Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Discrimination syndicale et évolution de carrière : un salarié rétabli dans ses droits.
→ RésuméContexte de l’affaireM. [O] [N], né le 16 novembre 1955, a été embauché en 1977 par la société Solmer, devenue par la suite Arcelormittal Méditerranée. Il a commencé sa carrière en tant que fondeur avant d’être affecté en 1981 au poste de pompier. Au fil des années, il a dénoncé une stagnation de sa carrière, qu’il attribue à des discriminations liées à ses activités syndicales. Actions en justiceLe 29 décembre 2005, M. [N] a écrit à la direction des ressources humaines pour signaler sa situation. En avril 2013, il a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues, alléguant une discrimination syndicale. Le conseil a rendu un jugement en mars 2016, ordonnant son repositionnement à un coefficient supérieur et condamnant la société à lui verser des dommages-intérêts. Appel de la sociétéLa société Arcelormittal Méditerranée a interjeté appel du jugement, contestant la recevabilité de la demande de M. [N] et arguant de l’absence de preuve d’une exposition aux risques liés à l’amiante et aux agents cancérogènes. Elle a également demandé une réduction des montants des indemnités accordées. Arguments de M. [N]M. [N] a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé un repositionnement rétroactif à un coefficient plus élevé, ainsi que des indemnités pour les frais d’appel. Il a soutenu que sa stagnation de carrière était liée à son engagement syndical et a fourni des preuves de sa participation active dans diverses instances syndicales. Discrimination syndicaleLe tribunal a examiné les éléments de preuve fournis par M. [N], notamment des témoignages et des documents attestant de sa stagnation de carrière et de l’impact de son engagement syndical sur son évolution professionnelle. La société n’a pas réussi à prouver que les décisions prises à son encontre étaient justifiées par des éléments objectifs. Réparation du préjudiceLe tribunal a déterminé que M. [N] avait subi un préjudice matériel en raison de la discrimination, calculant les dommages-intérêts sur la base d’une méthode de triangulation des salaires. La somme totale de 94 224 euros a été accordée pour réparer le préjudice subi entre 1992 et 2012. Demande d’indemnisation pour exposition à l’amianteM. [N] a également demandé des dommages-intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents cancérogènes. Le tribunal a jugé que sa demande était recevable et non prescrite, en raison de l’absence d’information sur les risques liés à son exposition. Décision finaleLe tribunal a confirmé la majorité des décisions du jugement initial, tout en infirmant la partie relative aux dommages-intérêts pour préjudice moral. La société a été condamnée à verser des frais d’appel à M. [N] et à prendre en charge les dépens. |
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 17 JANVIER 2025
N°2025/012
Rôle N°20/06340
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGAOI
Société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE, prise en son établissement de [Localité 3]
C/
[O] [N]
Copie exécutoire délivrée
le : 17/01/2025
à :
– Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
– Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARTIGUES en date du 04 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le N° 13/257.
APPELANTE
Société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE, prise en son établissement de [Localité 3] sis [Adresse 5], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE
et par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
INTIME
Monsieur [O] [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2025.
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
M. [O] [N], né le 16 novembre 1955, a été embauché en juin 1977 par la société Solmer située à [Localité 3] aux droits de laquelle se trouve la société Arcelormittal Méditerranée en qualité de fondeur aux Hauts Fourneaux, statut ouvrier, niveau 1, 3ème échelon. Il a été affecté le 1er février 1981 à un emploi de pompier.
Le 29 décembre 2005, il a adressé un courrier à la direction des ressources humaines de la société Sollac Méditerranée afin de dénoncer une stagnation dans son évolution de carrière en faisant référence à ses activités syndicales.
Estimant avoir été victime d’une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière, M. [N] a saisi, le 8 avril 2013, le conseil de prud’hommes de Martigues. Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix, par procès-verbal du 18 décembre 2014.
En décembre 2015, M. [N] a quitté l’entreprise dans le cadre de son départ en retraite. En dernier lieu, il était positionné au coefficient 255.
Par jugement du 4 mars 2016, le conseil de prud’hommes de Martigues, en sa formation de départage, a ainsi statué :
– repositionne M. [N] au coefficient 305 ;
– condamne la société Arcelormittal Méditerranée à payer à M. [N] [O] les sommes de:
– 94 224 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel ;
– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d’anxiété ;
– 1 500 euros à titre d’indemnité globale sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
avec intérêts de droit à compter du 16 avril 2013 ;
– déboute les parties de plus amples demandes ;
– ordonne l’exécution provisoire sur la somme de 50 000 euros et sur l’indemnité globale ;
– condamne la société Arcelormittal Méditerranée aux dépens.
Par déclaration du 16 mars 2016 notifiée par voie électronique, la société Arcelormittal Méditerranée a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 29 octobre 2024 et développées oralement à l’audience, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société ArcelorMittal Méditerranée, appelante, demande à la cour de :
à titre principal,
– juger irrecevable la demande indemnitaire de M. [N] pour non-respect des dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale ;
– débouter le demandeur en conséquence de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre subsidiaire,
– constater l’absence de preuve d’une exposition personnelle et continue de M. [N] au risque CMR et à l’amiante;
– constater l’absence de preuve d’un comportement fautif imputable à la société ArcelorMittal Méditerranée;
– constater l’absence de preuve d’un préjudice actuel, direct et certain en lien avec l’activité professionnelle;
– débouter en conséquence le demandeur en conséquence de ses demandes, fins et conclusions;
à titre encore plus subsidiaire,
– ramener à de bien plus justes proportions les demandes d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété ;
en tout état de cause,
– rejeter toute prétention adverse plus amples ou contraires ;
– dire et juger n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais de première instance en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laisser les dépens à la charge de M. [N].
Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 12 novembre 2024 et développées oralement à l’audience auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [N] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Martigues en date du 4 mars 2016 ;
y ajouter,
– ordonner son repositionnement au coefficient 305 mais à compter de janvier 2012 et ce avec toutes conséquences de droit, notamment sur la rémunération ;
– condamner la société ArcelorMittal Méditerranée à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel ;
– condamner ladite société aux entiers dépens dont les frais éventuels d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement ;
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a condamné la société Arcelormittal Méditerranée à payer à M. [O] [N] la somme de 3000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination ;
STATUANT à nouveau du chef infirmé et y ajoutant ;
DEBOUTE M. [O] [N] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination ;
DIT recevable la demande de dommages et intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) eu égard aux dispositions de l’article L.451-1 du code de la sécurité sociale ;
DECLARE recevable comme non prescrite la demande de dommages-intérêts pour exposition à l’amiante et aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) ;
CONDAMNE la société Arcelormittal Méditerranée aux dépens d’appel ;
CONDAMNE la société Arcelormittal Méditerranée à payer à M. [O] [N] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel ;
DEBOUTE la société Arcelormittal Méditerranée de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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