Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Thématique : Rétention Administrative : Ordonnance de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence
→ RésuméLe 11 octobre 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu une ordonnance concernant la rétention administrative de Monsieur [T] [C] [X] alias [B]. L’appel a été interjeté par le préfet des Alpes-Maritimes suite à une décision du Juge des libertés et de la détention de Nice, qui avait ordonné sa mise en liberté. La Cour a infirmé cette décision, justifiant le maintien en rétention par l’absence de garanties de représentation et le non-respect des obligations de quitter le territoire. La mesure de rétention est prolongée pour une durée maximale de vingt-huit jours, jusqu’au 5 novembre 2023.
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11 octobre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
23/01430
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 11 OCTOBRE 2023
N° 2023/ 1430
Rôle N° RG 23/01430 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BL74W
Copie conforme
délivrée le 11 Octobre 2023 par courriel à :
– l’avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TGI
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 09 Octobre 2023 à 14h27.
APPELANT
Monsieur le Préfet des ALPES MARITIMES
Représenté par Madame [G] [S]
INTIME
Monsieur [T] [C] [X] alias [B]
né le 21 septembre 1985 à [Localité 10] (99)
de nationalité tunisienne
non comparant
représenté par Maître Thomas RAMON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.
MINISTÈRE PUBLIC :
non comparant
DÉBATS
L’affaire a été débattue en audience publique le 11 Octobre 2023 devant, Madame Catherine LEROI, conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président, assistée de Mme Cécilia AOUADI, greffière.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2023 à 15H45
Signé par Madame Catherine LEROI, conseillère et Mme Cécilia AOUADI, greffière.
PROCEDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu le jugement en date du 8 novembre 2016 du tribunal correctionnel de Nice ayant condamné [T] [C] [X] alias [B] à une peine d’interdiction du territoire français d’une durée de 10 années;
Vu l’arrêté portant exécution de cette peine pris le 6 octobre 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES, notifié le même jour à 12 heures;
Vu la décision de placement en rétention prise le 6 octobre 2023 par le préfet des ALPES MARITIMES, notifiée le même jour à 12 heures ;
Vu l’ordonnance du 9 octobre 2023 à 14h27 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE rejetant la requête préfectorale en prolongation de la rétention et ordonnant la mise en liberté de [T] [C] [X] alias [B];
Vu l’appel interjeté le mardi 10 octobre 2023 à 10h36 par le préfet des ALPES MARITIMES;
Le représentant du préfet sollicite l’infirmation de la décision déférée. Il fait valoir que la requête préfectorale en prolongation de la rétention est recevable, la copie du registre actualisé tenue au centre de rétention ne pouvant porter mention de la contestation de l’arrêté de placement en rétention alors que le juge des libertés et de la détention était déjà saisi par le préfet d’une demande de prolongation de la rétention lorsque la requête en contestation a été déposée ; il ajoute que M. [T] [C] [X] alias [B] a été remis aux autorités françaises par l’Italie après avoir été interpellé dans un train en provenance de France et alors qu’il était en possession de documents de paris sportifs démontrant sa présence récente dans ce pays en dépit d’une interdiction judiciaire du territoire national, que les conditions d’une interpellation sur le fondement de l’article 53 du code de procédure pénale étaient donc satisfaites et qu’en outre, les policiers n’ont pas à caractériser un élément intentionnel avant de placer une personne en garde à vue.
Il ajoute produire à l’audience les justificatifs des habilitations des agents ayant eu accès au FAED et ayant pu consulter ce fichier ainsi que le SNBA.
[T] [C] [X] alias [B] remis en liberté , sans domicile connu et n’ayant pu être convoqué téléphoniquement à l’adresse de son amie, n’a pas comparu et n’ a pas été entendu en ses explications.
Son avocat a été régulièrement entendu ; il sollicite la confirmation de la décision déférée : il soutient que seul un placement en rétention pouvait être envisagé, en l’absence d’infraction susceptible d’être reprochée à M. [X] ; il s’en remet à l’appréciation de la juridiction sur l’habilitation des agents ayant consulté les fichiers FPR, FAED et FBNA ; enfin, il fait valoir que, si les autorités tunisiennes ont été saisies aux fins de délivrance d’un laissez-passer, il n’est pas établi que le dossier de l’intéressé leur ait été transmis dans les 48 heures.
Il soutient par ailleurs que l’arrêté de placement en rétention est irrégulier en ce qu’il ne fait pas état des problèmes de santé de l’intéressé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.
Sur la régularité de l’arrêté de placement en rétention :
Aux termes de l’article L741-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, l’autorité administrative peut placer en rétention pour une durée de 48 heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L 612-3.
Ce dernier article dispose que le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
Aux termes de l’article L.741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.
En l’occurrence, l’arrêté de placement en rétention critiqué est motivé par le défaut de justification d’une entrée régulière sur le territoire français, le maintien de M. [X] depuis 7 ans sur le territoire national, sans avoir entrepris de démarches en vue de régulariser sa situation administrative, sa déclaration explicite de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, la communication de renseignements inexacts sur son identité et sa situation ainsi que le défaut de présentation d’un document d’identité ou de voyage en cours de validité et de justification d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.
Il ajoute qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’intéressé présenterait un état de vulnérabilité s’opposant à son placement en rétention.
La décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [T] [C] [X] alias [B] et énonce les circonstances qui justifient l’application de ces dispositions. Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision.
Par ailleurs, la seule déclaration de M. [T] [C] [X] alias [B] faisant état de problèmes dentaires ayant justifié une hospitalisation de deux jours à [Localité 7], n’est pas de nature à établir l’existence d’un état de santé incompatible avec le placement en rétention de l’intéressé.
En conséquence, l’arrêté comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [T] [C] [X] alias [B] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire. C’est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l’étranger et de son état de vulnérabilité que la décision de placement en rétention a été prise.
Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l’arrêté de placement en rétention.
Sur la demande de prolongation de la rétention :
* Sur la recevabilité de la requête :
Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
En l’occurrence, il n’est pas contestable que la requête préfectorale en prolongation de la rétention est accompagnée d’un extrait actualisé du registre tenu au centre de rétention ne faisant pas état de la contestation par M. [X] de l’arrêté de placement en rétention ; toutefois, cette copie du registre jointe à la requête du préfet ayant saisi le juge des libertés et de la détention le 8 octobre 2023 à 8h36 ne pouvait contenir mention de la contestation de l’arrêté de placement en rétention par l’intéressé faite le même jour à 11h27.
La requête préfectorale en prolongation de la rétention apparaît donc recevable.
* Sur le contrôle d’identité de M. [X] :
M. [T] [C] [X] alias [B] a été placé en garde à vue le 5 octobre 2023 par les services de la police aux frontières de [Localité 8], pour maintien irrégulier sur le territoire national malgré interdiction judiciaire, suite à la remise de l’intéressé par les autorités italiennes.
Le placement en garde à vue est subordonné à l’existence d’une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner la commission d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
En l’occurrence, le fait que l’intéressé ait été interpellé en Italie à bord d’un train en provenance de France et que le fichier des personnes recherchées indique qu’il faisait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire français, était de nature à faire présumer l’existence de l’infraction susvisée, laquelle a d’ailleurs été reconnue par l’intéressé au cours de son audition en garde à vue.
Le contrôle d’identité apparaît donc régulier.
* Sur l’habilitation des agents ayant consulté les fichiers FPR, FAED et FBNA :
Dans cette procédure, il apparaît que le fichier des personnes recherchées (FPR) a été consulté par Mme [V] brigadier-chef de police en fonction à la police aux frontières de [Localité 8] ainsi que par M. [K], brigadier de police dans ce même service ; il est fait mention de l’habilitation de ce dernier dans le procès-verbal de police du 6 octobre 2023 à 11 heures faisant foi jusqu’ à preuve contraire.
Aux termes de l’article 5 du décret n° 2017-1219 du 28 mai 2010, peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, … les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités….
En l’espèce, il n’est pas justifié de l’habilitation de Mme [V] brigadier-chef de police en fonction à la police aux frontières de [Localité 8] pour consulter le FPR.
Toutefois, le fichier des personnes recherchées consultable à partir du nom donné par la personne concernée aux fonctionnaires de police, ne constitue pas une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, aucune prise ou comparaison d’empreintes n’étant requise. Dès lors, en l’absence d’atteinte au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la CEDH, il appartient à l’étranger d’établir l’existence d’un grief dont la preuve en l’occurrence, n’est pas rapportée ni l’existence, alléguée.
Le FAED a par ailleurs été consulté par le biais de Mme [O], fonctionnaire de police exerçant à [Localité 6], spécialement habilitée pour avoir accès audit fichier par décision de la sous-directrice des systèmes d’information et de biométrie du service national de police scientifique du 26 juillet 2021 ainsi que par M. [K] brigadier de police également habilité aux fins de consultation de ce fichier et du FNBA par notes de service en date du 19 septembre 2023, ces différentes habilitations résultant des pièces produites aux débats par la préfecture.
Dès lors, le moyen tiré de l’absence d’habilitation des agents ayant consulté divers fichiers sera rejeté.
* Sur les diligences de la préfecture :
Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.
En l’espèce, M. [T] [C] [X] alias [B] n’est pas possesseur d’un passeport en cours de validité. Il a été placé en rétention administrative le 6 octobre 2023 et l’administration, par courrier du même jour, a sollicité le consul général de la République tunisienne afin de procéder à l’identification de l’intéressé et à la délivrance d’un laissez -passer en lui adressant différentes pièces telles que le procès-verbal d’audition, les photos d’identité, les empreintes décadactylaires et une copie du passeport périmé.
L’administration justifie ainsi de la réalisation des diligences utiles à l’éloignement de l’étranger dans les meilleurs délais.
Le moyen sera donc rejeté et l’ordonnance entreprise, infirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par décision contradictoire, après débats en audience publique,
Infirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 09 Octobre 2023 ;
et statuant à nouveau,
REJETONS la contestation de l’arrêté de placement en rétention ;
Ordonnons pour une durée maximale de vingt huit jours commençant à l’expiration du délai de 48 heures après la décision de placement en rétention, soit à compter du 8 octobre 2023 à 12 heures, le maintien dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire de Monsieur [C] [B] ;
Disons que la mesure de rétention prendra fin au plus tard le 5 novembre 2023 à 12 heures;
Rappelons à Monsieur [C] [B] que, pendant toute la période de la rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix et qu’un espace permettant aux avocats de s’entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus est prévu au centre de rétention ;
Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.
La greffière, La présidente,
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre de l’urgence
[Adresse 5]
Téléphone : [XXXXXXXX03] – Fax : [XXXXXXXX02]
[XXXXXXXX04]
[XXXXXXXX01]
Aix-en-Provence, le 11 Octobre 2023
Monsieur le préfet des ALPES MARITIMES
Monsieur le procureur général
Monsieur le directeur du centre de rétention
Administrative de [Localité 9]
Maître Thomas RAMON
Monsieur le directeur de greffe du Tribunal Judiciaire de NICE
Monsieur [C] [B]
N° RG : N° RG 23/01430 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BL74W
OBJET : Notification d’une ordonnance
J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance, ci-jointe, rendue le 11 Octobre 2023, suite à l’appel interjeté par :
Le préfet des ALPES MARITIMES
VOIE DE RECOURS
Vous pouvez vous pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
La Greffière
Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.
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