Cour d’appel d’Aix-en-provence, 3 Février 2022
Cour d’appel d’Aix-en-provence, 3 Février 2022

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Parasitisme publicitaire et procédure collective 

Résumé

Dans le cadre de la procédure collective, la créance de la société Europavage, résultant d’actes de concurrence déloyale, ne peut être considérée comme née pour le bon déroulement de la procédure. En effet, bien que des actes aient pu perdurer après le jugement d’ouverture, la majorité des faits reprochés remontent à 2016, soit avant ce jugement. Ainsi, cette créance est soumise aux articles L.622-21 et L.622-22 du code de commerce, et l’instance est interrompue par le jugement d’ouverture. Les parties doivent justifier de leurs initiatives pour reprendre l’instance avant le 30 juin 2022, sous peine de radiation.

Le fait générateur de la concurrence déloyale s’apprécie au moment où cessent les actes délictuels.

Concurrence déloyale postérieure au jugement d’ouverture

Au cas particulier, à supposer même que des actes de concurrence déloyale aient perduré postérieurement au jugement d’ouverture, par le détournement de clientèle résultant de l’utilisation par la société VMP du mot clef «’europavage’» sur internet, la créance indemnitaire née de la réparation du préjudice éventuellement subie ne peut être considérée comme née pour les besoins du bon déroulement de la procédure collective, étant observé en outre que la majeure partie des faits reprochés débute en 2016, soit bien antérieurement au jugement d’ouverture.

Créance de la société Europavage

En conséquence, la créance de la société Europavage doit être considérée comme une créance soumise aux dispositions des articles L.622-21 et L.622-22 du code de commerce et n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.622-17 I du même code, de sorte que l’instance est considérée comme interrompue par le jugement d’ouverture de la procédure collective.

Principe de la suspension des poursuites

Pour rappel, en application des articles L.622-21 et 622-22 du code de commerce le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Les instances sont reprises dès lors que le mandataire judiciaire, le cas échéant l’administrateur, ou le commissaire à l’exécution du plan ont été dûment appelés à la procédure et que la créance a été déclarée.

Sont admises, postérieurement au jugement d’ouverture, les seules créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture «’pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période’» conformément à l’article L.622-17 du code de commerce.   

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel d’Aix-en-provence

Chambre 3-1

ARRÊT DU 03 FEVRIER 2022

N° 2022/41

N° RG 17/19348 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBMHW

SARL EUROPAVAGE

C/

SARL VMP

A X

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 09 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016002479.

APPELANTE

SARL EUROPAVAGE, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Christian Y, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL VMP, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Philip C WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PARTIE INTERVENANTE

Maître A X, demeurant […], en sa qualité de liquidateur de la SARL VMP

assigné en intervention forcée le 13/03/2020, par acte délivré à personne habilitée

défaillant *-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

EXPOSE DU LITIGE

La société Europavage (SARL), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Cannes le 26 juillet 2011, exerce une activité de travaux de revêtement de sols, de murs et de pose de pavés dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Pour ce faire, elle est titulaire de la marque française «’Europavage’» déposée le 27 octobre 2015 et est propriétaire du nom de domaine www.europavage.com.

La société Europavage (SARL) fait valoir qu’en 2016 elle a découvert que la société VMP (SARL), son concurrent direct, exploitait sur son site internet et dans le cadre de son activité le signe Europavage.

Reprochant à la société VMP (SARL) des faits de concurrence déloyale et de parasitisme, la société Europavage (SARL) a mis en demeure la société VMP (SARL) de cesser ses agissements le 11 mars 2016 et a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de Fréjus par acte du 11 avril 2016 afin d’obtenir à titre principal sa condamnation au paiement de la somme de 341.633 euros à titre de dommages-intérêts outre sa condamnation sous astreinte à cesser ses agissements, et subsidiairement obtenir la désignation d’un expert.

Par jugement du 9 octobre 2017 le tribunal de commerce de Fréjus a’:

– débouté la société Europavage (SARL) de sa demande présentée in limine litis et s’est déclaré compétent,

– rejeté les prétentions, fins et conclusions de la société Europavage (SARL),

– condamné la société Europavage (SARL) à payer à la société VMP (SARL) la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– condamné la société Europavage (SARL) à payer à la société VMP (SARL) la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens

Par déclaration en date du 25 octobre 2017 la société Europavage a interjeté appel du jugement.

La société Europavage a conclu le 26 mars 2018 et la société VMP le 5 février 2018.

Par jugement du tribunal de commerce de Fréjus, la société VMP a été placée en redressement judiciaire le 4 juin 2018 puis en liquidation judiciaire par second jugement du 14 novembre 2018.

Maître X, mandataire liquidateur de la société VMP, assigné par acte du 13 mars 2020, n’a pas constitué avocat.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 30 août 2021 et a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 13 septembre 2021.

A cette date, l’affaire a été retenue et mise en délibéré au’28 octobre 2021.

Par premier arrêt en date du 28 octobre 2021, auquel il convient de renvoyer, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats et a invité Maître C à préciser s’il était constitué aux intérêts de Maître X, liquidateur de la société VMP (SARL) et s’il entendait reprendre l’instance à son compte, et a invité Maître Y, conseil de la société Europavage, à communiquer la copie de la déclaration de créance faite à la procédure collective ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l’article L.624-1 code de commerce (article R.622.20).

Par conclusions enregistrées le 26 mars 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Europavage (SARL) fait valoir sur le fond que’:

-la société VMP (SARL) a utilisé le terme «’europavage’» pour se faire de la publicité et profiter de la renommé de la société Europavage (SARL), semant la confusion dans l’esprit de la clientèle et profitant des investissements, du travail et des efforts effectués par la société Europavage (SARL)

– la concurrence déloyale est établie au regard de la faute commise par la société VMP (SARL), du lien de causalité et du préjudice subi,

– l’association de la marque «’Europavage’» avec le nom de domaine «’vmppavage’» constitue une pratique commerciale trompeuse, créant une confusion à l’égard du consommateur au visa de l’article L.121-1 du code de la consommation,

– la société VMP (SARL) a faussement indiqué avoir 15 ans de métier alors qu’elle n’est enregistrées au RCS que depuis le 14 décembre 2012, soit depuis trois ans’; cette allégation n’ayant pour autre but que de tromper le client quant aux aptitudes et qualités qu’elle possède en tant que professionnel,

– la société VMP (SARL) a mis en place un déclenchement par mot-clé de sorte que lorsque le mot-clé «’europavage’» est tapé, l’annonce publicitaire de la société VMP (SARL) apparaît’; que ce mot-clef ne peut être qu’intentionnel et obéit à une campagne de ciblage de la clientèle de la société Europavage (SARL),

– le constat d’huissier établi par Maître Z ne saurait être annulé au seul motif qu’il ne respecte pas la norme Afnor dès lors qu’elle n’a aucun caractère obligatoire, et que les démarches préalables ont été décrites par l’huissier,

– depuis la création en 2013 de son site www.vmppavage.com la société Europavage (SARL) a connu une baisse de sa production tandis que la société VMP (SARL) connaissait une progression fulgurante’; son préjudice s’évalue à la somme de 341.633 euros au titre de la perte financière sur les deux dernières années,

Ainsi, la société Europavage (SARL) demande à la cour, au visa des articles 1240 du code civil, L.120-1et L.121-1 du code de la consommation, de’:

A titre principal,

– réformer le jugement en date du 9 octobre 2017 dans toutes ses dispositions,

– rejeter les prétentions, fins et conclusions de la société VMP (SARL) tendant à voir juger la nullité du constat d’huissier de Me Z,

– juger que la société VMP (SARL) s’est rendue responsable d’actions relevant de la concurrence déloyale et du parasitisme à l’encontre de la société Europavage (SARL),

– condamner la société VMP (SARL) à payer à la société Europavage (SARL) la somme de 341.633 euros à titre de dommages-intérêts,

– condamner la société VMP (SARL) au paiement de la somme de 2.500 euros au titre du préjudice moral subi par la société Europavage (SARL),

– condamner la société VMP (SARL) sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir, à cesser toutes actions de concurrence déloyale et de parasitisme économique au détriment de la société Europavage (SARL),

– condamner la société VMP (SARL) à la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

A titre infiniment subsidiaire,

– désigner tel expert-comptable qu’il plaira à la cour avec pour mission de déterminer l’étendue du préjudice économique subi par la société Europavage (SARL) au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme économique’:

– se faire remettre tout document utile à la réalisation de sa mission

– entendre les parties

– procéder à l’évaluation de l’ensemble des préjudices

– condamner la société VMP (SARL) aux entiers dépens

L’affaire a été retenue à l’audience du 13 décembre 2021 et mise en délibéré au 3 février 2022.

MOTIFS

En application des articles L.622-21 et 622-22 du code de commerce le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L.622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Les instances sont reprises dès lors que le mandataire judiciaire, le cas échéant l’administrateur, ou le commissaire à l’exécution du plan ont été dûment appelés à la procédure et que la créance a été déclarée.

En l’espèce, par jugement du tribunal de commerce de Fréjus, la société VMP a été placée en redressement judiciaire le 4 juin 2018 puis en liquidation judiciaire par second jugement du 14 novembre 2018.

Maître X, liquidateur judiciaire, n’a pas constitué avocat, de sorte que la procédure a été interrompue par le jugement d’ouverture mais n’a pas été reprise par le mandataire judiciaire, étant précisé que ni Maître C ni Maître X n’ont justifié avoir régularisé la procédure.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les mérites des conclusions prises par la société VMP antérieurement à l’interruption de l’instance dès lors que celle-ci n’est plus valablement représentée à l’audience.

Par ailleurs, la société Europavage n’a pas justifié avoir déclaré sa créance à la procédure collective de la société VMP, et produit aux débats un jugement du tribunal de commerce de Rodez aux termes duquel le fait générateur de la concurrence déloyale s’apprécie au moment où cessent les actes délictuels.

A cet égard il convient de rappeler que sont admises, postérieurement au jugement d’ouverture, les seules créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture «’pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période’» conformément à l’article L.622-17 du code de commerce susvisé.

Au cas particulier, il convient de relever qu’à supposer même que des actes de concurrence déloyale aient perduré postérieurement au jugement d’ouverture rendu le 4 juin 2018 par le détournement de clientèle résultant de l’utilisation par la société VMP du mot clef «’europavage’» sur internet, la créance indemnitaire née de la réparation du préjudice éventuellement subie ne peut être considérée comme née pour les besoins du bon déroulement de la procédure collective, étant observé en outre que la majeure partie des faits reprochés débute en 2016, soit bien antérieurement au jugement d’ouverture.

En conséquence, la créance de la société Europavage doit être considérée comme une créance soumise aux dispositions des articles L.622-21 et L.622-22 du code de commerce et n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.622-17 I du même code, de sorte que l’instance est considérée comme interrompue par le jugement d’ouverture de la procédure collective.

En l’absence de régularisation par les parties, dans les termes de l’arrêt de réouverture des débats, il y a donc lieu de juger que les conditions de reprise de l’instance ne sont pas réunies.

Conformément, aux dispositions de l’article 376 du code de procédure civile l’interruption de l’instance ne dessaisit pas le juge et il y a lieu d’inviter les parties à faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance au plus tard le 30 juin 2022 et de dire qu’à défaut, l’affaire sera radiée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que les parties n’ont pas justifié des éléments permettant une reprise de l’instance suite aux jugements de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire pris à l’égard de la société VMP, intimée,

Dit l’instance interrompue et invite les parties à faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance au plus tard le 30 juin 2022,

Dit qu’à défaut, l’affaire sera radiée.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

 


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