Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 16 avril 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 16 avril 2024

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Diffamation sur internet : le piège de la prescription courte

Résumé

La prescription de l’action en diffamation sur internet est un enjeu déterminant. Selon la loi sur la liberté de la presse, l’action doit être engagée dans un délai de trois mois à compter de la première publication des propos litigieux, et non de leur suppression. Ainsi, la date de mise en ligne des propos est déterminante. Dans une affaire récente, le tribunal a constaté que les propos diffamatoires avaient été publiés au plus tard le 9 janvier 2019, rendant l’action de M. [G] [M], intentée le 17 mai 2019, irrecevable en raison de la prescription.

Pour apprécier la prescription éventuelle de l’action en diffamation en ligne intentée, il convient de tenir compte de la première date de diffusion des propos à tout utilisateur potentiel d’internet, peu important la date à laquelle la personne qui s’estime diffamée a prix connaissance de l’existence de la publication.

Le fait que la victime ait donc pris connaissance des propos diffusés tardivement ne peut constituer en soi le point de départ du délai de prescription.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d ‘agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Par dérogation au délai de droit commun prévu par l’article 2247 du code civil, l’article 65 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 enferme l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions qu’ elle édicte dans un délai de trois mois à compter du jour de la commission des faits ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite.

Il ressort d’une jurisprudence constante que les infractions commises par voie de presse ont un caractère instantané, de sorte qu’elles sont réputées commises et consommées au moment de la publication, quel que soit le temps pendant lequel l’écrit est resté diffusé, publié ou disponible à la vente. Sur internet, le point de départ de la prescription est ainsi constitué de la première mise en ligne des propos litigieux et non de leur suppression du site : il appartient dès lors à celui qui se prévaut de la prescription de l’action de rapporter la preuve de cette première mise en ligne des propos contestés qui constitue la date de première mise à disposition des propos aux utilisateurs.

L’affaire concerne des propos diffamatoires et injurieux publiés sur un site internet à l’encontre de M. [G] [M]. Après avoir saisi la justice, le tribunal judiciaire de Marseille a condamné le gérant du site et l’hébergeur à verser des dommages et intérêts à M. [G] [M] et à retirer les contenus litigieux du site. Les parties ont interjeté appel de cette décision. Les intimés invoquent la prescription de l’action et contestent le préjudice subi par M. [G] [M]. Le procureur général recommande de rejeter l’exception de prescription et confirme la décision du tribunal. L’affaire est en attente de jugement de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques. De plus, la compétence de la juridiction française n’a jamais été contestée et ne l’est pas aux termes des dernières conclusions transmises aux intérêts de l’ensemble des appelants. Aucune compétence d’ordre public dérogatoire n’est davantage applicable en l’espèce, de sorte qu’en l’absence de prétention particulière à ce titre, la cour statue sans se prononcer sur sa compétence, non remise en cause.

Sur la nullité

En vertu de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnées et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. En l’occurrence, aux termes des dernières conclusions transmises aux intérêts de M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO, il n’est plus soulevé aucune exception de nullité de l’assignation délivrée par M. [G] [M], notamment pour irrespect de l’article 55 de la loi du 9 juillet 1881. La cour n’est donc saisie d’aucune exception de nullité.

Sur la prescription

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir, M. [G] [M] invoque l’irrecevabilité de cette fin de non-recevoir soulevée pour la première fois devant la cour d’appel. Or, d’une part, la décision entreprise est une décision réputée contradictoire, puisque M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO ne s’étaient pas fait représenter en première instance et n’avaient pas comparu, bien que régulièrement cités. Désormais constitués en appel, ces derniers sont donc recevables à faire valoir des moyens et prétentions par essence non émis en première instance. D’autre part, la prescription invoquée est une fin de non-recevoir, recevable en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel, en application de l’article 123 du code de procédure civile. Cette fin de non-recevoir est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d ‘agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Par dérogation au délai de droit commun prévu par l’article 2247 du code civil, l’article 65 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 enferme l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions qu’elle édicte dans un délai de trois mois à compter du jour de la commission des faits ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite. Il ressort d’une jurisprudence constante que les infractions commises par voie de presse ont un caractère instantané, de sorte qu’elles sont réputées commises et consommées au moment de la publication, quel que soit le temps pendant lequel l’écrit est resté diffusé, publié ou disponible à la vente. Sur internet, le point de départ de la prescription est ainsi constitué de la première mise en ligne des propos litigieux et non de leur suppression du site : il appartient dès lors à celui qui se prévaut de la prescription de l’action de rapporter la preuve de cette première mise en ligne des propos contestés qui constitue la date de première mise à disposition des propos aux utilisateurs. Selon M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO, l’action en réparation intentée par M. [G] [M] était prescrite au 9 avril 2019, soit préalablement à la délivrance de l’acte introductif d’instance du 17 mai 2019, dans la mesure où ils soutiennent que les propos litigieux ont été publiés au plus tard le 9 janvier 2019 sur internet. M. [G] [M] soutient pour sa part que les propos litigieux ont été publiés le 19 février 2019, de sorte que son action intentée le 17 mai 2019, moins de trois mois après, n’est pas prescrite. M. [G] [M] produit un mail de M. [E], journaliste, du 19 mars 2019, lui indiquant qu’il venait de trouver en ligne, en recherchant ses coordonnées sur Google, un site intitulé ‘[G] [M] – serial mythomane’ à l’adresse URL http://[06] et présentant les deux lignes de textes suivantes :’Baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc, vous saurez tout’ et ‘[G] [M] de [Localité 5], anciennement RHSI, viré de Qwamplfy et associé fantôme de T4Equity, les révélations bientôt’. Il justifie également de son dépôt de plainte du même jour, ainsi que de son nouveau dépôt de plainte, avec constitution de partie civile, du 6 juin 2019. Principalement, M. [G] [M] s’appuie sur le procès-verbal de constat qu’il a fait dresser par huissier de justice le 4 avril 2019, aux termes duquel l’officier ministériel a constaté la publication des propos intégraux ci-dessus repris sur le site http://[06], hébergé par la SELARL J&J Associates SRO. Dans les annexes de son procès-verbal de constat, l’huissier de justice a relevé le Whois du site en cause, étant observé que le Whois correspond à un protocole commun sur internet qui permet de consulter les informations d’enregistrement d’un nom de domaine ou d’un IP. Dans ce Whois, il apparaît qu’une mise à jour, ‘updtated date’, a été effectuée le 19 février 2019. Cette date correspond donc à la dernière date à laquelle une modification a été effectuée sur le domaine. Pour autant, elle ne correspond pas nécessairement à la première date de publication des propos litigieux, la mise à jour ayant pu porter sur un autre élément du domaine les cigales.org, ou seulement partiellement sur les propos incriminés. En tout état de cause, ce Whois ne permet pas d’établir avec certitude la première date de publication des propos dénoncés par M. [G] [M]. Par ailleurs, pour apprécier la prescription éventuelle de l’action intentée par M. [G] [M], il convient de tenir compte de la première date de diffusion des propos à tout utilisateur potentiel d’internet, peu important la date à laquelle la personne qui s’estime diffamée a prix connaissance de l’existence de la publication. Le fait que M. [G] [M] ait donc pris connaissance des propos diffusés par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO le 19 février 2019 ne peut constituer en soi le point de départ du délai de prescription. M. [G] [M] fait en outre valoir que M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO ne sont pas en mesure de justifier de la réelle date de première publication des propos injurieux. Ces derniers ne le contestent pas, mais soutiennent que ceux-ci l’ont été, en tout état de cause, le 9 janvier 2019 au plus tard. En effet, M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO produisent un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 13 novembre 2020 qui a consulté le site https://www.archive.org/, site d’archive digitale d’internet, et dont il ressort que la publication litigieuse, telle que déjà reprise, a été sauvegardée 4 fois entre le 9 janvier 2019 et le 21 mars 2020. Ce constat d’huissier de justice, qui fait foi tout autant que celui produit par M. [G] [M], ne saurait être écarté au motif qu’il relate un extrait du site archive.org auquel il ne peut être dénié toute force probante, à défaut de tout élément contraire de nature à jeter un doute sur sa fiabilité. Quand bien même, ce site n’est pas un site officiel d’archivage et reconnaît lui-même que des erreurs sont possibles, puisque comprenant une clause de non garantie de son contenu, celles-ci ne peuvent être présumées et il appartient aux parties qui s’en prévalent de les démontrer. En l’état des éléments communiqués à la cour, il appert que les propos dénoncés par M. [G] [M] comme ayant été publiés sur le site hébergé par la SELARL J&J Associates SRO ont été diffusés au plus tard pour la première fois le 9 janvier 2019, de sorte que l’action intentée par M. [G] [M] en diffamation et injure le 17 mai 2019 est prescrite. Au demeurant, force est de relever que, selon décision du 26 mai 2023, le tribunal correctionnel de Marseille, saisi des chefs de prévention de diffamation et d’injure publiques entre les mêmes parties et pour les mêmes propos, a, notamment, constaté la prescription des faits poursuivis au titre de la publication du 19 février 2019 et a relaxé M. [N] [C] de ce chef. Aux termes de la déclaration d’appel intentée par M. [G] [M] contre cette décision, et ici produite, il apparaît que celui-ci ne critique pas ce chef de la décision pénale qui, dès lors, est définitif. En conséquence, cette décision a autorité de chose jugée et s’impose à la présente cour quant à l’appréciation de la prescription de l’action intentée au plan civil par M. [G] [M]. La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de M. [G] [M] doit donc être accueillie et l’ensemble de ses prétentions se trouve irrecevable. La décision entreprise sera infirmée en intégralité.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [G] [M], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d’appel, la décision entreprise étant réformée également de ce chef. En revanche, l’équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – M. [G] [M] est condamné au paiement des dépens
– Les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil
– Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881

Article 954 du code de procédure civile:
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnées et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Article 123 du code de procédure civile:
La prescription invoquée est une fin de non-recevoir, recevable en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

Article 122 du code de procédure civile:
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Article 2247 du code civil:
Le délai de droit commun prévu par cet article est dérogé par l’article 65 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 pour les actions civiles résultant des crimes, délits et contraventions qu’elle édicte.

Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881:
L’article 65 de cette loi enferme l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions qu’elle édicte dans un délai de trois mois à compter du jour de la commission des faits ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Cédric MAS
– Me Xavier PIZARRO

Mots clefs associés & définitions

– Cour d’appel
– Compétence
– Nullité
– Prescription
– Fin de non-recevoir
– Délai de prescription
– Diffamation
– Injure
– Huissier de justice
– Site internet
– Archive digitale
– Chose jugée
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens

– Cour d’appel: juridiction chargée de statuer sur les appels formés contre les décisions des juridictions de premier degré
– Compétence: capacité d’une juridiction à connaître d’une affaire en fonction de sa nature et de son montant
– Nullité: annulation d’un acte juridique en raison d’un vice de forme ou de fond
– Prescription: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Fin de non-recevoir: moyen de défense permettant de rejeter une demande en justice pour un motif de procédure
– Délai de prescription: période pendant laquelle une action en justice peut être engagée
– Diffamation: fait de tenir des propos portant atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne
– Injure: fait de tenir des propos outrageants ou offensants envers une personne
– Huissier de justice: officier ministériel chargé de signifier des actes judiciaires et de procéder à des saisies
– Site internet: ensemble de pages web accessibles en ligne
– Archive digitale: conservation de documents sous forme numérique
– Chose jugée: principe selon lequel une décision de justice définitive ne peut être remise en cause
– Article 700 du code de procédure civile: disposition permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie qui a obtenu gain de cause pour ses frais de justice
– Dépens: frais engagés par les parties dans le cadre d’une procédure judiciaire

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 avril 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/05437
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 AVRIL 2024

N° 2024/ 161

Rôle N° RG 20/05437 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF5D7

[G] [M]

C/

[N] [C]

PROCUREUR GENERAL

S.A.R.L. J&J ASSOCIATES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cédric MAS

Me Xavier PIZARRO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 15 Mai 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/07419.

APPELANT

Monsieur [G] [M]

né le 01 Février 1985 à [Localité 5]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] / FRANCE

représenté et assisté par Me Cédric MAS de la SELARL SELARL CEDRIC MAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [N] [C]

né le 25 Février 1981 à [Localité 3],

demeurant chez Monsieur [R] [Adresse 2]

S.A.R.L. J&J ASSOCIATES SRO,

demeurant [Adresse 4] SLOVAQUIE

Tous deux représentés et assistés par Me Xavier PIZARRO de la SELARL PIZARRO AVOCAT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme Catherine OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Avril 2024.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Avril 2024,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE

Selon procès-verbal dressé par huissier de justice le 4 avril 2019, M. [G] [M] a fait constater que le site internet http://[06] présentait le contenu suivant, dont il avait eu connaissance le 19 février 2019 : ‘Baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc, vous saurez tout’ et ‘[G] [M] de [Localité 5], anciennement RHSI, viré de Qwamplfy et associé fantôme de T4Equity, les révélations bientôt’, ces propos n’étant pas signés et leur rédacteur non identifié.

Le 10 mai 2019, M. [G] [M] a adressé une mise en demeure à la SELARL J&J Associates SRO, hébergeur du site internet en cause via son site même. Il en a fait de même à l’endroit du gérant de cette société, M. [N] [C], le 14 mai 2019.

Le 19 mars 2019, M. [G] [M] a déposé plainte auprès du commissariat de police de [Localité 5], puis le 30 août 2019, il a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. [N] [C].

Ces mises en demeure restant infructueuses, M. [G] [M] a fait assigner M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO par actes du 17 mai 2019 régulièrement signifiés par les autorités compétentes en Slovaquie, aux fins d’obtenir le retrait des propos constituant une injure publique et une diffamation publique, outre l’indemnisation des préjudices causés par ces publications.

Par jugement réputé contradictoire en date du 15 mai 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a :

dit que les propos incriminés sont constitutifs de diffamation publique envers un particulier et d’injure publique envers un particulier,

condamné in solidum M. [N] [C], gérant et directeur de publication, et la SELARL J&J Associates SRO à verser à M. [G] [M] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

condamné in solidum la SELARL J&J Associates SRO et son directeur de publication, M. [N] [C], à retirer le contenu suivant du site internet http://[06] : ‘Baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc, vous saurez tout’ et ‘[G] [M] de [Localité 5], anciennement RHSI, viré de Qwamplfy et associé fantôme de T4Equity, les révélations bientôt’, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 7 jours suivant la signification du jugement à intervenir, pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du présent jugement,

condamné in solidum la SELARL J&J Associates SRO et son gérant et directeur de publication, M. [N] [C], à verser à M. [G] [M] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

débouté M. [G] [M] de ses autres demandes,

ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a retenu la diffamation publique du fait de deux éléments. Il a estimé que l’emploi du terme ‘viré’, élément péjoratif renvoyant à un fait précis, porte atteinte à la considération et à l’honneur de M. [G] [M] notamment dans le vie des affaires. De même, il a retenu que l’expression ‘associé fantôme de T4Equity’ portait également atteinte à la considération de ce dernier en tant qu’associé d’une société.

Le tribunal a également estimé que l’injure publique était caractérisée par l’emploi des termes ‘baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc’.

S’agissant des préjudices subis, le tribunal a écarté comme non prouvé le risque de perte d’emploi pour M. [G] [M], mais a retenu l’existence d’un préjudice moral du fait de la diffusion de ces propos, d’accès aisé et de large diffusion. Il a également ordonné le retrait des contenus, afin d’assurer l’efficacité de la décision.

Selon déclarations reçues au greffe les 15 juin et 17 juillet 2020, M. [G] [M] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur la condamnation de M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO à lui verser 5 000 € de dommages et intérêts, sur le rejet de ses autres demandes, notamment relative aux frais de traduction et d’obtention de l’extrait d’enregistrement de la SELARL J&J Associates.

Selon déclaration reçue au greffe le 15 juillet 2020, M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates ont interjeté appel de cette même décision, l’appel portant sur l’ensemble des condamnations prononcées contre eux.

Par ordonnances des 22 juillet et 27 novembre 2020, les procédures ont été jointes.

Par dernières conclusions transmises le 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [G] [M] demande à la cour de :

le dire recevable et bienfondé en son appel,

In limine litis :

confirmer la compétence du tribunal judiciaire de Marseille et de la juridiction de céans,

déclarer irrecevable l’exception de nullité soulevée par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO,

déclarer irrecevable la fin de non recevoir tirée de la prétendue prescription soulevée par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO,

Subsidiairement :

rejeter comme mal fondée l’exception de nullité soulevée par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO,

rejeter comme mal fondée la fin de non-recevoir tirée de la prétendue prescription soulevées par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO,

débouter M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Sur la confirmation de la décision :

‘ déclarer M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO mal fondés en leur appel incident,

‘ débouter M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO de toutes leurs demandes,

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les propos incriminés sont constitutifs de diffamation publique envers un particulier et d’injure publique envers un particulier,

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les propos suivants contenus sur le site http://[06] : « Baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc, vous saurez tout » constituent une injure publique envers lui,

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les propos suivants contenus sur le site http://[06] : « [G] [M] de [Localité 5], anciennement RHSI, viré de QWamplify et associé fantôme de T4Equity, les révélations bientôt» constituent une diffamation publique envers lui,

Sur la réformation de la décision, sur l’injure publique :

‘ réformer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

‘ condamner M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO solidairement à lui payer la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral au titre des faits d’injure publique envers un particulier,

Sur la réformation de la décision, sur la diffamation publique :

‘ réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné in solidum M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

‘ condamner solidairement M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral au titre des faits de diffamation publique envers un particulier,

En toute hypothèse :

‘ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné in solidum M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO à retirer le retirer le contenu suivant du site internet http://[06] : ‘Baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc, vous saurez tout’ et ‘[G] [M] de [Localité 5], anciennement RHSI, viré de Qwamplfy et associé fantôme de T4Equity, les révélations bientôt’, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 7 ajours suivant la signification du jugement à intervenir, pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du présent jugement,

‘ réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes,

‘ condamner M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO solidairement à lui payer les sommes suivantes :

– 1 020 euros au titre des frais de traduction,

– 232,05 euros au titre des frais d’obtention de l’extrait d’enregistrement de la SELARL J&J Associates SRO,

‘ condamner solidairement M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO à lui payer la somme de 5 980,09 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, comprenant les frais de constat d’huissier de 480,09 euros,

‘ condamner solidairement M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO aux entiers dépens de l’instance d’appel et de l’instance devant le tribunal judiciaire de Marseille, comprenant les frais d’actes d’interruption de la prescription, avec distraction.

L’appelant soutient d’abord que la juridiction française est compétente, bien que les intimés soient domiciliés en Slovaquie, dès lors qu’il existe un lien suffisant avec la France et que le site est accessible en France, ce qui est le cas ici, la publication étant au demeurant faite en français

L’appelant dénonce la publication le 19 février 2019 sur le site hébergé par la SELARL J&J Associates SRO d’un site http://[06], reprenant les propos sus-visés, ceux-ci ayant été consignés dans un procès-verbal le 4 avril 2019.

In limine litis, M. [G] [M] conteste l’exception de nullité de l’assignation, et du jugement en découlant, pour défaut de rappel du délai de 10 jours existant pour établir la vérité des faits diffamatoires, prévu par l’article 55 de la loi du 19 juillet 1881.

S’agissant de la prescription invoquée, M. [G] [M] soutient que cette fin de non recevoir est irrecevable devant la cour pour être invoquée pour la première fois en appel. Par ailleurs, il conteste la valeur probante des éléments recueillis via le site archives.org, estimant que la jurisprudence rejette le plus souvent les constats de commissaire de justice effectués à partir de ce site, ne s’agissant ni d’une source officielle, ni d’une source fiable, ce que ses fondateurs rappellent dans ses conditions d’utilisation. Il fait valoir que la jurisprudence refuse habituellement de donner une force probante aux captures et constats effectués sur archives.com et soutient que le contenu de ce site n’est pas fiable. M. [G] [M] relève que les intimés ne prétendent pas avoir publié le contenu litigieux le 9 janvier 2019. Au contraire, il se fonde sur les Whois du site litigieux, constatés par son huissier de justice le 4 avril 2019, pour affirmer que la publication en cause date du 19 février 2019, ainsi que sur son dépôt de plainte du 19 mars 2019, sur le mail de M. [E] du même jour, ainsi que sur sa plainte pénale du 6 juin 2019.

Au fond, M. [G] [M] invoque les articles 23, 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, d’une part, et, les articles 23, 29 et 32 de la même loi, d’autre part, pour affirmer que les deux paragraphes diffusés sur le site hébergé par la SELARL J&J Associates SRO sont des propos distinctifs constitutifs de faits d’injure publique (première phrase) et de diffamation publique (deuxième phrase), les premiers étant outrageants et méprisants à son égard, et, les seconds portant atteinte à son honneur et à sa considération. Il estime les éléments matériel et moral constitués.

En revanche, M. [G] [M] estime que le premier juge a sous-évalué son préjudice compte tenu de l’ampleur de l’atteinte à sa réputation qui l’affecte dans sa vie personnelle et professionnelle, imputant à cette publication la rupture du contrat de travail qu’il a subi. Il invoque un préjudice moral outre un préjudice économique et de perte de chance conséquents.

A titre complémentaire, il entend être indemnisé des frais par lui engagés en intégralité.

Par dernières conclusions transmises le 9 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO sollicitent de la cour qu’elle :

In limine litis :

constate la prescription de l’action civile préalablement à la délivrance de l’acte introductif d’instance par M. [G] [M],

juge recevables leurs conclusions d’appelants et d’intimés portant appel incident,

Statuant à nouveau, en conséquence :

juge prescrits les faits visés par l’acte introductif d’instance de M. [G] [M],

infirme en toutes ses dispositions le jugement du 15 mai 2020,

condamne M. [G] [M] à leur verser la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance,

Subsidiairement, au fond :

infirme le jugement du 15 mai 2020 en ce que la preuve d’un préjudice direct quantifiable n’est pas rapportée.

In limine litis, M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO invoquent, en premier lieu, la prescription de l’action intentée par M. [G] [M]. Ils font valoir que, même à défaut de pouvoir dater de manière certaine la première publication des propos incriminés, celle-ci est intervenue de manière certaine avant le 9 janvier 2019, de sorte que l’assignation délivrée par M. [G] [M] le 17 mai 2019, plus de trois mois après, est tardive. Ils font valoir que le procès-verbal de constat produit par l’appelant, en date du 4 avril 2019, ne permet aucunement de déterminer la date de première publication des propos litigieux. Ils s’appuient, au contraire, sur la datation de publication en ligne permise par le site Webarchive.org, site reconnu comme fiable et probant par la jurisprudence, pour établir que le premier archivage des propos a eu lieu le 9 janvier 2019, de sorte que leur publication est nécessairement antérieure.

M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO s’appuient en outre sur la décision du 26 mai 2023, rendue par le tribunal correctionnel de Marseille, qui, saisi des chefs de prévention de diffamation et d’injure publiques entre les mêmes parties et pour les mêmes propos, a constaté la prescription des faits poursuivis au titre de la publication du 19 février 2019 et a relaxé M. [N] [C] de ce chef. Ils invoquent donc l’autorité de chose jugée de cette décision depuis le 5 juin 2023 s’agissant de ce chef du dispositif non contesté.

En deuxième lieu, et à titre subsidiaire, M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO soutiennent que M. [G] [M] ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’il dit avoir subi du fait de la diffusion des propos en cause.

M. le procureur général près la cour d’appel d’Aix-en-Provence a transmis ses conclusions le 9 février 2024. Aux termes de celles-ci, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, le procureur général est d’avis de :

‘ déclarer M. [G] [M], M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO recevables en leurs appels,

‘ rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO,

‘ confirmer la décision querellée, s’en rapportant sur l’indemnisation du préjudice invoqué par M. [G] [M].

Le procureur général soutient :

– sur la prescription :

– que cette fin de non recevoir est recevable devant la cour, l’instance ayant été introduite avant la réforme du régime procédural applicable au 1er janvier 2020,

– qu’il n’est pas suffisamment démontré, en l’état de la faible valeur probatoire accordée au seul constat d’huissier de justice dressé le 13 novembre 2020, portant sur l’historique du lien de publication en cause extrait du site internet d’archivage’archive.org’ au terme duquel le contenu critiqué aurait été archivé pour la première fois le 9 janvier 2019 et eu égard eu peu de fiabilité de ce site, que la publication aurait été antérieure de plus de trois mois à l’introduction de l’action qui n’est dès lors pas prescrite,

– sur le fond, que la première phrase des propos revêt un caractère injurieux et la deuxième phrase un caractère diffamatoire, de sorte que la réalité des faits est avérée, à charge pour M. [G] [M] d’établir son préjudice.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 12 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

De plus, la compétence de la juridiction française n’a jamais été contestée et ne l’est pas aux termes des dernières conclusions transmises aux intérêts de l’ensemble des appelants. Aucune compétence d’ordre public dérogatoire n’est davantage applicable en l’espèce, de sorte qu’en l’absence de prétention particulière à ce titre, la cour statue sans se prononcer sur sa compétence, non remise en cause.

Sur la nullité

En vertu de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

En l’occurrence, aux termes des dernières conclusions transmises aux intérêts de M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO, il n’est plus soulevé aucune exception de nullité de l’assignation délivrée par M. [G] [M], notamment pour irrespect de l’article 55 de la loi du 9 juillet 1881.

La cour n’est donc saisie d’aucune exception de nullité.

Sur la prescription

Sur la recevabilité de la fin de non recevoir

M. [G] [M] invoque l’irrecevabilité de cette fin de non recevoir soulevée pour la première fois devant la cour d’appel.

Or, d’une part, la décision entreprise est une décision réputée contradictoire, puisque M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO ne s’étaient pas fait représenter en première instance et n’avaient pas comparu, bien que régulièrement cités. Désormais constitués en appel, ces derniers sont donc recevables à faire valoir des moyens et prétentions par essence non émis en première instance.

D’autre part, la prescription invoquée est une fin de non recevoir, recevable en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel, en application de l’article 123 du code de procédure civile.

Cette fin de non recevoir est donc recevable.

Sur le bien fondé de la fin de non recevoir

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d ‘agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Par dérogation au délai de droit commun prévu par l’article 2247 du code civil, l’article 65 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 enferme l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions qu’ elle édicte dans un délai de trois mois à compter du jour de la commission des faits ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite.

Il ressort d’une jurisprudence constante que les infractions commises par voie de presse ont un caractère instantané, de sorte qu’elles sont réputées commises et consommées au moment de la publication, quel que soit le temps pendant lequel l’écrit est resté diffusé, publié ou disponible à la vente. Sur internet, le point de départ de la prescription est ainsi constitué de la première mise en ligne des propos litigieux et non de leur suppression du site : il appartient dès lors à celui qui se prévaut de la prescription de l’action de rapporter la preuve de cette première mise en ligne des propos contestés qui constitue la date de première mise à disposition des propos aux utilisateurs.

Selon M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO, l’action en réparation intentée par M. [G] [M] était prescrite au 9 avril 2019, soit préalablement à la délivrance de l’acte introductif d’instance du 17 mai 20l9, dans la mesure où ils soutiennent que les propos litigieux ont été publiés au plus tard le 9 janvier 2019 sur internet.

M. [G] [M] soutient pour sa part que les propos litigieux ont été publiés le 19 février 2019, de sorte que son action intentée le 17 mai 2019, moins de trois mois après, n’est pas prescrite.

M. [G] [M] produit un mail de M. [E], journaliste, du 19 mars 2019, lui indiquant qu’il venait de trouver en ligne, en recherchant ses coordonnées sur Google, un site intitulé ‘[G] [M] – serial mythomane’ à l’adresse URL http://[06] et présentant les deux lignes de textes suivantes :’Baratineur, menteur, faux entrepreneur, escroc, vous saurez tout’ et ‘[G] [M] de [Localité 5], anciennement RHSI, viré de Qwamplfy et associé fantôme de T4Equity, les révélations bientôt’. Il justifie également de son dépôt de plainte du même jour, ainsi que de son nouveau dépôt de plainte, avec constitution de partie civile, du 6 juin 2019.

Principalement, M. [G] [M] s’appuie sur le procès-verbal de constat qu’il a fait dresser par huissier de justice le 4 avril 2019, aux termes duquel l’officier ministériel a constaté la publication des propos intégraux ci-dessus repris sur le site http://[06], hébergé par la SELARL J&J Associates SRO. Dans les annexes de son procès-verbal de constat, l’huissier de justice a relevé le Whois du site en cause, étant observé que le Whois correspond à un protocole commun sur internet qui permet de consulter les informations d’enregistrement d’un nom de domaine ou d’un IP. Dans ce Whois, il apparaît qu’une mise à jour, ‘updtated date’, a été effectuée le 19 février 2019. Cette date correspond donc à la dernière date à laquelle une modification a été effectuée sur le domaine. Pour autant, elle ne correspond pas nécessairement à la première date de publication des propos litigieux, la mise à jour ayant pu porter sur un autre élément du domaine les cigales.org, ou seulement partiellement sur les propos incriminés. En tout état de cause, ce Whois ne permet pas d’établir avec certitude la première date de publication des propos dénoncés par M. [G] [M].

Par ailleurs, pour apprécier la prescription éventuelle de l’action intentée par M. [G] [M], il convient de tenir compte de la première date de diffusion des propos à tout utilisateur potentiel d’internet, peu important la date à laquelle la personne qui s’estime diffamée a prix connaissance de l’existence de la publication. Le fait que M. [G] [M] ait donc pris connaissance des propos diffusés par M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO le 19 février 2019 ne peut constituer en soi le point de départ du délai de prescription.

M. [G] [M] fait en outre valoir que M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO ne sont pas en mesure de justifier de la réelle date de première publication des propos injurieux. Ces derniers ne le contestent pas, mais soutiennent que ceux-ci l’ont été, en tout état de cause, le 9 janvier 2019 au plus tard.

En effet, M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO produisent un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 13 novembre 2020 qui a consulté le site https://www.archive.org/, site d’archive digitale d’internet, et dont il ressort que la publication litigieuse, telle que déjà reprise, a été sauvegardée 4 fois entre le 9 janvier 2019 et le 21 mars 2020. Ce constat d’huissier de justice, qui fait foi tout autant que celui produit par M. [G] [M], ne saurait être écarté au motif qu’il relate un extrait du site archive.org auquel il ne peut être dénié toute force probante, à défaut de tout élément contraire de nature à jeter un doute sur sa fiabilité. Quand bien même, ce site n’est pas un site officiel d’archivage et reconnaît lui-même que des erreurs sont possibles, puisque comprenant une clause de non garantie de son contenu, celles-ci ne peuvent être présumées et il appartient aux parties qui s’en prévalent de les démontrer.

En l’état des éléments communiqués à la cour, il appert que les propos dénoncés par M. [G] [M] comme ayant été publiés sur le site hébergé par la SELARL J&J Associates SRO ont été diffusés au plus tard pour la première fois le 9 janvier 2019, de sorte que l’action intentée par M. [G] [M] en diffamation et injure le 17 mai 2019 est prescrite.

Au demeurant, force est de relever que, selon décision du 26 mai 2023, le tribunal correctionnel de Marseille, saisi des chefs de prévention de diffamation et d’injure publiques entre les mêmes parties et pour les mêmes propos, a, notamment, constaté la prescription des faits poursuivis au titre de la publication du 19 février 2019 et a relaxé M. [N] [C] de ce chef. Aux termes de la déclaration d’appel intentée par M. [G] [M] contre cette décision, et ici produite, il apparaît que celui-ci ne critique pas ce chef de la décision pénale qui, dès lors, est définitif. En conséquence, cette décision a autorité de chose jugée et s’impose à la présente cour quant à l’appréciation de la prescription de l’action intentée au plan civil par M. [G] [M].

La fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de M. [G] [M] doit donc être accueillie et l’ensemble de ses prétentions se trouve irrecevable. La décision entreprise sera infirmée en intégralité.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [G] [M], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d’appel, la décision entreprise étant réformée également de ce chef.

En revanche, l’équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en l’ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevable la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action,

Déclare prescrite l’action intentée par M. [G] [M] le 17 mai 2019 contre M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO pour diffamation et injure publiques,

Déclare irrecevables l’ensemble des prétentions formées par M. [G] [M] dans le cadre de cette action,

Déboute M. [G] [M] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [N] [C] et la SELARL J&J Associates SRO de leur demande sur ce même fondement,

Condamne M. [G] [M] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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