Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Licenciement contesté pour motifs non avérés
→ RésuméEmbauche et mise à piedMadame [Z] [D] a été embauchée par la SAS SUDCOSMETICS en tant qu’opératrice de conditionnement à partir du 2 janvier 2017, avec une ancienneté reconnue depuis le 2 octobre 2016. Le 30 août 2018, elle a été mise à pied de manière conservatoire, suivie d’une convocation à un entretien préalable. Licenciement pour faute graveLe 12 septembre 2018, la SAS SUDCOSMETICS a notifié à Madame [Z] [D] son licenciement pour faute grave, en invoquant plusieurs motifs, notamment des vols de produits, une mauvaise exécution de son travail, des violations des règles d’hygiène et de sécurité, des retards répétés, ainsi que des problèmes relationnels avec ses collègues. Réaction de Madame [Z] [D]Contestant son licenciement, Madame [Z] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues. Le jugement du 4 mars 2021 a requalifié son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à lui verser diverses indemnités. Appel de la SAS SUDCOSMETICSLa SAS SUDCOSMETICS a interjeté appel de cette décision, demandant la confirmation de la légitimité de son licenciement pour faute grave et le rejet des demandes de Madame [Z] [D]. Arguments des partiesLa SAS SUDCOSMETICS a soutenu que les manquements reprochés à Madame [Z] [D] étaient avérés et constitutifs d’une faute grave, tandis que Madame [Z] [D] a insisté sur le caractère vexatoire de son licenciement et a demandé la confirmation du jugement initial. Décision de la courLa cour a examiné les griefs invoqués par l’employeur, concluant que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes pour justifier le licenciement pour faute grave. Elle a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, requalifiant le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Indemnités et dommagesLa cour a statué sur les indemnités dues à Madame [Z] [D], confirmant certaines montants tout en modifiant d’autres, notamment en réduisant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 2 900 euros. Les demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif ont été rejetées. ConclusionLa SAS SUDCOSMETICS a été condamnée à verser des indemnités à Madame [Z] [D] et à supporter les dépens, tandis que la demande de cette dernière concernant les frais de recouvrement a été déboutée. |
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 17 JANVIER 2025
N° 2025/ 010
Rôle N° RG 21/05624 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHI4W
S.A.S. SUDCOSMETICS
C/
[Z] [D]
Copie exécutoire délivrée
le : 17/01/2025
à :
Me Laurent-Attilio SCIACQUA de la SELARL EY VENTURY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 04 Mars 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00567.
APPELANTE
S.A.S. SUDCOSMETICS Prise en la personne de son président domicilié es qualité au siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laurent-Attilio SCIACQUA de la SELARL EY VENTURY AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [Z] [D], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Muriel GUILLET, Conseillère, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller
Madame Muriel GUILLET, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025
Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [Z] [D] a été embauchée par la SAS SUDCOSMETICS par contrat à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2017, avec reprise d’ancienneté au 2 octobre 2016, en qualité d’opératrice de conditionnement- coefficient 130- statut ouvrier de la convention collective chimie : industries.
Le 30 août 2018, elle a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, avec convocation à un entretien préalable fixé au 7 septembre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 septembre 2018, la SAS SUDCOSMETICS a notifié à Madame [Z] [D] son licenciement pour faute grave en ces termes :
« Nous faisons suite à notre entretien du 7 septembre 2018 au cours duquel vous étiez assistée de Madame [E] [F], déléguée du personnel. Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions la rupture de votre contrat de travail.
Après réflexion, les explications que vous nous avez fournies n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous avons donc décidé de vous licencier pour faute grave. Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de l’entretien, les motifs du licenciement sont les suivants :
Vols et détournements de produits au sein de l’atelier:
A plusieurs reprises au sein de l’atelier, nous avons été alertés sur des vols de marchandises de votre fait, et en particulier les 25, 26 et 27 juillet 2018 lorsque vous étiez d’équipe de l’après-midi. Plusieurs témoignages nous ont confirmés ces agissements.
Vous n’avez pas souhaité répondre à nos interrogations sur ces agissements lors de l’entretien préalable et n’avez pas contesté les faits.
Ces faits sont d’autant plus graves que vous ne pouvez ignorer que ces produits cosmétiques que nous fabriquons ne nous appartiennent pas, et qu’ils sont la propriété de nos clients.
Ils sont constitutifs de détournements et manipulations frauduleuses, susceptibles de recouvrir une incrimination pénale et d’entrainer votre responsabilité ainsi que celle de l’entreprise vis-à-vis de notre donneur d’ordre.
Ils caractérisent également une violation manifeste des processus applicables dans l’entreprise en matière de manipulation de marchandises et des directives qui vous sont données.
Mauvaise exécution de votre travail:
Nous avons à déplorer votre manque de professionnalisme dans l’exécution de vos tâches, vous ne respectez pas les consignes de travail et directives qui vous sont données par vos responsables.
A plusieurs reprises, en particulier, le 24 août dernier, alors que vous deviez travailler sur le contrôle des rouges à lèvres de la marque « Givenchy», Monsieur [M] [Y] a constaté qu’au lieu de cela, vous étiez entrain de discuter et rire autour de votre poste de travail, avec plusieurs de vos collaborateurs.
Pendant une demi-heure, vous avez discuté avec eux, dans une posture dilettante, ne prêtant plus l’attention requise à votre travail de contrôle. Vous n’avez d’ailleurs produit que moins de la moitié de la quantité réalisable dans le temps considéré.
Pendant l’entretien, vous avez reconnu ces faits. Vous avez également reconnu que vous aviez déjà été avertie verbalement sur la mauvaise exécution de votre travail.
Vous n’avez donc pas tenu compte de ces précédents avertissements et le non-respect de vos obligations contractuelles, notamment en matière de contrôle, nous a conduit à recontrôler les produits de la marque «Givenchy».
Or sur un produit aussi qualitatif, de luxe, et stratégique pour l’entreprise, le contrôle qualité est primordial puisqu’il est la dernière étape avant l’envoi des produits à notre client.
Votre comportement est une fois encore nuisible à l’entreprise et à son image, risquant de générer des difficultés avec nos clients.
Inobservation des règles et mesures d’hygiène de sécurité
Nous avons en outre constaté que vous ne respectiez pas les consignes· et règles d’hygiène et de sécurité applicables à votre poste de travail. Vous êtes pourtant parfaitement au fait et formée sur ces règles.
Vous avez reconnu ne pas protéger systématiquement votre piercing par un sparadrap.
Retards répétés dans votre prise de poste
Par ailleurs, nous avons constaté que vous ne respectiez pas vos horaires de travail.
Ainsi, le 31/07/2018 vous avez pris votre poste de travail avec 30 minutes de retard, et le 30/08/2018 encore, avec 38 minutes de retard, sans fournir d’explications.
Ces retards répétés ne sont pas acceptables et désorganisent votre équipe de travail.
Problèmes relationnels avec vos collaborateurs
A plusieurs reprises, vous avez eu des altercations au sein de l’atelier de conditionnement avec différents collaborateurs, dont Monsieur [P] [K] et Madame [C] [A].
Vous vous êtes également emportée au cours d’une discussion avec Monsieur [M] [X] le 03 août dernier, pour un problème de manque d’étiquettes sur la ligne de conditionnement que vous n’aviez pas anticipé.
Le 29 août, vous avez une nouvelle fois eu une altercation avec Madame [R] [S] au sujet de votre positionnement sur la ligne de conditionnement, pourtant attribué par votre responsable de ligne.
Au cours de l’entretien, vous avez reconnu les faits, et avoir auparavant été avertie verbalement par Monsieur [M] [Y] sur votre façon de vous comporter avec vos collaborateurs, dont avec Madame [S].
Vous n’avez là encore pas tenu compte de ces rappels et vous continuez à vous emporter et perturber ainsi le fonctionnement des lignes de conditionnement sur lesquelles vous travaillez.
En tout état de cause, l’ensemble de ces faits que vous avez reconnus lors de l’entretien constitue un manquement grave, tant à vos obligations contractuelles qu’au règlement intérieur de notre société, et ont causé un important préjudice à celle-ci, en ayant perturbé son organisation et sa bonne marche.
Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de notre entreprise, même pendant un préavis.»
Contestant son licenciement, Madame [Z] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues, lequel, par jugement du 4 mars 2021 :
DIT que le licenciement pour faute grave de Madame [D] n’est pas fondé et REQUALIFIE le licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la Société SUDCOSMETICS à verser à Madame [D] les sommes suivantes :
4.000 € (quatre mille euros) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2.997 € (deux mille neuf cent quatre-vingt-dix-sept euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement abusif,
726,69 € (sept cent vingt-six euros et soixante-neuf cents) à titre d’indemnité légale de licenciement,
1.480,27 € (mille quatre cent quatre-vingt euros et vingt-sept cents) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
148,02 € (cent quarante-huit euros et deux cents) au titre de l’incidence congés payés afférents au préavis,
ORDONNE la remise des documents conformes au présent jugement,
DIT n’y avoir lieu à l’exécution provisoire, sauf exécution provisoire de droit dans les limites de l’article R1424-28 du Code du Travail,
DIT que les créances salariales porteront intérêts à partir de la date de réception par la Société SUDCOSMETICS de la convocation devant le Bureau de Conciliation du 4 Octobre 2019, soit le 27 août 2019 et ce jusqu’à parfait paiement,
DÉBOUTE Madame [D] de sa demande de capitalisation de ces intérêts,
CONDAMNE la Société SUDCOSMETICS à verser à Madame [D] la somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile.
DÉBOUTE la Société SUDCOSMETICS de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
DÉBOUTE Madame [D] et la société SUDCOSMETICS de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société SUDCOSMETICS aux entiers dépens.
Par déclaration électronique du 15 avril 2021, à laquelle était jointe une annexe, la SAS SUDCOSMETICS a interjeté appel de cette décision, en ce qu’elle a DIT que le licenciement pour faute grave de Madame [D] n’est pas fondé et REQUALIFIE le licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la Société SUDCOSMETICS à verser à Madame [D] les sommes suivantes :
4.000 € (quatre mille euros) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2.997 € (deux mille neuf cent quatre-vingt-dix-sept euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement abusif,
726,69 € (sept cent vingt-six euros et soixante-neuf cents) à titre d’indemnité légale de licenciement,
1.480,27 € (mille quatre cent quatre-vingt euros et vingt-sept cents) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
148,02 € (cent quarante-huit euros et deux cents) au titre de l’incidence congés payés afférents au préavis,
DÉBOUTE la Société SUDCOSMETICS de ses demandes,
CONDAMNE la Société SUDCOSMETICS à verser à Madame [D] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 12 juillet 2021, la SAS SUDCOSMETICS demande à la cour de :
DIRE ET JUGER que la démonstration des manquements reprochés à Madame [D] est faite par la société SUDCOSMETICS,
CONSTATER que ces manquements ont pris naissance dans un contexte où Madame [D] ne faisait plus face à ses obligations contractuelles et professionnelles,
DIRE ET JUGER que ces manquements sont imputables à la salariée et constitutifs d’une faute grave,
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [D] pour faute grave est régulier et justifié,
En conséquence,
REFORMER la décision dont appel,
DEBOUTER en conséquence Madame [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER Madame [D] à payer à la société SUDCOSMETICS la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 19 août 2021, Madame [Z] [D] demande à la cour de :
DIRE ET JUGER que le licenciement dont a fait l’objet Madame [D] est sans cause réelle et sérieuse et vexatoire,
En conséquence :
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en date du 4 mars 2021,
Y AJOUTANT
DIRE ET JUGER que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
DIRE ET JUGER qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil et que les intérêts échus et dus sur les sommes allouées porteront également intérêt,
CONDAMNER la Société SUDCOSMETICS à lui payer la somme de 2.000 € en application de l’article 700 CPC ;
DIRE que dans l’où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 N°96-1080 ( tarif des huissiers) devront être supportées par le débiteur en sus.
CONDAMNER la Société SUDCOSMETICS aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture de la procédure est en date du 5 novembre 2024.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement ,
Emende le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 4 mars 2021, en ce qu’il a condamné la SAS SUDCOSMETICS à payer à Madame [Z] [D] la somme de 4 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 4 mars 2021, en ce qu’il a condamné la SAS SUDCOSMETICS à payer à Madame [Z] [D] la somme de 2997 euros « à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement abusif » et l’a déboutée de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Statuant de nouveau de ces chefs,
Condamne la SAS SUDCOSMETICS à payer à Madame [Z] [D] la somme de 2 900 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Madame [Z] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour « exécution déloyale du contrat de travail » ;
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues du 4 mars 2021 pour le surplus ;
Y ajoutant,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal, à compter du jugement entrepris ;
Condamne la SAS SUDCOSMETICS à payer à Madame [Z] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS SUDCOSMETICS aux dépens ;
Déboute Madame [Z] [D] de sa demande de condamnation de l’employeur aux frais de recouvrement et d’encaissement d’huissier en cas de recouvrement forcé des sommes dues ;
Le greffier Le président
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