Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 25 octobre 2024, RG n° 20/07472
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 25 octobre 2024, RG n° 20/07472

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Rupture de contrat de travail d’un peintre pour un travail de mauvaise qualité

 

Résumé

M. [J] [F], peintre au sein de la SAS CG Peinture, a vu son contrat de travail résilié le 28 janvier 2008 en raison d’une insatisfaction quant à la qualité de son travail. Contestant cette décision, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le 6 juillet 2020, la SAS CG Peinture a été condamnée à verser diverses indemnités à M. [F]. En appel, la cour a confirmé le jugement initial tout en réduisant le montant des dommages-intérêts à 6.000 €, rejetant la demande de congés payés afférents à l’indemnité de préavis.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/07472

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2024

N° 2024/225

Rôle N° RG 20/07472 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGEI7

S.A.S. CG PEINTURE

C/

[J] [F]

Copie exécutoire délivrée le :

25 OCTOBRE 2024

à :

Me Laurent LAILLET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Christian SALORD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX-EN-PROVENCE en date du 06 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00074.

APPELANTE

S.A.S. CG PEINTURE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent LAILLET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [J] [F], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christian SALORD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 02 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Monsieur Fabrice DURAND, Président de chambre

Madame Pascale MARTIN, Présidente de chambre

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2024

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

SUR CE

Sur l’exception de péremption d’instance

L’article 386 du code de procédure civile dispose que ‘l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans’.

L’article R 1452-8 du code du travail prévoit :’En matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.’

La société CG Peinture soutient que l’instance est périmée, le dossier ayant fait l’objet d’un retrait de rôle le 9 avril 2013 et n’ayant été réenrôlé que le 25 janvier 2016 soit près de trois années plus tard, l’action de M. [F], qui n’a accompli aucune diligence pendant plus de deux années, étant irrecevable.

M. [F] réplique que l’instance n’est pas périmée la juridiction n’ayant mis expressément aucune diligence à la charge des parties qu’elles n’auraient pas accompli dans un délai de deux ans.

Il résulte de l’examen des pièces de la procédure que l’instance prud’homale ayant été engagée le 29 juillet 2008, l’article R 1452-8 du code du travail en vigueur du 1er mai 2008 au 1er août 2016 lui est applicable. Or, il ne peut y avoir une péremption de l’instance engagée que dans la mesure où les parties n’effectuent pas les diligences qui leur ont été demandées ce qui n’est pas le cas en l’espèce l’ordonnance de retrait du rôle intervenue le 9 avril 2013 ayant ‘pris acte de la demande de retrait du rôle formulée par les parties en raison de l’hospitalisation de Me [D] et ordonné le retrait du rôle de la présente instance qui pourra être rétablie par simple requête de l’une des parties conformément à l’article 383 du code de procédure civile’ et n’ayant imposé aux parties aucune diligence particulière autre que celle nécessaire à la réinscription de l’affaire de sorte qu’à la date de réenrôlement de l’instance le 25 janvier 2016 celle-ci n’était pas périmée.

En conséquence, c’est à juste titre malgré des motifs erronés que la juridiction prud’homale a rejeté l’exception de péremption d’instance.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

L’ordonnance du 2 août 2005 qui prévoit le contrat Nouvelle Embauche dispose dans son article 2 que ‘pendant les deux premières années à compter de la date de sa conclusion, le contrat nouvelle embauche pourra être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié sans respecter les dispositions des articles L.122-4 à L 122-11, L 122-13 à L 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 du code du travail’ ce qui signifie que durant ce délai, sont exclues les règles relatives à l’examen par le juge de la régularité et du caractère réel et sérieux du licenciement, à la motivation de la lettre de licenciement, à l’entretien préalable, au délai de préavis, à la notification du licenciement, à l’indemnité légale de licenciement, et à l’indemnisation d’un licenciement irrégulier et abusif.

Aux termes de l’article 4 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui est d’application directe en droit interne, un travailleur ne peut être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à son attitude ou à sa conduite ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ; selon l’article 7, le licenciement ne peut intervenir avant que le travailleur n’ait eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées et, selon l’article 9, le salarié ne doit pas avoir à supporter seul la charge de prouver que le licenciement n’était pas justifié.

Or, l’article 2 de l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 devenu l’article L. 1223-4 du code du travail, et abrogé par l’article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, en ce qu’il écarte les dispositions générales relatives à la procédure préalable de licenciement, à l’exigence d’une cause réelle et sérieuse, à son énonciation et à son contrôle, et prive ainsi le salarié du droit de se défendre préalablement à son licenciement et fait exclusivement peser sur lui la charge de prouver le caractère abusif de la rupture, ne satisfait pas aux exigences de cette convention internationale.

En conséquence, l’article 2 de l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, devenu l’article L.1223-4 du code du travail, et abrogé par l’article 9 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, étant contraire aux dispositions de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), la rupture du contrat nouvelles embauches d’un salarié reste soumise aux règles d’ordre public du code du travail de sorte que le licenciement non motivé d’un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société CG Peinture fait valoir qu’elle s’est conformée à la procédure expressément autorisée par l’ordonnance du 2 août 2005 en vigueur jusqu’à son abrogation en date du 1er juin 2008 en ayant adressé au salarié le 28 janvier 2008, soit dans le délai de deux années une lettre recommandée avec accusé de réception mettant fin au contrat de travail et ajoute que seuls les contrats Nouvelle Embauche en cours à la date de l’abrogation sont devenus des contrats à durée indéterminée ce qui n’est pas le cas des contrats conclus et rompus avant cette date.

M. [F] réplique qu’en raison de la nullité avérée du contrat Nouvelle Embauche, de sa non-conformité aux dispositions de l’OIT ayant conduit à son abrogation en juin 2008 et des termes de l’arrêt rendu le 1er juillet 2008 par la cour de cassation, il aurait dû être licencié selon les règles du droit commun du contrat à durée indéterminée, alors que la lettre de rupture ne mentionne aucun fait matériel objectif précis et vérifiable.

De fait, alors que le salarié a été recruté dans le cadre d’un contrat ‘Nouvelle Embauche’ le 1er février 2006, l’employeur lui a adressé une lettre de rupture le 28 janvier 2008, soit quasiment à l’expiration du délai de deux années dit de ‘consolidation’ en n’évoquant aucun fait précis et matériellement vérifiable mais seulement, en des termes généraux, une mauvaise qualité de son travail et une perte de confiance alors même que celui-ci n’exécutait plus aucune prestation de travail depuis plusieurs mois, son contrat de travail étant suspendu en raison d’un accident du travail survenu le 04 septembre 2007 de sorte qu’il convient de confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant requalifié le contrat de travail litigieux en un contrat de travail à durée indéterminée et la rupture intervenue sans motif fondé en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

S’agissant d’un licenciement notifié antérieurement au 24 septembre 2017 d’un salarié ayant moins de deux années d’ancienneté dans une entreprise employant moins de 11 salariés dont la procédure de licenciement est irrégulière, ce dernier est fondé à obtenir une indemnité réparant le préjudice subi lequel peut se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. [F] ayant brutalement été exclu de l’entreprise dans lequel il travaillait depuis presque deux années sans aucune convocation préalable ayant permis de lui notifier le motif de la rupture justifie d’un préjudice qui a été exactement réparé par l’allocation en première instance d’une somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts qu’il convient de confirmer.

Par application des dispositions de l’article 10.1 de la convention collective applicable le salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté au moment de la rupture a droit à une indemnité compensatrice de préavis d’un mois de salaire, soit la somme de 1.613,73 € brut, en revanche sa demande relative aux congés payés sera rejetée en raison de l’affiliation de l’employeur à la caisse de congés payés du bâtiment.

Par application des dispositions de l’article 1235-5 du code du travail, compte tenu d’une ancienneté inférieure à deux années, d’un âge de 27 ans, d’un salaire de référence de 1.613,73 € de ce que M. [F] justifie avoir perçu des indemnités de l’organisme France Travail entre le mois d’avril 2008 et le mois de janvier 2010 sans toutefois produire aucune recherche d’emploi concomittante ni élément postérieurement à cette date, il convient de condamner la société CG Peinture à lui payer une somme de 6.000 € en réparation de la perte injustifiée de son emploi.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné la SAS CG Peintures aux dépens de première instance et à payer à M. [F] une somme de 1.000 € sont confirmées.

La SAS CG Peintures est condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. [F] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement entrepris sauf le montant des dommages-intérêts alloués à M. [F] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l’employeur au paiement de congés payés afférents à l’indemnité de préavis, dispositions qui sont infirmées.

Statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne la SAS CG Peintures à payer à M. [J] [F] une somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rejette la demande de M. [F] de congés payés afférents à l’indemnité de préavis.

Condamne la SAS CG Peintures aux dépens d’appel et à payer à M. [J] [F] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


 


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