Responsabilité et obligations en matière de copropriété face aux sinistres immobiliers

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Responsabilité et obligations en matière de copropriété face aux sinistres immobiliers

L’Essentiel : M. [F] [E] a acquis un local commercial le 28 juillet 2021, mais une fuite le jour de la signature du bail avec la société DFR a causé un effondrement partiel du plafond. Des travaux nécessaires ont été votés lors de l’assemblée générale des copropriétaires, mais la demande d’aménagements par le locataire a été refusée. Après la résiliation du bail en mai 2023, M. [E] a assigné le syndicat des copropriétaires et Allianz pour obtenir des réparations. Le tribunal a accordé une provision de 40 000 euros pour la perte de loyers, tout en rejetant d’autres demandes.

Acquisition et sinistre

M. [F] [E] a acquis un local commercial le 28 juillet 2021, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété. Le 15 octobre 2021, il a signé un bail commercial avec la société DFR pour l’exploitation des locaux. Cependant, le jour même de la signature, une fuite importante a causé un effondrement partiel du plafond.

Travaux nécessaires et décisions des copropriétaires

Des investigations ont révélé la nécessité de remplacer une colonne montante et de renforcer le plancher. Lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 12 avril 2022, des travaux réparatoires ont été votés, mais la demande de la société locataire pour des aménagements a été refusée. Le 28 juin 2022, les copropriétaires ont autorisé le syndic à agir en justice contre l’assureur Allianz, qui avait refusé de couvrir les dommages.

Actions judiciaires de M. [E]

M. [E] a mis en demeure le syndic d’exécuter les travaux votés et a ensuite assigné le syndicat des copropriétaires en référé le 15 septembre 2022 pour obtenir une injonction de réaliser les travaux. Le syndicat a également assigné Allianz en intervention forcée. Un expert a été désigné par le juge des référés, et une provision de 3 000 euros a été allouée à M. [E].

Résiliation du bail et nouvelles actions

Face à l’absence de travaux, le locataire de M. [E] a résilié le bail le 5 mai 2023, invoquant l’impossibilité d’installer son activité. M. [E] a ensuite assigné le syndicat des copropriétaires et Allianz en mars 2024, demandant des réparations et une provision de 177 091,90 euros. Les travaux de réfection ont été réalisés le 4 septembre 2024, et un nouveau locataire est entré le 15 octobre 2024.

Demandes de M. [E] et réponses du syndicat

M. [E] a demandé une indemnisation de 235 003,88 euros pour divers préjudices, y compris des loyers perdus et des charges non refacturées. Le syndicat des copropriétaires a contesté ces demandes, arguant que les préjudices n’étaient pas établis et qu’il existait des contestations sérieuses sur les responsabilités.

Décisions du tribunal

Le tribunal a accordé à M. [E] une provision de 40 000 euros pour la perte de loyers et charges, tout en rejetant les autres demandes de provision. M. [E] a été dispensé de participation aux frais de la procédure, et le syndicat des copropriétaires a été condamné à verser 5 000 euros au titre des frais de justice. Les demandes d’Allianz et du syndicat concernant la garantie ont également été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité du syndicat des copropriétaires en cas de sinistre affectant les parties communes ?

La responsabilité du syndicat des copropriétaires est régie par l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, qui stipule :

« La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Le syndicat peut revêtir la forme d’un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi. Il établit, s’il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété. Il a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »

Dans le cas présent, M. [E] a subi des désordres provenant d’une partie commune, à savoir une fuite sur la colonne montante d’eau froide, ce qui engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires.

Le syndicat ne conteste pas sa responsabilité mais évoque des contestations sérieuses concernant le quantum des préjudices. Cependant, l’expert judiciaire a confirmé que le sinistre était bien à l’origine des dommages, rendant ainsi l’obligation de réparation non sérieusement contestable.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé ?

L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile précise :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il [le président du tribunal judiciaire] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’existence de l’obligation soit incontestable. Dans cette affaire, le juge a constaté que la responsabilité du syndicat des copropriétaires était engagée, ce qui a permis d’accorder une provision à M. [E] pour ses pertes de loyers et charges.

Le montant de la provision allouée doit correspondre à la somme non contestable de la dette alléguée. Dans ce cas, M. [E] a demandé une provision de 40 000 euros, qui a été jugée appropriée par le tribunal.

Comment sont évalués les préjudices liés à la perte de loyers et charges ?

M. [E] a réclamé des sommes au titre des loyers perdus et des charges non refacturées, en se basant sur les termes de son bail. Le bail stipulait un loyer annuel de 52 000 euros HT, avec des provisions sur charges.

Le tribunal a noté que, suite au sinistre, M. [E] n’a pas pu mettre les locaux à disposition de son locataire, ce qui a entraîné une perte de revenus.

Les sommes réclamées par M. [E] ont été évaluées comme suit :

– 84 500 euros HT pour les loyers perdus entre le 15 octobre 2021 et le 1er juin 2023.
– 15 034,32 euros pour les charges non refacturées.
– Remboursement des taxes foncières pour 2022 et 2023.

Cependant, le tribunal a décidé de n’accorder qu’une provision de 40 000 euros, considérant que le reste des demandes nécessitait une évaluation plus approfondie.

Quelles sont les implications de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 concernant les frais de procédure ?

L’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 stipule :

« Le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l’absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. »

Dans cette affaire, M. [E] a été dispensé de toute participation aux frais de procédure, car sa demande a été partiellement fondée. Cela signifie qu’il ne devra pas supporter les frais communs liés à cette instance, ce qui est une protection pour les copropriétaires qui obtiennent gain de cause.

Le juge a précisé que cette dispense ne s’appliquait qu’aux frais de la présente procédure et non à l’ensemble des frais depuis 2022, ce qui est conforme à l’esprit de l’article.

Quelle est la portée de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans le cadre de cette affaire, M. [E] a demandé une indemnité de 50 000 euros au titre de l’article 700, mais le tribunal a décidé d’allouer une somme de 5 000 euros en équité, considérant les frais engagés par M. [E] dans le cadre de la procédure.

Le syndicat des copropriétaires, ayant succombé dans ses demandes, a été condamné à supporter les dépens de l’instance, ce qui est une application classique de l’article 700.

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice, renforçant ainsi l’équité dans le traitement des litiges.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52271 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4IFV

N° : 9

Assignation du :
12 et 22 Mars 2024

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 janvier 2025

par Fanny LAINÉ, Première vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [F] [E]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représenté par Maître Raphael BERGER de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #C0886

DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] Représenté par son syndic en exercice, la société [Y] ADB
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Benoît PRUVOST de la SELARL 28 OCTOBRE SOCIETE D’AVOCATS A LA COUR DE PARIS, avocats au barreau de PARIS – #P0246

La société ALLIANZ IARD S.A.
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Me Philippe MARINO ANDRONIK, avocat au barreau de PARIS – #P0143

DÉBATS

A l’audience du 25 Novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Fanny LAINÉ, Première vice-présidente adjointe, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

M. [F] [E] a acquis le 28 juillet 2021 un local commercial (lot n°3) situé au rez-de-chaussée de l’immeuble en copropriété [Adresse 3].

Le 15 octobre 2021, il a consenti à la société DFR un bail commercial pour l’exploitation des locaux sous l’enseigne Delipop mais un sinistre est survenu le jour de la signature du bail, une importante fuite étant constatée entraînant un effondrement partiel du plafond.

Des diligences ont été entreprises révélant la nécessité de remplacer la colonne montante de l’immeuble entre le rez-de-chaussée et le 2ème étage et de réaliser des travaux de renforcement du plancher haut.

L’assemblée générale des copropriétaires du 12 avril 2022 a voté les travaux réparatoires nécessaires, refusant la demande d’autorisation de la société locataire de réaliser les travaux d’aménagement de la façade et de pose d’une enseigne Delipop.

Lors de l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2022, les copropriétaires ont voté l’autorisation donnée au syndic d’agir en justice contre l’assureur de l’immeuble, la société Allianz, suite à son refus de prendre en charge les dommages affectant les parties communes de l’immeuble.

Par courrier recommandé en date du 30 juin 2022, M. [E] a mis en demeure le syndic d’exécuter les travaux votés lors de l’assemblée générale du 12 avril 2022.

Puis il a fait assigner en référé le syndicat des copropriétaires de l’immeuble, par assignation en date du 15 septembre 2022, afin qu’il soit fait injonction sous astreinte au syndic de réaliser les travaux de renforcement du plancher haut du local commercial.

Le syndicat des copropriétaires a assigné en intervention forcée la société Allianz Iard.

Par ordonnance du 19 janvier 2023, le juge des référés a désigné M. [G] [T] en qualité d’expert, allouant une provision de 3 000 euros à M.[E] à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

M. [E], confronté à l’absence de réalisation des travaux, a également saisi le tribunal au fond, par assignation du 22 décembre 2022, pour être autorisé judiciairement à effectuer les travaux votés en assemblée générale. Il s’est désisté de l’instance.

Par courrier en date du 5 mai 2023, le locataire de M. [E] a notifié au bailleur la résiliation du bail évoquant une impossibilité d’installer son activité.

Par acte en date des 12 et 22 mars 2024, M. [E] a fait assigner en référé le syndicat des copropriétaires de l’immeuble et la société Allianz Iard aux fins notamment de condamnation du syndicat des copropriétaires à exécuter les travaux réparatoires préconisés par l’expert judiciaire, et ce, sous astreinte, et à lui payer une provision de 177. 091,90 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 31 juillet 2024.

Les travaux de réfection du plancher haut du local commercial ont été réalisés le 4 septembre 2024.

Un nouveau locataire est entré dans les lieux le 15 octobre 2024.

A l’audience de renvoi du 25 novembre 2024, les parties ont déposé des écritures qu’elles ont développées oralement.

M. [E] sollicite de :
“• CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à verser à Monsieur [F] [E] à titre de provision une somme de 235 003.88€ en réparation de ses préjudices, se décomposant comme il suit :

o 84 500 € HT, soit 101 400 euros TTC au titre des loyers perdus entre le 15 octobre 2021 et le 30 juin 2023.
o 15 034.32 € au titre des charges qui n’ont pu être refacturées au locataire DFR entre le 15 octobre 2021 et le 30 juin 2023 ;
o 2 255 € au titre des taxes foncières 2022 et 2023 qui n’ont pu être refacturées sur le locataire commercial aux vues des circonstances.
o 76 421.05 € HT soit 91 705.26 € TTC au titre des loyers du 1er juin 2023 au 15 octobre 2024.
o 13 012.30 € au titre des charges refacturables restées à charge entre juillet 2023 et le 15 octobre 2024.
o 1 345 € au titre de la taxe foncière 2024 ;
o 252 € TTC au titre de l’état des lieux d’entrée de la société DIACASAN nouveau locataire commercial ;
o 10 000 € au titre du préjudice d’anxiété et du temps passé à gérer ce dossier

• DISPENSER Monsieur [E] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure du syndicat des copropriétaires, en tant que de besoin, ORDONNER le remboursement par le syndicat des copropriétaires de sommes payées à ce titre par Mr [E], et notamment les sommes suivantes : 4 589.44 €

• CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à payer à Monsieur [F] [E] la somme de 50.000 € au titre de l’article au titre des frais de l’article 700 du code de procédure civile.

• CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] aux entiers dépens, qui comprendront ceux de la présente instance ainsi que les frais de référé expertise et les frais d’expertise.”

Le syndicat des copropriétaires demande de :

“1. A TITRE PRINCIPAL, SUR LE REJET DES DEMANDES

– JUGER que les préjudices invoqués par Monsieur [F] [E] ne sont établis ni dans leur principe, ni dans leur quantum et qu’il existe, en tout état de cause, des contestations sérieuses relatives à la cause et aux responsabilités à l’origine des désordres affectant le local commercial appartenant à Monsieur [F] [E].

En conséquence,

– DÉBOUTER Monsieur [F] [E] de sa demande de condamnation du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] au paiement d’une somme de 235.003,88 euros à titre de provision.

– DÉBOUTER Monsieur [F] [E] de sa demande tendant à se voir dispenser de toute participation à la dépense commune des frais de procédure du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3].

– DÉBOUTER Monsieur [F] [E] de sa demande tendant à voir condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à lui rembourser la somme de 4.589,44 euros.

2. A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LA GARANTIE D’ALLIANZ IARD

– JUGER que la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD devra relever et garantir pour toute condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à l’encontre du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l’article 700 du Code de procédure civile et dépens qui pourrait être prononcées contre le Syndicat des Copropriétaires.

3. EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

– DÉBOUTER Monsieur [F] [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

– CONDAMNER Monsieur [F] [E] à payer au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.”

La société Allianz Iard sollicite de :

“- Débouter Monsieur [F] [E] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre la société ALLIANZ IARD dont l’obligation est sérieusement contestable, ce, pour toutes les raisons exposées tant oralement que dans le cadre des présentes écritures ;

– Condamner Monsieur [F] [E] et, subsidiairement, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à régler à la société ALLIANZ IARD une indemnité de 1.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamner toute(s) partie(s) succombant aux entiers dépens.”

Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées par les parties.

La décision a été mise en délibéré au 7 janvier 2025, date de la présente ordonnance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes de provisions

Aux termes de l’article 835, alinéa 2,du code de procédure civile,“dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il [le président du tribunal judiciaire] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire”.

Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :
“La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile.
Le syndicat peut revêtir la forme d’un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi.
Il établit, s’il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété.
Il a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.
Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.”

Au soutien de sa demande d’indemnisation, M. [E] invoque la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l’article 14 précité, les désordres qu’il a subis provenant d’une partie commune de l’immeuble.

Le syndicat des copropriétaires défendeur ne conteste pas sa responsabilité mais invoque l’existence d’une contestations sérieuse, soutenant que le préjudice de M. [E] n’est établi ni dans son principe ni dans son quantum, alors même que l’expert judiciaire ne s’est pas prononcé dans son rapport sur ce point.

Selon les conclusions de l’expert judiciaire, qui ne sont pas critiquées, le sinistre dégât des eaux subi par M. [E] le 15 octobre 2021 a pour cause une fuite sur la colonne montante eau froide de l’immeuble. La responsabilité du syndicat des copropriétaires n’est donc pas discutable et son obligation à réparation n’est pas sérieusement contestable sur le principe.

L’expert judiciaire n’a en revanche émis aucun avis sur les réclamations financières de M. [E], qu’il a toutefois listées dans son rapport.

Sur la perte de loyers et charges

M. [E] réclame le paiement des loyers au titre du bail conclu le jour du sinistre avec la société DFR, soit du 15 octobre 2021 au 1er juin 2023, date à laquelle la société locataire a décidé de résilier le contrat, n’ayant jamais pu exploiter les locaux commerciaux, soit la somme de 84500 euros HT (4 333,33 € x 19,5 mois).

Il demande également :
– le montant des charges qu’il aurait refacturées au preneur, déduction faite des provisions sur charges acquittées par ce dernier du 4ème trimestre 2021 au 2ème trimestre 2023 inclus pour un montant de 6 650 euros, soit la somme de 15 034,32 euros (21 684,32 € – 6 650 €),
– le remboursement des taxes foncières, soit 944 euros en 2022 et 1 311 euros en 2023.

Les sommes réclamées correspondent au termes du bail, qui prévoyait un loyer annuel de 52 000 euros HT, soit 13 000 euros HT par trimestre, une provision sur charges de 950 euros par trimestre ainsi que l’imputation au preneur de la taxe foncière et des charges, exceptées les dépenses de l’article 606 du code civil.

Pour s’opposer à ces demandes, le syndicat des copropriétaires fait essentiellement valoir que M. [E] a pris la décision de garder son locataire malgré le sinistre survenu le jour de la signature du bail et de lui accorder une remise totale des loyers durant toute la période visée, alors qu’au surplus, le bail stipulait son engagement à déclarer le sinistre à son assureur et à effectuer les travaux à ses frais, si nécessaire, pour le 15 décembre 2021. Le syndicat des copropriétaires ajoute qu’en dehors de tout sinistre, le bail aurait pu prendre fin avant le 1er juin 2023 et qu’il ignore si M. [E] a perçu une indemnisation de son assureur.

S’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence, de trancher ces contestations et de porter une appréciation sur le bien fondé de la durée d’indemnisation sollicitée, il n’est toutefois pas contestable que l’effondrement du plancher haut du local commercial consécutif au dégât des eaux n’a pas permis à M. [E] de mettre les locaux donnés à bail à disposition du preneur pour une exploitation commerciale prévue au plus tard le 15 décembre 2021 et de percevoir les loyers et charges y afférents.

Il peut être également relevé qu’à la suite du sinistre dégât des eaux, les diligences accomplies par le syndic ont permis de déterminer l’origine des désordres et la nature des travaux réparatoires, lesquels ont été votés lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 12 avril 2022, avec un financement planifié, les appels de fonds ayant été appelés et réglés ; qu’en outre, M. [E] a proposé à plusieurs reprises d’avancer les fonds pour effectuer les travaux de remise en état du plafond de son local commercial sans obtenir l’accord de la copropriété.

Dans ces conditions, il sera alloué à M. [E] une somme provisionnelle de 40 000 euros à valoir sur l’indemnisation de la perte de loyers et charges alléguée.

Sur la perte de chance de conclure un nouveau bail

M. [E] soutient que du 1er juin 2023 (date du départ de son locataire) au 15 octobre 2024 (date de signature d’un nouveau bail), il a perdu, avec une probabilité de 95%, la chance de relouer son local commercial aux conditions convenues avec le nouveau preneur, la société Diacasan Editions, réclamant une indemnisation de 90 778,35 euros représentant les loyers et charges qu’il aurait pu percevoir.

Il invoque la localisation idéale de ses locaux, [Adresse 8], fait état de lettres d’intention de sociétés en juin et juillet 2023 proposant de reprendre le local et la signature du nouveau bail dès le 15 octobre 2024, alors que les travaux réparatoires ont été réceptionnés le 4 septembre 2024.

Cette demande ne peut pas prospérer au stade du référé comme relevant de l’appréciation du juge du fond, faute d’évidence suffisante.

Il sera dit qu’il n’y a pas lieu à référé sur cette demande de provision.

Sur le préjudice moral et d’anxiété

M. [E] fait valoir que le syndicat des copropriétaires l’a entravé dans l’exercice de son droit de propriété et la gestion courante de ses affaires ; qu’il a été placé dans une situation financière délicate, les échéances du prêt pour l’acquisition du local commercial ayant continué à courir ; qu’il a dû souscrire un nouvel emprunt pour faire face aux frais induits par les lenteurs du syndicat des copropriétaires.

Ces éléments nécessitent d’être soumis à l’appréciation du juge du fond en l’absence de toute évidence et d’éléments justificatifs.

Il n’y a donc pas lieu à référé sur la demande de provision à hauteur de 10 000 euros.

Sur les préjudices annexes

M. [E] réclame le remboursement du coût de l’état d’entrée des lieux de son nouveau locataire, soit la somme de 420 euros, somme qu’il n’aurait pas été contraint d’exposer si la société DFR n’avait pas quitté les lieux.

Cette demande se heurte à une contestation sérieuse qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher, dès lors qu’il ne peut être affirmé avec certitude que la société DFR se serait maintenue dans les lieux, même en l’absence de tout sinistre.

II. Sur les autres demandes

L’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :
“(…) Le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l’absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l’équité ou de la situation économique des parties au litige.”

En application des ces dispositions, M. [E] sera dispensé de participation à la dépense commune des frais de la présente procédure, et non de participations à l’ensemble des frais liés à la procédure depuis 2022, demande qui excède les pouvoirs du juge des référés.

III. Sur la garantie de la société Allianz Iard

Le syndicat des copropriétaires demande à être garanti de toute condamnation par son assureur, la société Allianz Iard, en application du contrat d’assurance multirisque qu’il a souscrit qui garantit notamment les fuites accidentelles d’eau provenant des conduites enterrées ou non et les pertes financières consécutifs à un dégât des eaux. Il rappelle que le sinistre est intervenu pendant la période de validité du contrat et estime que la cause d’exclusion que lui oppose son assureur est inopérante, dès lors que la seule survenance de l’événement suffit à mobiliser la garantie.

La société Allianz Iard soulève l’existence de contestations sérieuses en faisant valoir que l’immeuble a subi de nombreux dégâts des eaux au fil du temps, que le sinistre du 15 octobre 2021 a la même cause que celui du 8 avril 2021 et que les dommages affectant la structure du plancher haut du local commercial ne résultent pas du sinistre dégât des eaux du 15 octobre 2021. Il se prévaut de la cause d’exclusion générale relative aux événements non aléatoires, le sinistre du 15 octobre 2021 ne présentant aucun caractère accidentel au sens défini par le contrat, soutenant encore que le contrat d’assurance ne peut garantir un risque que son assuré savait déjà réalisé avant sa souscription le 1er janvier 2017.

Il est constant qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’apprécier les conditions d’application d’une police d’assurance et de trancher les contestations qui sont opposées à l’assuré, ce qui a été déjà énoncé par le juge des référés dans son ordonnance rendue le 19 janvier 2023.

Il n’y a donc pas lieu à référé sur l’appel en garantie du syndicat des copropriétaires.

IV. Sur les demandes accessoires

M. [E] sollicite la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile représentant la totalité des frais et honoraires exposés depuis 2022.

Il sera alloué en équité au demandeur, au titre de la présente procédure, une indemnité de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires, qui succombe, supportera la charge des dépens de l’instance et verra sa demande au titre des frais irrépétibles rejetée.

A ce stade, les frais d’expertise ne seront pas compris dans les dépens, alors qu’au surplus, la demande n’est pas chiffrée et qu’il n’est justifié d’aucune ordonnance de taxe.

Il n’y a pas lieu en équité de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société ALLIANZ IARD.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Condamnons le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic, la société [Y] ADB, à payer à M. [F] [E] la somme provisionnelle de 40.000 euros (quarante mille) à valoir sur l’indemnisation de ses pertes de loyers et charges,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes de provision,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat des copropriétaires à l’encontre de la société Allianz Iard,

Disons que M. [F] [E] est dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de la présente procédure en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

Condamnons le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic, la société [Y] ADB, à payer à M. [F] [E] la somme de 5.000 euros (cinq mille) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejetons les autres demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic, la société [Y] ADB, aux dépens de l’instance, en ce non compris les frais d’expertise,

Rappelons que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

Fait à Paris le 07 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Pascale GARAVEL Fanny LAINÉ


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