Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 26 septembre 2024, RG n° 24/01812
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 26 septembre 2024, RG n° 24/01812

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Résumé

En 2012, la société Agri 3D a connu un changement de gérance avec la nomination de M. [L] [K] en tant que conseiller commercial. Cependant, le 6 mai 2023, il a déclaré la cessation des paiements, entraînant une liquidation judiciaire. Suite à un licenciement pour motif économique, M. [L] [K] a contesté son statut de salarié, saisissant le conseil de prud’hommes. Le 29 janvier 2024, ce dernier s’est déclaré incompétent, renvoyant l’affaire au tribunal de commerce. En appel, la cour a infirmé le jugement, rejetant la reconnaissance d’un contrat de travail et condamnant M. [L] [K] à des frais.

La société Agri 3D, spécialisée dans le négoce de matériel agricole, a connu un changement de gérance en 2012 lorsque Mme [C] [K] a démissionné, laissant son père, M. [L] [K], prendre la direction. Un contrat de travail a été établi entre M. [L] [K] et la société pour un poste de conseil commercial à temps partiel à partir du 14 juin 2021. Le 6 mai 2023, M. [L] [K] a déclaré la cessation des paiements de la société et a demandé l’ouverture d’une liquidation judiciaire, qui a été prononcée le 30 mai 2023.

Suite à cela, M. [L] [K] a été convoqué pour un entretien préalable à son licenciement pour motif économique, et a reçu une notification de licenciement le 13 juin 2023. Le 3 juillet 2023, la qualité de salarié de M. [L] [K] a été contestée par le liquidateur judiciaire. En réponse, M. [L] [K] a saisi le conseil de prud’hommes d’Arles pour faire reconnaître son statut de salarié et réclamer des sommes dues.

Le 29 janvier 2024, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent, renvoyant l’affaire au tribunal de commerce. M. [L] [K] a fait appel de cette décision le 13 février 2024. Plusieurs assignations ont été délivrées pour une audience prévue le 10 juin 2024.

Dans ses conclusions, M. [L] [K] a demandé à la cour de reconnaître son statut de salarié et de valider sa créance salariale de 25.523,67 euros. De son côté, la société SBCMJ, en tant que liquidateur, a demandé la confirmation du jugement de première instance et a réclamé des dommages et intérêts pour procédure abusive. L’AGS-CGEA a également contesté la qualité de salarié de M. [L] [K] et a demandé à être exonérée de toute garantie.

Les parties ont formulé diverses demandes et conclusions, notamment concernant la compétence du tribunal, la reconnaissance de la créance salariale, et des demandes de dommages et intérêts.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
24/01812
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT

DU 26 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/

NL/FP-D

Rôle N° RG 24/01812 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMSD4

[L] [K]

C/

S.E.L.A.R.L. SBCMJ

Association POUR LA GESTION DUREGIME DE GARANTIE DES CREANCES DES SALARIES AGS- UNEDIC

Association DELEGATION UNEDIC AGS

Association AGS CGEA [Localité 11]

Copie exécutoire délivrée

le :

26 SEPTEMBRE 2024

à :

Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Sophie WATTEL, avocat au barreau de VALENCE

Me Sandra D’ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 29 Janvier 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F23/00165.

APPELANT

Monsieur [L] [K], demeurant [Adresse 1] – [Localité 9]

représenté par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. SBCMJ représentée par Me [H] [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGRI 3D, demeurant [Adresse 2] – [Localité 3]

représentée par Me Sophie WATTEL, avocat au barreau de VALENCE

Association POUR LA GESTION DUREGIME DE GARANTIE DES CREANCES DES SALARIES AGS- UNEDIC Représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 5] – [Localité 8]

non représentée

Association DELEGATION UNEDIC AGS Représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 4] – [Localité 7]

non représentée

Association AGS CGEA [Localité 11], demeurant [Adresse 10] – [Localité 6]

représentée par Me Sandra D’ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Agri 3D a eu pour objet le négoce de matériel agricole. Mme [C] [K] a été la gérante.

En 2012, Mme [C] [K] a démissionné et M. [L] [K], son père, a été nommé gérant de la société Agri 3D.

Un contrat de travail a été établi entre la société Agri 3D représentée par M. [L] [K] en qualité de gérant en exercice d’une part et M. [L] [K] d’autre part pour un emploi de conseil commercial, cadre niveau VII coefficient C10 de la convention collective des entreprises de maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, à compter du 14 juin 2021 à temps partiel de 17.50 heures par semaine moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 519.24 euros.

Le 6 mai 2023, M. [L] [K] en qualité de gérant a procédé à une déclaration d’état de cessation des paiements de la société Agri 3D et a sollicité l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement rendu le 30 mai 2023, le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a déclaré la liquidation judiciaire de la société Agri 3D, la société SBCMJ représentée par Maître [I] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D a convoqué M. [L] [K] en sa qualité de salarié en vue d’un entretien préalable à son licenciement pour motif économique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 juin 2023, la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D a notifié à M. [L] [K] son licenciement pour motif économique.

Par courrier du 3 juillet 2023, la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D a informé M. [L] [K] que sa qualité de salarié était contestée.

Le 25 juillet 2023, M. [L] [K] a saisi le conseil de prud’hommes d’Arles pour voir juger qu’il a été lié à la société Agri 3D par un contrat de travail et pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de ce contrat de travail.

Par jugement rendu le 29 janvier 2024, le conseil de prud’hommes:

– s’est déclaré incompétent matériellement pour connaître du litige au profit du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère,

– a débouté AGS-CGEA [Localité 11] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a réservé les dépens.

Le 13 février 2024, M. [L] [K] a fait appel du jugement.

Par requête il a demandé à être autorisé à faire délivrer une assignation à jour fixe.

La présidente de la chambre l’a autorisé à assigner à jour fixe à l’audience du 10 juin 2024.

Suivant exploit délivré le 9 avril 2024, M. [K] a fait assigner l’AGS-CGEA [Localité 11] devant cette cour à l’audience du 10 juin 2024.

Suivant exploit délivré le 10 avril 2024 qui mentionne que tout intimé est tenu de constituer avocat, M. [K] a fait assigner l’AGS-CGEA et la délégation UNEDIC-AGS devant cette cour à l’audience du 10 juin 2024.

L’AGS-CGEA et la délégation UNEDIC-AGS n’ont pas constitué avocat.

Suivant exploit délivré le 12 avril 2024, M. [K] a fait assigner la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D devant cette cour à l’audience du 10 juin 2024.

Par ses dernières conclusions du 6 juin 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [L] [K] demande à la cour de:

REFORMER le Jugement rendu le 29 janvier 2024 (et notifié le 31 janvier 2024),

STATUER A NOUVEAU

JUGER que le Conseil de Prud’hommes était compétent pour statuer sur l’affaire qui lui était soumise,

SE DECLARER compétent pour statuer sur l’affaire,

I JUGER que la procédure à jour fixe de l’appel compétence est régulièrement mis en eouvre,

JUGER qu’il est de bonne justice que la Juridiction statuant en appel décide d’évoquer l’affaire et de statuer sur le litige,

DECEIDER d’évoquer l’affaire et statuer sur le litige objet de la saisine initiale du CPH d'[Localité 12],

SUR LE FOND

JUGER que Monsieur [K] a le statut de salarié,

JUGER que Monsieur [K] avait des fonctions de salarié distinctes de la fonction de gérant,

JUGER que Monsieur [K] était sous la subordination juridique de l’entreprise AGRI 3D,

JUGER que la créance salariale dont se prévaut Monsieur [K] d’un montant total de 25.523, 67 euros est justifiée et exigible,

RETENIR que le détail de la créance salariale dont se prévaut Monsieur [K] est le suivant :

Créance échue antérieure : 15.648, 02 euros net (affiéfés des salaires pour les années

2022/2023) ;

Créance prévisionnelle 9.875, 65 euros net (4 875, 65 euros pour le salaire et indemnités du mois de juin 2023 ; 5.000 euros au titre des heures supplémentaires réalisées).

JUGER que Monsieur [K] est bienfondé à vouloir faite inscrire une créance salariale d’un montant total de 25.523, 67 euros sur l’état des créances salariales,

JUGER que la créance salariale d’un montant total de 25.523, 67 euros dont se pfévaut Monsieur [K] devra être intégrée dans l’état des créances salariales par le liquidateuf,

JUGER que la cféance salariale de Monsieur [K] d’un montant totale de 25.523, 67 euros,

JUGER que Monsieur [K] sera traité comme un créancier privilégié dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société AGRI 3D la somme de 25.523, 67 euros net à titre de rappel des salaires et indemnités (licenciement et compensatrice de préavis) pour la période allant du 14 juin 2021 au 14 juin 2023,

JUGER que Maître [H] [I], SELARL SBCMJ, devra solliciter la prise en charge par l’organisme payeur (notamment l’AGS) de la créance salariale déclarée par Monsieur [K],

ORDONNER la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi, solde de tout compte) et les bulletins de salaires de juin 2023 rectifiés conformément à la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte.

JUGER que la créance salariale de Monsieur [K] devra être garantie par l’AGS.

EN CONSEQUENCE,

CONDAMNER Maître [H] [I], SELARL SBCMJ, à inscrire une créance salariale d’un montant total de 25.523, 67 euros sur l’état des créances salariales pour Monsieur [K] (salarié, créancier privilégié),

CONDAMNER l’AGS à garantir le paiement de la créance salariale d’un montant total de 25.523, 67 euros,

DECIDER que la décision à intervenir sera opposable à l’AGS,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER les parties adverses de leurs demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER in solidum les parties adverses à verser à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER in solidum les parties adverses aux entiers dépens

Par ses conclusions du 3 juin 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D demande à la cour de:

A titre principal,

Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

A titre reconventionnel,

Condamner Monsieur [L] [K] à payer à la SELARL SBCMJ ès qualités lasomme de 10.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner Monsieur [L] [K] à payer à la SELARL SBCMJ ès qualités la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour d’appel prononçait la réformation du jugement de première

instance,

Juger que l’existence d’un contrat de travail ayant uni la société AGRI 3D à Monsieur [L] [K] n’est pas établie ou, à tout le moins, que ledit contrat est fictif,

En conséquence,

Débouter Monsieur [L] [K] de l’intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

Débouter Monsieur [L] [K] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

Ramener les prétentions de Monsieur [L] [K] à de plus justes proportions,

Débouter Monsieur [L] [K] du surplus de ses demandes,

Condamner Monsieur [L] [K] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 7 mai 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’AGS-CGEA [Localité 11] demande à la cour de:

SUR LA COMPETENCE

Juger que le jugement dont appel tranche le litige

En tant que de besoin,

Juger que la juridiction prud’homale est compétente pour connaître du présent litige

SUR LA DEMANDE D’EVOCATION,

Vu les dispositions de l’article 88 et 568 du CPC,

Juger n’y avoir lieu à évocation

SUBSIDIAIREMENT SUR LE FOND,

Recevoir l’AGS dans son appel incident et le juger recevable,

Vu les dispositions des articles L 3253-8 et suivants du Code du travail,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé qu’il n’y a pas de lien de subordination

juridique entre la Société AGRI 3D et M. [K] et n’y avoir lieu à garantie AGS

En conséquence,

Débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Juger n’y avoir lieu à garantie AGS en l’absence de qualité de salarié de M. [K]

En tout état de cause

Juger M. [K] irrecevable en ses demandes de condamnations en application des

dispositions de l’article L 621-40 du Code de commerce et de l’en débouter

Vu l’article 32- 1 du CPC et l’article 1240 du Code civil

Réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté l’AGS de sa demande de dommages et

intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau

Condamner M. [K] à payer à l’AGS CGEA la somme de 1500 euros à titre de

dommages et intérêts pour procédure abusive

Le condamner à une amende civile,

Condamner M. [K] à payer à l’AGS CGEA la somme de 1.000 euros au titre de l’article

700 du CPC

Juger n’y avoir lieu à garantie de l’AGS au titre des frais irrépétibles (article 700 du Code de

procédure civile), des dépens et de l’astreinte,

Juger l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS CGEA ès qualités, dans les limites définies aux

articles L 3253-8 du Code du Travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5

du même Code,

Juger que la garantie de l’AGS. est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du

salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D 3253-5 du Code du Travail

Juger qu’en l’absence de fonds disponibles la mise en jeu de la garantie AGS par le

mandataire judiciaire s’effectuera selon les modalités prévues par l’article L 3253-19 à 3253-21

du Code du Travail.

Les divers chefs de demandes au titre de l’astreinte, des cotisations sociales ou encore

résultant d’une action en responsabilité ne sont pas couverts par la garantie AGS de l’article

L 3253-8 et suivants du Code du travail,

En tout état de cause, juger que l’ AGS CGEA ne devra procéder à l’avance des créances

visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et les

conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 à L 3253-21 du Code du Travail.

Juger que l’obligation de l’AGS CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évaluée

le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra

s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par

celui-ci de l’absence ou de l’insuffisance de fonds disponibles entre ses mains pour procéder

à leur paiement.

MOTIFS

1 – Sur la reconnaissance du contrat de travail

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat de travail, il appartient à celui qui invoque un

contrat de travail d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, il est produit un contrat de travail établi entre la société Agri 3D et M. [L] [K] outre une liasse de courriels adressés et reçus par M. [L] [K] représentant la société Agri 3D.

La cour dit que ces pièces constituent une apparence de contrat de travail de sorte qu’il revient à la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D et aux autres intimés de rapporter la preuve de son caractère fictif.

Pour administrer la preuve qui leur incombe, les intimés qui ont constitué avocat soutiennent que:

– les fonctions techniques de M. [L] [K] en sa qualité de conseil commercial n’ont jamais été définies et elles ne sont donc pas distinctes de celles de gérant de la société Agri 3D;

– M. [L] [K] a été incapable d’indiquer à la délégation Unedic AGS ses horaires de travail en qualité de salarié alors qu’il était censé occupé un emploi à temps partiel;

– M. [L] [K] a assimilé ses intérêts personnels à ceux de la société en ce qu’il s’est porté caution personnelle de prêts souscrits par la société Agri 3D;

– M. [L] [K] a accepté de ne recevoir aucune rémunération en contrepartie du travail qu’il allègue pendant plus de 13 mois;

– M. [L] [K] a détenu tous les pouvoirs de direction, de gestion et de décision au sein de la société Agri 3D sans pour autant rendre aucun compte aux associés de cette société.

M. [L] [K] conteste ces éléments en faisant valoir:

– qu’il n’a été porteur d’aucune part sociale de la société Agri 3D;

– qu’il a été sous la subordination juridique de la société Agri 3D et de la collectivité des associés;

– que dans le cadre de ses fonctions techniques distinctes de celles de gérant, il a agi sous les ordres de M. [D] ainsi que cela ressort de divers courriels que ce dernier a adressés à M. [L] [K];

– qu’il s’est abstenu de réclamer des salaires en raison de son état de santé fragilisé et de son état de faiblesse.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments:

– que M. [L] [K] a exercé des prestations dont aucun élément n’établit qu’elles ont été exercées dans le cadre du contrat de travail en litige dès lors que les courriels dont se prévaut M. [L] [K] (pièce n°22 de son bordereau de communication de pièces) sont afférents à l’activité de la société Agri 3D sans qu’il soit possible de savoir si M. [L] [K] ne serait pas intervenu en ces occasions en sa qualité de gérant de la société Agri 3D dont il n’est pas discutable que le rôle est de poursuivre l’objet de la société; en effet, la société Agri 3D était une structure de petite taille ainsi que cela ressort de la demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire présentée par M. [L] [K] dès lors que celui-ci indique que la société Agri 3D n’employait que trois personnes;

– que les courriels produits en pièce n°22 couvrent la période du 16 juin 2010 au 2 novembre 2022 alors que le contrat de travail en litige stipule une date d’embauche au 14 juin 2021, ce dont il résulte que lesdites correspondances sont pour la plupart antérieures à l’embauche de M. [L] [K]; en outre, l’analyse desdits courriels ne permet pas de distinguer ceux qui se rapportent à la qualité de gérant de M. [L] [K] et ceux qui se rapportent à la qualité de salarié de M. [L] [K] afférente à des fonctions techniques;

– qu’aucune des pièces du dossier ne permet de dire que M. [L] [K] a exécuté des prestations sous l’autorité d’un employeur qui aurait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements, ce dont il résulte que la réalité d’un lien de subordination entre la société Agri 3D et M. [L] [K] n’est pas établie;

– qu’aucune réclamation de salaire n’a été présentée par M. [L] [K] avant l’ouverture la procédure de liquidation judiciaire de la société Agri 3D alors qu’il n’est pas contesté que M. [L] [K] n’a reçu aucun salaire pendant plus d’une année et qu’aucune pièce du dossier ne permet de dire que cette abstention résulterait d’une fragilité de l’état de santé du salarié;

– que l’assemblée générale des associés de la société Agri 3D ne s’est pas prononcée sur la conclusion d’un contrat de travail avec M. [L] [K] qui occupait déjà les fonctions de gérant de cette même société Agri 3D.

Dans ces conditions, la cour dit que les intimés constitués rapportent la preuve que le contrat de travail conclu entre M. [L] [K] et la société Agri 3D est fictif.

En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour rejette la demande de reconnaissance d’un contrat de travail entre M. [L] [K] et la société Agri 3D, et rejette par voie de conséquence les demandes afférentes à l’exécution et la rupture d’un contrat de travail.

2 – Sur l’abus de procédure

Faute pour la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D et pour AGS-CGEA [Localité 11] constitués de verser aux débats des pièces de nature à caractériser une faute faisant dégénérer en abus l’exercice par M. [L] [K] de son droit d’agir en justice, leur demande indemnitaire respective de ce chef seront rejetées.

3 – Sur les demandes accessoires

Infirmant le jugement déféré et y ajoutant, la cour dit que les dépens de première instance et d’appel, suivant le principal, seront supportés par M. [L] [K].

Infirmant le jugement déféré et y ajoutant, la cour dit que l’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

L’INFIRME en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de reconnaissance d’un contrat de travail entre M. [L] [K] et la société Agri 3D,

REJETTE par voie de conséquence les demandes afférentes à l’exécution et à la rupture d’un contrat de travail entre M. [L] [K] et la société Agri 3D,

REJETTE la demande au titre d’un abus de procédure,

CONDAMNE M. [L] [K] à payer à la société SBCMJ représentée par Maître [I] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agri 3D la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel,

CONDAMNE M. [L] [K] à payer à AGS-CGEA [Localité 11] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel,

CONDAMNE M. [L] [K] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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