sur son action récursoire contre l’assureur de l’employeur.

Sur l’intervention volontaire de la société [15]

La cour a déclaré recevable l’intervention volontaire de la société [15] en tant qu’assureur de la société [13], remplaçant l’agent général d’assurance radié. Cette intervention a été acceptée par toutes les parties.

Sur l’exception d’incompétence matérielle

La cour a jugé qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur l’action directe de la CPAM contre l’assureur de l’employeur, se limitant à la reconnaissance de la faute inexcusable et des indemnités associées. Elle a confirmé que la juridiction de la sécurité sociale ne pouvait pas connaître des demandes de remboursement formulées par la caisse à l’encontre de l’assureur.

Sur la faute inexcusable de l’employeur

La cour a confirmé que M. [H] n’a pas prouvé que son employeur avait connaissance du danger et n’avait pas pris les mesures nécessaires pour le protéger. Les déclarations et les rapports d’expertise n’ont pas établi de manquements aux obligations de sécurité. En conséquence, la cour a rejeté la demande de reconnaissance de la faute inexcusable.

Sur les dépens

M. [H] ayant succombé dans ses prétentions, la cour a confirmé le jugement initial concernant les dépens, le condamnant aux dépens d’appel.

ARRET

[H]

C/

[U]

Compagnie d’assurance [11]

Compagnie d’assurance [15]

CPAM DE LA SOMME

Compagnie d’assurance [16] (M. [R] [O])

Copie certifiée conforme délivrée à :

– M. [C] [H]

– Me [U]

– Compagnie d’assurance [11]

– Compagnie d’assurance [15]

– CPAM DE LA SOMME

– Compagnie d’assurance [16] (M. [R] [O])

– Me Giuseppina MARRAS – Me Valérie LE BRAS

– tribunal judiciaire

Copie exécutoire :

Me [U]

– Compagnie d’assurance [11]

– CPAM DE LA SOMME

– Me Valérie LE BRAS

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 17 JANVIER 2025

*************************************************************

N° RG 22/00124 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IKBE – N° registre 1ère instance : 20/00142

Jugement du tribunal judiciaire d’Amiens (pôle social) en date du 27 décembre 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [C] [H]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté et plaidant par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS substituant Me Giuseppina MARRAS de la SCP DELARUE VARELA MARRAS, avocat au barreau d’AMIENS

ET :

INTIMES

Maître [U]

De la société [13]

[Adresse 3]

[Localité 8]

non représenté

Compagnie d’assurance [11]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Agence [18]

[Adresse 6]

[Localité 1]

non représentée

Compagnie d’assurance [15]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée et plaidant par Me Mathilde RYBKA, avocat au barreau de PARIS substituant Me Valérie LE BRAS de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE LA SOMME

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée et plaidant par Mme [Z] [I], munie d’un pouvoir régulier

Compagnie d’assurance CABINET [14] (M. [R] [O])

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 19]

Représentée et plaidant par Me Mathilde RYBKA, avocat au barreau de PARIS substituant Me Valérie LE BRAS de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 17 octobre 2024 devant Mme Claire BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Diane VIDECOQ-TYRAN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Claire BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LEPEINGLE, greffier.

*

* *

DECISION

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [C] [H], alors salarié de la société [13], a été victime le 18 juillet 2013 d’un accident du travail pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie ([20]) de la Somme le 10 octobre 2013.

Son état de santé en relation avec l’accident du travail a été déclaré consolidé le 31 mars 2017, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 20%, lequel reste à ce jour contesté dans le cadre d’un pourvoi en cassation.

Le 14 octobre 2017, M. [H] a saisi la [20] d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans le cadre de l’accident du travail.

L’absence de conciliation entre les parties a été constatée suivant procès-verbal du 13 juin 2018.

La société [13] a été placée en liquidation judiciaire le 26 novembre 2014 par le tribunal de commerce, puis radiée du registre du commerce et des sociétés le 26 juillet 2017 ; Maître [V] [U] a été désigné comme mandataire ad hoc pour l’instance par ordonnance du 5 mai 2020 du président du tribunal de commerce de Compiègne.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 11 juillet 2020, M. [H] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de l’accident du travail.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 27 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens a :

rappelé que la société [11] ‘ agence [18] avait été mise hors de cause à l’audience du 11 octobre 2021 ;

prononcé la mise hors de cause de la société [15] en la personne des deux agences différentes attraites ;

débouté M. [H] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [13] prise en la personne de Maître [U], mandataire pour l’instance, dans l’accident du travail dont il a été victime le 18 juillet 2013 ;

rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

condamné M. [H] aux dépens de l’instance.

Ce jugement a été notifié à M. [H] par lettre recommandée du 27 décembre 2021 avec avis réception.

3. La déclaration d’appel :

Par déclaration du 6 janvier 2022 reçue au greffe le 10 janvier suivant, M. [H] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de l’intégralité du dispositif de ce jugement.

Par arrêt avant dire-droit du 26 juin 2023, la cour d’appel d’Amiens a notamment :

ordonné la réouverture de débats à l’audience du 5 février 2024 à 13 heures 30 ;

dit que M. [H] devait à cette date justifier de ce qu’il avait procédé régulièrement à la signification de la convocation à l’audience du cabinet [14] (M. [R] [O]) à défaut de quoi l’affaire ferait l’objet d’une radiation ;

réservé les dépens.

L’affaire a été contradictoirement renvoyée à l’audience du 17 octobre 2024.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions visées le 17 octobre 2024, soutenues oralement par son conseil, M. [H] appelant demande à la cour, au visa de l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, notamment de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

– déclarer l’arrêt commun et opposable à la société [15], à la CPAM de la Somme ;

– dire que la CPAM de la Somme devra faire l’avance des fonds ;

– en conséquence, infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

– le dire recevable en son action sur le fondement de l’article L. 431-2 précité ;

– juger que l’accident du travail dont il a été victime est dû à une faute inexcusable de l’employeur, la société [13] représentée par Maître [U] en qualité de mandataire ad hoc ;

– fixer, compte tenu de la gravité de la faute, au maximum la majoration de rente prévue par les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;

– ordonner avant dire droit une mesure d’expertise médicale à l’effet de procéder à son examen, d’examiner les documents médicaux produits, de décrire ses lésions, affections, traitements et soins, séquelles éventuelles imputables au fait dommageable, de fixer sa date de consolidation, déterminer et décrire le cas échéant son état antérieur, évaluer les préjudices subis, et notamment le cas échéant le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, les frais de logement adapté et de véhicule adapté, l’incidence professionnelle, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément ;

– lui allouer une provision de 20 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices ;

– réserver les dépens.

A l’appui de ses prétentions, M. [H] fait valoir que :

– alors qu’il découpait sur un établi en acier des pièces au moyen d’une tronçonneuse électrique portative, et qu’il portait les équipements de protection individuelle fournis par son employeur, il a subi une électrisation entraînant sa chute avec traumatisme crânien et le plongeant dans le coma ;

– le certificat médical initial établi le 18 juillet 2013 par le centre hospitalier de [Localité 19] fait état d’un malaise avec perte de connaissance dû à une décharge électrique, et d’une baisse de l’acuité auditive gauche ;

– la lecture des rapports du bureau [21] le 1er août 2013 et de l'[12] du 12 août 2013, bien qu’incomplets, enseigne que l’employeur n’a pas fait exécuter par lesdits organismes de contrôle les vérifications périodiques obligatoires de ses installations électriques, et n’a pas rempli son obligation de conformité de ses installations et matériels électriques ;

– les rapports des bureaux d’études ne démontrent pas que l’installation électrique de raccordement était équipée d’un disjoncteur 30 mA en état de fonctionnement, alors que la zone de travail, où s’affairait une dizaine d’ouvriers le 18 juillet 2013, était humide et encombrée de rallonges électriques ;

– la société [13] l’a exposé à un danger électrique qu’elle aurait manifestement pu éviter ; elle ne pouvait ignorer les risques causés par la manipulation de matériel électrique et a manqué à son égard à ses obligations de sécurité ;

– indépendamment des préjudices visés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime peut demander devant le tribunal judiciaire réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives et responsives n° 3 visées le 17 octobre 2024 par le greffe, soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société [15] demande à la cour de :

in limine litis,

– se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire de Nanterre, dans sa formation de droit commun, seul compétent pour connaître de la demande de condamnation formulée par la [20] à son encontre à la rembourser, en sa qualité d’assureur de la société [13], des conséquences financières liées à la reconnaissance éventuelle de l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur ;

– juger que l’arrêt à intervenir peut seulement lui être déclaré commun et opposable ;

– à titre surabondant, lui donner acte de ce qu’elle garantit uniquement son assurée dans les termes, conditions et limites stipulées par la police d’assurance, et que son intervention volontaire à la procédure est faite sous les plus expresses réserves de garantie ;

à titre principal,

– juger que les circonstances, dans lesquelles est survenu l’accident de travail dont a été victime M. [H], sont indéterminées ;

– confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de reconnaissance de l’existence d’une faute inexcusable ;

à titre subsidiaire,

– constater que M. [H] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une faute inexcusable imputable à l’employeur ;

– confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [H] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

encore plus subsidiairement, si la cour estime que l’accident dont a été victime M. [H] est dû à la faute inexcusable de l’employeur,

– renvoyer l’affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens qui sera chargé de statuer sur la liquidation de ses préjudices ;

– ordonner avant dire droit une expertise judiciaire portant sur les préjudices suivants :

le préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées avant consolidation ;

le préjudice esthétique permanent ;

le préjudice d’agrément ;

le préjudice esthétique temporaire ;

le déficit fonctionnel temporaire ;

le déficit fonctionnel permanent ;

les frais de logement et/ou de véhicule adapté ;

– condamner la CPAM de la Somme à faire l’avance des frais d’expertise ;

– ramener la demande de provision sollicitée par M. [H] à de plus justes proportions ;

– condamner la CPAM de la Somme à faire l’avance des fonds tant en ce qui concerne la majoration de la rente, le versement d’une provision, ainsi qu’en ce qui concerne l’indemnisation des préjudices énumérés dans la liste prévue par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et des préjudices éventuellement non couverts par ce même texte ;

– débouter en conséquence M. [H] de toute demande de condamnation qui serait formulée directement à l’encontre de l’employeur et a fortiori à l’encontre de son assureur ;

– juger en tout état de cause que la CPAM de la Somme ne pourra récupérer la majoration de la rente que sur la base du taux d’IPP de 20% qui a été initialement notifié aux parties.

A l’appui de ses prétentions, la société [15] fait valoir que :

– elle intervient volontairement à la procédure aux lieu et place de l’agence [14] [R] [O] qui n’a plus d’existence légale ;

– en application de l’article L. 142-1 du code de la sécurité sociale et L. 211-16 du code de l’organisation judicaire, la juridiction de la sécurité sociale ne connaît que des litiges qui lui sont spécialement réservés, de sorte qu’elle n’est pas matériellement compétente pour statuer sur la nature et l’étendue d’une garantie offerte par un assureur, et peut seulement déclarer commun et opposable à ce dernier l’arrêt à intervenir ;

– c’est au salarié qui sollicite la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur qu’il appartient de démontrer que celui-ci avait connaissance du danger encouru par son salarié et qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ;

– si M. [H] invoque une électrisation survenue en période de canicule dans une zone de travail encombrée et humide, alléguant d’un défaut de l’installation électrique à l’origine de coupures électriques régulières dans l’entreprise depuis son embauche, il reste qu’il lui appartient de rapporter la preuve des circonstances dans lesquelles est survenu l’accident du travail ;

– l’employeur expose, sans mentionner d’électrisation, que le salarié a été victime d’un malaise alors qu’il disquait des pièces en nylon, et qu’il est tombé au sol ;

– le témoin direct, M. [J], a précisé que l’atelier était sec et ventilé, et que l’accident était sans rapport avec une électrisation ;

– la victime portait ses équipements de protection individuels, notamment ses gants, et l’installation électrique n’a pas disjoncté le jour des faits ; ses lésions peuvent avoir été provoquées par un choc à la tête lors de la chute ;

– le caractère indéterminé des circonstances de l’accident s’oppose à la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ;

– contrairement aux allégations de M. [H], le rapport de l'[12] du 12 août 2013 mentionne la transmission des rapports de vérifications périodiques antérieures, et précise que les mesures d’isolement réalisées sont satisfaisantes, et le rapport du bureau [21] ne mentionne aucune défectuosité pour la sécurité et la protection des personnes ;

– la seule non-conformité que relève le rapport [21] porte sur la conception et la réalisation de l’éclairage de sécurité d’évacuation, lesquelles n’ont strictement aucun lien de causalité avec la survenance de l’accident du travail ;

– la liste des préjudices alloués en application des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne saurait priver la victime de la possibilité de demander à l’employeur devant la juridiction de la sécurité sociale réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; en conséquence, tous les préjudices couverts, même forfaitairement ou avec limitation ou sous conditions, par le livre IV du code de la sécurité sociale n’ouvrent droit à aucune action de la victime d’un accident du travail causé par une faute inexcusable de l’employeur, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 juin 2010 ayant validé le système d’indemnisation forfaitaire existant, et non posé un principe de réparation intégrale des préjudices ;

– la date de consolidation de M. [H] est définitivement fixée au 31 mars 2017 ;

– le préjudice professionnel, en ce compris les pertes de gains professionnels actuels, futurs, et l’incidence professionnelle, est un poste dont l’indemnisation est déjà couverte par le livre IV du code de la sécurité sociale, de sorte que M. [H] peut seulement demander réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, et non de l’incidence professionnelle, et qu’il n’y a pas lieu d’inclure un tel poste dans la mission d’expertise médicale ;

– les situations d’aggravation ou de rechute de l’état de santé de la victime sont couvertes par le livre IV précité, et n’ont pas à être incluses dans la mission d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions visées le 17 octobre 2024, soutenues oralement par sa représentante, la CPAM de la Somme, intimée, demande à la cour de :

– écarter l’exception d’incompétence soulevée par la société [15] ;

– se déclarer compétent pour se prononcer sur le principe de son action récursoire contre l’assureur de l’employeur, la société [15] ;

– dire et juger qu’elle s’en rapporte à la justice sur la demande de faute inexcusable dirigée contre la société [13] ;

– en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, dire et juger qu’elle s’en rapporte à la justice sur les demandes de la victime ;

– juger qu’elle bénéficie de son action récursoire à l’encontre de l’employeur représenté par Maître [U], mandataire ad hoc désigné par le tribunal de commerce de Compiègne, ou de toute personne qui pourrait lui être substituée, tel un assureur ;

– en conséquence, condamner l’employeur représenté par Maître [U], ou toute personne qui pourrait lui être substituée, tel un assureur, à la rembourser de toutes les sommes dont elle aura à faire l’avance sur le fondement des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

– dire et juger qu’elle dispose d’une action récursoire directe contre l’assureur de l’employeur pour les conséquences de la faute inexcusable, à savoir la société [15], en remboursement des sommes qu’elle aura à avancer à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ;

– à titre subsidiaire, dire et juger l’arrêt commun à la société [15].

A l’appui de ses prétentions, la CPAM de la Somme fait valoir que :

– salarié de la société [13] comme chargé d’affaires technico-commercial, M. [H] a été victime d’un accident du travail le 18 juillet 2013 ; alors qu’il effectuait des essais sur des pièces pour un client et découpait des brosses en nylon avec une meuleuse, M. [H], victime d’un malaise, est tombé ;

– en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, elle dispose, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, d’une action récursoire contre l’employeur pour récupérer toutes les sommes dont elle a fait l’avance, puis, subrogée dans les droits de la victime, d’une action directe contre l’assureur de l’employeur, sans même être tenue de se soumettre à la procédure de vérification des créances ;

– il résulte de la combinaison des articles L. 142-1 et L. 452-2 et suivants du code de la sécurité sociale que la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale est compétente pour se prononcer sur l’existence d’une faute inexcusable reprochée à l’employeur, sur le montant y afférent des indemnités et majorations, sur l’action récursoire de la caisse contre l’employeur, et sur le principe même de l’existence d’une action directe contre l’assureur, notamment lorsque l’employeur ne peut plus honorer sa créance par suite de l’ouverture de la procédure collective ;

– elle demande à la cour de se prononcer exclusivement sur le principe de son action directe contre l’assureur de l’employeur en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, et non d’apprécier les conditions ou l’étendue des garanties souscrites par l’employeur ;

– elle s’en rapporte sur la demande de majoration de rente formulée par M. [H], et précise qu’un recours est toujours pendant devant la Cour de cassation pour fixer le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ;

– la mission de l’expert ne peut pas porter sur les postes de préjudice dont l’indemnisation est couverte par le livre IV du code de la sécurité sociale, et notamment pas sur les frais funéraires, les dépenses de santé actuelles et futures, les pertes de gains professionnels actuels et futurs, l’incidence professionnelle, l’assistance par tierce personne après consolidation ;

– la demande de provision formulée par M. [H] doit être ramenée à de plus justes proportions ;

– la société [15] ne conteste pas être l’assureur de l’employeur pour les conséquences financières de sa faute inexcusable.

Maître [U] ès qualités, la société [11], et le cabinet [14] (M. [R] [O]) ne sont ni présents ni représentés à l’audience du 17 octobre 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 décembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, sauf en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de la société [15] en la personne des deux agences différentes attraites ;

Le réforme de ce seul chef ;

Prononçant à nouveau du chef réformé, et y ajoutant,

Déclare recevable l’intervention volontaire de la société [15] au lieu et place de l’agent général d’assurance, M. [R] [O], exerçant sous l’enseigne [14] assurances ;

Se déclare incompétente ratione materiae pour statuer sur l’action directe ouverte à la [17], subrogée dans les droits de la victime d’un accident du travail, contre l’assureur de l’employeur responsable du dommage ;

Déclare l’arrêt commun et opposable à la société [15] ;

Rejette les plus amples prétentions des parties ;

Condamne M. [C] [H] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon