Contrôle URSSAF : Validité des Redressements et Mandat Implicite d’Expertise-Comptable

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Contrôle URSSAF : Validité des Redressements et Mandat Implicite d’Expertise-Comptable

L’Essentiel : La société [P] a introduit un recours le 7 juillet 2023 contre un contrôle URSSAF ayant entraîné un redressement de 65.252 €. Après une mise en demeure de 71.231 €, la société a contesté les chefs de redressement, arguant de la violation de ses droits par l’URSSAF. Le tribunal a jugé le recours recevable, mais a débouté la société de ses demandes, confirmant la validité des chefs de redressement, à l’exception d’un seul. En conséquence, la société a été condamnée à verser 64.125 € à l’URSSAF, ainsi que 1.200 € pour les frais de justice.

Procédure

La société [P] a introduit un recours le 7 juillet 2023, avec une plaidoirie prévue pour le 28 octobre 2024. Le délibéré, initialement fixé au 16 décembre 2024, a été prorogé au 20 janvier 2025.

Exposé du litige

Un contrôle URSSAF a été effectué sur la société [P] pour les années 2018 à 2020, entraînant une lettre d’observations datée du 23 juillet 2021, mentionnant six chefs de redressement pour un montant total de 65.252 € en cotisations. Une mise en demeure de payer de 71.231 € a été adressée à la société le 12 janvier 2022. La société a contesté ce redressement auprès de la commission de recours amiable, qui a partiellement donné raison à la société en annulant un des chefs de redressement.

Recours au tribunal

La société [P] a saisi le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 11 juillet 2023, demandant l’annulation du contrôle et des redressements, ainsi que le déboutement de l’URSSAF de ses demandes. L’URSSAF a, de son côté, demandé le déboutement de la société et le paiement de 70.024 € pour rappel de cotisations.

Arguments de la société [P]

La société [P] a soutenu que l’URSSAF avait violé ses droits en obtenant des documents par l’intermédiaire d’un cabinet d’expertise-comptable sans son accord. Elle a également contesté la justification des chefs de redressement, arguant que certains montants correspondaient à des frais professionnels.

Arguments de l’URSSAF

L’URSSAF a rétorqué que la société [P] avait la possibilité de consulter la charte du cotisant et que le cabinet d’expertise-comptable avait un mandat implicite pour agir en son nom. Elle a également affirmé que les chefs de redressement étaient justifiés et que la société n’avait pas fourni les pièces justificatives demandées.

Recevabilité du recours

Le tribunal a jugé le recours recevable, notant que la commission de recours amiable avait été saisie sur l’ensemble des redressements, même si elle n’avait statué que sur certains d’entre eux. Les délais de saisine n’ont pas été contestés.

Sur la procédure de contrôle

Le tribunal a examiné la régularité du contrôle, concluant que le cabinet d’expertise-comptable avait un mandat tacite pour transmettre les documents à l’URSSAF. Il a également jugé que la liste des documents consultés était suffisante et que l’accès à la charte du cotisant avait été correctement mentionné.

Sur les chefs de redressement

Le tribunal a analysé chaque chef de redressement. Les chefs n°1, n°2, n°3, n°5 et n°6 ont été jugés fondés, tandis que le chef n°4 a été annulé par la commission de recours amiable. La société n’a pas réussi à prouver que les montants contestés correspondaient à des frais professionnels.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré l’action de la société [P] recevable, mais a débouté toutes ses demandes. Il a condamné la société à payer 64.125 € à l’URSSAF, ainsi qu’une somme de 1.200 € pour les frais de justice, et a ordonné le paiement des dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité du recours contre une décision de l’URSSAF ?

La recevabilité du recours contre une décision de l’URSSAF est régie par l’article R 142-1 du code de la sécurité sociale, qui stipule que les réclamations formées contre les décisions des organismes de sécurité sociale doivent être soumises à une commission de recours amiable dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision contestée.

En cas de défaut de saisine préalable de cette commission, le recours est déclaré irrecevable.

Il est également précisé que l’étendue de la saisine de la commission de recours amiable se détermine selon le contenu de la lettre de réclamation.

Ainsi, si le cotisant conteste la totalité des redressements, il peut le faire même si la commission n’a statué que sur certains d’entre eux.

Les articles R 142-1-A et R 142-10-1 précisent que le tribunal doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission de recours amiable.

Dans le cas présent, la société [P] a bien saisi la commission de recours amiable sur l’ensemble des chefs de redressement, et le recours est donc recevable.

Quels sont les droits de la personne contrôlée lors d’un contrôle URSSAF ?

L’article R 243-59 II du code de la sécurité sociale énonce que la personne contrôlée a le droit de se faire assister par le conseil de son choix pendant le contrôle.

Elle est également tenue de fournir tous les documents nécessaires à l’exercice du contrôle.

Il est précisé que, sauf autorisation de la personne contrôlée, seules des copies des documents remis peuvent être exploitées hors de ses locaux.

L’agent chargé du contrôle peut demander que les documents soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle, et il peut choisir de ne demander que des données et documents partiels pour limiter le nombre de documents collectés.

En l’espèce, la société [P] a contesté la régularité du contrôle en soutenant que l’URSSAF avait obtenu des documents par l’intermédiaire de son cabinet d’expertise-comptable sans mandat.

Cependant, le tribunal a constaté que le cabinet d’expertise-comptable était le cabinet habituel de la société, bénéficiant d’une présomption de mandat tacite, ce qui a permis à l’URSSAF d’agir en toute légitimité.

Quelles sont les obligations de l’URSSAF concernant la communication des documents consultés lors d’un contrôle ?

L’article R 243-59 III du code de la sécurité sociale impose que, à l’issue du contrôle, les agents chargés de celui-ci communiquent une lettre d’observations au représentant légal de la personne contrôlée.

Cette lettre doit mentionner l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, et les observations faites au cours du contrôle.

Dans le cas de la société [P], il a été affirmé que la liste des documents consultés n’était pas exhaustive.

Cependant, le tribunal a constaté que la liste des documents était bien fournie dans la lettre d’observations, incluant des documents sociaux, comptables et juridiques.

Les chefs de redressement étaient fondés sur l’analyse de ces documents, et le grief concernant l’absence de précision sur les documents consultés n’a pas été retenu.

Comment la charte du cotisant doit-elle être mise à disposition lors d’un contrôle ?

L’article R 243-59 I du code de la sécurité sociale stipule que l’avis de contrôle doit mentionner l’existence d’un document intitulé « Charte du cotisant contrôlé », qui présente la procédure de contrôle et les droits de la personne contrôlée.

Cet avis doit également indiquer l’adresse électronique où la charte est consultable et préciser qu’elle peut être adressée au cotisant sur demande.

Dans le cas présent, la société [P] a reproché à l’URSSAF de ne pas avoir fourni l’adresse précise d’accès à la charte.

Cependant, le tribunal a noté que l’avis de contrôle mentionnait un chemin d’accès à la charte sur le site de l’URSSAF.

La société n’a pas prouvé qu’elle n’avait pas pu consulter cette charte, ni qu’elle avait demandé une copie.

Ainsi, le grief n’a pas été retenu, et les demandes de nullité ont été rejetées.

Quels sont les critères de justification des frais professionnels dans le cadre des cotisations sociales ?

Selon l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, les cotisations de sécurité sociale sont dues sur toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie de leur travail, y compris les salaires, indemnités, et autres avantages.

Cependant, les remboursements effectués au titre de frais professionnels ne constituent pas un revenu d’activité, à condition qu’ils respectent les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Dans le cas de la société [P], l’inspecteur de l’URSSAF a constaté des écarts entre les sommes déclarées et celles versées, que la société a tenté de justifier comme des frais professionnels.

Cependant, la société n’a pas produit de preuves suffisantes, telles que des factures ou des justificatifs, pour étayer ses allégations.

Ainsi, les chefs de redressement fondés sur ces frais professionnels ont été jugés valides.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 20 Janvier 2025

Affaire :

S.A.S.U. [P]

contre :

URSSAF RHONE ALPES

Dossier : N° RG 23/00481 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GN2E

Décision n°25/

Notifié le
à
– S.A.S.U. [P]
– URSSAF RHONE ALPES

Copie le:
à
– l’AARPI SQUAIR
– la SELAS ACO AVOCATS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Nadège PONCET

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Valérie BREVET

GREFFIER : Ludivine MAUJOIN

Statuant dans les conditions d’application de l’article L.218-1 du Code de l’Organisation Judiciaire,

PARTIES :

DEMANDEUR :

S.A.S.U. [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Thomas BERTHILLIER de l’AARPI SQUAIR, avocats au barreau de LYON (Toque 2632)

DÉFENDEUR :

URSSAF RHONE ALPES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Charlotte GINGELL de la SELAS ACO AVOCATS, avocats au barreau de LYON (Toque 487)

PROCEDURE :

Date du recours : 07 Juillet 2023
Plaidoirie : 28 Octobre 2024
Délibéré : 16 Décembre 2024 prorogé au 20 Janvier 2025

EXPOSE DU LITIGE

La société [P] a fait l’objet d’un contrôle URSSAF portant sur les années 2018 à 2020.

Une lettre d’observations du 23 juillet 2021 comprenant six chefs de redressement a été notifiée à la société [P] pour un montant de 65.252 € en principal de cotisations.

L’URSSAF RHONE-ALPES a adressé à la société [P] une mise en demeure de payer le 12 janvier 2022 portant sur la somme de 71.231 € dont 65.250 € au titre des cotisations dues.

La société [P] a contesté ce redressement auprès de la commission de recours amiable de l’URSSAF.

La commission de recours amiable, par décision du 31 mars 2023, n’a fait droit aux demandes de la société [P] que sur le chef de redressement n°4 portant sur la somme de 1.124,93€ concernant des retraits en espèces.

Par requête enregistrée le 11 juillet 2023, la société [P] par l’intermédiaire de son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse d’un recours contre cette décision.

Les parties ont été convoquées pour l’audience du 28 octobre 2024, après échanges de conclusions dans le cadre de la mise en état à compter du 13 novembre 2023.

L’affaire a été retenue et plaidée.
Il a été fait application de l’article L 218-1 du code de l’organisation judiciaire, les parties ne s’opposant pas à ce que le président statue à juge unique.

La société [P] représentée par son conseil, se référant à ses écritures, demande au tribunal, à titre principal :
-d’annuler le contrôle et le redressement tel qu’issu de la lettre d’observations du 23 juillet 2021,
-d’annuler la mise en demeure subséquente.
A titre subsidiaire, la société [P] demande au tribunal :
-d’annuler les chefs de redressement n°1 à 3 et les chefs de redressements n° 5 et 6 de la lettre d’observations du 23 juillet 2021 et la mise en demeure subséquente,
En tout état de cause la société [P] demande au tribunal :
-de prendre acte de l’annulation du chef de redressement n° 4,
-de débouter l’URSSAF RHONE-ALPES de l’ensemble de ses demandes,
-de condamner l’URSSAF RHONE-ALPES à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.

Au soutien de ses demandes, la société [P] expose :
-que le seul interlocuteur de l’URSSAF doit être le cotisant, et que le redressement ne peut être conduit sur la base d’informations et de documents transmis par un tiers, en l’espèce un cabinet d’expertise-comptable,
-que l’URSSAF a violé l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, en obtenant des documents directement du cabinet d’expertise-comptable sans que le cotisant en ait connaissance et sans qu’il ait donné son accord,
-que les documents obtenus n’ont pas été correctement listés dans la lettre d’observations ce qui caractérise une violation du contradictoire,
-que l’URSSAF reconnaît l’absence de mandat écrit,
-qu’il n’est pas non plus caractérisé un mandat tacite, dans la mesure où c’est un consultant indépendant M. [Z] [K], qui a communiqué avec l’URSSAF, et que ces échanges relatent surtout de graves dissensions entre la société et son cabinet d’expertise-comptable,
-que le cabinet « [5] » n’était manifestement pas mandaté,
-que l’URSSAF a fait référence lors du contrôle à la charte du cotisant sans la mettre à la disposition du cotisant, en contravention avec l’article R243-59 I du code de la sécurité sociale,
-que les chefs de redressements 1 à 3 et 5 à 6 ne sont pas justifiés,
-qu’en effet, s’agissant du redressement n°3, les sommes réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales constituent en réalité des frais professionnels, qu’il en est de même du chef de redressement n°5 et que le chef de redressement n°6 est subséquent au chef de redressement n°6.
L’URSSAF RHONE-ALPES pour sa part demande au tribunal :
-de débouter la société [P] de ses demandes,
-de condamner la société [P] à lui payer la somme de 70.024 € au titre du rappel de cotisations et contributions sociales,
-de condamner la société [P] à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, l’URSSAF expose :
-que la charte du cotisant doit être consultable, et que par conséquent la transmission du site internet de référence de l’URSSAF est suffisante,
-qu’en l’espèce la société [P] s’est abstenue de solliciter une copie de cette charte alors que cette possibilité lui est ouverte,
-que l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité pour le cotisant de se faire assister du conseil de son choix,
-que depuis la loi PACTE du 11 mai 2019 et le décret n°2019-1193 du 19 novembre 2019, les cabinets d’experts-comptables bénéficient d’un mandat implicite pour représenter leur client et être les interlocuteurs des administrations,
-que l’inspecteur de recouvrement n’a pas à solliciter la production d’un mandat exprès dès lors qu’un cabinet d’expertise-comptable se présente à lui spontanément,
-que c’est le cabinet d’expertise-comptable [6] qui a pris attache avec elle dès l’avis de contrôle, et non l’inverse,
-que c’est ce même cabinet d’expertise qui a répondu à la lettre d’observations,
-que les échanges transmis par M. [K] concernant la société et son expert-comptable confirment l’existence d’un mandat,
-qu’aucune disposition ne lui impose de lister l’intégralité des documents consultés lors du contrôle dans la lettre d’observations,
-qu’elle doit seulement mentionner les documents juridiques et comptables consultés et qui mettent en lumière les pratiques de l’employeur, ainsi que les documents obtenus de tiers, par exemple des copies de chèque obtenu d’une banque en vertu de son droit de communication,
-que la société [P] ne justifie en rien du bien-fondé de ses contestations sur le fond,
-que la société [P] n’a jamais transmis les pièces justificatives manquantes sollicitées.

Le délibéré initialement fixé au 16 décembre 2024 a été prorogé au 20 janvier 2025.

MOTIFS

I. Sur la recevabilité du recours

L’article R 142-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les réclamations relevant de l’article L 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.

Le défaut de saisine préalable obligatoire de la commission de recours amiable est sanctionné par l’irrecevabilité du recours. L’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation. Il ne faut pas que l’objet du litige soit modifié entre la réclamation soumise à la commission et le recours présenté devant la juridiction. Toutefois, la limitation de l’étendue du recours à la contestation soumise à la commission de recours amiable ne concerne que les demandes et non pas les moyens que le cotisant est susceptible de développer au soutien de sa contestation. Le cotisant peut invoquer devant la juridiction de sécurité sociale d’autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, tant qu’il n’en résulte pas une modification de l’objet du litige. Ainsi, lorsqu’une société a contesté devant la commission de recours gracieux la totalité des redressements dont elle avait fait l’objet il importe peu que cette contestation n’ait été motivée que sur l’un des chefs du redressement et en cas de rejet de la réclamation, la voie du recours contentieux lui est ouverte pour les autres. Ce n’est que lorsque le cotisant a limité son recours à un ou plusieurs chefs de redressement qu’il ne peut plus contester les autres chefs.

En application des articles R 142-1-A et R 142-10-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître du contentieux visé à l’article L 211-16 du COJ doit être saisi dans un délai de deux mois à compter soit de la date de notification de la décision de la commission de recours amiable, soit de l’expiration du délai de deux mois prévu par l’article R 142-6 du même code.

En l’espèce la commission de recours amiable a été saisie préalablement à la présente juridiction sur l’ensemble du redressement, les termes du recours étant généraux (pièce 5 de l’URSSAF) même si la commission de recours amiable n’a expressément statué que sur deux chefs de redressement. Par ailleurs les délais n’ont fait l’objet d’aucune critique.

Le recours est donc recevable sur l’ensemble des chefs de redressement.

II. Sur la demande d’annulation du redressement fondée sur la procédure de contrôle

A. sur la remise des documents par le cabinet d’expertise-comptable de la société [P]

Aux termes de l’article R 243-59 II du code de la sécurité sociale, la personne contrôlée a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l’avis prévu aux précédents alinéas. La personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 tout document et de permettre l’accès à tout support d’information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l’exercice du contrôle.

Sauf autorisation de la personne contrôlée, seules des copies des documents remis peuvent être exploitées hors de ses locaux. L’agent chargé du contrôle peut demander que les documents à consulter lui soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle dont il aura au préalable informé la personne contrôlée. Sans préjudice de demandes complémentaires ou du recours à la méthode d’évaluation du redressement par échantillonnage et extrapolation prévue à l’article R. 243-59-2, et afin de limiter le nombre des documents et données collectées, il peut également choisir de ne demander que des données et documents partiels.

Par ailleurs, il résulte de l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 dans sa version applicable après l’entrée en vigueur de la loi PACTE du 11 mai 2019 que les experts-comptables bénéficient d’une présomption simple d’avoir reçu mandat des personnes qu’ils représentent devant l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale.

En l’espèce, pour contester la régularité du contrôle, la société [P] soutient que l’URSSAF a obtenu les documents sollicités directement par son cabinet d’expert-comptable alors qu’elle ne l’avait pas mandaté dans le cadre de ce contrôle.

Toutefois, il n’est pas sérieusement contesté que le cabinet [5] était le cabinet d’expertise-comptable habituel de la société [P], et donc à ce titre, bénéficiait d’une présomption de mandat tacite en application de la loi du 11 mai 2019.

En outre, ce mandat tacite a été conforté par l’attitude du cabinet [5]. En effet, l’avis de contrôle daté du 24 mars 2021 pour un contrôle le mercredi 26 mai 2021 a bien été adressé à la société [P], mais dès le 21 mai M. [G], comptable du cabinet [5], a pris attache directement avec l’inspecteur chargé du contrôle pour lui communiquer les pièces sollicitées dans l’avis de contrôle en rappelant les références données dans l’avis de contrôle. Par ailleurs, il résulte d’un courriel de M. [K], qui assistait la société [P] lors de la procédure de contrôle conformément à son droit, que le gérant de la société [P] a bien sollicité son cabinet comptable pour transmettre les pièces nécessaires à l’URSSAF lors des opérations de contrôle mais également le cas échéant pour effectuer une réponse à la lettre d’observations du 23 juillet 2021. Le fait que l’employeur exprime des griefs sur la qualité des prestations effectuées par son cabinet d’expertise-comptable est indifférent quant à l’existence de ce mandat tacite entre la société et son cabinet d’expertise-comptable. Ainsi, la société [P] ne peut soutenir que le contrôle aurait reposé sur des pièces communiquées par un tiers, alors que ces pièces juridiques et comptables ont été communiquées par le cabinet d’expertise-comptable habituel de la société, ce dernier étant titulaire d’un mandat tacite.

Par conséquent, il n’y a pas eu d’atteinte au contradictoire et la transmission des pièces par le cabinet d’expertise-comptable ne constitue pas une irrégularité.

B. sur la liste des documents consultés

L’article R 243-59 III du code de la sécurité sociale dispose qu’à l’issue du contrôle ou lorsqu’un constat d’infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l’article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu’il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle réalisé par eux ou par d’autres agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

En l’espèce, la société [P] affirme que la liste des documents consultés n’est pas exhaustive. Pour autant, cette liste figure bien en page 2 de la lettre d’observations. Il est ainsi mentionné :
« Documents sociaux : contrats de retraite et prévoyance ; acte fondateur (CCN, accord d’entreprise…), contrats de travail, convention collective applicable dans l’entreprise, livres de paie annuels, états récapitulatifs de paie annuels, fiches individuelles annuelles, bulletins de paie non simplifiés, listing des rubriques de paie, tableau récapitulatif des cotisations – Documents comptables et financiers : balances générales, bilans et comptes de résultat, grands livres de comptabilité générale – Documents administratifs et juridiques : extraits d’inscription au registre du commerce et/ou au répertoire des métiers ; statuts et registres des délibérations. » L’exactitude de cette liste est confirmée par les mentions faites pour chacun des chefs de redressements qui précisent quels documents ont été utilisés pour le redressement. Ainsi les chefs de redressement 1, 2, 3, 5 se basent sur l’étude des bulletins de paie. Le chef de redressement n° 3 est fondé sur la comparaison entre les pièces comptables et les déclarations faites à l’URSSAF. Les chefs de redressements 4 et 5 reposent également sur l’analyse de la comptabilité de l’entreprise. Dès lors le grief sur l’absence de précision sur les documents consultés n’est en l’espèce pas caractérisé et ce moyen n’est donc pas susceptible d’entraîner la nullité de la lettre d’observation et de la mise en demeure subséquente.

C. sur l’accès à la charte du cotisant

Aux termes de l’article R 243-59 I du code de la sécurité sociale, tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle, de l’envoi par l’organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d’un avis de contrôle. (…) Cet avis fait état de l’existence d’un document intitulé  » Charte du cotisant contrôlé  » présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue, sur le fondement du présent code. Il précise l’adresse électronique où ce document approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable et indique qu’il est adressé au cotisant sur sa demande. Les dispositions contenues dans la charte sont opposables aux organismes effectuant le contrôle.

En l’espèce il est reproché à l’URSSAF de n’avoir mentionné sur l’avis de contrôle que l’adresse du site de l’URSSAF sans indiquer l’adresse précise d’accès à la charte. Or, si seule l’adresse internet de l’URSSAF est mentionnée, le chemin d’accès est aussi précisé : « pour accéder à la charte, allez en bas de la Page d’Accueil du site : dans la rubrique « Accès direct », cliquez sur «  Le contrôle Urssaf ».

La société [P] n’établit pas que le chemin d’accès aurait été erroné, ou qu’elle n’aurait pas eu les moyens de consulter cette charte par le biais de ses services informatiques. Elle n’a pas non plus sollicité l’URSSAF pour obtenir une copie de cette charte alors qu’elle en avait la possibilité. Par conséquent le grief n’est pas fondé et les demandes de nullités doivent être rejetées.

III. Sur les chefs de redressement

Chef de redressement 1

Il résulte de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale que les cotisations de sécurité sociales sont dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d’activité sont attribués. Sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

Toutefois, en application de l’article L 241-18 et D 241-24 et suivants du code de la sécurité sociale, une déduction forfaitaire de cotisations patronales est applicable aux rémunérations versées au titre des heures supplémentaires ou complémentaires de travail.

Or, la convention collective du BTP prévoyait pour la période litigieuse un contingent d’heures supplémentaires dans le BTP de 180 heures.

Dès lors, l’inspecteur a effectué un redressement au regard des heures supplémentaires dépassant le contingent prévu.

La société [P] n’invoque aucun moyen de droit de nature à contester ce chef de redressement.

Ce dernier doit donc être pris en compte au titre de la demande en condamnation de l’URSSAF.

Chef de redressement 2

En application des articles R242-1 et L 242-1 du code de la sécurité sociale, des articles L136-1-1 et L 136-2 du code de la sécurité sociale et de l’article L 3121-22 du code du travail, l’inspecteur de l’URSSAF a constaté que l’assiette retenue pour le calcul des cotisations s’agissant des heures supplémentaires majorées était erronée en ce qu’elle était calculée uniquement à partir du salaire de base alors que cette assiette doit intégrer les primes diverses et exceptionnelles versées aux salariés.

La société [P] n’invoque aucun moyen de droit de nature à contester ce chef de redressement.

Ce dernier doit donc être pris en compte au titre de la demande en condamnation de l’URSSAF.

Chef de redressement 3

Il résulte des articles L 242-1 et L 136-1-1 du code de la sécurité sociale que les cotisations de sécurité sociales sont dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d’activité sont attribués. Sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

Ne constitue pas un revenu d’activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l’accomplissement de leurs missions.

L’inspecteur de l’URSSAF a constaté lors de son contrôle un écart entre les sommes déclarées à l’URSSAF et les sommes effectivement versées par la société à certains salariés dont le président salarié.

En réponse à la lettre d’observations, devant la commission de recours amiable et encore devant la présente juridiction, la société [P] soutient que ces écarts correspondent à des frais professionnels.

Pour autant, la société [P] sur qui pèse la charge de la preuve ne justifie pas de la réalité de ces frais professionnels. En premier lieu, les montants de ces prétendus frais professionnels ne correspondent pas en totalité aux écarts mis en évidence par l’inspecteur de l’URSSAF. En tout état de cause, il n’est produit ni facture de loyers, ni carte grise, ni carnet de bord des véhicules de la société ni preuve de l’utilisation réelle du véhicule personnel de M. [P].

Ce chef de redressement est donc fondé.

Chef de redressement 4

Pour mémoire, ce chef de redressement d’un montant de 1.125 € n’a pas été maintenu par l’URSSAF suite à la décision de la commission de recours amiable après la communication de nouveaux justificatifs.

Chef de redressement 5

Il résulte des articles L 242-1 et L 136-1-1 du code de la sécurité sociale que les cotisations de sécurité sociales sont dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d’activité sont attribués. Sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entremise d’un tiers à titre de pourboire.

Ne constitue pas un revenu d’activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l’accomplissement de leurs missions.

L’inspecteur de l’URSSAF a considéré que les indemnités forfaitaires de grands déplacements et de repas au restaurant versées à plusieurs salariés en 2019 et 2020, n’ayant pas été soumises à cotisations, ne sont pas justifiées. En effet, l’employeur n’a pas été en mesure de fournir des plannings et des relevés de frais correspondant à ces prétendus frais.

La société [P] sur qui pèse la charge de la preuve ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations.

Ce chef de redressement est donc fondé.

Chef de redressement 6

Ce chef de redressement est l’accessoire du chef de redressement n°5, le calcul de la réduction générale des cotisations devant être rectifié.

La société [P] n’invoque aucun moyen indépendamment des autres chefs de redressement s’agissant de ce point.

Ce chef de redressement est donc fondé.

Dès lors il sera fait droit à la demande reconventionnelle de l’URSSAF visant à la condamnation de la société [P] à payer les sommes dues au titre de l’ensemble du redressement excepté le chef de redressement n°4 pour un principal de 1125 €.

La condamnation sera donc prononcée pour la somme de 65.250 € (montant figurant dans la mise en demeure) – 1.125 = 64.125 € en principal, sans préjudice des majorations.

IV. Sur les demandes accessoires

La société [P], qui succombe, sera condamnée à payer les entiers dépens.

Il est également juste et équitable qu’elle participe aux frais exposés par l’URSSAF pour la défense de ses intérêts à hauteur de 1.200 €.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître du contentieux visé à l’article L 211-16 du COJ, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déclare l’action de la société [P] recevable,

Déboute la société [P] de toutes ses demandes,

Condamne la société [P] à payer à l’URSSAF RHONE-ALPES la somme de 64.125 € en principal, sans préjudice des majorations, au titre du redressement consécutif au contrôle URSSAF portant sur les années 2018 à 2020,

Condamne la société [P] à payer à l’URSSAF RHONE-ALPES la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [P] aux entiers dépens de l’instance.

En foi de quoi, la Présidente et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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