Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 octobre 2024, RG n° 21/05969
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 octobre 2024, RG n° 21/05969

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Le comportement insultant et déplacé à l’égard des collègues féminines

 

Résumé

Le comportement de M. [H] au sein de la Boulangerie BG a été jugé inacceptable, notamment en raison d’agressions physiques et de propos insultants à l’égard de ses collègues féminines. Le 5 février 2019, il a violemment poussé une collègue, Mme [I], tout en la menaçant avec un couteau, ce qui a conduit à son licenciement pour faute grave. Une enquête interne a confirmé que son attitude créait un climat de travail insupportable, avec des témoignages faisant état de ses remarques déplacées. La cour a validé le licenciement, considérant les faits comme une violation des obligations professionnelles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/05969

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2024

N° 2024/

NL/PR

Rôle N°21/05969

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHKIN

[F] [H]

C/

S.A.S. BBG

Copie exécutoire délivrée

le : 24/10/2024

à :

– Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE

– Me Christophe DALMET, avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 22 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00874.

APPELANT

Monsieur [F] [H], demeurant [Adresse 4] – [Localité 1]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE,

et par Me Myriam LEONETTI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.S. BBG, sise [Adresse 3] – [Localité 2]

représentée par Me Christophe DALMET, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 02 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Madame Marie-Anne BLOCH, Conseillère

Madame Paloma REPARAZ, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée soumis à la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie, la société Boulangerie BG (la société) a engagé M. [H] (le salarié) en qualité de boulanger statut ouvrier à compter du 9 janvier 2017.

Suivant avenant, le salarié a été promu à l’emploi de responsable boulanger, statut agent de maîtrise, à compter du 4 avril 2018.

Par lettre en date du 7 février 2029 remise en main propre, la société a convoqué le salarié le 16 février 2019 en vue d’un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 février 2019 la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘Le 05 février 2019, il a été porté à notre connaissance que vous avez agressé physiquement Mme [J] [I], vendeuse.

En effet, ce jour-là vers 12h45, devant de nombreux témoins, vous vous êtes approché d’elle, énervé, sans aucune raison vous l’avez poussé puis soulevé par le col de son tee-shirt avec votre main gauche, l’avez plaquée contre le mur et l’avez relâchée.

Vous l’avez ensuite giflée et insultée en lui disant  » la prochaine fois je te coupe la gorge « ,  » je vais te découper en mille morceaux.  »

Ces faits se sont déroulés alors que vous aviez à la main un couteau.

Vous lui reprochiez uniquement le fait de se trouver en salle de préparation.

Voulant comprendre la situation, une enquête interne a été aussitôt diligentée le 7 février 2019 auprès du personnel du magasin.

Entendu, le personnel a confirmé les faits.

Au surplus, il nous a été rapporté que votre comportement au sein du magasin est parfaitement inadapté depuis quelques temps, au point que le personnel ne souhaite plus se trouver en votre présence.

Nous avons appris que par le passé vous aviez déjà tenté de lever la main sur la 1 ère vendeuse, Mme [S].

Votre comportement grossier, inadapté et déplacé, particulièrement envers les femmes est régulièrement dénoncé.

‘ferme ta gueule » « t’es une grosse merde », t’es nulle », « grosse pute », « ta gueule, connard » sont souvent vos paroles à l’égard du personnel.

De nombreux témoignages sont venus corroborer cette triste situation.

Par votre comportement, le climat au sein du magasin était particulièrement insupportable.

Si besoin est nous nous permettons de vous rappeler qu’il est impensable que les règles morales qui doivent nécessairement présidées dans les rapports entre collègues de travail ne soient pas respectées au sein de notre entreprise.

Un tel comportement envers vos collègues de travail, qui plus est de la part d’un Responsable Production en qui nous plaçons toute notre confiance est parfaitement inadmissible et inacceptable.

Vous n’avez pas respecté le Règlement intérieur, notamment les dispositions de l’article 11  » Exécution des activités professionnelles  »

De tels faits rendent donc impossible la poursuite de votre contrat de travail.

Aussi par la présente, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour faute grave.

(…)’.

Le 12 mars 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nice pour voir juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail, outre la remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés.

L’affaire a été radiée le 19 juin 2019 puis réinscrite au rôle du conseil.

Par jugement rendu le 22 mars 2021, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement repose sur une faute grave, a rejeté les demandes et a condamné le salarié au paiement de la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

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La cour est saisie de l’appel formé le 21 avril 2021 par le salarié.

Par ses dernières conclusions du 21 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour :

INFIRMER le jugement rendu par le CPH de [Localité 1] le 22 mars 2021 en toutes ses dispositions

Partant et RECONVENTIONNELLEMENT

CONSTATER le caractère incohérent des témoignages versés au soutien de l’employeur dans le cadre de sa procédure de licenciement

CONSTATER que la plainte de madame [I] n’a abouti qu’à un simple rappel à la loi n’ayant pas autorité de la chose jugée au civil et que les témoins s’étant portés au soutien de cette dernière n’ont pas jugé bon déférer à la convocation de la police judiciaire

CONSTATER que la plainte de Monsieur [H] pour dénonciation calomnieuse est à son tour en cours d’instruction

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [H] ne peut valablement être fondé sur des témoignages sujets à caution et qu’il est dès lors un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la SAS BBG , au paiement entre les mains de Monsieur [H] des sommes suivantes:

Par application de l’article L1235-3-1 modifié du code de travail visant les cas de licenciement pouvant être frappés de nullité pour cause notamment de traitement discriminatoire : sur la base de 12 mois de salaires, une réparation pécuniaire à hauteur de : 25.200 euros

Au titre de l’indemnité de licenciement : 1050 Euros

Au titre de l’indemnité de préavis : 4200 Euros

Au titre des congés payés : reliquat de l’année 2017 / 2018 : 1050 Euros,

Sur l’année 2018/2019 : 2625 euros

Au titre des frais irrépétibles : 2000 Euros

la condamnation au paiement d’une somme de 3 000 € sur le fondement des frais irrépétibles.

La CONDAMNER encore aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la SCP DAVAL GUEDJ MONTERO.

Par ses dernières conclusions du 14 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour :

CONFIRMER le jugement dont appel dans son intégralité,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER Monsieur [H] à payer à la concluante, ; en cause d’appel, la somme de 4.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL PASCAL JAMMET DALMET.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 août 2024.

MOTIFS

1 – Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l’espèce, la cour est saisie par voie d’infirmation du jugement déféré d’une demande tendant à voir le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.

Il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié d’avoir eu:

– le 5 février 2019 un comportement agressif à l’égard de sa collègue Mme [I] ;

– un comportement insultant et déplacé à l’égard de ses collègues féminines à l’origine d’un climat insupportable au sein du magasin.

La société verse à l’appui du grief relatif aux faits du 5 février 2019:

– l’attestation de Mme [I] qui indique que le 5 février 2019 le salarié l’a violemment poussée contre un mur après l’avoir menacée de mort avec un couteau ;

– la plainte déposée par Mme [I] le 6 février 2019 à l’encontre du salarié pour les faits de violence du 5 février 2019 ;

– diverses attestations de salariés ayant été témoins des faits de violence du 5 février 2019 (Mme [L] ; M. [O] ; Mme [Z]) incriminant le salarié.

Force est de constater que d’une part le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à contredire la réalité des faits établie par les pièces ci-dessus et que d’autre part ses allégations de discrimination ne sont étayées par aucune pièce, étant précisé que la circonstance que la plainte de la victime a donné lieu à un rappel à la loi est indifférente.

La cour dit que les faits du 5 février 2019 imputés au salarié sont établis et qu’ils constituent à eux seuls, sans qu’il y ait lieu d’examiner le surplus des griefs, une violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail et qui rendent impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Le licenciement pour faute grave est donc justifié de sorte que le jugement déféré est confirmé de ce chef et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et les demandes financières afférentes.

2 – Sur le reliquat des congés payés

Force est de constater que le salarié ne développe aucun moyen, ni de droit ni de fait, à l’appui de sa demande de paiement de reliquat de congés payés.

En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

3 – Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge du salarié les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à la société une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié est condamné aux dépens d’appel.

L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

Le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire devant la présente juridiction statuant en matière prud’homale, la demande au titre de l’article 699 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. [H] à payer à la société Boulangerie BG la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel,

CONDAMNE M. [H] aux dépens d’appel,

REJETTE la demande au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


 


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