Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Sonorités des carillons : la prise du droit d’auteur
→ RésuméLes carillons, bien que considérés comme des instruments de musique, ne bénéficient pas d’une protection par le droit d’auteur. Les juges ont rejeté la revendication d’un fondeur de cloches, arguant que la sonorité d’un carillon varie d’une entreprise à l’autre et que l’harmonisation des cloches ne suffit pas à démontrer l’empreinte personnelle du fondeur. La singularité d’un carillon réside dans le son des cloches, chacune ayant sa propre identité harmonique. Ainsi, l’ajout de nouvelles cloches, loin d’altérer l’ensemble, vise à enrichir la gamme sonore tout en respectant l’intégrité de l’ouvrage.
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[well type= » »][icon type= »fa fa-cube » color= »#dd3333″] Réflexe juridique
Les carillons n’ont pas les faveurs du droit d’auteur. Les juges ont rejeté l’action en revendication de droits d’auteur d‘un fondeur de cloches sur la sonorité particulière donnée à son carillon. [/well]
Savoir-faire des fondeurs
Un carillon est une série de cloches permettant l’exécution de mélodies ; ces cloches accordées à des fréquences différentes émettent chacune un son alors que leurs battants sont actionnés au moyen d’un clavier manuel ou automatisé via un système pneumatique.
Le prestataire a fait valoir en vain que chaque fondeur imprimait à ses cloches une sonorité particulière, la sonorité d’un carillon variant d’une entreprise à l’autre, et la qualité de la sonorité de l’instrument accordé par une société donnée s’en trouvant inévitablement modifiée en raison des changements opérés par une autre.
Le prestataire expliquait qu’un carillon est un instrument de musique, composé de cloches en bronze accordées et jouées au moyen d’un clavier à bâton ; seuls les carillons d’au moins 23 cloches sont pris en considération, les instruments construits avant 1940 et comportant 15 à 22 cloches, pouvant être considérés comme ‘carillon historique’.
Affaire Commune de Villefranche de Rouergue
Au coeur de la Commune de Villefranche de Rouergue, la place Notre-Dame constitue un symbole du patrimoine historique qui a été rénovée en 2013, est dominée par la Collégiale Notre-Dame, dans laquelle est installé un carillon composé de plusieurs cloches d’époques différentes. Les cloches les plus anciennes de ce carillon datent de 1819 : il s’agit de 7 cloches fondues en 1818 et installées en 1819. En 1936, une société a installé 18 cloches supplémentaires et en 1939, la commune de Villefranche de Rouergue a décidé d’ajouter 6 cloches. En 1971, une nouvelle cloche, un bourdon, a également été ajoutée à ce carillon (au total 32 cloches, couvrant ainsi un peu moins de trois octaves).
En 2014, la commune de Villefranche de Rouergue a lancé, à la suite d’une première procédure déclarée infructueuse, une consultation pour l’attribution du marché public de travaux portant sur la restauration du carillon de la collégiale Notre-Dame de Villefranche de Rouergue, en application des dispositions de l’article 28-I du Code des marchés publics. La consultation comprenait la fourniture et la pose de 16 cloches additionnelles, Do5, La#5, Si5, Do6 et suite chromatique de Do#6 à Do7 à têtes plates, la fourniture et la pose d’un clavier manuel et l’automatisation en mode pneumatique, ainsi qu’une option tenant à la fourniture et pose d’une cloche Ré#3. La société a soumissionné à ce marché, cependant, son offre n’a pas été retenue et ce marché a été attribué à un concurrent qui avait présenté l’offre économiquement la plus avantageuse.
Action en contrefaçon recevable
La société qui avait exécuté l’ensemble des cloches composant le carillon avant les travaux litigieux, en y intégrant les 7 cloches préexistantes était bien l’auteur de l’ouvrage qui a été divulgué sous son nom, sans que quiconque en revendique la paternité, de sorte que c’est à bon droit qu’elle se prévalait de sa qualité d’auteur (droits patrimoniaux). Son action en contrefaçon était donc recevable.
Conditions de la protection du droit d’auteur
Concernant la protection du carillon par le droit d’auteur, si la société pouvait se prévaloir d’une signature acoustique pour les cloches qui sont fondues par elle, leur donnant un son chaud reconnu par les carillonneurs chevronnés, comme elle en justifie, par les choix opérés par le fondeur pour la création de la cloche, en fonction du comportement vibratoire recherché, dans un alliage donné, d’une forme particulière, et que le fondeur manifeste ainsi sa créativité, en revanche, la simple harmonisation entre elles résultant de la mise en oeuvre d’un savoir-faire, d’une compétence professionnelle, n’est pas de nature, à elle seule, de manifester l’empreinte de la personnalité du fondeur. En effet, dès lors que, dès l’origine, la sonorité du carillon présente un caractère évolutif à l’effet d’en augmenter la tessiture et par suite le répertoire musical qui lui est accessible, c’est le son des cloches qui donne la singularité de l’ensemble campanaire.
Le travail d’harmonie procède de la sonorité de la cloche et le travail fondamental qui imprime la personnalité de l’auteur s’exprime dans la facture de la sonorité de la cloche, et non dans l’ensemble des cloches, chacune conservant une identité harmonique qui lui est propre et qui constitue en soi, une entité indépendante.
Intégrité de l’ouvrage
Il n’était pas non plus démontré que l’adjonction des 16 cloches au carillon qui complétait la gamme des sons, altérait le timbre et la sonorité des cloches déjà installées. La Commune justifiait même s’être adjointe, dans le cadre de l’élaboration de son projet, le conseil de sachants permettant d’éviter toute altération, le cahier des charges du marché prévoyant expressément que la couleur sonore devait être parfaitement harmonisée aux cloches existantes, après étude des cloches existantes, ces transformations s’insérant dans un projet d’intérêt général de la mise en valeur d’un lieu au caractère hautement historique.
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