Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Requalification des prestations en contrat de travail
→ RésuméLa Cour d’appel d’Aix-en-Provence a statué sur le cas de Mme [Y], employée de la société Global Sea Products (GSP), qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail, la qualifiant de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme [Y] a été placée en arrêt maladie et a dénoncé des manquements graves de l’employeur, notamment le travail dissimulé et le harcèlement moral. La Cour a confirmé certaines indemnités, tout en infirmant d’autres décisions, condamnant GSP et ses co-employeurs à verser des sommes significatives pour heures supplémentaires, dommages-intérêts et travail dissimulé.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/09307
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2024
N° 2024/232
Rôle N° RG 21/09307 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHVS7
[N] [D] [T] épouse [Y]
C/
[L] [B]
S.A.S. GLOBAL SEA PRODUCTS
S.A.S. VALCAP
Copie exécutoire délivrée le :
25 OCTOBRE 2024
à :
Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Jean-philippe PASSANANTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/02781.
APPELANTE
Madame [N] [D] [T] épouse [Y], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Jocelyne PUVENEL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [L] [B], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-philippe PASSANANTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. GLOBAL SEA PRODUCTS immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille, représentée par Monsieur [L] [B], son Président en exercice,, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-philippe PASSANANTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. VALCAP immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille, représentée par Monsieur [L] [B], son Président en exercice,, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Jean-philippe PASSANANTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre
Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre
Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2024
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
1. La société par actions simplifiée à associé unique Global Sea Products (GSP) est immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n°510 119 233. Elle exerce une activité de négoce de produits de la mer congelés et de produits d’épicerie fine à [Localité 6]. Son président est M. [L] [B].
2. La société GSP a embauché Mme [N] [T] épouse [Y] comme assistante de direction par contrat de travail à durée indéterminée du 28 janvier 2019 stipulant un salaire de 1 800 euros, une classification employée niveau I échelon 1 et une durée de travail de 35 heures hebdomadaires.
3. Les fonctions de Mme [Y] sont ainsi décrites dans le contrat :
« – accueillir une clientèle ;
– filtrer les appels téléphoniques ;
– organiser le planning d’un responsable, collaborateur ;
– rédiger des supports de communication interne (rapport, compte-rendu, note’) ;
– traiter l’information (collecter, classer et mettre à jour) ;
– assurer la transmission des informations en interne et en externe (décisions, note, etc’) ;
– réaliser la gestion administrative des contrats ;
– organiser des déplacements professionnels ;
– préparer et organiser des réunions ;
– saisir des documents numériques ;
– réaliser la gestion administrative du courrier. »
Il est évident que cette dernière définition de fonction ne saurait être considérée comme exhaustive. En outre les relations contractuelles étant évolutives, le salarié pourra être affecté temporairement, en cas de nécessité liée au bon fonctionnement de l’entreprise à d’autres tâches. »
4. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des commerces de gros du 23 juin 1970 étendue par arrêté du 15 juin 1972 et mise à jour par accord du 27 septembre 1984 étendu par arrêté du 4 février 1985 (ci-après dénommée CCN 3044).
5. Mme [Y] a débuté son activité le 5 février 2019.
6. Le salaire mensuel de 1 800 euros prévu au contrat a été payé à Mme [Y] seulement en février 2019, l’employeur l’ayant augmenté à hauteur de 1 900 euros à partir du mois de mars, montant demeuré inchangé jusqu’à la fin de la relation de travail.
7. Mme [Y] a été placée en arrêt de travail pour maladie le 28 mai 2019 et n’a jamais repris son poste au sein de l’entreprise.
8. Convoquée en vue d’un entretien préalable au licenciement prévu le 27 septembre 2019, Mme [Y] a adressé le 23 septembre 2019 à la société GSP un courrier par lequel elle prenait acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
9. Par requête du 20 décembre 2019, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins de voir qualifier sa prise d’acte de rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le versement de divers salaires et indemnités par les sociétés GSP et Valcap et par M. [B].
10. Par jugement du 3 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Marseille a :
‘ dit n’y avoir lieu de condamner solidairement les sociétés Valcap et [B] [L] [Localité 7] ;
‘ dit fondée la prise d’acte de rupture du contrat de travail de Mme [Y] ;
‘ condamné la société GSP à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 3 800 euros d’indemnité compensatoire de préavis ;
– 380 euros d’indemnité compensatrice de congés payés ;
– 356,24 euros d’indemnité de licenciement ;
– 3 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes ;
‘ débouté la société GSP de toutes ses demandes ;
‘ condamné la société GSP aux entiers dépens.
11. Par déclaration au greffe du 22 juin 2021, Mme [Y] a relevé appel de ce jugement.
12. Vu les dernières conclusions de Mme [Y] déposées au greffe le 21 mars 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour :
‘ de confirmer le jugement déféré en ses dispositions ayant requalifié la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société GSP à lui payer 3 800 euros d’indemnité compensatrice de préavis, 380 euros d’indemnité compensatrice de congés payés et 356,24 euros d’indemnité de licenciement ;
‘ d’infirmer le jugement déféré en ses autres dispositions ayant mis hors de cause la société Maï Parfum et l’entreprise [B] [L] [Localité 7] et ayant rejeté le surplus de ses demandes ;
‘ statuant à nouveau, de condamner la société GSP à lui payer les sommes suivantes :
– 10 972,83 euros de rappel de salaire pour heures complémentaires ;
– 1 097,28 euros d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
– 2 649,50 euros pour repos compensateur non pris ;
– 264,95 euros d’indemnité compensatrice pour congés payés afférents ;
– 10 000 euros de dommages-intérêts pour violation du droit à repos et de l’obligation de sécurité ;
– 15 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
– 15 000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ de condamner in solidum la société GSP, la société Maï Parfum et M. [L] [B] à lui payer 11 400 euros d’indemnité pour travail dissimulé ;
‘ de condamner la société GSP à supporter les entiers dépens et à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
13. Vu les dernières conclusions de la société GSP, de la société Maï Parfum et de M. [B] déposées au greffe le 21 décembre 2021 aux termes desquelles ils demandent à la cour :
‘ de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a mis hors de cause la société Valcap et M. [B] ;
‘ d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions ayant condamné la société GSP à payer à Mme [Y] les sommes de 3 800 euros d’indemnité compensatrice de préavis, de 380 euros de congés payés afférents, de 356,24 euros d’indemnité de licenciement et 3 000 de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ statuant à nouveau, de rejeter les demandes précitées ;
‘ de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ayant débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes ;
‘ de débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
‘ de condamner Mme [Y] à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
14. Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
15. L’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 septembre 2024.
Sur la demande de mise hors de cause de la société Maï Parfum et de M. [B],
16. Outre ses missions exécutées au profit de la société GSP, Mme [Y] soutient avoir également travaillé au profit :
‘ de M. [L] [B], propriétaire de trois appartements à [Localité 6] exploités en location saisonnière meublée ;
‘ de la société par actions simplifiée à associé unique Valcap, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n°799 701 636 dont le président est également M. [L] [B]. Cette société, dont la dénomination est devenue « Maï Parfum » à compter du 1er novembre 2019, développe une activité de conception, de fabrication et de commercialisation de fragrances.
17. Mme [Y] conclut à l’infirmation du jugement ayant mis hors de cause M. [B] et la société Maï Parfum. Elle soutient que M. [B], dirigeant commun aux trois entités, a profité de sa position pour la faire travailler cumulativement pour ces trois entreprises, chacune d’entre elles développant une activité distincte de vente de produits de la mer, de parfumerie et de location saisonnière.
18. Les intimés concluent à la confirmation du jugement en ce qu’il a mis hors de cause M. [B] et la société Maï Parfum. Ils font valoir que l’unique employeur de Mme [Y] était la société GSP, ce que Mme [Y] reconnaîtrait implicitement en limitant sa demande de condamnation solidaire contre M. [B] et la société Maï Parfum à l’indemnité pour travail dissimulé, que Mme [Y] n’invoque aucun contrat de travail ni co-emploi ni lien de subordination avec la société Maï Parfum et M. [B] et que ce dernier n’a jamais agi qu’en qualité de président de la société GSP, unique employeur de Mme [Y].
19. En l’absence de contrat écrit conclu par Mme [Y] avec M. [B] et avec la société Maï Parfum, il appartient à Mme [Y] invoquant l’existence d’un contrat de travail avec ces deux entités d’en rapporter la preuve.
20. En réponse aux écritures des intimés, la cour relève en premier lieu que la limitation par Mme [Y] de sa demande de condamnation de M. [B] et de la société Maï Parfum aux seuls dommages-intérêts pour recours au travail dissimulé ne traduit pas pour autant de sa part un renoncement à invoquer l’existence d’un contrat de travail la liant à ces deux sociétés.
21. Aucune convention de mise à disposition de Mme [Y] par la société GSP au profit de M. [B] ni de la société Maï Parfum n’est versée aux débats.
22. Il appartient donc à la cour de déterminer si Mme [Y] a effectué des prestations de travail au profit de M. [B] et de la société Maï Parfum et si elle était liée à ces deux entités par un lien subordination.
Sur l’existence d’un contrat de travail avec M. [B],
23. Il ressort des messages échangés dès le 4 février 2019 sur l’application WhatsApp (pièce n°15) que M. [B] a immédiatement donné à Mme [Y] de nombreuses instructions pour gérer les trois appartements dont il est propriétaire à [Localité 6] et qu’il loue par l’intermédiaire de la plateforme Airbnb.
24. Entre février et mai 2019, Mme [Y] a consacré une part importante de son temps de travail non seulement à gérer administrativement la location de ces trois appartements, mais aussi à les décorer, à les meubler, à superviser l’intervention de la femme de ménage, à changer et à faire nettoyer le linge de maison et à intervenir sur différents incidents techniques conformément aux instructions de M. [B].
25. Le nombre des messages, la diversité des interventions effectuées, la fréquence et l’urgence caractérisant ces multiples interventions entre février et mai 2019 établissent que Mme [Y] gérait au quotidien ces trois appartements pour le compte de M. [B] et sous ses ordres directs.
26. L’attestation établie le 23 octobre 2019 par Mme [G] [C] confirme que Mme [Y] était souvent présente dans l’appartement situé [Adresse 5] pour accomplir de nombreuses tâches liées à la location saisonnière de cet appartement, pour prendre en charge le linge de maison ou encore pour régler des différends impliquant les locataires de M. [B].
27. Il ressort de l’attestation de M. [X] [P] du 22 octobre 2019 que lors d’une assemblée générale de la copropriété [Adresse 5] tenue le 26 mars 2019 à 17h30, M. [B] a lui-même présenté sa salariée Mme [Y] comme étant sa représentante auprès du syndic de copropriété. M. [P] précise que Mme [Y] était régulièrement sollicitée lorsque les locataires de M. [B] troublaient la quiétude de l’immeuble, notamment lors des locations de week-end à des groupes comprenant jusqu’à quinze personnes.
28. Les avis laissés par les clients de M. [B] sur la plateforme Airbnb (pièce n°19), de même que les courriels échangés (pièce n°20), confirment que Mme [Y], connue sous le prénom de « [N] », était la seule interlocutrice des clients de M. [B] lors de la location de ses trois appartements.
29. Enfin, le courriel du 24 mai 2019 intitulé « instruction [N] cette semaine/nouvelle organisation/réglementation » (pièce n°29) par lequel M. [B] précise les ordres donnés à Mme [Y], confirme qu’il agissait comme son employeur direct dans le cadre de la gestion locative saisonnière des trois appartements lui appartenant, sans lien aucun avec l’activité de la société GSP.
30. C’est donc par une mauvaise appréciation des faits de l’espèce que les premiers juges se sont bornés à retenir que « la totalité des échanges « mails, courrier, WhatsApp) de Mme [Y] pendant sa période contractuelle se faisaient avec la société GSP » pour mettre M. [B] hors de cause.
31. Le jugement déféré est donc infirmé de ce chef.
Sur l’existence d’un contrat de travail avec la société Maï Parfum,
32. Il ressort de la pièce n°12 produite par Mme [Y] que M. [B], agissant en qualité de gérant de la société Valcap, lui a ordonné le 13 mars 2019 de gérer un dossier de commande à l’exportation pour le compte de la société Valcap.
33. Les photographies non contestées (pièce n°18) datées de février 2019 confirment que Mme [Y] manipulait des produits de parfumerie sans lien avec la société GSP ni avec l’activité de loueur de meublé de M. [B], mais relevant exclusivement de l’activité de la société Maï Parfum. Ces photographies font apparaître non seulement des produits de parfumerie, mais aussi divers documents administratifs et des étiquettes attestant d’opérations commerciales portant sur des produits de parfumerie réalisées notamment avec des pays africains.
34. Les messages WhatsApp confirment que du 21 au 27 février 2019 Mme [Y] a obéi aux ordres de M. [B] lui demandant de réaliser diverses opérations commerciales et administratives portant sur la vente de parfums pour le compte de la société Maï Parfum.
35. Il résulte donc des productions que Mme [Y] a régulièrement effectué pour le compte de la société Maï Parfum des opérations de facturation, d’établissement de bordereaux douaniers, de conception d’étiquettes et d’échantillons de produits de parfumerie ne présentant aucun lien avec le contrat de travail la liant à la société GSP.
36. Mme [Y] ayant accompli des prestations de travail en qualité de salariée de la société Maï Parfum, le jugement déféré doit être également infirmé en sa disposition ayant mis hors de cause cette société.
Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires,
37. L’article L. 3171-4 du code du travail dispose :
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».
38. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
39. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
40. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
41. En l’espèce, Mme [Y] produit un décompte de son temps de travail (pièce n°13) faisant état de 603,28 heures supplémentaires effectuées et non rémunérées entre le 5 février 2019 et le 2 juin 2019.
42. La société GSP n’a jamais défini les horaires de travail de Mme [Y] ni institué une quelconque organisation lui permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par son employée.
43. Cette défaillance de l’employeur a persisté jusqu’au départ de l’entreprise de Mme [Y] le 27 mai 2019, la société GSP ne s’étant pas davantage conformée à son obligation légale de recueillir des éléments de contrôle de la durée de travail.
44. Contrairement aux motifs erronés des premiers juges, il ne ressort pas des messages échangés que « Mme [Y] avait la possibilité d’aménager ses horaires de travail, et notamment le fait que Mme [Y] ne démarrera son activité que l’après-midi » mais au contraire que celle-ci ne disposait d’aucun jour fixe de repos et qu’elle intervenait au service de son employeur indifféremment chaque jour de la semaine (par exemple dimanche 3 mars, samedi 6 avril, dimanche 7 avril et samedi 20 avril 2019), y compris le matin et tard le soir (par exemple le samedi 6 avril 2019 à 22h37).
45. Le conseil de prud’hommes a mal interprété ces nombreux échanges de courriers, de courriels et de messagerie dont il ressort au contraire que Mme [Y] s’est plainte à plusieurs reprises du nombre d’heures de travail et de l’intensité de sa mission auprès de son employeur qui n’a jamais respecté son obligation légale de comptabilisation des heures de travail de sa salariée.
46. De même, le conseil de prud’hommes commet une erreur de droit en motivant son rejet de la demande par le fait que « rien ne démontre que lors de ses échanges la société demandait à Mme [Y] d’effectuer son travail en dehors de son temps de travail régulier » ou encore que celle-ci « n’aurait jamais émis la moindre remarque sur un écart éventuel entre le nombre d’heures de travail effectuées par rapport au nombre d’heures indiquées sur les bulletins de salaire pendant toute la durée de la relation contractuelle », de tels motifs n’étant pas de nature à fonder le rejet de la demande en paiement des heures supplémentaires effectuées.
47. Il ressort au contraire des pièces versées aux débats que la société GSP sollicitait expressément Mme [Y] à toute heure, y compris les soirs en semaine, le samedi et le dimanche, sans jamais se conformer à un cadre horaire défini correspondant au nombre d’heures rémunérées, ni se préoccuper des jours de repos que la loi lui imposait d’accorder à son employée.
48. La société GSP n’est pas fondée à soutenir que le temps passé par Mme [Y] à répondre à ses messages WhatsApp et à ses diverses sollicitations ne constituerait pas du travail effectif, notamment lorsque cette dernière se trouvait à son domicile. En effet, la fréquence de ces messages, leur répartition aléatoire dans la semaine et le caractère souvent urgent de leur objet lié notamment à la location touristique des appartements établissent que Mme [Y] se tenait à la disposition de son employeur et qu’elle n’était pas situation de pouvoir vaquer librement à ses occupations.
49. La cour constate que société GSP ne produit en cause d’appel aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par Mme [Y].
50. Il résulte des précédents développements que Mme [Y] est fondée à solliciter le paiement de 603,8 heures supplémentaires effectuées à hauteur de 10 972,83 euros incluant les majorations de 25 % pour 120 heures et 50 % pour 483,28 heures, conformément au tableau récapitulatif communiqué (pièce n°13), outre la somme de 1 097,28 euros de congés payés afférents.
51. Le jugement déféré est donc infirmé en ses dispositions ayant rejeté la demande en paiement d’heures supplémentaires présentée par Mme [Y].
52. Concernant le repos compensateur, l’article L. 3121-30 du code du travail dispose :
« Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.
Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l’article L. 3121-28 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l’article L. 3132-4 ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires. »
53. L’article 44-2-1 de la CCN 3044 prévoit un contingent d’heures supplémentaires annuel non soumis autorisation de l’inspection du travail de 180 heures.
54. La société GSP s’oppose au paiement de cette indemnité en ce qu’elle résulte d’heures supplémentaires elles-mêmes contestées, mais ne conteste pas le mode de calcul de l’indemnité sollicitée à hauteur de 2 649,50 euros sur la base de (603 h ‘ 180 h) = 423 heures et un salaire horaire de 12,5272 euros.
55. En conséquence, Mme [Y] est fondée à solliciter une indemnité représentative de son droit au repos compensateur d’un montant de 2 649,50 euros, outre 264,95 euros de congés payés afférents.
Sur la demande de 10 000 euros de dommages-intérêts pour violation du droit à repos et de l’obligation de sécurité,
56. Mme [Y] ne démontre pas avoir été en contact avec des produits chimiques dangereux exigeant une formation spécifique. Les photographies versées aux débats ne démontrent ni cette dangerosité, ni une quelconque exigence de visite médicale particulière ou d’usage d’équipements de protection adaptés.
57. Les pièces médicales versées par Mme [Y] ne démontrent pas davantage l’existence de troubles oculaires ou gastriques en lien de causalité avec certains produits chimiques particuliers, ni d’un dommage causé à sa santé par les locaux administratifs de la société GSP « dont les poutres étaient par ailleurs infestées de termites ».
58. Il n’est pas établi par Mme [Y] que le véhicule de l’entreprise qu’elle conduisait n’était pas assuré par son employeur. La manipulation de linge de maison de même que le simple usage d’un vélo ou d’un scooter ne constituent pas davantage une violation par la société GSP de l’obligation de sécurité à son égard.
59. Enfin, les griefs allégués par Mme [Y] quant à la non-souscription d’une mutuelle et à l’envoi tardif d’une déclaration de salaire destinée à la sécurité sociale, s’ils sont susceptibles de lui avoir causé un préjudice financier ou un préjudice de perte de chance, sont en aucun lien avec l’obligation de sécurité sur laquelle elle fonde la présente demande indemnitaire.
60. En revanche, le dépassement régulier de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures de travail par Mme [Y] a porté atteinte à son droit au repos et à la vie familiale et lui a causé un préjudice que la cour évalue à deux mois de salaire, soit 3 800 euros au regard des circonstances de l’espèce.
61. Le jugement déféré sera donc infirmé en sa disposition ayant rejeté cette demande.
Sur la demande de 15 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
62. Le harcèlement moral par référence à l’article L.1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
63. En cas de litige, l’article L.1154-1 du code du travail dispose que le salarié présente des éléments de fait, appréciés dans leur ensemble, laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
64. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
65. Au soutien de sa demande indemnitaire fondée sur le harcèlement moral, Mme [Y] verse aux débats :
‘ un tableau récapitulatif de 603,28 heures supplémentaires réalisées et non rémunérées entre le 5 février 2019 et le 2 juin 2019 au profit de la société GSP, mais aussi de M. [B] et de la société Maï Parfum (pièce n°13) ;
‘ l’intégralité des messages échangés sur WhatsApp entre Mme [Y] et M. [B] entre le 4 février 2019 et le 30 mai 2019 (pièce n°15) ;
‘ un courriel de Mme [Y] adressés le 27 mai 2019 à 01h17 à M. [B] :
« Bonsoir [L],
J’ai bien pris note de la nouvelle organisation, cela devenait une véritable nécessité. En effet, n’ayant pas la faculté de me démultiplier, ça n’a pas été simple d’assurer toutes les missions qui m’ont été confiées. Rares étaient les semaines où je pouvais espérer un jour de repos plein et entier. J’ai travaillé les week-end, jours fériés et cela sans aucune rémunération ou compensation financière. J’ai atteint un certain niveau d’épuisement.
Je ne te cache pas que je suis étonné par le ton de tes différents messages qui m’amènent à te communiquer les éléments suivants :
Je trouve extrêmement étrange qu’un seul coup, tu me dis : [N], ne viens pas travailler au local, restez chez toi, redonne-moi les clés du local et de les appt, le téléphone portable de la société et toutes les interdictions que tu m’as communiquées par tes courriels et tes textos.
Actuellement pour la façon dont tu me traites, je ne me sens pas valorisée, tout ce que j’investis de tout mon c’ur et de ma meilleure volonté pour améliorer tes appartements et sociétés dans les limites de mes capacités humaines ont été vains. (‘) »
‘ la réponse de M. [B] adressé le même jour 27 mai 2019 à 11h20 :
« [N],
Très honnêtement je ne pense pas que tu es faite pour ce travail.
Trop de stress pour toi dans ta situation actuelle’
De plus j’attendais de toi de faire bcp plus et notamment des tâches encore plus stressantes que je ne peux en aucun cas te confier actuellement étant donnés la situation.
Je vois donc des candidats cette semaine pour assurer celle-ci. (‘) »
‘ un nouveau courriel de Mme [Y] adressé à 13h18 :
« Bonjour [L],
Si tu veux mon avis, personne ne peut être fait pour travailler 7 jours/7.
N’importe quel employé arriverait à l’épuisement.
Je pense avoir accompli bcp de choses pour toi dans un contexte difficile de début d’activité pour toi.
J’aurais aimé pouvoir récupérer mes heures un peu plus souvent. Mais c’est toujours compliqué et pour cause je suis ta seule et unique employée.
On avait un accord, je pouvais travailler avec des horaires flexibles notamment pour suivre mon doctorat. Ça n’a jamais pu être le cas.
A ce jour, je n’ai toujours mes bulletins de paie, pas de mutuelle, mes heures supplémentaires n’ont évidemment pas été payées. Normalement les salaires doivent être payés à la fin du mois.
Je crois que tu devrais t’interroger sur tes devoirs en tant qu’employeur.
J’attends encore de savoir quelles seront mes missions pour cette semaine. J’ai déjà te demandé plusieurs fois. Cordialement. [N]. »
‘ un certificat médical du 17 octobre 2019 attestant d’un état dépressif majeur depuis le 28 mai 2019 (pièce n°23) et diverses autres pièces médicales attestant d’un suivi pour dépression en affection de longue durée.
66. Le contenu des pièces précitées, prises dans leur ensemble, fait présumer une situation de harcèlement moral subie par Mme [Y] dans le cadre de son contrat de travail au profit de la société GSP.
67. En premier lieu, la société GSP a porté atteinte à la santé physique et psychique de Mme [Y] en ne respectant pas le cadre légal imposé par le code du travail, notamment en dépassant le contingent maximal d’heures travaillées autorisées et en ne respectant pas le temps minimal de repos nécessaire au bien-être, au repos et à la vie familiale de sa salariée, ainsi que cela ressort des motifs §41 à 49.
68. Cet exercice abusif par l’employeur de son pouvoir de direction ressort également du large dépassement des attributions contractuellement prévues au contrat de travail et de la multiplication des sollicitations de Mme [Y] dans des domaines d’intervention très diversifiés et au profit de trois employeurs différents.
69. En chargeant Mme [Y] de multiples tâches sans jamais prendre soin de définir ses horaires ni de contrôler la durée du travail effectué, la société GSP a délibérément exposé sa salariée à une charge de travail excessive la conduisant à augmenter encore davantage son temps de travail jusqu’à risquer l’épuisement professionnel.
70. En outre, il ressort des échanges intervenus le 27 mai 2019 entre Mme [Y] et la société GSP que le président de cette société M. [B] a répondu aux doléances légitimes de sa salariée de manière désinvolte et par des propos dévalorisants envers elle :
« Très honnêtement je ne pense pas que tu es faite pour ce travail.
Trop de stress pour toi dans ta situation actuelle’
De plus j’attendais de toi de faire bcp plus et notamment des tâches encore plus stressantes que je ne peux en aucun cas te confier actuellement étant donnés la situation. Je vois donc des candidats cette semaine pour assureur celle-ci (‘) »
71. La société GSP n’est donc pas fondée à soutenir qu’elle a toujours été courtoise et bienveillante avec sa salariée ni que « Mme [Y] et M. [B] avaient sensiblement le même âge et partageaient une certaine complicité » au motif qu’ils auraient échangé quelques photos, « smileys » et propos aimables par messagerie ou par courriel.
72. Contrairement aux affirmations de la société intimée dans ses conclusions d’appel, la vignette n°48 de la pièce n°15 de Mme [Y] ne comporte aucune invitation de M. [B] à son mariage et cette dernière n’a produit aucune pièce n°35 démontrant la profonde admiration vouée par Mme [Y] à son « entreprenant et brillant » employeur.
73. Il résulte des précédents développements que les agissements et les abus répétés de la société GSP envers Mme [Y] dans le cadre de la relation de travail ont fortement dégradé ses conditions de travail, ont porté atteinte à ses droits et ont altéré sa santé physique ou mentale.
74. Mme [Y] a subi un préjudice directement causé par les faits précités de harcèlement moral évalué à la somme de 7 600 euros.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Mme [Y],
75. Mme [Y] conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse en soutenant que la société GSP aurait commis les manquements graves suivants mentionnés dans son courrier de prise d’acte du 23 septembre 2019 :
– travail dissimulé pour le compte des trois entités dirigées par M. [B] ;
– inadéquation entre la classification d’employé niveau I et la fonction exercée d’assistante de direction ;
– retard de paiement des salaires et indemnités ;
– heures supplémentaires non payées ;
– défaut de souscription à une mutuelle santé jusqu’au 29 août 2019 ;
– manquement aux règles de prévention et de sécurité pour le poste de travail
– omission de visite médicale d’embauche ;
– manquement aux obligations d’information sur le droit individuel à la formation ;
– harcèlement moral ;
– faits portant atteinte à l’intégrité physique et morale.
76. La société GSP conclut à l’infirmation du jugement de ce chef en faisant valoir que les griefs invoqués par Mme [Y] ne sont pas démontrés ou constituent des manquements mineurs ou ponctuels insuffisants pour fonder la prise d’acte de la rupture par sa salariée.
77. Pour décider des effets de la prise d’acte de la rupture par le salarié, le juge doit examiner tous les manquements de l’employeur invoqués par le salarié tant dans l’écrit de prise d’acte que lors de l’instance judiciaire et apprécier si la gravité de ces manquements est suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
78. Certains griefs invoqués par Mme [Y] ne sont pas de nature à justifier, pris individuellement, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.
79. S’il est exact que la classification d’employé niveau I « exécution de tâches simples suivant des consignes précises » du contrat de travail du 28 janvier 2019 ne correspond pas à la complexité et à la diversité des missions réellement accomplies par Mme [Y], la cour relève qu’il ne résulte de cette situation aucun préjudice autre que symbolique dès lors que Mme [Y] percevait un salaire supérieur au minimum prévu pour le niveau VI par la CCN 3044.
80. La société GSP ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de proposer à sa salariée Mme [Y] une couverture de santé collective. Toutefois, l’adhésion à une mutuelle a été proposée par l’employeur le 23 juillet 2019 et ce manquement temporaire n’est pas à lui seul suffisant, à défaut de circonstances particulières, pour justifier la prise d’acte de la rupture.
81. Mme [Y] ne décrit aucun comportement précis de la société GSP traduisant un manquement de sa part aux règles de prévention et de sécurité pour le poste de travail.
82. Elle ne fait pas davantage état de faits précis imputables à son employeur qui aurait porté atteinte à son intégrité physique et morale, à l’exception du recours abusif aux heures supplémentaires dissimulées qui est pris en compte et indemnisé au titre du harcèlement moral.
83. S’agissant de la visite médicale d’embauche, Mme [Y] ne fait état d’aucune circonstances particulières établissant que ce manquement de l’employeur aurait porté atteinte à sa santé ou à ses droits.
84. Enfin, concernant le défaut d’information sur le droit individuel à la formation (DIF), la cour rappelle que ce dispositif est remplacé depuis le 1er janvier 2015 par le compte personnel de formation (CPF) désormais attaché à la personne du salarié.
85. En revanche, la cour relève que le recours au travail dissimulé et le harcèlement moral au préjudice de Mme [Y] tels qu’ils ressortent des motifs de la présente décision constituent en soi deux motifs suffisants pour imputer la rupture du contrat de travail à la société GSP.
86. De surcroît, la société GSP a substantiellement modifié la nature des attributions de Mme [Y] en lui faisant exécuter de nombreuses tâches sans aucun lien avec celles prévues par le contrat de travail signé le 28 janvier 2019, en particulier :
‘ des missions à caractère commercial dans le domaine de la parfumerie ;
‘ une mission très étendue de gérance de trois appartements situés à [Localité 6] appartenant à M. [B] et loués en meublés de tourisme.
87. Mme [Y] n’a jamais accepté cette modification du contrat de travail. Ces missions nouvelles ont été exécutées au profit de la société Maï Parfum et de M. [B], ces deux co-employeurs n’ayant conclu aucun contrat de travail écrit mais ayant profité de la position particulière de M. [B], dirigeant unique de ces trois entités.
88. Il ressort des précédents développements que la société GSP a commis plusieurs manquements graves en qualité d’employeur de Mme [Y] rendant impossible la poursuite de la relation de travail entre les parties.
89. Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a retenu que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [Y] aux torts de l’employeur était justifiée et que cette rupture s’analysait en un licenciement sans cause et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Sur l’indemnité compensatrice de préavis,
90. Le montant alloué en première instance à Mme [Y] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis correspond à l’application de l’article 35-2 de la CCN 3044 qui prévoit un préavis de deux mois.
91. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ses dispositions ayant condamné la société GSP à payer à Mme [Y] l’indemnité compensatrice de préavis de 3 800 euros et 380 euros de congés payés afférents.
Sur l’indemnité de licenciement,
92. L’article L. 1234-9 alinéa 1er du code du travail dispose que :
« Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. »
93. En l’espèce, Mme [Y] a été embauchée le 5 février 2019 et a pris acte de la rupture de son contrat par courrier du 23 septembre 2019.
94. Son ancienneté au sein de l’entreprise étant inférieure à huit mois, Mme [Y] n’est pas fondée à solliciter la somme de 356,24 euros d’indemnité de licenciement, ce en quoi le jugement déféré sera infirmé.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
95. Mme [Y] sollicite l’octroi de la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé son licenciement sans cause réelle et sérieuse
96. La société est fondée à invoquer l’article L. 1235-3 du code de travail limitant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un mois de salaire pour un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté.
97. Au regard des circonstances de l’espèce et en tenant compte de la disposition légale précitée, la cour fixe le montant de l’indemnisation accordée à Mme [Y] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d’un mois de salaire, soit 1 900 euros.
Sur la demande d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
98. Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail :
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».
99. L’article L. 8223-1 du code du travail, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l’employeur au travail dissimulé, dispose :
« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».
100. Il ressort des précédents développements que la société GSP, la société Maï Parfum et M. [B] ont fait travailler Mme [Y] un nombre d’heures de travail nettement supérieur aux 151,67 heures mensuelles mentionnées sur les bulletins de paie.
101. L’intention frauduleuse de ces trois employeurs ressort :
‘ du nombre très élevé d’heures supplémentaires dissimulées, en l’espèce 603 heures entre le 5 février 2019 et le 2 juin 2019 ;
‘ de l’organisation du travail de Mme [Y] sans horaires définis et sans aucun dispositif de décompte et de contrôle des heures de travail effectuées par des employeurs faisant appel à elle tous les jours et à toute heure pour exécuter leurs instructions.
102. Le contrat de travail de Mme [Y] a été rompu le 23 septembre 2019.
103. En conséquence, Mme [Y] est fondée à solliciter l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, indemnité calculée en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié durant les six mois précédent la rupture du contrat de travail.
104. Le montant de cette indemnité est donc fixé à la somme de 11 400 euros sur la base d’un salaire mensuel de 1 900 euros et sera mis à la charge in solidum des trois employeurs concernés.
105. Le jugement déféré est infirmé en ce sens.
Sur les demandes accessoires,
106. Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile.
107. La société GSP, la société Maï Parfum et M. [B] succombent intégralement en appel et doivent donc supporter in solidum les entiers dépens de première instance et d’appel.
108. L’équité commande en outre de condamner la société GSP à payer à Mme [Y] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré en ses seules dispositions ayant :
‘ dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [Y] s’analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ condamné la société Global Sea Products à payer à Mme [N] [Y] les sommes de 3 800 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 380 euros de congés payés afférents ;
Infirme le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Condamne in solidum la société Global Sea Products, la société Maï Parfum et M. [L] [B] à payer à Mme [N] [Y] une indemnité de 11 400 euros pour recours au travail dissimulé ;
Condamne la société Global Sea Products à payer à Mme [N] [Y] les sommes suivantes :
‘ 10 972,83 euros en paiement des heures supplémentaires effectuées ;
‘ 1 097,28 euros de congés payés afférents ;
‘ 2 649,50 euros d’indemnité pour repos compensateur ;
‘ 264,95 euros de congés payés afférents ;
‘ 3 800 euros de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et violation du droit au repos ;
‘ 7 600 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
‘ 1 900 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Déboute Mme [N] [Y] de sa demande de 356,24 euros d’indemnité de licenciement ;
Condamne in solidum la société Global Sea Products, la société Maï Parfum et M. [B] succombent à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Laisser un commentaire