Contrôle de la légalité des mesures de soins psychiatriques sans consentement

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Contrôle de la légalité des mesures de soins psychiatriques sans consentement

L’Essentiel : Le Centre Hospitalier de [Localité 5] a sollicité le tribunal judiciaire de Metz pour un contrôle de la nécessité d’une mesure de soins sans consentement pour Madame [P] [N], placée sous curatelle renforcée. Admise en hospitalisation complète le 27 décembre 2024, son état mental, marqué par des troubles délirants, a justifié cette décision. Malgré les soins, elle a refusé toute prise en charge, conduisant à la poursuite de son hospitalisation. Le tribunal a validé la requête du directeur de l’établissement, soulignant la gravité de son état et la nécessité de maintenir la mesure, avec possibilité d’appel dans un délai de 10 jours.

Contexte de l’affaire

Le Centre Hospitalier de [Localité 5] a saisi le Juge du tribunal judiciaire de Metz pour obtenir un contrôle de la nécessité d’une mesure de soins sans consentement concernant Madame [P] [N], placée sous curatelle renforcée depuis le 27 décembre 2024. La demande a été motivée par un certificat médical attestant d’un péril imminent pour sa santé.

Admission en hospitalisation complète

Madame [P] [N] a été admise en hospitalisation complète le 27 décembre 2024, suite à une décision du directeur de l’établissement. Cette admission a été notifiée le 28 décembre 2024, et plusieurs certificats médicaux ont été établis pour justifier la poursuite des soins sous ce régime.

État de santé de Madame [P] [N]

Les certificats médicaux ont révélé des troubles mentaux, notamment un délire de persécution et une labilité émotionnelle. Malgré les soins, Madame [P] [N] a continué à refuser toute prise en charge, affirmant des croyances délirantes, ce qui a conduit à la nécessité de maintenir son hospitalisation.

Procédure judiciaire

Le 6 janvier 2025, le ministère public a requis la poursuite de la mesure d’hospitalisation. Lors de l’audience du 7 janvier 2025, le conseil de Madame [P] [N] a soulevé des questions sur la légitimité du certificat médical initial, mais le directeur de l’établissement a précisé que le médecin n’était pas affilié à l’hôpital.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré recevable la requête du directeur du Centre Hospitalier et a maintenu la mesure d’hospitalisation complète. Il a souligné que l’état mental de Madame [P] [N] justifiait cette décision, en raison de la persistance de troubles délirants et du refus de soins.

Appel et conséquences

Le tribunal a rappelé aux parties que la décision pouvait faire l’objet d’un appel dans un délai de 10 jours, précisant que cet appel n’était pas suspensif. Les dépens de la procédure ont été laissés à la charge du Trésor Public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ?

L’article L. 3212-1 du Code de la santé publique précise les conditions dans lesquelles une personne atteinte de troubles mentaux peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement.

Il stipule que cette admission ne peut avoir lieu que si :

1° Les troubles rendent impossible le consentement de la personne ;

2° L’état de la personne impose des soins immédiats, nécessitant soit une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.

Ainsi, pour qu’une hospitalisation sans consentement soit légale, il est impératif que les troubles mentaux de la personne soient tels qu’ils empêchent son consentement, et que son état nécessite des soins urgents.

En l’espèce, le certificat médical établi par le Dr [Y] a constaté un péril imminent pour la santé de Madame [P] [N], ce qui a permis de justifier l’hospitalisation complète.

Quel est le rôle du juge dans le contrôle de l’hospitalisation complète ?

Le rôle du juge dans le cadre de l’hospitalisation complète est défini par l’article L. 3216-1 du Code de la santé publique. Cet article stipule que le juge doit contrôler la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète.

De plus, selon l’article L. 3211-3, le juge doit veiller à ce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis.

Il est important de noter que le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour ce qui est de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins à administrer.

Dans le cas présent, le juge a confirmé que la procédure d’admission de Madame [P] [N] était régulière, en tenant compte des certificats médicaux et de l’avis motivé.

Quelles sont les implications de l’absence de consentement de la personne hospitalisée ?

L’absence de consentement de la personne hospitalisée a des implications significatives en matière de droits et de protection. Selon l’article L. 3212-1 II 2° du Code de la santé publique, le directeur de l’établissement peut prononcer l’admission d’une personne lorsque, à la date d’admission, un péril imminent pour sa santé est constaté par un certificat médical.

Ce certificat doit être établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade, ce qui garantit une certaine impartialité dans l’évaluation de l’état de santé de la personne.

Dans le cas de Madame [P] [N], bien que son consentement soit absent, les certificats médicaux ont confirmé la nécessité de soins urgents en raison de son état mental, justifiant ainsi la poursuite de l’hospitalisation complète.

Quels sont les recours possibles pour la personne hospitalisée ?

La personne hospitalisée ou son avocat a la possibilité de faire appel de la décision d’hospitalisation. Selon les articles R. 3211-18 et R. 3211-33 du Code de la santé publique, l’appel doit être formé dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision.

Cet appel doit être transmis par déclaration au greffe de la Cour d’appel de Metz. Il est important de noter que l’appel interjeté par la personne hospitalisée ou son avocat n’est pas suspensif, conformément à l’article L. 3211-12-4 alinéa 2 du Code de la santé publique.

Ainsi, même si la personne hospitalisée conteste la décision, cela ne suspend pas l’exécution de l’hospitalisation, ce qui souligne l’importance de la protection de la santé et de la sécurité des personnes en situation de péril.

N° RG 25/00014 – N° Portalis DBZJ-W-B7J-LDFJ
N° MINUTE : 25/00022

COUR D’APPEL DE METZ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
SERVICE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DETENTION

ORDONNANCE DU 07 Janvier 2025

HOSPITALISATION SOUS CONTRAINTE

Devant nous, Madame Doris BREIT, Vice-Président au tribunal judiciaire de Metz, assistée de Madame Agathe LEFEVRE, Greffier, après débats au sein des locaux judiciaires du Centre Hospitalier de Jury ;

Vu la procédure opposant :
DEMANDEUR
CHS DE [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
non comparante, ni représentée
DÉFENDEUR
[P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
née le 04 Septembre 1976 à [Localité 4]
représentée par Me Aurore DAMILOT, avocat au barreau de METZ

Le Ministère Public, régulièrement avisé, a fait valoir ses observations par écrit en date du 6 janvier 2025 ;

Madame [W] [Z], chargée de la mesure de curatelle, convoqué(e) à l’audience, n’a pas comparu.

Vu la requête reçue au greffe le 2 janvier 2025, par laquelle le directeur du Centre Hospitalier de [Localité 5], a saisi le Juge du tribunal judiciaire de Metz aux fins de contrôle de plein droit de la nécessité d’une mesure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète dont fait l’objet Madame [P] [N], (majeur protégé sous le régime de la curatelle renforcée), depuis le 27 décembre 2024 (contrôle à 12j) ;

Vu le certificat médical initial établi le 27 décembre 2024 par le Dr [Y] établissant l’existence d’un péril imminent pour la santé de l’intéressée ;

Vu le relevé des démarches de recherche et d’information de tiers pour un patient admis en soins psychiatriques en cas de péril imminent ;

Vu la décision du directeur du Centre Hospitalier de [Localité 5] en date du 27 décembre 2024 prononçant l’admission de Madame [P] [N] en hospitalisation complète, notifiée ou information de la personne hospitalisée le 28 décembre 2024 ;

Vu le certificat médical dit des 24 heures établi le 28 décembre 2024 par le Dr [O] [A] ;

Vu le certificat médical dit des 72 heures établi le 30 décembre 2024 par le Dr [G] [I] [H] ;

Vu la décision du directeur de l’établissement en date du 30 décembre 2024 maintenant pour un mois les soins sous le régime de l’hospitalisation complète de Madame [P] [N], notifiée ou information de la personne hospitalisée sans date ;

Vu l’avis motivé établi le 2 janvier 2025 par le Dr [X] [R] ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public en date du 6 janvier 2025, sollicitant la poursuite de la mesure ;

Vu le débat contradictoire en date du 7 janvier 2025 ;

Vu l’absence de Madame [P] [N] qui indiquait le 3 janvier 2025 ne pas vouloir être présent (e) à l’audience ;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants du code de la santé publique ;

Faits et moyens des parties :

Madame [P] [N] était hospitalisé au Centre Hospitalier de [Localité 5] sans son consentement dans les conditions rappelées dans l’en-tête de la présente ordonnance.

Le certificat médical établi par le Dr [Y] le 27 décembre 2024 décrivait en ces termes l’existence de troubles mentaux : “troubles du comportement, délire de persécution,,labilité émotionnelle”.
Etait constatée l’existence d’un péril imminent pour la santé de l’intéressé.

Les certificats médicaux postérieurs établissaient pendant la période d’observation qu’elle présentait un délire de persécution (certitude d’avoir été empoisonnée par un ex-compagnon) avec une adhésion totale ainsi que des éléments de subexaltation, qu’elle refusait catégoriquement les soins et que la prise en charge de Madame [P] [N] devait se poursuivre sous le mode de l’hospitalisation complète.

L’avis motivé daté du 2 janvier 2025 constatait que les troubles délirants à l’origine de son hospitalisation étaient toujours présents, l’intéressée croyant avoir reçu pour Noël de son compagnon un enfant adopté, qu’elle avait une thymie instable avec une sub exaltation et des éléments mégalomaniaques, qu’elle était anosognosique et opposée aux soins et que l’hospitalisation devait se poursuivre.

A l’audience, le conseil de Madame [P] [N] a été entendu en ses observations. Il a indiqué que. Le certificat initial était signé du Dr [Y] qui semblait être un médecin de l’établissement.

Interrogé en cours de délibéré, le requérant a précisé que le Dr [Y] n’était pas un médecin de l’établissement.

MOTIFS DE LA DECISION :

L’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l’article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.

Selon l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d’un établissement psychiatrique que si :
1° ses troubles rendent impossible son consentement ;
2° son état impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.

Le juge doit contrôler en application de l’article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète. En application de l’article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller, à ce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis.
Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.

Aux termes de l’article L 3212-1 II 2°, le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission lorsqu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical. Ce certificat constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il est également prévu que le certificat ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade.

En l’espèce, le Dr [Y] [F] n’est pas un médecin du CHS de [Localité 5] mais fait partie du service des urgences du Centre Hospitalier de [Localité 6] au vu du cachet figurant sur le certificat intial.

Il résulte de l’ensemble des éléments produits que la procédure relative à l’admission de Madame [P] [N] en hospitalisation complète est régulière.

Les troubles du comportement persistent et rendent impossible son consentement sur la durée. En effet, le péril imminent est toujours présent, Madame [P] [N] ayant des troubles délirants qu’elle ne reconnaît pas et demeure opposante aux soins, selon l’avis motivé.

L’état mental de Madame [P] [N] impose la poursuite des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, en premier ressort,

DeclaRE recevable la requête présentée par le Directeur du Centre Hospitalier de [Localité 5] ;

MaintIENS la mesure d’hospitalisation complète dont fait l’objet Madame [P] [N] ;

RAPPELLE aux parties que :

– la présente ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la Cour d’Appel et ce, dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (articles R. 3211-18 et R. 3211-33 du code de la santé publique) ;

– cet appel doit être formé par déclaration transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’appel de Metz ;

– l’appel interjeté par la personne hospitalisée ou son avocat n’est pas suspensif en application de l’article L.3211-12-4 alinéa 2 du code de la santé publique ;

LAISSE les éventuels dépens de la présente procédure à la charge du Trésor Public ;

Ainsi rédigé au Tribunal Judiciaire de METZ, le 7 janvier 2025 par Doris BREIT, Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de METZ et signé par elle et le Greffier.

Le greffier La Vice-Présidente


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