Contrôle URSSAF : Validité des redressements et mises en demeure contestées

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Contrôle URSSAF : Validité des redressements et mises en demeure contestées

L’Essentiel : L’URSSAF a effectué un contrôle sur l’application des législations de sécurité sociale au sein d’une société, concernant deux établissements entre 2010 et 2012. Le 28 octobre 2013, l’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations avec 38 chefs de redressement, totalisant 1 731 775 euros. Après contestation, l’URSSAF a maintenu le redressement. Suite à deux mises en demeure, la société a saisi la commission de recours amiable, qui a validé certaines mises en demeure. Le tribunal a débouté la société de ses demandes, qui a interjeté appel. La cour a partiellement confirmé le jugement, ordonnant le paiement de sommes dues.

Contexte du Litige

L’URSSAF a effectué un contrôle sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires au sein d’une société, sur une période allant de 2010 à 2012. Ce contrôle a concerné deux établissements situés dans des localités distinctes.

Notification de Redressement

Le 28 octobre 2013, l’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations contenant 38 chefs de redressement, totalisant un montant de 1 731 775 euros, répartis entre les deux établissements. La société a contesté certains de ces chefs par courrier le 27 novembre 2013, mais l’URSSAF a maintenu le redressement dans sa totalité.

Mises en Demeure

Suite à cela, l’URSSAF a émis deux mises en demeure le 11 décembre 2013 et le 12 décembre 2014, demandant le paiement des cotisations et des majorations de retard, pour un montant total de près de 2 millions d’euros. La société a alors saisi la commission de recours amiable pour contester ces mises en demeure.

Décisions de la Commission de Recours Amiable

Le 25 septembre 2014, la commission a validé la mise en demeure pour l’année 2010, mais a annulé celle des années 2011 et 2012. Une nouvelle mise en demeure a été émise pour ces années, entraînant un nouveau litige.

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

Le tribunal a rendu son jugement le 7 juin 2017, déboutant la société de toutes ses demandes et validant les mises en demeure ainsi que les redressements effectués par l’URSSAF. La société a alors interjeté appel de cette décision.

Procédure d’Appel

L’affaire a été appelée à l’audience en juin 2020, mais a été radiée. La société a demandé le réenrôlement de l’affaire en novembre 2021. En septembre 2024, la société a présenté ses écritures pour contester les décisions antérieures et demander l’annulation des mises en demeure.

Demandes de la Société

La société a demandé à la cour d’infirmer le jugement précédent, d’annuler la lettre d’observations et les mises en demeure, et de constater qu’elle n’était pas débitrice des cotisations réclamées. Elle a également demandé la restitution des sommes versées à l’URSSAF.

Réponse de l’URSSAF

L’URSSAF a demandé la confirmation du jugement initial, affirmant que la procédure de contrôle et les mises en demeure étaient régulières. Elle a également demandé la validation de plusieurs chefs de redressement.

Décision de la Cour

La cour a confirmé le jugement en partie, validant certaines mises en demeure et chefs de redressement, tout en annulant d’autres. Elle a ordonné à la société de régler des sommes dues à l’URSSAF, tout en sursis à statuer sur certaines demandes de paiement. La société a été condamnée aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques de la mise en demeure notifiée par l’URSSAF ?

La mise en demeure notifiée par l’URSSAF a des conséquences juridiques importantes, notamment en ce qui concerne le recouvrement des cotisations de sécurité sociale. Selon l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale, « lorsqu’une personne est redevable de cotisations, l’URSSAF peut lui adresser une mise en demeure de payer ».

Cette mise en demeure doit être régulière tant sur la forme que sur le fond. En l’espèce, le tribunal a validé la mise en demeure du 11 décembre 2013 pour l’année 2010, mais a annulé celle concernant les années 2011 et 2012, ce qui implique que la société n’est pas tenue de payer les cotisations pour ces années.

Il est également important de noter que, selon l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, « la mise en demeure doit indiquer le montant des cotisations dues ainsi que les majorations de retard ».

Ainsi, si la mise en demeure est jugée irrégulière, cela peut entraîner l’annulation des cotisations réclamées, comme cela a été le cas pour certaines des mises en demeure dans cette affaire.

Quels sont les droits de la société en matière de contestation des chefs de redressement ?

La société a le droit de contester les chefs de redressement notifiés par l’URSSAF. Selon l’article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale, « le redevable peut contester le montant des cotisations et contributions qui lui sont réclamées ».

Dans cette affaire, la société a formulé des observations sur plusieurs chefs de redressement, et a saisi la commission de recours amiable pour demander l’annulation de certaines mises en demeure.

Le tribunal a ensuite examiné la validité des chefs de redressement et a constaté que certains d’entre eux étaient irréguliers, entraînant leur annulation. Cela démontre que la société a exercé son droit de contestation, ce qui est essentiel pour garantir la protection des droits des redevables face à des redressements potentiellement abusifs.

Comment la procédure de contrôle de l’URSSAF est-elle encadrée par la loi ?

La procédure de contrôle de l’URSSAF est encadrée par plusieurs dispositions légales, notamment l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que « l’URSSAF doit respecter le principe du contradictoire lors de ses contrôles ».

Cela signifie que la société doit être informée des éléments sur lesquels se fonde le redressement et doit avoir la possibilité de présenter ses observations. Dans cette affaire, la société a été en mesure de contester les chefs de redressement, ce qui témoigne du respect de ce principe.

De plus, l’article L. 244-2 précise que « la procédure de contrôle doit être régulière et respecter les droits de la défense ». Si la procédure est jugée viciée, cela peut entraîner l’annulation des redressements, comme cela a été le cas pour certains chefs dans cette affaire.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés ».

Dans le cadre de ce litige, le tribunal a débouté les parties de leur demande au titre de cet article, ce qui signifie qu’aucune des parties n’a été condamnée à verser des frais à l’autre. Cela peut être interprété comme une reconnaissance que les deux parties ont eu des arguments valables dans le cadre de leur contestation.

Il est important de noter que cette disposition vise à équilibrer les frais de justice entre les parties, et son application dépend des circonstances de chaque affaire. Dans ce cas, le tribunal a jugé que les demandes de remboursement des frais n’étaient pas justifiées, ce qui a conduit à la décision de débouter les parties.

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/07421 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SH3G

Société [12]

C/

[22]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 FEVRIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Octobre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 07 Juin 2017

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BREST

Références : 21400494

****

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ [12] venant aux droits de la société [12] [6], elle

même venant aux droits de la société [6]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Delphine PANNETIER de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE :

L'[21]

[Adresse 20]

[Localité 2]

représentée par Madame [T] [R] en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'[21] (l’URSSAF), a réalisé un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires ‘[4]’, au sein de la société [6], devenue [13] [6], aux droits de laquelle vient la société [13] (la société), sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, se rapportant aux établissements de [Localité 16] et de [Localité 18].

Le 28 octobre 2013, l’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations comportant 38 chefs de redressement pour un montant total de 1 731 775 euros , soit 1 689 656 euros pour [Localité 16] et 42 119 euros pour [Localité 18].

Par courrier du 27 novembre 2013, la société a formulé des observations sur dix chefs de redressement concernant l’établissement de [Localité 16] et sur deux points s’agissant de celui de [Localité 18].

En réponse, par courrier du 6 décembre 2013, les inspecteurs ont maintenu la totalité du redressement.

L’URSSAF a adressé à la société deux mises en demeure datées du 11 décembre 2013 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d’observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant total de 1 938 964 euros en ce qui concerne l’établissement de [Localité 16] et de 48 669 euros s’agissant de celui de [Localité 18].

Par courriers des 9 et 10 janvier 2014, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de voir :

– annuler la mise en demeure concernant l’établissement de [Localité 16] à la fois sur la forme et sur le fond (pour neuf chefs de redressement) ;

– annuler sur le fond la mise en demeure concernant l’établissement de [Localité 18] sur les deux points redressés.

Le 25 septembre 2014, la commission a :

– dit que la mise en demeure concernant l’établissement de [Localité 16] est régulière pour l’année 2010 mais doit être annulée pour les années 2011 et 2012 ;

– dit que seule la procédure de mise en recouvrement étant viciée, la procédure de contrôle demeure régulière, en conséquence, une nouvelle mise en demeure sera expédiée à la société pour les années 2011 et 2012.

Le 12 décembre 2014, l’URSSAF a notifié une nouvelle mise en demeure à la société concernant l’établissement de [Localité 16] au titre des années 2011 et 2012, pour un montant total de 1 254 034 euros (1 108 839 euros de cotisations et 145 195 euros de majorations de retard).

Par courrier du 12 décembre 2014, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest.

Par jugement du 7 juin 2017, ce tribunal a :

– débouté la société de l’ensemble de ses demandes ;
– constaté la validité des mises en demeure en date des 11 décembre 2013 et 12 décembre 2014 ;
– validé le redressement effectué au titre des frais professionnels en matière de grands déplacements per diem hors métropole du personnel au sol Afrique pour les années 2010 à 2012 ;
– validé le redressement effectué au titre des primes diverses au titre des indemnités de transport dites [14] pour les années 2010 à 2012 ;
– validé le redressement effectué au titre de la CSG /CRDS en matière de plateaux
repas du personnel navigant pour les années 2010 à 2012 ;
– validé le redressement effectué au titre des cotisations de rupture forcée du contrat de travail avec les limites d’exonération au titre de l’indemnité de rupture versée à M. [X] pour les années 2010 à 2012 ;
– validé le redressement effectué au titre des cotisations de rupture conventionnelle du contrat de travail de salariés pouvant bénéficier d’une retraite de base pour les années 2010 à 2012 ;
– validé le redressement effectué au titre des documents à produire au titre de la réduction salariale et de la déduction patronale de la loi [19] pour le personnel navigant pour les années 2010 à 2012 ;

– validé le redressement effectué au titre des limites d’exonération des frais professionnels en matière d’utilisation du véhicule personnel du personnel navigant pour les années 2010 à 2012 ;

– validé le redressement effectué au titre des indemnités kilométriques pour double montée au terrain en matière de frais professionnels pour les années 2010 à 2012 ;

– condamné la société à verser à l’URSSAF la somme restant due de 1 287 258,36 euros pour l’établissement de [Localité 16] outre celle restant due de 29 927 euros pour l’établissement de [Localité 18] ;

– dit que chaque partie prendra en charge ses frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration adressée le 7 juillet 2017 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 juin 2017.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 juin 2020 et a fait l’objet d’une radiation par mention au dossier datée du même jour.

La société a sollicité le réenrôlement de l’affaire par ses écritures parvenues au greffe le 25 novembre 2021.

Par ses écritures n°3 parvenues au greffe par le RPVA le 23 septembre 2024, auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris sur les chefs critiqués dans son dispositif ;

A titre principal,

– de juger que la lettre d’observations du 28 octobre 2013 est irrégulière sur la forme ;
– de juger que la procédure de redressement est irrégulière sur la forme ;
– de juger que les deux mises en demeure des 11 décembre 2013 et 12 décembre 2014 sont irrégulières sur la forme ;

En conséquence,
– d’annuler la lettre d’observations du 28 octobre 2013 ;
– d’annuler les trois mises en demeure précitées ;
– de constater, en conséquence, qu’elle n’est pas débitrice des cotisations de sécurité sociale et des majorations de retard qui lui sont réclamées à tort par l’URSSAF pour les deux établissements ;
– d’annuler ou d’infirmer la décision de la commission de recours amiable notifiée par courrier daté du 17 octobre 2014 en ce qu’elle a rejeté la demande d’annulation intégrale de la mise en demeure du 11 décembre 2013 relative à l’établissement de [Localité 16], en ce qu’elle a validé cette mise en demeure s’agissant de l’année 2010 et en ce qu’elle a rejeté la demande d’annulation de la mise en demeure du 11 décembre 2013 relative à l’établissement de [Localité 18] ;

– d’annuler ou d’infirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable concernant la demande d’annulation intégrale de la mise en demeure du 12 décembre 2014 relative à l’établissement de [Localité 16] ;
– d’ordonner à l’URSSAF de lui restituer l’intégralité des sommes réglées sous réserve, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal c’est-à-dire à compter du 11 décembre 2014 ;

A titre subsidiaire, si les mises en demeure ne sont pas annulées :

– de juger que la lettre d’observations du 28 octobre 2013 est irrégulière au regard des chefs de redressement critiqués ;
– de juger que la mise en demeure relative à l’établissement de [Localité 16] du 11 décembre 2013 est irrégulière au regard des chefs de redressement critiqués, et qu’elle est donc nulle à hauteur de ces chefs ou à minima à hauteur des contributions notifiées au titre de ces chefs ;
– de juger que la mise en demeure relative à [Localité 18] du 11 décembre 2013 est irrégulière au regard des chefs de redressement n° 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, et qu’elle est donc nulle à hauteur de ces chefs ou à minima à hauteur des contributions notifiées au titre de ces chefs ;
– de juger que la mise en demeure relative à l’établissement de [Localité 16] du 12 décembre 2014 est irrégulière au regard des chefs de redressement critiqués, et qu’elle est donc nulle à hauteur de ces chefs ou à minima à hauteur des contributions notifiées au titre de ces chefs ;
– de juger que les chefs de redressement n° 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 33, 34, 35 et 36 calculés en procédant à la méthode illicite du rebrutage (sic) sont irréguliers et nuls, étant rappelé que l’URSSAF accepte l’annulation pour ce motif des chefs n°10, 11, 34 et 36 et accepte à tout le moins la réduction du chef n°27 ;
– de juger que les chefs de redressement n°10, 11, 14, 24, 27, 29, 34 et 36 relatifs à l’établissement de [Localité 16], listés dans son dispositif, ne sont pas justifiés ;
– de juger que sont infondés les chefs de redressement n°34 et 36 notifiés concernant l’établissement de [Localité 18], relatifs au redressement effectué au titre des limites d’exonération des frais professionnels en matière d’utilisation du véhicule personnel du personnel navigant pour les années 2010 à 2012 et au redressement effectué au titre des indemnités kilométriques pour double montée au terrain en matière de frais professionnels pour les années 2010 à 2012 ;

En conséquence,
– d’annuler le redressement notifié à l’établissement de [Localité 16] à hauteur de l’ensemble des chefs contestés à raison des irrégularités soulevées ;

– d’annuler le redressement notifié à l’établissement de [Localité 16] à hauteur des chefs de redressement contestés au fond n°10, 11, 14, 24, 27, 29, 34 et 36 ;
– d’annuler le redressement notifié à l’établissement de [Localité 18] à hauteur de l’ensemble des chefs contestés à raison des irrégularités soulevées ;
– d’annuler à tout le moins le redressement notifié à l’établissement de [Localité 18] à hauteur des chefs de redressement contestés au fond n° 34 et 36 ;
– de constater, en conséquence, qu’elle n’est pas débitrice des cotisations de sécurité sociale et des majorations de retard qui lui sont réclamées sur l’ensemble de ces chefs à tort par l’URSSAF ;
– d’annuler les actes de mise en recouvrement y afférents concernant le redressement notifié à l’établissement de [Localité 16], dont la mise en demeure du 11 décembre 2013 et celle du 12 décembre 2014 à hauteur du montant de cotisations correspondant à ces chefs et du montant de majorations y afférent ;
– d’annuler les actes de mise en recouvrement y afférents concernant l’établissement de [Localité 18], dont la mise en demeure du 11 décembre 2013, à hauteur du montant de cotisations correspondant à ces chefs et du montant de majorations y afférent ;
– d’annuler ou d’infirmer la décision de la commission de recours amiable notifiée par courrier daté du 17 octobre 2014 en ce qu’elle a rejeté ses demandes d’annulation s’agissant des mises en demeure contestées du 11 décembre 2013 ;
– d’annuler ou d’infirmer cette décision de la commission en ce qu’elle a validé sur le fond les redressements qui portent exclusivement sur les années 2011 et/ou 2012 ;
– d’annuler ou d’infirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable rendue sur la contestation de la mise en demeure du 12 décembre 2014 ;
– d’ordonner à l’URSSAF de lui restituer les sommes réglées sous réserve, à hauteur de l’annulation qui sera prononcée, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal, c’est-à-dire à compter du 11 décembre 2014 ;

A titre infiniment subsidiaire,
– d’ordonner à l’URSSAF de recalculer les chefs de redressement n° 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 33, 34, 35 et 36 en supprimant le procédé de rebrutage, étant rappelé que l’URSSAF accepte l’annulation pour ce motif des chefs n°10, 11, 34 et 36 et accepte à tout le moins la réduction du chef n°27 ;

En tout état de cause,

– de constater l’annulation par l’URSSAF des chefs de redressement n°10, 11, 34 et 36 et l’annulation à tout le moins partielle du chef n°27 ;

– de dire et juger que les chefs de redressement n°10, 11, 34 et 36 ne peuvent être validés en leur principe compte tenu de leur annulation du fait de leur chiffrage irrégulier ;
– d’ordonner le remboursement des crédits de 2 067 euros constatés dans la lettre d’observations de l’URSSAF aux points n° 17 et 24, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal, c’est-à-dire à compter du 11 décembre 2014 ;
– d’ordonner le remboursement du crédit de cotisations sociales sur les primes forfaitaires ‘plateaux repas’ sur la période courant depuis le 1er janvier 2010 (point du redressement n° 14), constater et ordonner le paiement d’un crédit de cotisations en lien avec le chef de redressement n°24 relatif à l’indemnité de rupture versée à M. [X] (crédit lié au nouveau calcul de la régularisation créditrice sur 2012), avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal, c’est-à-dire à compter du 11 décembre 2014 ;

– de rejeter la demande reconventionnelle en paiement des cotisations et de majorations de l’URSSAF ;

– d’ordonner en tout état de cause le remboursement des sommes indûment versées par la société du fait de l’annulation en tout ou partie par l’URSSAF des chefs de redressement n° 10, 11, 27, 34 et 36, c’est-à-dire des montants de 213 312 euros pour l’établissement de [Localité 16] et 22 500 euros pour l’établissement de [Localité 18] ;

– de rejeter toute autre demande de l’URSSAF, dont celle relative à la condamnation de la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues au greffe le 7 août 2024, auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris sur les chefs mentionnés à son dispositif;

Sur la procédure de contrôle,
– constater que les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ont été respectées ;
– déclarer que le principe du contradictoire a été respecté dans le cadre de la procédure de contrôle ;
– déclarer régulière la procédure de contrôle ;
– en conséquence, valider la procédure de contrôle ;

Sur la procédure de recouvrement,

– constater que la mise en demeure du 11 décembre 2013 adressée à la société pour l’établissement de [Localité 16] est régulière pour l’année 2010 et, en conséquence, la valider sur la forme ;

– constater que cette mise en demeure doit être partiellement annulée pour les années 2011 et 2012 ;
– constater que seule la procédure de mise en recouvrement étant viciée, la procédure de contrôle demeure régulière, et qu’est en conséquence régulière la nouvelle mise en demeure adressée le 12 décembre 2014 pour les années 2011 et 2012 ;
– en conséquence, valider cette nouvelle mise en demeure ;
– constater que la mise en demeure du 11 décembre 2013 adressée à la société pour l’établissement de [Localité 18] est régulière et, en conséquence, la valider sur la forme ;

Sur le fond,

– confirmer le chef de redressement n°10 en son principe ;
– prendre acte de l’annulation du redressement opéré à hauteur de 72 078 euros de principal sur les bases nettes, compte tenu de l’impossibilité pour l’URSSAF de procéder à un nouveau chiffrage ;

– confirmer le chef de redressement n°11 en son principe ;
– prendre acte de l’annulation du redressement opéré à hauteur de 572 076 euros de principal sur les bases nettes, compte tenu de l’impossibilité pour l’URSSAF de procéder à un nouveau chiffrage ;- valider le chef de redressement n°14 opéré à hauteur de 1 754 euros de principal ;

– valider le chef de redressement n°24 opéré à hauteur de 830 euros de crédit ;

– valider le chef de redressement n°27 opéré à hauteur de son montant révisé soit 103 549 euros de principal ;

– valider le chef de redressement n°29 opéré à hauteur de 257 401 euros de principal ;
– confirmer le chef de redressement n°34 en son principe ;
* prendre acte de l’annulation du redressement opéré à hauteur de 36 619 euros de principal, compte tenu de l’impossibilité pour l’URSSAF de procéder à un nouveau chiffrage sur les bases nettes, pour l’établissement de [Localité 16] ;
* prendre acte de l’annulation du redressement opéré à hauteur de 21 391 euros de principal, compte tenu de l’impossibilité pour l’URSSAF de procéder à un nouveau chiffrage sur les bases nettes, pour l’établissement de [Localité 18] ;
– confirmer le chef de redressement n°36 en son principe ;
* prendre acte de l’annulation du redressement opéré à hauteur de 24 299 euros de principal, compte tenu de l’impossibilité pour l’URSSAF de procéder à un nouveau chiffrage sur les bases nettes, pour l’établissement de [Localité 16] ;
*prendre acte de l’annulation du redressement opéré à hauteur de 1 109 euros de principal, compte tenu de l’impossibilité pour l’URSSAF de procéder à un nouveau chiffrage sur les bases nettes, pour l’établissement de [Localité 18] ;

En conséquence,

– condamner la société, établissement de [Localité 16], à lui régler la somme de 218 652,36 euros de cotisations restant dues sur le redressement objet du litige, compte tenu des versements de la société affectés sur le redressement et les demandes d’annulation de l’URSSAF, outre les majorations de retard à hauteur de 96 620 euros, et les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’au complet paiement du principal ;
– condamner la société, établissement de [Localité 18], à lui régler la somme de 877 euros de cotisations restant dues sur le redressement objet du litige, compte tenu des versements de la société affectés sur le redressement et les demandes d’annulation de l’URSSAF, outre les majorations de retard à hauteur de 1 933 euros, et les majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’au complet paiement du principal ;

En tout état de cause,
– condamner la société à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société aux éventuels dépens ;

– débouter la société de toutes ses autres demandes ou prétentions ;
– délivrer un arrêt revêtu de la formule exécutoire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 – Sur la régularité de la lettre d’observations :

1.1 – Sur le moyen tiré de la liste des documents consultés :

L’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au moment du contrôle, dispose :

‘A l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.

En l’absence de réponse de l’employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l’organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement.

Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai et avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant.

L’inspecteur du recouvrement transmet à l’organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s’il y a lieu, de la réponse de l’intéressé et de celle de l’inspecteur du recouvrement.

L’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme’.

La société fait valoir que la lettre d’observations est irrégulière en l’absence d’une liste des documents consultés complète, exhaustive et précise, formalité substantielle indispensable pour le respect des droits de la défense et pour la reconnaissance d’un accord tacite à l’occasion d’un futur contrôle.

Il est constant que la lettre d’observations doit mentionner l’ensemble des documents consultés par l’inspecteur du recouvrement ayant servi à établir le bien-fondé du redressement ( 2e civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-10.136). Cette mention des documents consultés est essentielle car elle est le seul moyen pour le cotisant de se prévaloir d’une éventuelle décision implicite d’accord dès lors que l’URSSAF a examiné une pratique lors d’un précédent contrôle et n’a pas redressé le cotisant.

Cependant, aucun texte n’exige que les documents consultés soient impérativement contenus dans une liste formalisée en début de document. Il suffit qu’ils soient visés de manière à être clairement identifiables dans le corps de la lettre d’observations, si bien qu’il n’est pas interdit à l’organisme de recouvrement de les faire figurer dans les paragraphes concernant chaque chef de redressement.

La lettre d’observations du 28 octobre 2013 comporte en pages 2 et 3 la liste des documents consultés au titre des années 2010, 2011 et 2012 suivante :

– registre unique du personnel ;

– livre et fiches de paie ;

– DADS et Tableaux récapitulatifs annuels ;

– convention collective applicable dans l’entreprise ;

– DAS2 ;

– contrats de travail liés à une exonération ;

– états justificatifs mensuels des allégements loi Fillon

– balances générales, bilans et comptes de résultat ;

– grands livres ;

– pièces justificatives de frais de déplacements ;

– état de rapprochement comptabilité/DADS ;

– comptabilité du comité d’entreprise ;

– extrait d’inscription au RC et/ou RM ;

– rapport du commissaire aux comptes ;

– contrats de retraite et prévoyance ;

– double des déclarations de régularisation annuelle (DRA) adressées à [17] (ou [5]) ;

– contrats et accords liés à l’épargne salariale ;

– fichiers Excel sur [7] et documents annexes au courrier [6] du 08/10/2013.

Elle fait également référence dans le corps même de ce document à plusieurs reprises à des documents complémentaires qu’elle cite pour justifier tel ou tel chef de redressement.

Les mentions ‘contrats de retraite et de prévoyance’ ou ‘pièces justificatives de frais de déplacements’ sont suffisamment précises pour permettre l’identification des documents en cause.

Dès lors que la lettre d’observations fait très clairement référence à chacun des documents consultés sur lesquels l’URSSAF fonde son redressement et que tous les documents utiles ont été présentés et débattus, il importe peu que les documents litigieux ne soient pas mentionnés dans la liste des documents consultés. (2e Civ., 18 février 2010, n° 09-65.43)

Par conséquent, aucune irrégularité n’affecte cette dernière à cet égard, ce moyen étant rejeté.

2 – Sur la régularité de la mise en demeure du 11 décembre 2023 pour l’établissement de [Localité 16] :

2.1 – Sur le moyen tiré de la nullité totale de la mise en demeure :

La commission de recours amiable, dans sa décision rendue le 25 septembre 2014, a annulé la mise en demeure du 11 décembre 2013 relative à l’établissement de [Localité 16] à hauteur des sommes réclamées au titre des années 2011 et 2012 mais l’a maintenue pour l’année 2010, ayant relevé que les montants mentionnés sur la mise en demeure pour les années 2011 et 2012 n’étaient pas conformes à ceux notifiés dans la lettre d’observations.

La société soutient que cette erreur vicie la totalité de la mise en demeure et qu’il ne pouvait en résulter une nullité partielle ; que c’est au regard de l’ensemble de la mise en demeure que sa validité est appréciée ; qu’il résulte du code des relations entre le public et l’administration (articles L. 242-1 et suivants) que l’administration peut abroger ou retirer une décision si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que le délai de quatre mois n’a pas été respecté par l’URSSAF puisqu’un délai d’un an sépare les deux mises en demeure ; qu’aucune régularisation ne pouvait donc intervenir au niveau de l’URSSAF ; que contrairement aux affirmations de l’organisme, la mise en demeure est un acte administratif unilatéral décisoire et individuel.

L’URSSAF répond que s’il est exact que la mise en demeure du 11 décembre 2013 n’était pas conforme aux redressements envisagés dans la lettre d’observations pour les années 2011 et 2012, il n’en est pas de même pour l’année 2010 pour laquelle la société était en mesure de connaître l’étendue de son obligation.

Sur ce :

Par application combinée des articles L. 244-1, L. 244-2 alinéa 1er, R.244-1 alinéa 1er et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, toute action en recouvrement ou poursuite est obligatoirement précédée d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée à la société qui précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice (2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-12.189).

En l’espèce, il convient de souligner que s’agissant de l’année 2010, la mise en demeure en cause mentionne le montant dû en cotisations (580 078 euros) et en majorations de retard (110 214 euros).

Il n’est pas soutenu que ce montant en cotisations ne correspond pas à celui indiqué dans la lettre d’observations du 28 octobre 2013 de sorte que la société était en mesure de connaître la cause, la nature et l’étendue de ses obligations pour l’année 2010.

La commission de recours amiable ayant admis une irrégularité de la mise en demeure pour les années 2011 et 2012, la nullité de celle-ci doit être circonscrites dans les mêmes limites.

C’est à tort que la société allègue de l’application de la solution de l’arrêt [F] codifié ensuite à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration qui dispose que ‘l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision’.

En effet, si les dispositions de ce code s’appliquent aux organismes de sécurité sociale, pour autant, il ne s’agit pas en l’espèce du retrait d’un acte administratif par celui qui l’a délivré mais du résultat de l’exercice d’une voie de recours.

Dès lors, la mise en demeure est valable pour l’année 2010 et le jugement sera confirmé sur ce point.

2.2 – Sur le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire liée au non-respect du délai de 30 jours prévu à l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale :

La société expose que dans leur courrier de réponse du 6 décembre 2013, les inspecteurs ont modifié le fondement juridique du chef de redressement n° 15 ‘Avantage en nature véhicule : principe et évaluation – hors cas des constructeurs et concessionnaires’ relatif à l’établissement de [Localité 16] ; que dans la lettre d’observations du 28 octobre 2013, le fondement de ce chef de redressement était lié à la qualité de président de conseil de surveillance de M. [J] ; que suite aux observations du cotisant, les inspecteurs ont modifié leurs observations dans le courrier du 6 décembre 2013 et reconnaissent même une erreur de leur part ; que le fondement juridique du redressement et la cause du redressement sont modifiés ; que les inspecteurs auraient dû de ce fait respecter un nouveau délai de 30 jours à compter de la réception du courrier du 6 décembre 2013 avant de notifier la mise en demeure sur l’établissement de [Localité 16] dès lors qu’ils entendaient modifier la cause du redressement et maintenir le montant du redressement tel qu’initialement envisagé, et ce afin de lui permettre de présenter ses observations sur ce nouveau fondement.

L’URSSAF réplique qu’il importe peu que M. [J] soit devenu président du conseil de surveillance ou du conseil d’administration le 16 juin 2012 dès lors que le redressement est fondé, quelle que soit sa qualité, sur le fait qu’il a continué de bénéficier de la mise à disposition permanente d’un véhicule ; que le fondement juridique du redressement n’a pas été modifié ; qu’au surplus, il sera noté que la société n’a contesté le chef de redressement n°15 ni devant la commission de recours amiable, ni devant le tribunal.

Sur ce :

La société ayant contesté la nullité des mises en demeure et partant l’entier redressement devant la commission de recours amiable, elle est recevable à soulever ce nouveau moyen tendant aux mêmes fins devant la cour.

L’article R. 249-53 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, dispose :

‘A l’issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l’employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l’employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d’absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l’organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu’il dispose d’un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu’il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.

En l’absence de réponse de l’employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l’organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement.

Lorsque l’employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l’objet du redressement ne peut intervenir avant l’expiration de ce délai et avant qu’il ait été répondu par l’inspecteur du recouvrement aux observations de l’employeur ou du travailleur indépendant’.

Il est constant que la lettre d’observations du 28 octobre 2013, s’agissant du chef de redressement n°15 ‘Avantage en nature véhicule : principe et évaluation – hors cas des constructeurs et concessionnaires’, détaille précisément les bases de calcul année par année, les taux appliqués ainsi que les cotisations dues de sorte qu’il a été satisfait aux exigences de l’article R.243-59 susvisé (2e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-15.317).

La société a formulé des observations dans le délai de 30 jours imparti par le texte sus-visé à la suite de la notification de cette lettre d’observations.

Les inspecteurs ont répondu à la société le 6 décembre 2013, relevant s’agissant du chef de redressement n°15 :

‘ M. [I] [J] est devenu Président du Conseil d’Administration le 16/06/2012, et non Président du Conseil de Surveillance comme indiqué par erreur dans notre courrier du 28 octobre 2013. (‘)

En sa qualité de Président du Conseil d’Administration, M. [J] ne percevait aucune rémunération en espèce mais a continué à bénéficier d’une mise à disposition permanente d’un véhicule de fonction. L’avantage en nature ainsi accordé à M. [J] constitue une forme de rémunération taxable et c’est à ce titre que nous maintenons le redressement tel que notifié dans notre courrier du 28 octobre 2013’.

Une rectification a ainsi été opérée par les inspecteurs dans leur réponse au observations du cotisant, celle-ci ne modifiant ni la base de redressement ni son fondement juridique.

A réception de la lettre d’observations, s’ouvre une période d’échanges au cours de laquelle une erreur matérielle qui n’affecte pas le fond du redressement peut être rectifiée par les inspecteurs sans que cela ne fasse à nouveau courir le délai de délivrance de la mise en demeure.

En conséquence, il y a lieu d’écarter ce moyen.

3 – Sur l’annulation de la mise en demeure du 12 décembre 2014 relative à l’établissement de [Localité 16] :

La société fait valoir que cette mise en demeure du 12 décembre 2014 est nulle pour deux motifs :

– une telle régularisation, un an après l’émission de la mise en demeure du 11 décembre 2013, n’est pas permise par les textes ;

– elle n’a pas été mise en mesure de comprendre le montant réclamé puisque celui mentionné dans la mise en demeure prend en compte à la fois les résultats du contrôle et une réduction des sommes résultant de la modification des taux accidents de travail sur laquelle la société n’a reçu au préalable aucune explication.

Elle ajoute que cette mise en demeure est nulle car trop tardive dès lors qu’elle est intervenue au-delà du délai de recours contentieux d’un mois et au-delà du délai de quatre mois requis pour l’abrogation ou le retrait ; qu’elle n’a pas été destinataire du détail du calcul des cotisations suite à la révision des taux accident du travail.

L’URSSAF soutient à bon droit que l’irrégularité de la mise en demeure n’entraîne pas celle de la procédure de contrôle. L’organisme pouvait adresser à la société une nouvelle mise en demeure au titre des cotisations et majorations de retard dues pour les années 2011 et 2012, avec pour seule limite la prescription de la créance.

Par ailleurs, cette mise en demeure était accompagnée d’un courrier daté du même jour expliquant que les montants des redressements issus du contrôle ont été révisés à la baisse pour tenir compte de la modification des taux accidents du travail et que cette information avait déjà été portée à la connaissance de la société par courrier du 13 août 2014. (Pièce n°9 de l’URSSAF)

Si la société indique ne pas avoir reçu le courrier du 13 août 2014 adressé en lettre simple, il demeure que la révision du montant des cotisations dues s’est opérée à la baisse et que le courrier d’accompagnement expose clairement les raisons de la réduction qui n’est pas de nature à priver la créance de ses caractères de certitude et de liquidité.

Ce moyen de nullité sera écarté.

4 – Sur l’annulation des trois mises en demeure eu égard à la nature des sommes recouvrées :

La société indique que les mises en demeure émises les 11 décembre 2013 et 12 décembre 2014 mentionnent au titre de la nature des sommes qu’elles comprennent ‘régime général’ ; que cette simple mention n’inclut pas le recouvrement de sommes qui n’ont ni la nature de cotisations et qui ne sont pas affectées au régime général ; que les montants des mises en demeure intègrent des redressements au titre de contributions et de sommes ne finançant pas le régime général (CSG-CRDS, FNAL, versement transport, taxe prévoyance); que toutes sont des contributions et non des cotisations sociales et la majorité d’entre elles ne financent pas ou pas intégralement le ‘régime général’ ; que les mentions des mise en demeure sont irrégulières au regard de l’article R. 244-1 du code de la sécurité sociale et du principe selon lequel le cotisant doit être mis en mesure de connaître et comprendre la cause, la nature et l’étendue de son obligation.

L’URSSAF réplique que les mises en demeure ont été délivrées à la suite du contrôle diligenté sur place au titre de cotisations du régime général et fait référence à la lettre d’observations adressée le 28 octobre 2013 ; que tous les éléments d’information ont été portés à la connaissance de la société par cette lettre d’observations qui indique la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés ; que dans la mesure où la mise en demeure fait référence à cette lettre d’observations, la société était en mesure de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation.

Sur ce :

Il résulte des articles L. 244-2 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigé la preuve d’un préjudice.

Les mises en demeure du 11 décembre 2013 et 12 décembre 2014 indiquent qu’elles ont trait à des cotisations dues au titre du régime général, mentionnent la période concernée et le montant des cotisations et majorations de retard recouvrées, et font référence à la lettre d’observations du 28 octobre 2013, laquelle comporte des explications détaillées sur les chefs de redressement.

Ce faisant, l’organisme a placé la société en situation de connaître avec précision les chefs de redressement retenus, malgré le fait que parmi les chefs de redressement notifiés, il en figurait un relatif au versement transport ou à d’autres contributions (2e Civ., 11 janvier 2024, pourvoi n°22-11.789).

C’est à juste titre que les premiers juges ont écarté ce moyen.

5 – Sur la remontée en brut des bases de redressement des chefs n°4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 33, 34, 35 et 36 :

5.1 – Sur la recevabilité de la demande s’agissant des chefs n°4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 28, 33 et 35 :

L’URSSAF soulève le fait que la société n’a pas introduit de contestation sur les chefs concernés devant la commission de recours amiable ; qu’en outre, la société soulève cette nouvelle prétention pour ces chefs de redressement pour la première fois en cause d’appel ; que de même, ni la déclaration d’appel, ni les premières conclusions en appel ne font valoir de contestations sur ces derniers.

La société réplique qu’elle a bien contesté l’entier contrôle devant la commission de recours amiable en indiquant notamment dans la saisine adressée en janvier 2014 qu’elle sollicitait la nullité totale de la mise en demeure du 11 décembre 2013 ; que la décision rendue par la commission de recours amiable ne laisse aucune ambiguïté sur l’étendue de sa contestation qui portait bien sur l’intégralité de la mise en demeure et de la lettre d’observations ; que la contestation portant sur le chiffrage des chefs de redressement, du fait du rebrutage, n’est qu’un nouveau moyen pour obtenir cette annulation, même partielle, et non une nouvelle demande.

Sur ce :

Il résulte des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que ‘le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d’une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu’après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable’ (Civ. 2è, 12 novembre 2020, pourvoi n°19-23.245).

Le défaut de saisine préalable obligatoire de la commission de recours amiable est sanctionné par l’irrecevabilité du recours (Civ. 2è, 15 février 2018, pourvoi n°17-14.896).

L’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation (Civ. 2è,12 mars 2020, pourvoi n°19-13.422).

L’objet du litige ne peut être modifié entre la réclamation soumise à la commission et le recours présenté devant la juridiction.

Toutefois, il résulte de la combinaison des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que la limitation de l’étendue du recours à la contestation soumise à la commission de recours amiable ne concerne que les demandes et non pas les moyens que le cotisant est susceptible de développer au soutien de son recours dès lors qu’ils concernent des chefs de redressement préalablement contestés (Civ. 2e, 12 mai 2022 n°20-18.077).

L’article 563 du code de procédure civile dispose en effet que pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. En vertu de l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Ainsi, lorsqu’une société a contesté devant la commission de recours amiable la totalité des redressements dont elle a fait l’objet, il importe peu que cette contestation n’ait été motivée que sur l’un des chefs du redressement et en cas de rejet de la réclamation, la voie du recours contentieux lui est ouverte pour les autres (Civ. 2è, 9 février 2017, pourvoi n°16-12.242).

Ce n’est que lorsque le cotisant a limité son recours à un ou plusieurs chefs de redressement qu’il ne peut plus contester les autres chefs par la suite (Civ. 2è, 18 mars 2021, pourvoi n°19-24.117).

En l’espèce, aux termes de ses lettres de saisine de la commission de recours amiable en date des 9, 10 janvier 2014 et 14 janvier 2015, la société a expressément indiqué ceci :

‘Nous contestons par la présente cette mise en demeure et en sollicitons la nullité pour les motifs développés ci-après, sous réserve de tous autres motifs de forme ou de fond à produire, déduire, développer ou suppléer’.

Il en résulte sans ambiguïté que la société a saisi la commission de recours amiable d’une contestation de l’entier redressement.

Devant le tribunal, tel que cela ressort des termes du jugement, la société a soutenu l’annulation de l’ensemble de la procédure de redressement pour cause d’irrégularité de forme et à titre subsidiaire, l’annulation de l’ensemble de la procédure de redressement sur le fond.

Elle est donc recevable à invoquer devant la cour de nouveaux moyens susceptibles d’affecter le redressement dans son entier ou de manière partielle.

3.2 – Sur le fond :

Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale que, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s’il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportées par le salarié, des sommes et avantages compris dans l’assiette des cotisations.

Si les inspecteurs ont indiqué qu’ils avaient procédé à une ‘remontée en brut’ de l’assiette des cotisations, aucun des éléments versés au dossier ne permet de déterminer la méthode de calcul qu’ils ont employée pour reconstituer en montant brut les sommes versées.

En tout état de cause, il n’est pas contesté que les sommes versées l’ont bien été sans précompte (2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.194 ; 2e Civ., 26 septembre 2024, pourvoi n° 22-17.950) de sorte que les redressements concernés ont été opérés sur une assiette erronée.

Dès lors que l’assiette du redressement telle que figurant sur la lettre d’observations est inexacte, il n’y a pas lieu d’admettre le recalcul de celle-ci sur une base nette par l’URSSAF en cours d’instance, auquel du reste la société s’oppose à titre principal en concluant à l’annulation.

Il convient dans ces conditions d’annuler les chefs de redressement n°4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 33 et 35 et de prendre acte de l’annulation des chefs n°10, 11, 34, 36 par l’URSSAF.

Il n’y a en revanche pas lieu de valider le principe du redressement s’agissant de chefs dont l’annulation est prononcée ou admise par l’URSSAF.

4 – Sur le bien-fondé des autres chefs de redressement contestés :

4.1 – Sur le chef n°14 ‘CSG et CRDS plateau repas personnel navigant’ :

Les inspecteurs ont constaté qu’est versée aux salariés navigant une prime de plateau repas d’un montant forfaitaire de 4,57 euros lorsque le temps d’escale est suffisant. Cette prime, qui a été soumise aux cotisations de sécurité sociale par la société, n’a pas selon eux le caractère de frais professionnels et ne peut donc être exonérée de la CSG et de la [8].

La société expose que les plateaux repas qui sont fournis lors des vols réalisés par le personnel navigant permettent aux salariés de bénéficier d’une simple collation au cours du déplacement ; que dès lors qu’il est en vol, le personnel navigant ne peut pas se restaurer normalement et doit se contenter de ce plateau repas qui consiste en un repas froid assez modeste qui n’est pas comparable avec un repas classique qu’il prendrait à son domicile, à la cantine ou grâce à un ticket restaurant ; que les conditions dans lesquelles est pris ce repas, de manière inconfortable, « sur le pouce », représentent, elles aussi, des contraintes imposées au personnel navigant ; que c’est pour ces raisons que le plateau repas est complété d’une prime forfaitaire ‘plateau repas’ de 4,57 euros ; que l’allocation d’un plateau repas complétée par le versement de cette prime permet au personnel navigant de se restaurer correctement ; que le montant total alloué résultant de la collation servie à bord et de la prime forfaitaire attribuée aux membres du personnel navigant est inférieur à l’indemnité globale forfaitaire de repas qui est admise en exonération en application de l’arrêté du 20 décembre 2002 sur les frais professionnels et de la circulaire du 7 janvier 2003, soit16,10 euros en 2007, 16,40 euros en 2008 et 16,60 euros en 2009 ; que le coût moyen d’un plateau repas est de 2,86 euros ; que rien n’interdit de cumuler deux modalités d’indemnisation (fourniture en nature et prime) pour apprécier le respect d’un barème forfaitaire ; que si la prime forfaitaire avait auparavant été intégrée dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, c’est en raison de l’application de la déduction forfaitaire spécifique (qui impliquait l’assujettissement de toutes les sommes versées à titre de remboursement de frais professionnels) et non parce qu’il ne s’agirait pas d’une allocation de nature professionnelle ; que le fait qu’elle ait assujetti ces primes à cotisations de sécurité sociale est lui-même contestable pour le personnel pour lequel la déduction forfaitaire spécifique n’est plus appliquée ; qu’elle sollicite donc que soit constaté un crédit de cotisations sociales sur les primes forfaitaires ‘plateaux repas’ sur la période courant depuis le 1er janvier 2010 et que soit ordonné le remboursement de ce crédit, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du Tribunal, c’est-à-dire à compter du 11 décembre 2014.

L’URSSAF réplique que la société a elle-même soumis à cotisations sociales ces primes ce qui signifie qu’elle a estimé qu’elles ne revêtaient pas la nature de frais professionnels ; que lors du dernier contrôle ayant abouti à la lettre d’observations du 30 septembre 2010, il a été procédé au même redressement que celui faisant l’objet de la présente contestation.

Sur ce :

Il sera noté à l’instar de l’URSSAF que la société elle-même a assujetti ces primes à cotisations, le redressement ne portant que sur la CSG-CRDS.

Il est par ailleurs exact que la société avait été redressée précisément sur ce point et dans les mêmes conditions lors du contrôle qui a donné lieu à la lettre d’observations du 30 septembre 2010 concernant l’établissement de [Localité 16] (chef de redressement n°39).

Si la société soutient que cet assujettissement est lié à l’option de la déduction forfaitaire spécifique, elle n’en justifie pas. Parallèlement, elle ne chiffre pas sa demande de remboursement de cotisations sociales qu’elle considère indûment payées pour le personnel non soumis à la déduction forfaitaire spécifique ; celle-ci ne pourra qu’être rejetée n’étant en rien documentée.

Un plateau repas étant fourni gratuitement au personnel navigant au cours des vols, il n’est pas démontré que les salariés concernés sont exposés à des dépenses supplémentaires de repas. Il n’est pas même démontré que l’allocation versée permet au personnel navigant de compléter le plateau repas lors des escales comme le soutient la société ; cette allocation, dépourvue d’objet, fait donc bien double emploi avec la collation prise à bord.

Faute pour la société de démontrer l’existence de dépenses supplémentaires de nourriture, il importe peu que le total de la collation et de l’indemnité n’excède pas le montant forfaitaire fixé par l’article 3 de l’arrêté du 20 décembre 2002.

Dès lors, le caractère professionnel de ces frais n’est pas établi et le redressement est justifié.

4.2 – Sur le chef n°24 ‘Cotisations rupture forcée du contrat de travail avec limites d’exonération – Indemnité de rupture versée à M. [X]’ :

Les inspecteurs ont réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions sociales une fraction de l’indemnité versée à Monsieur [X] suite à son départ de la société correspond au montant de l’indemnité de préavis qui lui aurait été versée s’il n’avait pas été licencié pour faute grave.

Ils ont relevé les éléments suivants :

‘Par courrier du 28 novembre 2011, la compagnie [6] a notifié à M. [X] [D] son licenciement pour faute grave. M. [X] a quitté la société le 28 novembre 2011 sans effectuer de préavis.

Par la suite, en date du 23 février 2012, la société a adressé à M. [X] par l’intermédiaire de son avocat un chèque bancaire d’un montant de 118 135,16 euros. Aucun accord transactionnel signé des deux parties n’a été communiqué lors du contrôle. Seul le courrier adressé à Me [L] a été remis en justificatif de ce versement.

Dans ce courrier, il est précisé que l’indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle pouvait prétendre M. [X] s’élevait à 129 128,04 euros s’il n’avait pas été licencié pour faute grave.

Sur l’état récapitulatif de paie individuel de M. [X], il ressort une assiette des cotisations sociales d’un montant de 20 012 euros au titre du dépassement des limites d’exonération de cette indemnité de licenciement.

La Cour de cassation, par deux arrêts du 20 septembre 2012, a jugé qu’une indemnité transactionnelle versée à un salarié licencié pour faute grave comprenait, par principe, l’indemnité compensatrice de préavis dès lors que celui-ci n’y avait pas expressément renoncé.

En conséquence, il convient de considérer que la somme versée à M. [X] comporte l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés dus sur cette même indemnité’. […].

Le calcul des inspecteurs a abouti à un montant de cotisations dû de 13 706 euros pour l’année 2011 et à un crédit de 14 536 euros pour l’année 2012, soit au total à un crédit de 830 euros au titre de ce chef de redressement.

La société fait valoir qu’en aucun cas, elle n’a reconnu l’absence de faute grave et donc le fait que l’indemnité de préavis soit due ; qu’il est bien indiqué dans le courrier adressé par Maître [L] au Conseil de prud’hommes de Lyon le 22 février 2012 que le règlement effectué, qui porte sur un montant égal à l’indemnité de licenciement, ‘n’emporte nullement acquiescement de la société [6] aux demandes et allégations de M. [X], notamment concernant son licenciement pour faute grave’ ; que l’indemnité versée dans le cadre de tels protocoles d’accord présente un caractère transactionnel, global et forfaitaire ; que la renonciation expresse au paiement de salaires n’est exigée en jurisprudence que dans une hypothèse bien particulière, celle dans laquelle l’élément de salaire est, par principe, dû ; qu’elle sollicite que l’observation notifiée par l’URSSAF s’agissant de la régularisation débitrice sur 2011 soit annulée mais également qu’il soit procédé de ce fait à un nouveau calcul par l’URSSAF de la régularisation créditrice sur 2012 en excluant la régularisation du préavis et le remboursement du crédit dû avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du Tribunal, c’est-à-dire à compter du 11 décembre 2014.

L’URSSAF réplique que la société n’a pas communiqué aux inspecteurs lors du contrôle, ni ensuite au cours de la procédure, l’accord transactionnel intervenu ; qu’il n’est pas admis de dire qu’un salarié a renoncé à son indemnité de préavis sans indiquer en quoi cette renonciation ressort des termes d’une transaction ; que le courrier du 22 février 2012 adressé par le conseil de la société au conseil des prud’hommes de [Localité 15] mentionne le versement à M. [X] de la somme de 118 135,16 euros ‘au titre de l’indemnité de licenciement’, étant précisé que l’audience devant le bureau de conciliation devait se tenir le lendemain ; que l’employeur doit rapporter la preuve que l’indemnité de licenciement compense un préjudice subi par le salarié.

Sur ce :

Il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice. (2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-19.516)

La charge de la preuve pèse donc sur l’employeur.

Il y a lieu par conséquent, sans s’arrêter à la qualification qu’en ont donnée les parties, de déterminer si la somme allouée comprend des éléments à caractère salarial, lesquels devront alors être soumis à cotisations conformément aux dispositions de l’article L. 242-1 précité, les éléments compensant un préjudice suivant quant à eux le régime d’exonération applicable aux indemnités de licenciement.

Cependant, force est de constater que la société ne produit aucun protocole transactionnel et de ce fait, ne démontre pas le préjudice qu’aurait subi le salarié en cause que la somme allouée aurait vocation à indemniser.

Est à ce titre insuffisant à établir la nature indemnitaire de la totalité de la somme versée la seule production du courrier du conseil de la société adressé au conseil des prud’hommes de [Localité 15] en ces termes :

‘Je vous informe que la société [6] verse ce jour à M. [D] [X], par chèque libellé à son ordre, la somme de 118 135,16 euros.

Cette somme correspond à l’indemnité de licenciement due à M. [X].

Ce règlement n’emporte nullement acquiescement de la société [6] aux demandes et allégations de M. [X], notamment concernant son licenciement pour faute grave’.

Le redressement est ainsi pleinement justifié et sera confirmé.

Partant, la société sera déboutée de sa demande tendant à voir recalculer le crédit octroyé pour l’année 2012.

4.3 – Sur le chef n°29 ‘Loi TEPA réduction salariale et déduction patronale documents à produire personnel navigant’ :

Les inspecteurs considèrent qu’il ressort de l’application de l’article D.422-8 du code de l’aviation civile et de l’article 4 de l’accord cadre d’aménagement et de réduction du temps de travail des personnels navigants professionnels de transport aérien que le décompte des heures supplémentaires doit être effectué en tenant compte du nombre d’heures de vol et du nombre d’étapes et que les heures de vol sont considérées comme heures supplémentaires au-delà de 75 heures si le nombre d’étapes sur le mois civil est inférieur à 20 et au-delà d’un nombre inférieur (avec un plancher à 67 heures) si le nombre d’étapes est supérieur à 20, selon la formule suivante : 75 ‘ [(n-20)x1/6], ‘n’ étant le nombre d’étapes en fonction du personnel navigant au cours du mois civil.

Ils indiquent que les fichiers remis ‘[9]’, ‘[10] 2010 2011 2012’ et ‘[11] 2010 2011 et 2012’ ne renseignent pas sur le nombre d’étapes en fonction réalisées par le personnel navigant au cours du mois et qu’aucun des fichiers n’apporte la preuve que le nombre des étapes en fonction atteint ou dépasse le nombre de 20 permettant l’application de la formule 75 ‘ [(n-20)x1/6].

La société fait valoir que l’article D. 422-8, alinéa 1er du code de l’aviation civile ne définit pas la formule : 75 ‘ ((n-20)*1/6) mais la formule : 75 ‘ (n-20×1/6) ; que tout est question de l’emplacement des parenthèses ; qu’elle a appliqué la définition légale et réglementaire des heures supplémentaires définie à l’article D. 422-8 du code de l’aviation civile ; que ce point n’avait pas été soulevé lors du précédent contrôle (cf. lettre d’observations du 30 septembre 2010) alors que les dispositions précitées, résultant de la loi, étaient pareillement applicables, et qu’à cet égard, un accord tacite est opposable à l’URSSAF.

L’URSSAF répond qu’il est nécessaire, pour déterminer si les heures effectuées sont des heures supplémentaires, de connaître le nombre d’étapes sur un mois ; que si le nombre d’étapes est inférieur à 20, les heures de vols effectués à compter de la 76ème heure sont considérées comme des heures supplémentaires ; que si ce nombre est supérieur à 20, le seuil doit être modulé selon l’application d’une formule de calcul ; que la société n’a transmis aucun élément permettant de déterminer le nombre d’étapes en fonction ; que cette absence de justification ne permet pas de déterminer le nombre d’heures supplémentaires effectuées ; que la société ne peut ignorer qu’un redressement avait déjà été opéré sur le même point lors du contrôle notifié le 30 septembre 2010 et pour la même raison ; que contrairement à ce qu’indique la société, le fondement du redressement ne porte pas sur l’application de la formule.

Sur ce :

L’article D. 241-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur, dispose:

‘L’employeur tient à la disposition de l’inspecteur de recouvrement mentionné à l’article R. 243-59 un document justificatif du montant des réductions qu’il a appliquées. Ce document, qui peut être établi sur un support dématérialisé, est rempli par établissement et par mois civil. Il indique le nombre de salariés ouvrant droit aux réductions et déductions prévues aux articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18, le montant total des exonérations appliquées au titre de chacune de ces dispositions ainsi que, pour chacun de ces salariés, son identité, la rémunération brute mensuelle versée, le montant de chaque réduction ou déduction appliquée, le coefficient issu de l’application de la formule de calcul prévue à l’article D.241-7 et, le cas échéant, le nombre d’heures supplémentaires ou complémentaires effectuées au sens de l’article 81 quater du code général des impôts et la rémunération y afférente’.

L’article D. 422-8 du code de l’aviation civile énonce par ailleurs :

‘Les heures de vol sont comptabilisées à la fin de chaque mois et elles sont considérées comme heures supplémentaires à compter de la 76ème heure, à l’exclusion des heures effectuées pour prévenir des accidents imminents et organiser des mesures de sauvetage. Elles donnent lieu à une majoration de 25% portant sur des éléments de rémunération, à l’exclusion des remboursement de frais. Toutefois, ce seuil est modulé en fonction du nombre d’étapes sur un mois selon la formule : 75 – (n étapes effectuées en fonction – 20 x 1/6), sans pour autant être inférieur à 67 heures’.

Ainsi, pour le personnel navigant, le nombre d’heures de vol et d’étapes doit être indiqué dans l’état justificatif remis aux inspecteurs lors d’un contrôle, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Cette exigence, qui découle des termes mêmes de l’article D. 422-8 du code de l’aviation civile, est légitime puisque ces données permettent de déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Contrairement à ce qu’indique la société, le litige ne porte pas sur la formule de calcul et l’emplacement des parenthèses mais bien sur les informations transmises aux inspecteurs.

En outre, c’est à tort que la société allègue l’existence d’un accord tacite sur ce point lors du précédent contrôle, l’URSSAF justifiant au contraire que précisément un redressement avait été opéré de ce chef dans la lettre d’observations du 30 septembre 2010.

Il s’ensuit que faute pour la société d’avoir transmis les éléments nécessaires, le redressement est justifié, le jugement étant confirmé sur ce point.

5 – Sur la demande en paiement de l’URSSAF :

Il sera sursis à statuer sur la demande en paiement de l’URSSAF au titre du redressement, dans l’attente du recalcul par cette dernière des sommes dues eu égard aux éléments tranchés dans le présent arrêt, aux chefs de redressements non contestés, validés ou annulés et aux règlements intervenus.

La cour renvoie au dispositif de la présente décision s’agissant des modalités de ce sursis à statuer.

6 – Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L’équité commande de ne pas allouer aux partie d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente procédure d’appel, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018, seront laissés à la charge de la société qui succombe pour l’essentiel à l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a :

– validé les chefs de redressement n°4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 33, 34, 35 et 36 ;

– condamné la SAS [13] à verser à l'[22] la somme restant due de 1 287 258,36 euros pour l’établissement de [Localité 16] et celle de 29 927 euros pour l’établissement de [Localité 18] ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

DÉCLARE régulière la lettre d’observations ;

PRONONCE l’annulation des chefs de redressement n°4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 33 et 35 de la lettre d’observations du 28 octobre 2013 ;

PREND acte de l’annulation par l'[22] des chefs de redressement suivants :

– n°10 ‘Frais professionnels – grand déplacement hors métropole – personnel au sol – per diem Afrique’,

– n°11 ‘Primes diverses indemnités de transport dite [14]’,

– n°34 ‘Frais professionnels limites d’exonération utilisation du véhicule personnel (IKV personnel navigant)’,

– n°36 ‘Frais professionnels – Indemnités kilométriques pour double montée au terrain’ ;

DÉBOUTE l'[22] de sa demande de validation du principe du redressement s’agissant de chefs dont l’annulation est prononcée ou admise par l’URSSAF ;

DÉBOUTE la SAS [13] de sa demande de remboursement des cotisations indûment payées afférentes aux indemnités de plateau repas pour le personnel navigant ne bénéficiant pas de la déduction forfaitaire spécifique ;

DÉBOUTE la SAS [13] de sa demande tendant à voir recalculer le crédit octroyé pour l’année 2012 au titre du chef n°24 « Cotisations rupture forcée du contrat de travail avec limites d’exonération – Indemnité de rupture versée à M. [X] » ;

SURSOIT à statuer sur la demande en paiement de l'[22] ;

INVITE les parties à établir le compte des sommes restant dues, compte tenu des chefs de redressements non contestés, validés ou annulés et des règlements intervenus ;

ORDONNE la radiation du dossier des affaires en cours et dit que les débats seront repris sur ce point à la demande de la partie la plus diligente, sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse ;

DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [13] aux dépens d’appel, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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