L’Essentiel : La SCI La Deuilloise, propriétaire de deux lots dans un immeuble en copropriété, a contesté des travaux jugés illicites par le syndicat des copropriétaires, affectant ses parties privatives. Après une première décision du tribunal en 2020, la SCI a engagé une action au fond en 2022 pour la remise en état d’une porte d’entrée. En juin 2023, elle a demandé la déclaration d’illégalité de la condamnation de sa porte et des dommages-intérêts. Le tribunal a finalement statué en faveur de la SCI, ordonnant la remise en état de la porte et condamnant le syndicat à verser 2.500 € pour les frais de justice.
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Contexte de l’affaireL’immeuble situé à [Adresse 3] est en copropriété, et la SCI La Deuilloise en est propriétaire de deux lots. La SCI a contesté des travaux effectués par le syndicat des copropriétaires, qu’elle considère comme illicites, affectant ses parties privatives. Procédures judiciaires initialesLa SCI La Deuilloise a assigné le syndicat des copropriétaires devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, qui a rendu une ordonnance le 16 septembre 2020, déclarant qu’il n’y avait pas lieu à référé. Par la suite, le 11 août 2022, la SCI a engagé une action au fond pour obtenir la remise en état d’une porte d’entrée de son lot. Demandes de la SCI La DeuilloiseDans ses écritures du 15 juin 2023, la SCI a demandé au tribunal de déclarer illicite la condamnation de sa porte d’accès aux parties communes, d’ordonner la remise en état de cette porte, et de condamner le syndicat à des dommages-intérêts. Elle a également contesté la preuve des allégations du syndicat concernant des désordres. Réponse du syndicat des copropriétairesLe 31 août 2023, le syndicat des copropriétaires a formulé des demandes au tribunal, soutenant que des désordres dans les parties communes étaient causés par des travaux défectueux dans le lot 2 de la SCI. Il a demandé le rejet des demandes de la SCI et a proposé des travaux à réaliser par celle-ci. Arguments des partiesLa SCI a fait valoir que les travaux affectant sa porte n’avaient pas été votés en assemblée générale, tandis que le syndicat a soutenu que la porte avait été condamnée pour des raisons esthétiques et de sécurité. Le syndicat a également affirmé que la SCI était responsable de désordres dans les parties communes. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la suppression de la porte d’accès entre la cuisine du lot 2 et les parties communes n’avait pas été autorisée par l’assemblée générale, ce qui constitue une violation de la loi sur la copropriété. Il a ordonné la remise en état de la porte et a rejeté les demandes du syndicat concernant les travaux dans la salle de bain. Conséquences financièresLe tribunal a condamné le syndicat des copropriétaires à verser 2.500 € à la SCI La Deuilloise au titre des frais de justice, et a décidé que le syndicat supporterait les dépens de la procédure. L’exécution provisoire du jugement a été maintenue. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 concernant les modifications des parties privatives en copropriété ?L’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 stipule que l’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété. Cette disposition vise à protéger les droits des copropriétaires en leur garantissant que toute modification affectant leurs parties privatives doit être décidée à l’unanimité. Dans le cas présent, la SCI La Deuilloise soutient que la suppression de la porte d’accès à sa cuisine constitue une modification illicite de ses modalités de jouissance. Le tribunal a retenu que la suppression de cette porte n’avait pas été autorisée par l’assemblée générale, ce qui constitue une violation de l’article 26. Ainsi, toute décision prise sans le consentement unanime des copropriétaires est nulle et non avenue, ce qui justifie la demande de remise en état de la porte d’origine. Quelles sont les conséquences de l’article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 sur les décisions des assemblées générales ?L’article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précise que les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée. Cela signifie que si un copropriétaire souhaite contester une décision prise lors d’une assemblée générale, il doit le faire dans un délai de deux mois. Le tribunal a souligné que le syndicat des copropriétaires n’avait pas contesté la décision relative à la suppression de la porte dans ce délai, ce qui rendait la décision irrévocable. Ainsi, le non-respect de ce délai de contestation peut entraîner la validation des décisions prises, même si elles sont contestables sur le fond. Dans cette affaire, le tribunal a donc considéré que la suppression de la porte n’avait pas été validée par une résolution définitive, ce qui a conduit à l’ordonnance de remise en état. Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il dans ce litige ?L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans le cadre de ce litige, la SCI La Deuilloise a demandé une indemnisation au titre de l’article 700, en raison des frais engagés pour défendre ses droits. Le tribunal a condamné le syndicat des copropriétaires à verser une somme de 2.500 € à la SCI La Deuilloise, tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties. Cette disposition permet ainsi de compenser les frais non récupérables par la partie qui a dû défendre ses intérêts en justice, renforçant ainsi l’accès à la justice pour les copropriétaires. Quelles sont les implications de l’article 544 du code civil sur la jouissance des parties privatives ?L’article 544 du code civil énonce que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Cet article établit le principe fondamental de la propriété, qui inclut le droit de jouir de ses biens. Cependant, ce droit est limité par l’obligation de ne pas causer de dommages aux autres copropriétaires. Dans le contexte de ce litige, le syndicat des copropriétaires a soutenu que les travaux réalisés dans le lot 2 avaient causé des désordres aux parties communes. Cependant, le tribunal a noté que la preuve de ces désordres et de leur origine incombait au syndicat des copropriétaires, qui n’a pas réussi à démontrer que les travaux de la SCI La Deuilloise étaient à l’origine des problèmes. Ainsi, l’article 544 souligne l’importance de la jouissance des parties privatives tout en rappelant que cette jouissance ne doit pas nuire aux droits des autres copropriétaires. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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8ème chambre
1ère section
N° RG 22/09779
N° Portalis 352J-W-B7G-CXVFL
N° MINUTE :
Assignation du :
11 Août 2022
JUGEMENT
rendu le 07 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.C.I. LA DEUILLOISE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Laetitia FAYON de l’AARPI TOPAZE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0245
DÉFENDEUR
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic bénévole, Madame [Z] [C]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Christophe HUET de la SELARL HUET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0211
Décision du 07 Janvier 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/09779 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXVFL
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Elyda MEY, Juge
assistés de Madame Justine EDIN, Greffière
DÉBATS
A l’audience du 02 Octobre 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Julien FEVRIER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
L’immeuble situé [Adresse 3] est constitué en copropriété.
La SCI La Deuilloise est propriétaire des lots 2 et 26 de l’immeuble.
Soutenant que des travaux affectant ses parties privatives ont été réalisés de manière illicite par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble, la SCI La Deuilloise a assigné ledit syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.
Par ordonnance du 16 septembre 2020, ce juge a dit n’y avoir lieu à référé.
Par acte d’huissier de justice du 11 août 2022, la SCI La Deuilloise a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] devant le tribunal au fond afin d’obtenir la remise en état d’une porte d’entrée du lot 2.
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Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 15 juin 2023, la SCI La Deuilloise demande au tribunal de :
» Vu l’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,
Vu l’article 1353 du Code civil ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,
Il est demandé au Tribunal de céans de :
Dire et Juger que la condamnation de la porte permettant l’accès aux parties communes depuis la cuisine de la SCI LA DEUILLOISE est illicite en ce qu’elle modifie les modalités de jouissance par la SCI LA DEUILLOISE de son lot n°2 ;
Dire et Juger que le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ne rapporte pas la preuve de ses allégations ;
En conséquence :
Ordonner au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la réalisation des travaux de remise en état de la porte d’origine attenante aux locaux de la SCI DEUILLOISE, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;
Débouter le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] au paiement d’une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens « .
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Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 31 août 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] demande au tribunal de :
» Vu l’article 42 alinéa 2 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,
Vu les désordres affectant les parties communes,
Vu les pièces produites,
Il est demandé au Tribunal judiciaire de Paris de :
Recevoir le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] en ses demandes, fins et conclusions et le déclarer bien fondé,
Y faire droit,
Débouter la société LA DEUILLOISE de l’ensemble de ses demandes de remise en état sous astreinte à l’encontre du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
Subsidiairement, si par extraordinaire, le Tribunal de céans devait accueillir la demande de remise en état de la porte d’accès à la cuisine de la société LA DEUILLOISE, par la suppression de la plaque de BA 13, il lui serait demandé :
D’une part, de ne pas assortir cette condamnation d’une astreinte, le recours à cette mesure contraignante n’étant pas justifiée par la société LA DEUILLOISE,
D’autre part, de condamner la société LA DEUILLOISE à changer sa porte d’accès à sa cuisine depuis les parties communes particulièrement dégradée, par un professionnel, sous astreinte de 500 euros par jours de retard, afin de conserver l’harmonie et la qualité des parties communes entièrement rénovées, sous surveillance de l’architecte de l’immeuble pour le choix de la forme, de la couleur et pour les modalités de la pose de ladite porte ;
En tout état de cause,
Condamner la société LA DEUILLOISE, sous astreinte de 500 euros de retard à compter du jugement à intervenir, le tout par un professionnel, dans les règles de l’art, sous la surveillance de l’architecte de l’immeuble :
1/ à refaire entièrement le mur de sa salle de bains adjacent à la porte palière du hall, lui assurant une parfaite isolation et étanchéité,
2/ à procéder aux travaux nécessaires à l’aération et à la ventilation de ladite salle de bains,
3/ à procéder aux travaux de reprise des parties communes endommagées ou, au choix du Syndic, à régler le devis de travaux établi à ce titre par le Syndicat des copropriétaires,
En tout état de cause encore,
Condamner la société LA DEUILLOISE à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la société LA DEUILLOISE aux entiers dépens de la présente instance,
Débouter la société LA DEUILLOISE de ses demandes au titre des dépens et de l’article 700 du Code de procédure civile, à l’encontre du Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] « .
*
Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour l’exposé des moyens de droit et de fait à l’appui de leurs prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 26 février 2024 et l’affaire a été plaidée le 2 octobre 2024. La décision a été mise en délibéré au 7 janvier 2025.
A l’appui de ses demandes, la SCI La Deuilloise fait valoir que :
– des travaux dans le hall ont été votés lors de l’assemblée générale du 16 mars 2019 ;
– elle a découvert que l’alcôve évoquée dans le procès-verbal de cette assemblée correspondait à sa porte privative d’accès à sa cuisine et que la suppression de la porte vitrée côté cour avait entraîné un courant d’air très important et des charges de chauffage en augmentation ;
– elle a sollicité amiablement le rétablissement de la porte donnant sur la cour ;
– la porte vitrée donnant sur cour n’a pas été rétablie et sa porte privative a été condamnée depuis l’extérieur puisque recouverte d’un placo ;
– les modalités de jouissance de son lot 2 ont été modifiées ;
– les portes sont des parties privatives ;
– la demande est fondée sur l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;
– seuls les travaux de peinture hall et escalier principal ont été votés à l’unanimité ;
– les travaux concernant les portes d’accès à la cour ont été évoqués mais pas votés ;
– les travaux concernant sa porte privative n’ont pas été votés, ni discutés ;
– elle sollicite la remise en état de la porte d’origine ;
– s’agissant des désordres sur les parties communes de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la preuve de ses allégations et ne démontre pas que les travaux réalisés dans la salle de bain de l’appartement lot 2 seraient à l’origine des désordres ;
– l’existence même de désordres est contestée.
En défense, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] fait valoir que :
– il est victime de dégâts des eaux en provenance de la salle de bains de la demanderesse, non réalisée selon les règles de l’art (absence de fenêtre et d’aération, mur non isolé et non étanche), qui ont endommagé les parties communes de l’immeuble dont la porte palière dans le hall après rénovation ;
– le juge des référés a débouté les parties de leurs demandes ;
– la preuve d’une modification de la destination des parties privatives ou de leurs modalités de jouissance n’est pas rapportée ;
– le règlement de copropriété ne mentionne qu’une seule entrée au titre du lot 2 et celle par la cuisine n’est pas mentionnée ;
– l’accès à l’appartement de la demanderesse ne se fait pas par la cuisine;
– les travaux de rénovation du hall ont été votés en 2017 et 2018 ;
– la création d’un placard dans l’alcôve a été votée le 16 mars 2019 ;
– les résolutions relatives à ces travaux n’ont pas été contestés dans le délai de deux mois de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 et le vote est irrévocable ;
– les travaux ont été réalisés à l’expiration du délai de contestation, sous la surveillance de l’architecte de l’immeuble et ne sauraient être jugés illicites ;
– la demanderesse n’est pas privée de l’accès à son lot car elle dispose d’une entrée en dehors de l’accès par la cuisine ;
– l’accès par la cuisine aux parties communes a été condamné par la demanderesse elle-même depuis plusieurs dizaines d’années pour gagner de la place et installer des rangements dans la cuisine ;
– l’aspect très dégradé de la porte a motivé la décision des copropriétaires ;
– les parties communes devaient être refaites en incluant cette partie abîmée, inesthétique et dépourvue de toute isolation ;
– ces éléments ont été débattus et votés au cours de l’assemblée générale mais la demanderesse n’y était pas, ni représentée ;
– aucune remise en état ne s’impose ;
– il justifie d’une atteinte aux parties communes du fait de travaux défectueux réalisés dans le lot 2 ;
– le mur séparant la salle de bain du lot 2 et le hall de l’immeuble n’est pas étanche ;
– l’attestation de la société A&P ne démontre pas l’absence de défauts de la salle de bain en termes de ventilation et d’étanchéité ;
– la demanderesse ne produit pas de facture de travaux de réfection de la salle de bain pour prouver qu’elle a été réalisée par un professionnel dans les règles de l’art.
Sur les demandes principales de la SCI La Deuilloise
Vu l’article 26 de la même loi qui prévoit que l’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété.
Vu l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 qui précise que les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée sans ses annexes.
Le moyen tiré de l’absence d’exercice de l’action en nullité par un copropriétaire dans le délai de deux mois peut être soulevé d’office par le tribunal.
Sur ce,
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires reconnaît dans ses écritures qu’il a effectivement condamné une porte d’accès entre la cuisine du lot 2 appartenant à la demanderesse et les parties communes en la recouvrant d’une plaque de BA13 lors de la rénovation des parties communes du rez de chaussée.
Il résulte du règlement de copropriété versé aux débats que les portes, y compris les portes palières, sont des parties privatives.
La suppression définitive d’une des portes d’entrée du lot 2 constitue une modification des modalités de jouissance des parties privatives de ce lot et ce quand bien même l’occupant de cet appartement ne l’utiliserait pas depuis plusieurs années.
Cette décision ne peut être prise par l’assemblée générale des copropriétaires qu’à l’unanimité.
Le syndicat des copropriétaires fait valoir que la création d’un placard dans l’alcôve, après fixation d’une plaque de BA13, a été votée à l’unanimité lors de l’assemblée générale du 16 mars 2019.
Or, le procès-verbal de cette assemblée générale ne mentionne pas clairement de vote au sujet de la suppression de la porte litigieuse.
En effet, il précise : » 4)° Travaux proposés pour 2019 : a. Peinture Hall et Escalier Principal. Ces travaux ont déjà été votés lors de l’AGO au 31 décembre 2017…
Point évoqué : les portes d’accès à la cour posent un problème pratique.
Faire un petit placard dans l’alcôve et y mettre une porte…
Toutes les décisions ci dessus ont été prises à l’unanimité « .
La mention de création d’un » petit placard dans l’alcôve et y mettre une porte » n’est pas suffisamment explicite pour en déduire qu’elle implique nécessairement la suppression définitive d’une des portes d’entrée du lot 2 par l’installation d’une plaque de BA13 devant cette porte.
Les procès-verbaux des années antérieures 2017 et 2018, également versés à la procédure, ne comportent pas davantage de vote à ce sujet précis.
Il sera donc retenu que la suppression de la porte litigieuse n’a pas été autorisée par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble et n’est donc pas couverte par une résolution définitive au sens de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
Les travaux litigieux ont été réalisés en violation de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 et une remise en état sera ordonnée dans les conditions fixées au dispositif, dont notamment avec le prononcé d’une mesure d’astreinte provisoire qui apparaît nécessaire pour s’assurer de l’effectivité de la condamnation.
Par ailleurs, il n’y a pas lieu de condamner la demanderesse à changer la porte litigieuse au motif qu’elle serait dégradée et nuirait à l’harmonie des parties communes. Non seulement le caractère dégradé de la porte litigieuse n’est pas démontré, mais en outre le fondement juridique de la demande n’est pas précisé.
Sur la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires au titre de la salle de bain du lot 2
Vu l’article 544 du code civil qui prévoit que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L’article 9 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose en outre que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »
Le droit pour le propriétaire de jouir et de disposer de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par les lois ou par les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
La théorie des troubles anormaux du voisinage consacre une responsabilité objective, fondée sur la constatation du dépassement d’un seuil de nuisance sans qu’il soit nécessaire d’imputer celui-ci à une faute ou à l’inobservation d’une disposition législative ou réglementaire.
Décision du 07 Janvier 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/09779 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXVFL
Inversement, il est admis que le respect des dispositions légales et des règles d’urbanisme n’exclut pas l’existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Les juges du fond apprécient souverainement le caractère excessif du trouble allégué tant au regard de sa permanence et de sa gravité que de la situation des lieux.
L’action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit.
Vu l’article 9 du code de procédure civile qui dispose que » il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
Sur ce,
Le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de la SCI La Deuilloise à réaliser divers travaux de remise aux normes de la salle de bain du lot 2 et des travaux de reprise des parties communes endommagées par celle-ci.
Or, non seulement le syndicat des copropriétaires n’indique pas le fondement juridique de sa demande, mais en outre il n’apporte pas suffisamment d’éléments pour démontrer les désordres causés aux parties communes et surtout pour justifier de l’origine de ces désordres.
Il n’appartient pas à la SCI La Deuilloise de démontrer que ses installations sanitaires sont conformes aux normes en vigueur et ne causent pas de désordres aux parties communes. La preuve des désordres et de leur origine incombe au syndicat des copropriétaires demandeur des travaux de reprise.
Le cas échéant, il lui appartiendra de solliciter une mesure d’expertise judiciaire sur la base du rapport de l’architecte de l’immeuble ayant éventuellement constaté des désordres aux parties communes et des installations sanitaires non conformes dans le lot 2.
Les demandes du syndicat des copropriétaires à ce titre seront donc rejetées à ce stade.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le syndicat des copropriétaires défendeur, partie perdante, supportera les dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Décision du 07 Janvier 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/09779 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXVFL
Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Le syndicat des copropriétaires défendeur sera condamné à verser à la SCI La Deuilloise une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue d’office ou à la demande d’une partie.
En l’espèce, il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution provisoire du jugement.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe:
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à supprimer la plaque de BA13 et/ou tout autre objet posés devant la porte d’accès entre la cuisine du lot 2 de l’immeuble et les parties communes et à libérer cet accès au lot 2, ce sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant une première période de six mois à compter d’un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement ;
DIT que l’astreinte provisoire ci-dessus prononcée sera, le cas échéant, liquidée par le juge de l’exécution, conformément aux dispositions de l’article L.131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;
REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires au titre du changement de porte du lot 2 ;
REJETTE les demandes du syndicat des copropriétaires au titre des travaux de reprise de la salle de bain du lot 2 et de parties communes endommagées ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer à la SCI La Deuilloise une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à suspendre l’exécution provisoire ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.
Fait et jugé à Paris le 07 Janvier 2025.
La Greffière La Présidente
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