L’Essentiel : Monsieur [J] [P], bénéficiaire d’une rente de maladie professionnelle, est décédé le 30 mai 2023. Sa veuve, Madame [F] [P], a demandé le 12 juillet 2023 la conversion de cette rente à son profit. La Cpam a refusé, arguant qu’aucune demande de conversion n’avait été faite par Monsieur [J] [P] de son vivant. Après un recours administratif sans réponse, Madame [F] [P] a saisi le tribunal judiciaire le 31 janvier 2024. Le tribunal a conclu qu’elle n’avait pas prouvé la demande de conversion, entraînant le rejet de sa demande et précisant les modalités de recouvrement des dépens.
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Décès de Monsieur [J] [P]Monsieur [J] [P], bénéficiaire d’une rente de maladie professionnelle avec un taux d’incapacité de 15%, est décédé le 30 mai 2023. Demande de conversion de la renteSa veuve, Madame [F] [P] née [I], a sollicité le 12 juillet 2023 la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Somme pour convertir la rente de son défunt mari à son profit. Réponse de la CpamLe 20 juillet 2023, la Cpam a refusé la demande, arguant qu’aucune demande de conversion n’avait été faite par Monsieur [J] [P] de son vivant. Recours administratif et décision impliciteSuite à un recours administratif de Madame [F] [P], la commission de recours amiable (CRA) de la Cpam n’a pas rendu de décision dans le délai imparti, entraînant un rejet implicite de la demande. Procédure judiciaireLe 31 janvier 2024, Madame [F] [P] a saisi le tribunal judiciaire pour demander la condamnation de la Cpam à lui verser la rente de son époux. L’affaire a été reportée et sera jugée le 20 janvier 2025. Prétentions des partiesMadame [F] [P], représentée par son avocat, maintient ses prétentions, tandis que la Cpam demande le rejet de la demande. Conditions de conversion de la renteSelon l’article L.434-3 du code de la sécurité sociale, la conversion de la rente en rente réversible nécessite une demande expresse de l’assuré de son vivant. Absence de preuve de la demandeMadame [F] [P] affirme que son mari avait fait une demande de conversion, mais ne peut prouver son envoi. De plus, elle a précédemment indiqué qu’elle ignorait que cette demande devait être faite de son vivant. Conclusion sur la demandeLe tribunal conclut que Madame [F] [P] n’a pas prouvé que son mari avait demandé la conversion de sa rente, ce qui entraîne le rejet de sa demande. Frais de procès et exécution provisoireLes dépens de l’instance seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, et il n’y a pas lieu à exécution provisoire. Décision finaleLe tribunal déboute Madame [F] [P] de sa demande de rente réversible et précise les modalités de recouvrement des dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la condition préalable pour qu’un conjoint puisse bénéficier d’une rente réversible suite au décès de l’assuré social ?La condition préalable pour qu’un conjoint puisse bénéficier d’une rente réversible est clairement énoncée dans l’article L.434-3 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « La victime titulaire d’une rente mentionnée au deuxième alinéa de l’article L.434-2 peut en demander la conversion partielle en rente réversible au bénéfice de son conjoint, du partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité ou de son concubin. Les conditions de cette conversion sont fixées par décret en Conseil d’Etat. » Ainsi, il est impératif que l’assuré social ait formulé une demande expresse de conversion de sa rente en rente réversible, et ce, de son vivant. En l’espèce, il a été établi que [J] [P] n’avait pas fait une telle demande, ce qui a conduit à la décision de rejet de la demande de [F] [P]. Quelles sont les modalités de la demande de conversion de la rente selon le code de la sécurité sociale ?Les modalités de la demande de conversion de la rente sont précisées dans l’article R.434-6 du code de la sécurité sociale. Cet article indique que : « La demande de conversion est adressée par le titulaire de la rente à la caisse primaire d’assurance maladie chargée du paiement de la rente sous pli recommandé avec demande d’accusé de réception. La caisse notifie sa décision sous pli recommandé avec demande d’accusé de réception dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande. En l’absence de notification de décision de la caisse dans le délai prévu au deuxième alinéa, la demande est réputée acceptée. » Il est donc essentiel que la demande soit faite par lettre recommandée avec accusé de réception pour être considérée comme valide. Dans le cas présent, [F] [P] n’a pas pu prouver que son époux avait effectivement envoyé une telle demande, ce qui a conduit à l’absence de conversion de la rente. Quel est le rôle de la charge de la preuve dans cette affaire ?La charge de la preuve est un principe fondamental en droit, stipulé par l’article 9 du code de procédure civile, qui dispose que : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. » Dans cette affaire, c’est à [F] [P] qu’incombait la charge de prouver que son époux avait demandé la conversion de sa rente en rente réversible. Cependant, elle n’a pas été en mesure de fournir la preuve de l’envoi de cette demande, ce qui a conduit à la décision de rejet de sa demande. La jurisprudence rappelle ainsi que l’absence de preuve d’une demande de conversion de la rente par l’assuré social empêche le conjoint survivant de bénéficier de la rente réversible. Quelles sont les conséquences de l’absence de demande de conversion de la rente ?L’absence de demande de conversion de la rente a des conséquences directes sur le droit du conjoint survivant à percevoir une rente réversible. Comme mentionné précédemment, les articles L.434-3 et R.434-6 du code de la sécurité sociale stipulent que la conversion de la rente en rente réversible nécessite une demande expresse de l’assuré social de son vivant. En l’absence de cette demande, le conjoint survivant ne peut prétendre à la rente réversible, ce qui a été confirmé par la décision du tribunal. Ainsi, [F] [P] a été déboutée de sa demande, car les conditions requises pour bénéficier de la rente réversible n’étaient pas remplies. Cette situation souligne l’importance pour les assurés sociaux de formaliser leurs souhaits concernant la réversibilité de leur rente de manière claire et documentée. |
Aide juridictionnelle TOTALE N°C80021-2023-007960 du 22/12/2023
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POLE SOCIAL
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[F] [I] veuve [P]
C/
CPAM DE LA SOMME
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N° RG 24/00044
N° Portalis DB26-W-B7I-H2E3
EVD/OC
Minute n°
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Expert
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
POLE SOCIAL
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J U G E M E N T
COMPOSITION DU TRIBUNAL
M. Emeric VELLIET DHOTEL, vice-président au tribunal judiciaire d’Amiens chargé du pôle social,
Madame Christiane MANTEN, assesseur représentant les travailleurs salariés
M. François DESERABLE, assesseur représentant les travailleurs non salariés
et assistés de M. David CREQUIT, greffier lors du prononcé par mise à disposition au greffe.
DÉBATS
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 2 décembre 2024 du pôle social du tribunal judiciaire d’Amiens, tenue par M. Emeric VELLIET DHOTEL, président de la formation de jugement, Madame Christiane MANTEN et M. François DESERABLE, assesseurs, assistés de M. David CREQUIT, greffier.
ENTRE :
PARTIE DEMANDERESSE :
Madame [F] [I] veuve [P]
35 Escalier Saint Jean
80310 PICQUIGNY
Représentant : Maître Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocats au barreau d’AMIENS, substituée par Maître Marion COINTE, avocat au barreau d’AMIENS,
ET :
PARTIE DEFENDERESSE :
CPAM DE LA SOMME
8 Place Louis Sellier
80021 AMIENS CEDEX
Représentée par Mme [X] [R], munie d’un pouvoir en date du 08/10/2024
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 20 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la juridiction.
Jugement contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Monsieur [J] [P], qui bénéficiait d’une rente de maladie professionnelle sur la base d’un taux d’incapacité de 15%, est décédé le 30 mai 2023.
Madame [F] [P] née [I], sa veuve, a demandé le 12 juillet 2023 à la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Somme la conversion à son profit de la rente de son défunt mari.
Suivant réponse du 20 juillet 2023, la caisse a indiqué ne pouvoir donner suite à la demande, motif pris de l’absence de demande faite en ce sens et de son vivant par feu [J] [P].
Saisie du recours administratif préalable formé par [F] [P], la commission de recours amiable (CRA) de la Cpam de la Somme n’a pas fait connaître sa décision dans le délai imparti, générant ainsi une décision implicite de rejet.
Procédure :
Suivant requête déposée au greffe le 31 janvier 2024, [F] [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’une demande tendant à la condamnation de la Cpam de la Somme à lui verser la rente dont bénéficiait son époux, et à supporter les dépens de l’instance.
Initialement appelée à l’audience du 23 septembre 2024, l’affaire a fait l’objet d’un report à la demande des parties avant d’être utilement évoquée à l’audience du 2 décembre 2024 à l’issue de laquelle le président a indiqué qu’elle était mise en délibéré et que la décision serait rendue le 20 janvier 2025 par mise à disposition publique au greffe de la juridiction, en application des dispositions des articles 450 alinéa 2 et 451 alinéa 2 du code de procédure civile.
Le montant de la demande étant indéterminé, il sera statué par jugement en premier ressort.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
[F] [P], représentée par son conseil, développe ses conclusions en réponse visées à l’audience et maintient ses prétentions.
La Cpam de la Somme, régulièrement représentée, développe ses conclusions envoyées par voie électronique le 6 septembre 2024 et demande en substance le rejet de la demande.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens respectifs des parties.
1. Sur la demande principale :
Aux termes de l’article L.434-3 du code de la sécurité sociale, la victime titulaire d’une rente mentionnée au deuxième alinéa de l’article L.434-2 peut en demander la conversion partielle en rente réversible au bénéfice de son conjoint, du partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité ou de son concubin. Les conditions de cette conversion sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article R.434-6 du code de la sécurité sociale précise que la demande de conversion est adressée par le titulaire de la rente à la caisse primaire d’assurance maladie chargée du paiement de la rente sous pli recommandé avec demande d’accusé de réception.
La caisse notifie sa décision sous pli recommandé avec demande d’accusé de réception dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande.
En l’absence de notification de décision de la caisse dans le délai prévu au deuxième alinéa, la demande est réputée acceptée.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il résulte des textes susvisés du code de la sécurité sociale que le bénéfice, pour le conjoint survivant, d’une fraction de la rente de la maladie professionnelle dont bénéficiait l’assuré social jusqu’à son décès est subordonné à une manifestation expresse de volonté émanant de ce dernier, de son vivant, tendant à une conversion partielle de sa rente en rente réversible au bénéfice de son conjoint. Cette demande doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception.
En l’occurrence, [F] [P] se dit persuadée que son mari avait effectué cette demande de son vivant, par l’intermédiaire d’une assistante sociale ; elle laisse entendre que la Cpam aurait reçu cette demande en son temps, et qu’elle l’aurait possiblement égarée. La demanderesse n’est cependant pas en mesure de rapporter la preuve de l’envoi effectif, par son époux, d’une telle demande que la Cpam de la Somme conteste pour sa part avoir reçue.
L’affirmation d’[F] [P] apparaît cependant devoir être nuancée, dès lors que, dans le cadre de son recours administratif préalable, l’intéressée indiquait en substance qu’elle ignorait que la demande de réversibilité devait être faite du vivant de son époux. Cette précision tend en effet à contredire l’affirmation selon laquelle cette demande aurait été faite à la caisse du vivant de l’assuré social. Il convient incidemment de souligner que la notification de rente adressée par lettre recommandée avec accusé de réception le 29 mars 2012 à [J] [P] comportait une notice explicative mentionnant, entre autres précisions, que l’intéressé pouvait demander qu’une partie de sa rente soit transformée en une rente en faveur du conjoint survivant. Partant, l’assuré social disposait bien de cette information.
En tout état de cause, une demande de conversion partielle de la rente dont bénéficiait [J] [P] en rente réversible au profit d’[F] [P] aurait nécessairement eu pour conséquence une diminution du montant de la rente perçue par l’assuré social, en contrepartie de la perception ultérieure par le conjoint survivant de la moitié de la part réversible de la rente. En effet, en cas de demande de réversion, la rente est diminuée dans des proportions qui varient suivant les âges respectifs de l’assuré bénéficiaire et de son conjoint. La diminution sera d’autant plus forte que l’âge de l’assuré est élevé et son conjoint, jeune ; à l’inverse, la diminution sera d’autant plus faible que l’assuré est jeune et le conjoint âgé.
Or, en l’espèce, [F] [P] n’allègue ni ne justifie que la rente de maladie professionnelle attribuée à feu [J] [P] à compter du 3 janvier 2012 (1.316,48 euros par an, à cette date) aurait ultérieurement été diminuée pour tenir compte d’une conversion partielle en rente réversible au bénéfice de son conjoint.
Au bénéfice des observations qui précèdent, il convient de constater qu’[F] [P], sur qui repose la charge de la preuve, n’établit pas que feu [J] [P] aurait demandé de son vivant à la Cpam de la Somme la conversion partielle de sa rente maladie professionnelle en rente réversible au bénéfice de son conjoint. Partant, les conditions posées par les articles L.434-3 et R.434-6 du code de la sécurité sociale ne sont pas remplies.
En conséquence, il convient de rejeter la demande.
2. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :
Les éventuels dépens de l’instance seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, [F] [P] ayant été admise au bénéfice de ce dispositif.
Au regard de la solution retenue, il n’y a pas lieu à exécution provisoire.
Le pôle social du tribunal judiciaire, statuant après débats en audience publique par jugement contradictoire en premier ressort, publiquement mis à disposition au greffe,
Déboute [F] [I] veuve [P] de sa demande tendant à la condamnation de la caisse primaire d’assurance maladie de la Somme à lui servir une rente réversible au titre de la rente maladie professionnelle dont bénéficiait [J] [P], son époux,
Décision du 20/01/2025 RG 24/00044
Dit que les éventuels dépens de l’instance seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le greffier Le président
David Créquit Emeric Velliet-Dhotel
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