Cour d’appel d’Agen, 6 janvier 2025, RG n° 24/00061
Cour d’appel d’Agen, 6 janvier 2025, RG n° 24/00061

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Agen

Thématique : Évaluation des obligations locatives et des préjudices en matière de bail.

Résumé

Sur l’étendue de l’appel

L’appelant ne conteste plus plusieurs décisions du jugement, notamment la résiliation du bail aux torts exclusifs du preneur, l’obligation pour D. [U] de libérer les lieux dans les 15 jours suivant la signification, la possibilité d’expulsion après un commandement infructueux de deux mois, ainsi que la condamnation de D. [U] aux dépens. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la valeur locative

La charge de prouver la minoration de la valeur locative incombe au demandeur. L’expert a identifié plusieurs préjudices liés à des défauts dans le logement, notamment des problèmes de chauffage et de non jouissance de certaines dépendances. Les pertes de jouissance ont été évaluées à 6 081 euros, et le jugement sera complété en conséquence. L’estimation du loyer pour la maison et ses dépendances est jugée raisonnable, bien que des défauts d’entretien soient également attribués au locataire.

Sur les loyers arriérés et indemnités d’occupation

La prescription de la dette locative est suspendue durant l’instance. Après un arrêt définitif, la réclamation pour les loyers arriérés doit être recalculée à 18 000 euros pour 18 mois, plus une indemnité d’occupation de 1 000 euros mensuels jusqu’à la libération des lieux. Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts

Selon l’article 1231-6 du code civil, un créancier peut obtenir des dommages et intérêts pour un préjudice causé par la mauvaise foi de son débiteur. Dans ce cas, le locataire a causé un dommage à la société bailleresse, justifiant une réparation de 1 500 euros. Le jugement sera réformé en ce sens, tandis que la demande de dommages par le locataire sera déboutée.

Sur la demande reconventionnelle de l’occupant

M. [U] prétend avoir engagé des frais pour raccorder la grange à l’électricité et avoir subi des dommages à son véhicule. Cependant, il n’a pas fourni de preuves pour étayer ces affirmations et sera débouté de sa demande.

Sur l’astreinte

La somme de 50 euros par jour pour l’astreinte est jugée appropriée compte tenu de la dette et de la durée de l’occupation sans droit ni titre.

Sur les dépens d’appel

Les dépens seront partagés, avec une charge de quatre cinquièmes pour le preneur appelant et un cinquième pour le bailleur intimé.

Décisions finales

La Cour confirme le jugement, sauf en ce qui concerne les montants dus par D. [U] pour l’arriéré locatif, l’indemnité d’occupation et les dommages et intérêts, qui seront révisés. D. [U] devra payer 18 000 euros pour les loyers arriérés, 1 000 euros mensuels d’indemnité d’occupation, et 1 500 euros en dommages et intérêts. La SCI Relai de Guyenne devra verser 6 081 euros pour le préjudice de jouissance, et D. [U] sera débouté de sa demande reconventionnelle. Les dépens d’appel seront répartis entre les parties.

ARRÊT DU

06 Janvier 2025

CH/JYS

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N° RG 24/00061 –

N° Portalis DBVO-V-B7I-DFZ6

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[W] [U]

C/

S.C.I. RELAI DE GUYENNE

——————-

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 1-2025

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [W], [O] [U]

né le 10 Juin 1959 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Céline PASCAL, avocat postulant au barreau d’AGEN et par Me Clémence RADE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

APPELANTE d’un jugement du Tribunal de proximité de MARMANDE en date du 27 Octobre 2023, RG 1123000084

D’une part,

ET :

S.C.I. RELAI DE GUYENNE

RCS D’AGEN 394 729 347

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent DUPOUY,avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 Octobre 2024, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, Conseiller rédacteur, qui a fait un rapport oral à l’audience,

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Edward BAUGNIET, Conseiller,

en application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

Le 5 septembre 2017, [W] [U] a loué à la SCI Relai de Guyenne une maison d’habitation à Bourgougnague (L. et G.) moyennant un loyer mensuel de 1. 200 euros.

Un rapport d’expertise diligenté le 23 juin 2022 au dispositif de l’ordonnance de référé du tribunal de proximité du 7 novembre 2019 conclut à des désordres incombant au propriétaire : d’installation électrique, d’humidité au r-d-c, de sol terrasse très glissant, d’enduits désagrégés, de défaut de ventilation et d’inadaptation du chauffage ainsi que des défauts des vitreries trop fines, présence de xylophages et piscine non nettoyée incombant au locataire outre défauts de production d’énergie solaire, descentes obstruées, dépendances non déblayées et volets ne fermant pas, à la responsabilité à partager ; le locataire subissant un préjudice de jouissance du fait de ces dysfonctionnements de 3 151  euros ou 3 mois de loyers.

Suivant arrêt du 18 novembre 2020 en force de chose jugée, D. [U] est condamné à la somme de 21 600 euros au titre des retards de loyers jusqu’à janvier 2020 à payer à la SCI Relai de Guyenne et le 25 janvier 2022, il a reçu commandement de payer le montant de 28 800 euros au même titre pour la période correspondante.

Suivant acte d’huissier délivré le 4 mai 2023, la SCI Relai de Guyenne a fait assigner D. [U] devant le juge du contentieux de la protection de Marmande sur le fondement des articles 1134 et 1741 du code civil et la loi du 6 juillet 1989 en résiliation judiciaire du contrat de bail d’habitation au 25 mars 2022, paiement principal de 32 400 euros de loyers impayés à mars 2022 et expulsion avec indemnité d’occupation correspondante.

Par jugement réputé contradictoire du 27 octobre 2023, le tribunal a :

– prononcé à compter de ce jour la résiliation du bail aux torts exclusifs du preneur,

– ordonné à D. [U] de libérer les lieux et restituer les clés dans les 15 jours de la signification du présent,

– assorti ensuite le départ forcé d’une astreinte de 50 euros par jour jusqu’à libération définitive,

– dit qu’à défaut, deux mois après commandement infructueux, il pourrait être expulsé,

– condamné D. [U] à 54 000 euros au titre de l’arriéré locatif, outre intérêts légaux à dater de la décision,

– condamné D. [U] à indemnité d’occupation de 1 200 euros mensuels à compter du présent jusqu’à libération complète des locaux,

– condamné D. [U] à 600 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné D. [U] aux dépens.

Pour résilier le bail, le tribunal a jugé d’après la faute de non-paiement persistant pluriannuel du locataire, exclusive, envers son bailleur.

Pour condamner au principal des loyers arriérés à 54 000 euros ainsi qu’au montant de 700 euros de l’indemnité d’occupation mensuelle, le tribunal a jugé suivant le décompte du bailleur, non démenti par le preneur, jusqu’au mois du jugement inclus.

Pour condamner à des dommages et intérêts, le tribunal a jugé suivant que la bailleresse subit un préjudice économique important en ne percevant aucun fruit de son bien depuis plus de quatre ans.

Suivant déclaration au greffe, D. [U] a fait appel de tous les chefs de dispositif, le 19 janvier 2024 et il a intimé la SCI Relai de Guyenne. Par ordonnance du 3 avril 2024, le premier Président a débouté D. [U] des fins de non-expulsion de sa défense à exécution provisoire.

Selon conclusions visées au greffe le 10 avril 2024, Me Radé pour D. [U] conclut à :

– fixer la valeur locative à 700 euros par mois,

– limiter le montant de l’arriéré à 10 371 euros,

– fixer l’indemnité d’occupation à 700 euros par mois,

– rejeter les demandes à titre de dommages et intérêts et l’astreinte,

– condamner la SCI Relais de Guyenne à 1 470 euros à parfaire en réparation de ses préjudices,

– condamner la SCI Relais de Guyenne à 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SCI Relais de Guyenne aux entiers dépens.

L’appelant expose que le bail est nul pour n’indiquer pas la superficie, le montant du loyer antérieur, le cas échéant, les travaux faits dans le logement avant son entrée dans les lieux, les diagnostics obligatoires, les technologies d’information ainsi que les dangers des installations de sorte que le loyer doit être refait.

Il fait valoir que les loyers de janvier à avril 2020 sont prescrits ; l’astreinte est disproportionnée ; il subit un préjudice de jouissance du garage automobile qui est occupé par des biens du bailleur pour la détérioration occasionnée à son automobile ‘Jaguar’ ; le fondement du préjudice des bailleurs n’est pas caractérisé.

Selon conclusions visées au greffe le 15 avril 2024, Me [H] pour Relai de Guyenne conclut à :

– confirmer le jugement en tout son dispositif et, y ajoutant :

– condamner D. [U] à 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.

L’intimée expose et fait valoir que le bail n’encourt pas l’annulation mais la mise en conformité. La prescription est suspendue ; la demande à titre de dommages et intérêts est incohérente car le locataire n’a demandé que 3 240 euros devant le Premier Président et l’expert évalue le préjudice à 3 151 euros ; la réfaction du loyer de 40 % de sa valeur est déraisonnable. L’astreinte fixée est proportionnée au maintien dans les lieux sans aucun loyer depuis juin 2018. Son propre préjudice économique est très important en raison des actions abusives du locataire depuis cinq ans.

Le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure le 11 septembre 2024.

MOTIFS :

1 / Sur l’étendue de l’appel :

Dans ses uniques conclusions, l’appelant ne conteste plus les chefs de dispositifs suivants :

– prononcé à compter du jour du jugement la résiliation du bail aux torts exclusifs du preneur,

– ordonné à D. [U] de libérer les lieux et restituer les clés dans les 15 jours de la signification du présent,

– dit qu’à défaut, deux mois après commandement infructueux, il pourrait être expulsé,

– condamné D. [U] aux dépens.

En tant que de besoin, aux conclusions de l’intimée, le jugement sera confirmé de ces chefs.

2 / Sur la valeur locative :

La charge de la preuve de la minoration de cette valeur n’incombe qu’au demandeur qui paraît confondre la notion avec le préjudice de jouissance.

Le rapport de l’expert retient des préjudices, s’agissant :

– du chauffage au sol partiellement défaillant, de 580 euros en 2018 en raison des travaux dans une pièce et 876 euros sur 3 ans dans une autre, en raison d’autres travaux, soit 1 456 euros,

– de l’eau non chauffée au solaire, de 135 euros l’an durant 3 ans, soit 305 euros,

– de la non jouissance partielle de toutes les dépendances, de 600 euros durant 5 mois de travaux de toiture et de 720 euros durant 18 mois d’occupation du tiers de la surface par les meubles du bailleur, soit 1320 euros,

– de la non jouissance partielle du garage à voiture, d’une perte de jouissance de 40 euros durant 18 mois d’occupation du tiers de la surface par les meubles du bailleur, soit 720 euros,

Il convient d’évaluer les pertes de jouissance du fait :

– de la chauffe défaillante offerte à la location : à 1 456 euros et 305 euros soit 1 761 euros,

– des perte de surfaces totalement louées : des dépendances, à 2 160 euros et du garage à 2 160 euros, soit 4 320 euros,

soit une indemnité de 6 081 euros.

Le jugement sera complété de ce chef.

Il ressort de ce qui précède que l’estimation du loyer s’agissant d’une grande maison double à la campagne avec des dépendances et des équipements à jour de la technologie la plus actuelle n’est pas exagérée.

Suivant l’expert, des défauts d’entretien incombent aussi au locataire et d’autres sont à partager entre le bailleur et le preneur. Toutefois, il ressort encore de l’expertise que le local chaufferie n’est pas aux normes de sécurité électrique et la soupape de sécurité du réseau hydraulique est bouchonnée et non raccordée à l’égout. «Ceci doit faire l’objet d’une intervention corrective rapidement car il y a danger» et la solution apportée par la société bailleresse à cette non-conformité du bien loué n’est pas connue.

Cette situation justifie une réfaction du loyer de 200 euros mensuels.

Il s’ensuit qu’une surévaluation du loyer est établie, même une fois déduits les préjudices de jouissance et les demandes en minoration tant des arriérés des loyers que des montant des indemnités d’occupation sont fondées.

Le jugement sera réformé de ces chefs.

3/ Sur les loyers arriérés et indemnités d’occupation :

Toute prescription de dette locative étant suspendue durant le cours d’une instance, force est de constater que l’exception fait référence à une instance terminée par un arrêt définitif sur ce point du 18 novembre 2020.

Postérieurement, la réclamation doit être refaite à la somme mensuelle de 1 000 euros x 18 mois de loyers de mars 2022 à septembre 2023 soit 18 000 euros outre 1 000 euros mensuels d’indemnité d’occupation jusqu’au départ des lieux.

Le jugement sera réformé de ce chef.

4/ Sur les dommages et intérêts :

En droit, et suivant l’article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, le principe de la résiliation du bail n’est plus contesté ; le profit recherché par le locataire au-delà des imperfections du bien occupé en se faisant justice à lui-même sans jamais payer aucune somme ni tirer les conséquences de son dernier positionnement juridique en quittant les lieux représentent des fautes engendrant à la société bailleresse un dommage distinct du seul retard qui nécessite une réparation à hauteur du montant de 1 500 euros.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Le dommage invoqué par le locataire non sorti, occupant sans droit ni titre, n’ouvre droit à aucune réparation du dommage allégué qui ne se perpétue, s’il existe réellement et non seulement potentiellement, que de son propre fait.

Le jugement sera complété de ce chef.

5/ Sur la demande reconventionnelle de l’occupant :

M. [U] soutient qu’il a dû raccorder à ses frais la grange à l’électricité pour 17,50 euros par mois, soit 1 470 euros à parfaire. Il soutient aussi qu’il a subi la perte de son véhicule automobile ‘jaguar’ détérioré et plus roulant par l’absence d’un garage clos et couvert.

M. [U] ne justifie par aucune pièce de ces deux prétentions et il sera débouté.

Le jugement sera complété de ce chef.

6/ Sur l’astreinte :

Il ressort des faits de la cause que la somme journalière de 50 euros, eu égard au montant de la dette et à la durée de l’occupation sans droit ni titre n’est pas excessive.

7/ Sur les dépens d’appel :

Les deux parties succombant chacune en quelqu’une de leurs prétentions, les dépens seront partagés par quatre cinquièmes à charge au preneur appelant et un cinquième au bailleur intimé.

 


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