Coproduction d’album : requalification en contrat de travail

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Coproduction d’album : requalification en contrat de travail

L’Essentiel : La requalification d’une convention de coproduction musicale en contrat de travail peut avoir des conséquences significatives pour les artistes. Dans une affaire récente, un auteur compositeur a réussi à faire reconnaître sa relation avec un studio d’enregistrement comme un contrat de travail à durée indéterminée. La juridiction prud’homale a constaté que la convention imposait des modalités d’exécution qui limitaient l’initiative de l’artiste, le plaçant sous la présomption de salariat. Cette décision souligne l’importance de la rédaction claire des contrats et de la reconnaissance des droits des artistes dans le cadre de leur collaboration avec des producteurs.

Requalification d’un contrat de coproduction musicale

Conclure une convention de coproduction musicale avec un auteur compositeur de musique peut être risqué. Dans cette affaire, un auteur compositeur a obtenu la requalification de la  convention conclue avec un studio d’enregistrement en contrat de travail.  Par la convention conclue, le studio et le compositeur se sont associés pour produire un phonogramme et sa fixation sur CD. Le contrat prévoyait entre les parties, l’affectation des moyens financiers, matériels et leur industrie, en vue de partager les bénéfices qui pouvaient en résulter (avec engagement de contribuer aux pertes). Le financement de l’album dont la réalisation constituait l’objet de la convention de coproduction était partagé pour moitié par chaque partie.

Conditions du contrat de travail

L‘auteur compositeur a saisi avec succès la juridiction prud’homale afin de voir requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et solliciter sa résiliation judiciaire, ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses indemnités de requalification et de rupture.

La convention de coproduction a été requalifiée en ce qu’elle imposait à l’artiste les modalités d’exécution et de production le privant de toute initiative et du libre choix des moyens ; l’employeur ne produisait aucun élément de nature à justifier que l’artiste exerçait l’activité qui avait fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; l’artiste se trouvait donc soumis à la présomption de salariat posée par l’article L. 7121-3 du code du travail.

Présomption de contrat de travail

En application de l’article L.7121-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties ; cette présomption, qui n’est pas irréfragable, impose à celui qui la conteste de démontrer que la relation contractuelle s’inscrit dans un rapport juridique exclusif de tout lien de subordination, se traduisant dans l’exercice concret de son métier d’artiste par une capacité d’initiative effective dans son organisation matérielle, ses horaires, sa clientèle et qui supposerait l’utilisation de moyens techniques personnels ou choisis par lui.

La volonté des parties au contrat de partager les risques financiers de l’opération est également de nature à démontrer que l’artiste n’a pas entendu seulement apporter son concours à la réalisation de la production par son seul travail mais aussi de prendre une part active aux risques et aux enjeux financiers du projet artistique ; toutefois, et c’est là un point clef  de la décision rendue, la seule participation aux risques financiers ne suffit pas à combattre la présomption de salariat.

Rédaction ambiguë de la convention de coproduction

A noter que la convention de coproduction était rédigée de façon ambiguë en ce qu’elle stipulait que « les artistes ne peuvent, pour tout ou partie du projet, imposer l’utilisation d’un produit, d’un collaborateur, d’un sous-traitant ou tout partenariat à la société afin de mener à bien l’exécution, le développement et la réalisation de la présente convention » ; « de même, les artistes ne peuvent interdire pour tout ou partie du projet l’utilisation d’un produit, d’un collaborateur, d’un sous-traitant ou tout partenariat à la société afin de mener à bien l’exécution, le développement et la réalisation de la présente convention sauf accord express entre les deux ».

La seule pièce produite par la société pour combattre la présomption édictée par l’article L.7121-3 du code du travail était la convention de coproduction elle-même. Or, selon cette pièce, l’artiste qui interprète et enregistre l’album n’avait aucune autonomie dans les conditions d’exécution de sa production, la société ayant imposé d’être seul décideur des moyens matériels et humains destinés à mener à bien l’exécution du projet.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que la requalification d’un contrat de coproduction musicale ?

La requalification d’un contrat de coproduction musicale se produit lorsqu’un contrat initialement considéré comme une convention de coproduction est reclassé en contrat de travail.

Dans le cas présenté, un auteur compositeur a réussi à faire requalifier sa convention avec un studio d’enregistrement en contrat de travail à durée indéterminée.

Cette requalification a été motivée par le fait que le contrat imposait des modalités d’exécution et de production qui limitaient l’initiative de l’artiste, le plaçant dans une situation de subordination.

Quelles sont les conditions pour qu’un contrat soit requalifié en contrat de travail ?

Pour qu’un contrat soit requalifié en contrat de travail, plusieurs conditions doivent être remplies.

Dans l’affaire mentionnée, le tribunal a constaté que l’artiste était soumis à des modalités d’exécution qui ne lui laissaient aucune liberté d’initiative.

De plus, l’employeur n’a pas pu prouver que l’artiste exerçait son activité dans des conditions justifiant son inscription au registre du commerce, ce qui a renforcé la présomption de salariat.

Qu’est-ce que la présomption de contrat de travail selon le code du travail ?

La présomption de contrat de travail, selon l’article L.7121-3 du code du travail, stipule que tout contrat par lequel une personne rémunère un artiste pour sa production est présumé être un contrat de travail.

Cette présomption s’applique lorsque l’artiste n’exerce pas son activité dans des conditions d’inscription au registre du commerce.

Il est important de noter que cette présomption n’est pas irréfragable, ce qui signifie que l’employeur peut contester cette présomption en prouvant l’absence de lien de subordination.

Comment la rédaction de la convention de coproduction a-t-elle influencé la décision ?

La rédaction ambiguë de la convention de coproduction a joué un rôle crucial dans la décision de requalification.

La convention stipulait que les artistes ne pouvaient pas imposer l’utilisation de certains produits ou collaborateurs, ce qui a été interprété comme une absence d’autonomie pour l’artiste.

La société n’a présenté qu’une seule pièce, la convention elle-même, pour contester la présomption de salariat, mais celle-ci a montré que l’artiste n’avait pas de contrôle sur les moyens matériels et humains nécessaires à la production.

Quels sont les enjeux financiers dans un contrat de coproduction musicale ?

Les enjeux financiers dans un contrat de coproduction musicale incluent le partage des coûts de production et des bénéfices.

Dans l’affaire discutée, le financement de l’album était partagé également entre le studio et l’artiste, ce qui pourrait indiquer une volonté de partager les risques financiers.

Cependant, la simple participation aux risques financiers ne suffit pas à prouver l’absence de lien de subordination, ce qui a été un point clé dans la décision de requalification.


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