Cour d’appel d’Aix-en-Provence-en-provence, 19 juin 2018
Cour d’appel d’Aix-en-Provence-en-provence, 19 juin 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : La parodie syndicale exclut l’injure

Résumé

La parodie est reconnue comme un élément de la liberté d’expression syndicale. Un syndicaliste, initialement condamné pour injures dans un tract de la CFDT, a été relaxé. Le tribunal a jugé que les termes utilisés, bien que vifs, ne constituaient pas des injures, mais plutôt une critique humoristique dans le cadre d’une polémique syndicale. Le tract, qui caricaturait des cadres, était perçu comme une boutade, intégrant des références culturelles accessibles. Ainsi, la liberté d’expression syndicale doit être préservée, même si elle implique des critiques acerbes, tant qu’elles ne franchissent pas la ligne de l’injure.

Relaxe d’un syndicaliste

La parodie entre également dans le périmètre de la liberté d’expression syndicale. Un syndicaliste condamné en première instance pour injures contenues dans un bulletin d’information / tract de la CFDT, a été relaxé.

Injure publique

Le tract litigieux intitulé « le rêve de la direction » était le compte rendu d’un comité d’établissement ou étaient caricaturés plusieurs cadres délégués syndicaux présentés comme des « toutous »  / « Henri le soumis dit cadre décoratif et le toutou qu’on place partout ». En page intérieure, le salarié était représenté par un Dalton avec la mention « je suis ingénu ou ingénieur ».  Le tribunal avait retenu à tort que si une certaine vivacité de ton est admise dans le cadre de polémiques syndicales, l’individualisation du propos constitue une attaque à la personne de celui à laquelle il s’adresse ; les termes ‘toutou, ‘soumis’, ‘cadre décoratif’, ‘ingénu’, qui exprimaient le mépris n’étaient pas compatibles avec le cadre de telles polémiques et ont été qualifiés d’injures.

Régularité de forme de l’assignation

La responsabilité du syndicaliste a été recherchée à titre personnel ; l’action n’a pas été  considérée comme ayant été diligentée contre le syndicat, personne morale ; en matière de tracts, il n’existe pas de directeur de publication, il s’ensuit que l’auteur du tract pouvait être poursuivi sous l’un des autres titres prévus par l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, notamment à titre d’éditeur, ou d’auteur.

Sur la forme de l’assignation, les juges d’appel ont rappelé que si les dispositions du code de procédure pénale exigeant une signification à personne ont pour objectif d’assurer la remise de l’exploit à la personne de son destinataire, elles n’excluent cependant pas une signification sur le lieu de travail dès lors qu’elle est faite à personne. Il en est d’autant plus ainsi en matière d’injures et de diffamation où la citation fait courir un délai de 10 jours pour justifier de la vérité du fait et qu’une délivrance dans d’autres conditions porte atteinte aux droits de la défense.

Sur le caractère injurieux des propos, en vertu du principe de liberté d’expression syndicale qui est la règle dans une société démocratique, le caractère polémique des écrits rédigés dans le cadre de l’expression syndicale ainsi que la critique de positions prises dans ce même contexte doivent être admis. Pour autant, l’article L 2142 -5 du code du travail soumet le principe de la liberté d’expression ainsi entendue à la réserve des infractions de presse prévue par la loi du 29 juillet 1881 (« le contenu des affiches, publications et tracts est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse »).

L’injure se définit comme toute expression outrageante, terme de mépris ou invectives qui ne renferment l’imputation d’aucun fait. La vivacité de ces propos a été appréciée dans le cadre de la polémique syndicale, de surcroît dans un contexte d’élections. La délivrance du message de fond, certes critique de la soumission ou docilité de certains syndicats, n’excédait pas, dans ce contexte, les limites de la liberté des propos que l’on peut tenir compte tenu de l’existence de rivalités entre divers syndicats. En outre, la polémique consistant essentiellement dans une référence à une bande dessinée bien connue, notamment d’un public d’enfants, et à un jeu de mots avec l’emploi des termes ingénu/ ingénieur donne plutôt à cette critique le ton d’une boutade à visée humoristique. Dans ces circonstances, le caractère injurieux des propos n’a pas été retenu.

Télécharger la décision

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon