Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Pas de journalisme pour les supports de presse publicitaire
→ RésuméSelon l’article L.7111-3 du code du travail, un journaliste professionnel est défini comme une personne dont l’activité principale est l’exercice de la profession dans des entreprises de presse. Si l’employeur n’est pas une entreprise de presse, la qualité de journaliste peut être reconnue si l’activité se déroule dans une publication ayant une indépendance éditoriale. Cependant, le simple fait d’avoir un numéro ISSN ne suffit pas à établir cette indépendance. Dans le cas présent, le magazine en question était principalement un support publicitaire, et l’appelante n’a pas démontré son statut de journaliste, ne bénéficiant donc pas de la présomption de salariat.
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Selon article L.7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Dans le cas où l’employeur n’est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale.
Le code ISSN international permet d’identifier les titres de publication en série mais n’est pas suffisant pour établir que la société est une entreprise de presse ou agence de presse.
L’article L.7112-1 du code du travail prévoit que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quel que soit le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la prévention par les parties.
Ni l’activité d’une société déclarée au Kbis (création et distribution de magazines, création et vente d’objets publicitaires, agence de communication et d’événementiel) ni l’attribution d’un numéro ISSN ne privent le juge de requalifier l’activité réelle de la société.
En l’occurrence, la société n’était ni une entreprise de presse, ni une agence de presse et il lui appartenait de démontrer qu’elle exerçait son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale. L’appelante ne développant aucun argumentaire particulier sur l’indépendance éditoriale et la seule lecture des trois volumes du magazine auquel elle a contribué ne permettait pas d’établir cette indépendance.
Si la teneur des volumes du magazine laisse apparaître des portraits d’entrepreneurs, commerçants, blogueurs, artistes et innovateurs niçois, il ressort des courriels communiqués que ce magazine était en réalité centré sur les annonceurs et avait pour objectif de mettre en avant leurs pensées, savoir-faire et leur image esthétisée. Par ailleurs, les articles étaient modifiés sur demande de l’annonceur.
La juridiction en a conclu que le magazine était avant tout un support publicitaire et les quelques interviews ne rentraient donc pas dans le cadre d’une activité principale de journaliste. En conséquence et malgré la mention sur les factures émises par cette dernière des rubriques de ‘rédaction en chef’ (briefing, définition de la ligne éditoriale, propositions, choix de l’équipe rédactionnelle et gestion des pigistes, veille au respect de la ligne éditorial, communication globale) et de ‘journalisme’ (écriture d’articles -portraits, interviews etc- réécriture, vérification de l’information), la salariée ne démontrait aucune indépendance éditoriale et ne relevait donc pas du statut de journaliste. Elle n’a donc pas bénéficier de la présomption de salariat.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT DU 31 MARS 2022
Rôle N° RG 18/16770 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHJ7
A Y
C/
H-C Z
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE MARSEILLE
SCP SCP X
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 13 Septembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00286.
APPELANTE
Madame A Y, demeurant […]
représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
et par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE,
INTIMES Monsieur H-C Z, demeurant 13 Boulevard Eugène GAUTHIER – ’Les Constellations’ – 06320 BEAULIEU-SUR-MER
représenté par Me Cyril BORGNAT, avocat au barreau de NICE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE MARSEILLE, demeurant […]
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
SCP X liquidateur judiciaire de la SARL AGENCE AT+, demeurant […]
représentée par Me Cyril BORGNAT, avocat au barreau de NICE
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Mme Y s’est déclarée en qualité d’auto-entrepreneur sous la rubrique professionnelle ‘rédacteur, édition, conseil éditorial, community management, rédacteur web’ en octobre 2015.
Se prévalant de l’existence d’un contrat de travail de rédactrice en chef du magazine Arty+ Trendy auprès de la société Agence AT+ dont M. Z était le gérant, Mme Y a, le 27 mars 2017 saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins d’obtenir le versement de dommages-intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche, un rappel de salaire au titre de la revalorisation de salaire, un rappel de prime de 13e mois pour les mois de décembre 2015 et de décembre 2016, une indemnité de congés payés sur les salaires versés sur la période du 1er octobre 2015 au 30 novembre 2016, une indemnité de travail dissimulé, et aux fins de voir condamner solidairement M. Z et la SCP X-F ès qualités à lui remettre l’ensemble des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir.
Par jugement du 7 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société Agence AT+ et a désigné la SCP X-F en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.
Par jugement du 3 septembre 2018, le conseil de prud’hommes de Nice a :
• constaté l’intervention forcée du CGEA délégation régionale AGS du sud-est et l’a dit bien fondée,
• dit et jugé que Mme Y ne remplit pas les conditions cumulatives pour obtenir le statut de journaliste professionnel,
• dit et jugé que la relation entre les deux parties était indépendante et qu’aucun contrat de travail n’a jamais existé entre elles,
en conséquence,
débouté Mme Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,• mis hors de cause M. Z à titre personnel,•
• condamné Mme Y à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SCP X-F, condamné Mme Y aux entiers dépens,•
• débouté les parties de tous leurs autres chefs de demandes tant principales que reconventionnelles.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 22 octobre 2018, Mme Y a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 9 octobre 2018 contre le dirigeant M. Z, la SCP X-F prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Agence AT+ en liquidation judiciaire, et contre le CGEA délégation régionale AGS du sud-est, aux fins de réformation et ou d’annulation des dispositions du jugement qui ont : dit et jugé que Mme Y novembre les conditions cumulatives pour obtenir le statut de journaliste professionnel, dit et jugé qu’il n’existe pas de l’insubordination entre Mme Y et la société Agence AT+, dit et jugé que la relation entre les deux parties était indépendante et qu’aucun contrat de travail n’a jamais existé entre elles, débouté Mme Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, mis hors de cause M. Z à titre personnel, condamné Mme Y à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SCP X-F, condamné Mme Y aux entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 10 mars 2020 Mme Y demande à la cour de :
• réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et plus particulièrement en ce qu’il a débouté de l’ensemble de ses prétentions et l’a condamnée en outre à supporter les frais irrépétibles de M. Z,
statuant à nouveau, vu l’article L. 7112 ‘ 1 du code du travail,•
• constater qu’elle a été embauchée le 1er octobre 2015 par M. Z et sa société au poste de rédactrice en chef, coefficient 185, catégorie B, moyennant un salaire mensuel brut de 2616,77 euros pour 2015 et 2676,95 euros pour 2016 ; condamner les requis solidairement aux sommes suivantes :• 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche,• 10’567 euros bruts au titre de la revalorisation de salaire,• 2616,77 euros au titre de la prime de 13e mois de décembre 2015,• 2676,95 euros au titre de la prime de 13e mois de décembre 2016,•
• 4259,0 7 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur les salaires versés sur la période du 1er octobre 2015 au 30 novembre 2016, 17’676,90 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,•
• condamner solidairement les requis à lui communiquer l’ensemble des documents sociaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, constater que la relation de travail a pris fin le 30 novembre 2016 à l’initiative de l’employeur,•
• condamner solidairement les requis à la somme de 2944,65 euros au titre de l’indemnité de préavis, constater que la rupture de contrat s’analyse en un licenciement,• constater que ce licenciement est dépourvu de cause réelle ni sérieuse,•
• condamner par conséquent l’employeur à la somme de 11’778,60 euros de dommages-intérêts au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, constater par ailleurs que le licenciement est brutal et abusif,•
• condamner M. Z à la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son message ordurier, injurieux et menaçant expédié le 6 février 2020 à 21h07 et à son attention,
• condamner en tout état de cause l’employeur aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de la SARL Lexavoué,
• condamner l’employeur à la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe de la cour le 19 avril 2019, M. Z et la SCP X-F en qualité de liquidateur de la société Agence AT+ demande à la cour de :
• confirmer le jugement rendu en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de M. Z, en ce qu’il a dit et jugé que Mme Y ne remplissait pas les conditions cumulatives obtenir le statut de journaliste professionnel, en ce qu’il a dit et jugé qu’il n’existait pas de lien de subordination entre Mme Y et la société Agence AT+, en ce qu’il a dit et jugé que la relation entre les deux parties était indépendante et qu’aucun contrat de travail n’avait jamais existé entraide, en ce qu’il a débouté Mme Y de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il a condamné Mme Y à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la SCP X-F,
y ajoutant,
• condamner Mme Y à payer à la SCP X-F en sa qualité de liquidateur de la société Agence AT+ ainsi qu’à M. Z la somme de 1500 euros chacun sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile condamner Mme Y aux entiers dépens.•
Selon ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 17 avril 2019, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Marseille, demanda la cour de :
confirmer le jugement rendu en ce qu’il a dit et jugé que Mme Y ne justifie d’aucun lien• de subordination, débouté Mme Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire si la cour requalifiait la relation en contrat de travail à durée indéterminée :
• débouter Mme Y de ses demandes au titre de 13e mois et limiter la demande à la somme de 318,21 euros, débouter Mme Y de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,•
• lui donner acte qu’il s’en rapporte à justice concernant la demande au titre de la revalorisation de salaire, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
vu l’article L. 1235 ‘ 5 du code du travail,
• débouter Mme Y de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse en l’absence de pièces justifiant du préjudice subi et réduitre l’indemnité réclamée à de plus justes proportions,
• débouter l’appelant de sa demande au titre de l’indemnité pour licenciement abusif et vexatoire et de sa demande au titre de l’indemnité pour absence de visite médicale d’embauche,
en tout état de cause,
• dire et juger que la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’entre pas dans le cas de la garantie du CGEA,
• dire et juger qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances,
• dire que l’obligation de l’Ags-cgea de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
• dire que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de sa garantie et qu’il ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-18, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.•
La clôture des débats a été ordonnée le 22 février 2021. L’affaire a fait l’objet d’un arrêt de réouverture des débats le 2 décembre 2021 sans révocation de clôture et a été renvoyée à l’audience du 10 janvier 2022 à laquelle elle a été évoquée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour constate qu’il existe une erreur matérielle au jugement en pages 1 et 4 en ce qu’il a dénommé en qualité de défendeur ‘Monsieur G H C’ au lieu de ‘M. Z H C’. Ainsi en lieu et place de la mention ‘Monsieur G H C’ en pages 1 et 4 du jugement sera substituée la mention ‘M. Z H C’.
Sur la requalification de la relation contractuelle et l’existence d’un contrat de travail
Malgré l’emploi du terme ‘constater’ qui ne relève pas d’une prétention, la cour considère que la mention au dispositif : ‘constater qu’elle a été embauchée le 1er octobre 2015 par M. Z et sa société au poste de rédactrice en chef, coefficient 185, catégorie B, moyennant un salaire mensuel brut de 2616,77 euros pour 2015 et 2676,95 euros pour 2016″ s’analyse en une demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail et de requalification de la relation contractuelle de prestataire de service en auto-entrepreneur en contrat de travail.
L’appelante fait grief au jugement de la débouter de sa demande de reconnaissance de contrat de travail en faisant valoir qu’elle bénéficie du statut de journaliste. Elle expose ainsi que diplômée d’un master en journalisme, elle a eu sa carte en 2007, que se retrouvant sans emploi au début de l’été 2015, M. Z lui a proposé le poste de rédactrice en chef du magazine ‘Arty+Trendy’ édité par la société Agence AT+ qu’il venait d’immatriculer mais qu’il lui a demandé d’adopter le statut d’auto-entrepreneur, débutant ainsi ses nouvelles fonctions en octobre 2016 et les exerçant jusqu’au 30 novembre 2016, lorsque le gérant a rompu la relation de travail. Elle soutient que par sa qualité de rédactrice en chef du magazine, elle avait le statut de journaliste, contestant le caractère de simple support publicitaire sans lien avec le journalisme, du magazine, avançant ainsi d’une part que les articles payés par les annonceurs ne constituaient qu’une partie restreinte de son travail, d’autre part que le magazine bénéficiait d’un numéro d’identifiant international des publications en série (ISSN) au contraire du simple support publicitaire, enfin qu’il s’agissait d’un magazine artistique, culturel, photographique, touristique qui disposait d’interviews, d’une rubrique ‘agenda’ et ‘news’ ‘et qu’il ‘suffit de le feuilleter pour s’en convaincre’.
Elle soutient par ailleurs rapporter la preuve de ce qu’elle avait ces fonctions de rédactrice en chef, que personne ne disposait de bureau, pas même la commerciale et que les échanges de mails avec M. Z démontrent qu’elle exerçait ses fonctions sous le contrôle et la direction de ce dernier, qu’elle a travaillé exclusivement avec M. Z et la société.
Le mandataire liquidateur et l’ex-gérant de la société in personam qui concluent à la confirmation du jugement, contestent tout contrat de travail, faisant valoir :
– d’une part que l’appelante ne rapporte pas la preuve de sa qualité de journaliste pour pouvoir bénéficier de la présomption de contrat de travail, en ce que la fonction de ‘rédacteur web’ qu’elle a déclaré comme auto-entrepreneur n’est pas assimilable à la fonction de journaliste professionnel ; que les tâches qu’elle a effectuées relèvent du ‘community management’ et du ‘consulting’ aux termes de ses factures, de l’activité de prospection de clients, de relationnel et de gestion publicitaire, de la profession d’intermédiaire, qu’elle effectuait à titre principal;
– d’autre part qu’elle ne rapporte pas la preuve des éléments caractéristiques du contrat de travail,
– enfin que l’absence de suivi des numéros de facture démontre qu’en sa qualité d’auto-entrepreneur, elle collaborait avec d’autres personnels, que les échanges de mail établissent qu’elle n’a jamais eu l’obligation de suivre les directives de la société pour l’exécution des prestations, son ton était d’ailleurs exclusif de tout lien de subordination ;
– enfin que la société qui avait pour activité la création et la distribution de magazines, création et vente d’objets publicitaires, agence de communication et d’événementiel, distribuait un magazine gratuit n’ayant pas vocation à informer de manière générale mais de faire connaître des événements de marques ou de commerces, qu’il s’agit de la communication sur le produit objet de la publicité, l’article étant vérifié et corrigé par l’annonceur et que le rédactionnel n’avait qu’une seule vocation : la mise en valeur du produit publicitaire.
L’AGS qui conclut également à la confirmation du jugement soutient que l’appelante ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail, en ce qu’elle ne justifie pas avoir reçu des ordres et des directives de la part de la société et ainsi avoir été soumise à un lien de subordination, qu’elle ne justifie pas avoir travaillé exclusivement pour la société et qu’elle n’était soumise à aucun horaire de travail, ne disposait pas du matériel de la société pour travailler, qu’elle était totalement indépendante pour organiser son activité.
-a- sur le bénéfice du statut de journaliste
Selon article L.7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Dans le cas où l’employeur n’est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue si la personne exerce son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale.
Le code ISSN international permet d’identifier les titres de publication en série mais n’est pas suffisant pour établir que la société est une entreprise de presse ou agence de presse.
L’article L.7112-1 du code du travail prévoit que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quel que soit le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la prévention par les parties.
L’activité de la société déclarée au Kbis est celle de création et distribution de magazines, création et vente d’objets publicitaires, agence de communication et d’événementiel. La société a obtenu un numéro ISSN à compter de la publication du volume 3 du magazine ARTY+TRENDY au troisième trimestre 2016, de l’ordre de trois à quatre mois avant la rupture de la relation contractuelle. Par ailleurs, le magazine n’est aucunement référencé dans le classement de presse gratuite d’information 2016. Aussi, la société n’est ni une entreprise de presse, ni une agence de presse et il appartient alors à l’appelante de démontrer qu’elle exerçait son activité dans une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale.
L’appelante ne développe aucun argumentaire particulier sur l’indépendance éditoriale et la seule lecture des trois volumes du magazine auquel elle a contribué ne permet pas d’établir cette indépendance.
En effet, si la teneur des volumes du magazine laisse apparaître des portraits d’entrepreneurs, commerçants, blogueurs, artistes et innovateurs niçois, il ressort des courriels communiqués par l’appelante (notamment celui du 20 octobre 2015) que ce magazine est en réalité centré sur les annonceurs et a pour objectif de mettre en avant leurs pensées, savoir-faire et leur image esthétisée. D’ailleurs, les articles étaient modifiés sur demande de l’annonceur (comme il ressort du SMS du 10 décembre 2015 : ‘A, Peux tu appeler mon pote C D de l’aéroport c’est lui qui me demande les modifications fait ce qu’il demande stp car il paye 2000 euros je te remercie)’. Ce magazine est avant tout un support publicitaire et les quelques interviews effectuées (un dans chacun des trois volumes réalisés sous égide de l’appelante) ne rentrent donc pas dans le cadre d’une activité principale de journaliste. En conséquence et malgré la mention sur les factures émises par cette dernière des rubriques de ‘rédaction en chef’ (briefing, définition de la ligne éditoriale, propositions, choix de l’équipe rédactionnelle et gestion des pigistes, veille au respect de la ligne éditorial, communication globale) et de ‘journalisme’ (écriture d’articles -portraits, interviews etc- réécriture, vérification de l’information), l’appelante ne démontre aucune indépendance éditoriale et ne relève pas du statut de journaliste.
Elle ne saurait en conséquence bénéficier de la présomption de salariat.
-b- Sur la preuve du contrat de travail
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. L’existence de la relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination, le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.
En cas de litige, le juge ne s’attache pas à la dénomination du contrat mais à la situation de fait.
C’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence.
En l’occurrence, l’appelante rendait compte de sa prestation auprès de M. Z. Néanmoins la teneur des messages sms échangés entre les deux parties manifestent la nécessaire collaboration devant exister entre un donneur d’ordre et le prestataire. En outre, ils révèlent les exigences de l’appelante portant notamment sur la prise en compte de ses indisponibilités, sans explication de celles-ci, sur sa volonté d’être présente à certains rendez-vous, sur l’obtention d’informations, en contradiction avec l’existence d’un lien de subordination, étant précisé qu’il est constant qu’elle travaillait avec son propre matériel et qu’elle ne disposait pas de bureau au sein de l’entreprise, seul le gérant en disposant d’un. Ainsi et même si elle a exclusivement exercé son activité au bénéfice de la société comme il ressort de ses déclarations trimestrielles de recette d’auto-entrepreneur mises en regard des factures émises auprès de la société, l’appelante échoue à démontrer l’existence d’un lien de subordination avec la société ni même avec M. Z in personam. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail et de ses demandes subséquentes (salaires, primes, dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche, indemnité de travail dissimulé, dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, pour licenciement vexatoire et indemnités de rupture, remises des documents de fin de contrat sous astreinte).
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme Y de ses demandes tant contre la société que contre M. Z in personam, puisqu’il est toujours intervenu en qualité de dirigeant de la société.
Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre M. Z
La demande de dommages et intérêts dirigée contre M. Z en réparation du préjudice résultant du message ordurier, injurieux et menaçant que ce dernier lui aurait expédié le 6 février 2020 à 21h07 n’est ni l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes présentées en première instance. Les faits reprochés ne sont par ailleurs aucunement justifiés par les pièces produites aux débats, aucune des pièces figurant dans le bordereau de communication de pièces ne faisant référence à ce message du 6 février 2020. L’appelante sera en conséquence déboutée de sa demande. Il sera ajouté au jugement à ce titre.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’appelante succombant sera condamnée aux entiers dépens de l’appel et sera déboutée en conséquence de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire bénéficier la SCP X-F ès qualités de ces mêmes dispositions et de condamner Mme Y à lui verser une indemnité complémentaire de 500 euros à ce titre.
L’équité commande de faire bénéficier M. Z des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme Y à lui verser une indemnité de 500 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Rectifiant l’erreur matérielle figurant au jugement en pages 1 et 4 en ce qu’il a dénommé en qualité de défendeur ‘Monsieur G H C’ au lieu de ‘M. Z H C’;
Dit qu’en lieu et place de la mention ‘Monsieur G H C’ en pages 1 et 4 du jugement sera substituée la mention ‘M. Z H C’ ;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne Mme Y à verser une indemnité complémentaire de 500 euros à la SCP X-F ès qualité de mandataire liquidateur de la société Agence AT+ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Y à verser à M. Z une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme Y de sa demande tendant à condamner M. Z à la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son message ordurier, injurieux et menaçant expédié le 6 février 2020 à 21h07 ;
Déboute Mme Y de ses demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Y aux entiers dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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