L’Essentiel : L’affaire concerne Monsieur [N] [E], un ressortissant algérien en rétention administrative, notifié d’une obligation de quitter le territoire français. Son refus de comparution à l’audience, invoquant la fatigue, a été constaté par un procès-verbal. Le juge a soulevé des questions sur la légalité de la procédure, notamment l’irrégularité du contrôle d’identité par la police municipale. Cette irrégularité a conduit à la conclusion que le placement en rétention était illégal. En conséquence, le juge a annulé la rétention et ordonné à Monsieur [N] [E] de quitter le territoire, tout en lui permettant de faire appel.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne Monsieur [N] [E], un ressortissant algérien né le 27 janvier 2001, actuellement maintenu en rétention administrative. Il a été notifié d’une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d’une interdiction de retour de trois ans. Cette décision a été précédée par une autre obligation de quitter le territoire, confirmée par le Tribunal Administratif de Grenoble et la Cour Administrative d’Appel de Lyon. Refus de comparutionMonsieur [N] [E] a catégoriquement refusé de se rendre à l’audience, invoquant sa fatigue. Son absence a été constatée par un procès-verbal de carence. Son avocate, Me Claire ZOCCALI, n’a pas souhaité plaider, indiquant qu’elle n’avait pas reçu de mandat pour le faire. Questions soulevées par le jugeLe juge a soulevé plusieurs questions concernant la légalité de la procédure de placement en rétention, notamment l’irrégularité du contrôle d’identité effectué par la police municipale, l’absence de mention du lieu de rétention dans l’arrêté, et le défaut d’examen sérieux de la situation de Monsieur [N] [E] en ce qui concerne ses perspectives d’éloignement. Arguments des partiesMe Cherryne RENAUD AKNI, représentant le préfet, a été entendue, tandis que l’absence de Monsieur [N] [E] a été notée. L’avocate de ce dernier a choisi de ne pas plaider. La requête de prolongation de la rétention a été présentée par l’autorité administrative, motivée et accompagnée des pièces justificatives nécessaires. Irregularités constatéesLe juge a constaté une irrégularité dans le contrôle d’identité préalable, car la police municipale n’était pas habilitée à procéder à ce contrôle sans constatation d’une infraction. Cette irrégularité a conduit à la conclusion que le placement en rétention de Monsieur [N] [E] était illégal. Décision du jugeEn conséquence, le juge a déclaré la procédure de placement en rétention irrégulière et a rejeté la demande de prolongation de la rétention. Monsieur [N] [E] a été ordonné de quitter le territoire français, mais sa rétention a été annulée en raison des irrégularités constatées. Notification de l’ordonnanceL’ordonnance a été notifiée aux parties concernées, y compris à l’avocat de Monsieur [N] [E] et au centre de rétention. Ce dernier a été informé de son droit de faire appel de la décision dans un délai de vingt-quatre heures. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les irrégularités de la procédure préalable à la mesure de placement en rétention ?La procédure de placement en rétention administrative de Monsieur [N] [E] soulève plusieurs irrégularités, notamment en ce qui concerne le contrôle d’identité effectué par des agents de la police municipale. Selon l’article L 511-1 du Code de la Sécurité Intérieure, les forces de police municipale ne peuvent procéder à des opérations de contrôle d’identité que si une infraction pénale a été constatée. En l’espèce, le procès-verbal indique que le contrôle d’identité a été réalisé sans qu’aucune infraction n’ait été préalablement caractérisée. Cela constitue une violation des dispositions légales, entraînant ainsi une irrégularité dans le placement en rétention de Monsieur [N] [E]. Cette irrégularité lui fait grief, car il n’aurait pas dû faire l’objet d’un placement en rétention si son identité n’avait pas été demandée de manière irrégulière. Quelles sont les conséquences de l’irrégularité du placement en rétention ?L’irrégularité constatée dans la procédure de placement en rétention a des conséquences directes sur la légalité de cette mesure. En vertu de l’article L 743-12 du CESEDA, le juge peut relever d’office toute irrégularité résultant de la violation des formes prescrites par la loi. Dans ce cas, le placement en rétention de Monsieur [N] [E] a été déclaré irrégulier, ce qui entraîne sa libération immédiate, sous réserve des droits d’appel du Ministère Public. De plus, l’article L 742-10 du CESEDA rappelle que l’intéressé a l’obligation de quitter le territoire français, mais cela ne justifie pas un placement en rétention irrégulier. Ainsi, la décision de prolongation de la rétention administrative a été rejetée, confirmant que l’irrégularité de la procédure initiale a des effets juridiques significatifs. Comment le juge doit-il procéder au contrôle de la légalité de la rétention ?Le contrôle de la légalité de la rétention administrative doit être effectué par le juge en conformité avec les dispositions du droit de l’Union européenne et du CESEDA. L’article L 741-1 du CESEDA précise que le placement en rétention doit respecter des critères limitatifs, notamment ceux énoncés à l’article L 731-1, qui établit les conditions de rétention. Le juge doit également s’assurer que les risques de fuite, mentionnés à l’article L 612-3, sont pris en compte, ainsi que l’état de vulnérabilité de l’étranger, conformément à l’article L 741-4. En outre, la CJUE a affirmé que le contrôle judiciaire doit être effectif et que le juge peut relever d’office des irrégularités, même si elles n’ont pas été soulevées par l’intéressé. Cela garantit une protection juridictionnelle élevée, essentielle dans le cadre de la rétention administrative. Quelles sont les implications des décisions de la CJUE sur la rétention administrative ?Les décisions de la CJUE, notamment l’arrêt du 8 novembre 2022, ont des implications significatives sur le contrôle de la légalité des mesures de rétention administrative. Cet arrêt stipule que le juge national doit s’assurer que toutes les conditions de légalité, découlant du droit de l’Union, sont respectées. Il est précisé que le contrôle doit s’étendre à la légalité de l’acte de placement en rétention, même si l’intéressé n’a pas soulevé cette question. Les articles 15 de la directive 2008/115/CE et 9 de la directive 2013/33/UE imposent que la rétention soit ordonnée par écrit, avec des motifs de fait et de droit clairement établis. Ainsi, le juge doit examiner si ces exigences ont été respectées, garantissant ainsi que les droits fondamentaux des individus en rétention sont protégés. Cette approche renforce le rôle du juge dans la protection des droits des étrangers en situation de rétention administrative. |
de LYON
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
N° RG 25/00245 – N° Portalis DB2H-W-B7J-2IOV
ORDONNANCE STATUANT SUR UNE PREMIERE DEMANDE DE PROLONGATION D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
Le 22 janvier 2025 à
Nous, Jean-Christophe BERLIOZ, Juge au Tribunal judiciaire de LYON, assisté de Pauline BRAY, greffier.
Vu la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 ;
Vu le décret d’application n°2018-1159 du 14 décembre 2018 ;
Vu les anciens articles L. 552-1 à L. 552-6, et R. 552-1 à R. 552-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu les articles L. 742-1 à L. 742-10 et notamment les articles L. 742-1, L. 742-2, L. 742-3, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6, L. 742-7, les articles L. 743-3 à L. 743-18 et notamment les articles L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-13, L. 743-14, L. 743-15, L. 743-17, les articles L. 743-19, L. 743-20, L. 743-24, L. 743-25, et R. 741-3, R. 742-1, R. 743-1, R. 743-2 , R. 743-3, R. 743-4, R. 743-5, R.743-6, R.743-7, R.743-8, R. 743-21, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu la décision de placement en rétention de l’autorité administrative prise le 18 janvier 2025 par M. LE PREFET DE [Localité 1] ;
Vu la requête de l’autorité administrative en date du 21 Janvier 2025 reçue et enregistrée le 21 Janvier 2025 à 14h55 (cf. timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [N] [E] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;
Vu le procès-verbal de la PAF en date de ce jour nous indiquant que Monsieur [N] [E] a refusé catégoriquement de se rendre à l’audience de ce jour.
PARTIES
M. LE PREFET DE [Localité 1] préalablement avisé, représenté par Cherryne RENAUD AKNI, avocate au barreau de LYON, substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Monsieur [N] [E]
né le 27 Janvier 2001 à [Localité 3] (ALGERIE)
préalablement avisé ,
actuellement maintenu , en rétention administrative
non comparant à l’audience de ce jour pour avoir refusé son extraction,
représenté par son conseil Me Claire ZOCCALI, avocate au barreau de LYON, de permanence,
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE n’est ni présent ni représenté.
DEROULEMENT DES DEBATS
A l’audience publique, le juge a procédé au rappel de l’identité des parties et a mis liminairement d’office dans le débat aux visas de la décision de la CJUE du 8 novembre 2022 et de l’article L 743-12 du ceseda, les questionnements relatifs à :
– l’éventuelle irrégularité de la procédure préalable à la mesure de placement en rétention, relativement au contrôle d’identité initialement effectué par des agents de la police municipale,
– l’éventuelle inapplicabilité de l’arrêté de placement en rétention, qui ne mentionne pas dans son dispositif le lieu de placement en rétention et prévoit une cessation du maintien en rétention le 21/01/2025 à 11h20, soit antérieurement à la saisine de la présente juridiction le même jour à 14h55,
– l’éventuelle irrégularité de l’arrêté de placement en rétention pour défaut d’examen sérieux et individuel de la situation de l’intéressé au regard de ses perspectives raisonnables d’éloignement.
Me Cherryne RENAUD AKNI représentant le préfet a été entendue en sa plaidoirie ;
Monsieur [N] [E] était absent, son refus non équivoque et réitéré d’extraction aux motifs qu’il « ne vaut pas venir car il est fatigué » ayant fait l’objet d’un procès-verbal de carence en date de ce jour ;
Me Claire ZOCCALI, avocate au barreau de LYON, avocate de Monsieur [N] [E], n’a pas souhaité présenter de plaidoirie en indiquant ne pas avoir reçu mandat en ce sens de la part de l’intéressé.
Attendu qu’une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour de 3 ans a été notifiée à Monsieur [N] [E] le 18 janvier 2025.
Attendu qu’une précédente obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour durant 36 mois a été prise et notifiée à Monsieur [N] [E] le 24/11/22, décision confirmée par le Tribunal Administratif de Grenoble puis la Cour Administrative d’Appel de Lyon les 19 et 31 janvier 2022.
Attendu que par décision en date du 18 janvier 2025 notifiée le 18 janvier 2025, l’autorité administrative a ordonné le placement de Monsieur [N] [E] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 18 janvier 2025.
Attendu que, par requête en date du 21 Janvier 2025, reçue le 21 Janvier 2025, l’autorité administrative nous a saisi aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.
RECEVABILITE DE LA REQUETE :
Attendu que la requête de l’autorité administrative est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles dont la copie du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA.
REGULARITE DE LA PROCEDURE :
Attendu que la requête et les pièces qui y sont jointes ont, dès leur arrivée au greffe, été mises à disposition de l’avocat de l’intéressé et ont pu être consultées avant l’ouverture des débats par l’étranger lui-même, assisté le cas échéant par un interprète.
Sur le moyen soulevé d’office par la juridiction :
Attendu qu’il résulte notamment des dispositions de l’article L 743-12 du CESEDA que le juge peut relever d’office toute irrégularité résultant de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles.
Attendu qu’il résulte tout autant des dispositions européennes, directement applicables en droit français, et plus particulièrement d’un arrêt de la CJUE en date du 08 novembre 2022, que le juge national doit s’assurer, même d’office, qu’aucune condition tenant à la légalité d’une mesure de rétention découlant de droit de l’Union n’a été méconnue, ce contrôle s’étendant notamment à la légalité de l’acte même plaçant l’étranger en situation de rétention administrative et ce, quand bien même cette méconnaissance n’aurait pas été invoquée par l’intéressé. (Voir cependant contra Cass 1ère Civ 16/01/2019 rendue antérieurement à l’arrêt de la CJUE susvisé)
Attendu que le dispositif de cet arrêt précise plus particulièrement que la Cour (Grande Chambre) dit pour droit que l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l’article 9, paragraphes 3 et 5, de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, et l’article 28, paragraphe 4, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lus en combinaison avec les articles 6 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que : le contrôle, par une autorité judiciaire, du respect des conditions de légalité de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers qui découlent du droit de l’Union doit conduire cette autorité à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés lors de la procédure contradictoire devant elle, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité qui n’a pas été invoquée par la personne concernée et ce, afin d’assurer « une protection juridictionnelle d’un niveau élevé ». (Voir notamment les considérants n°85 à 94).
Attendu que cet arrêt ne limite pas l’intervention du juge judiciaire aux situations dans lesquelles le droit de l’Union serait méconnu par les seules dispositions légales et réglementaires du CESEDA et qu’il résulte des termes mêmes de cet arrêt qu’il est conforme à la législation nationale ainsi qu’au droit européen qu’il puisse soulever d’office des contestations que la personne placée en rétention pouvait par ailleurs elle-même soulever sans l’avoir cependant fait, l’instauration au bénéfice de cette dernière d’une exclusivité en la matière étant en revanche contraire au droit de l’Union.
Il sera à cet égard relevé que le considérant 88 ne limite en aucun cas l’intervention du juge des libertés et de la détention aux seuls domaines relevant de la non-conformité du droit interne au droit de l’Union pour peu qu’une condition de légalité du droit de l’Union soit effectivement méconnue lorsque le placement en rétention a été ordonné par une autorité administrative. (considérants 86 et 88).
Attendu en effet qu’en matière de contentieux du placement et du maintien en rétention d’un étrangers, y compris lorsqu’il est ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière, la CJUE entend souligner spécifiquement que « l’encadrement strict instauré par le législateur de l’Union (…) conduit à une situation qui ne s’apparente pas à tous égards à un contentieux administratif dans lequel l’initiative et la délimitation du litige appartiennent aux parties » (considérant 92), de sorte que cet arrêt conduit expressément la CJUE à s’écarter du principe d’autonomie procédurale qu’elle a elle-même par ailleurs consacré en d’autres matières communautaires (CJUE 07/06/2007 Van der Weerd) et ce, sans même que la vérification préalable des principes d’équivalence et d’effectivité ne s’impose en la matière.
Attendu que dans ses conclusions écrites (21/06/22) au soutien de la décision rendue par la CJUE le 08 novembre 2022, Monsieur l’Avocat Général [U] [O] soulignait qu’appréhender la problématique relative à l’examen d’office par une juridiction nationale d’un moyen tiré de la violation du droit de l’Union « dans le contexte de la rétention des ressortissants de pays tiers, avec pour enjeu la protection du droit à la liberté, permet, dans une large mesure, de renouveler l’approche retenue jusqu’ici. En effet, l’importance de ce droit et le rôle essentiel qu’occupe le juge de la protection de ce dernier conduisent à regarder avec une certaine méfiance les règles procédurales qui restreignent l’office du juge dans ce domaine » et concluait qu’une juridiction amenée à contrôler la légalité du placement en rétention d’un étranger doit vérifier, sur la base des éléments de droit et de fait qu’elle estime pertinents, le respect des règles générales et abstraites qui permettent de l’ordonner, « indépendamment des moyens et des arguments invoqués par ce dernier à l’appui de son recours ».
Attendu que de multiples articles de doctrine (voir notamment Revue Trimestrielle de Droit Européen 2023 p 127 S. BARBOU DES PLACES / Revue critique de droit international privé 2023 p351 T. FLEURY GRAFF et I. GIAUFFRET / AJDA 2022 p2343 P. BONNEVILLE C. GÄNSER et A. ILJIC, conseillers référendaires à la CJUE / Recueil Dalloz 2023 p200 O. BOSKOVIC, S. CORNELOUP, F. JAULT-SESEKE, N. JOUBERT et K.PARROT) analysent en ce sens la portée de l’arrêt précité et font le constat qu’il existe une certaine réticence prétorienne à l’application de ces nouveaux principes en soulignant des positions « discutables » (T. FLEURY GRAFF) au regard de la solution européenne (voir par exemple CA ROUEN 09/12/22, CA AIX EN PROVENCE 15/02/23, CA MONTPELLIER 09/01/23 et CA LYON 05/03/24) que ne reprennent en revanche pas d’autres juridictions de même degré (voir notamment la position réitérée de la CA DOUAI des 21/04/23, 24/11/23, 24/12/23, 18/06/24, 29 et 31/08/24 et celle de la CA AIX EN PROVENCE des 07/03/23, 01/10/24 et 24/10/24 et de la CA de METZ du 10/10/24, notamment).
Attendu qu’en entendant soulever d’office, en application des dispositions de l’arrêt de la CJUE précité, un moyen tiré de l’éventuelle légalité de l’acte administratif plaçant l’étranger en situation de rétention administrative, le juge des libertés et de la détention ne saurait excéder son office, s’agissant de dispositions immédiatement et impérativement applicables en droit interne, sous la réserve qu’une ou plusieurs dispositions découlant du droit de l’Union aient été légalement méconnues en l’espèce.
Attendu que, s’agissant du contrôle de la légalité de la décision de placement en rétention, l’examen d’office par le juge de ces conditions de légalité est, de ce fait, circonscrit aux règles posées par l’article L 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile renvoyant aux huit critères permettant le placement en rétention administrative fixés limitativement par l’article L 731-1 du même code ainsi qu’à l’appréciation des risques de fuite prévu par l’article L 612-3 de ce même code ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente, outre celles relatives à la prise en compte de l’état de vulnérabilité de l’étranger, conformément aux dispositions de l’article L 741-4 de ce code ; que les dispositions précitées, exception faite de celle relative au critère tenant à la menace pour l’ordre public, découlent notamment de l’application du droit de l’Union, et plus particulièrement des articles 7§4 et 15 de la Directive 2008-115-CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les états membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en ce que ce dernier article prévoit notamment que la rétention est ordonnée par écrit en indiquant les motifs de fait et de droit.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède in fine qu’en procédant au contrôle de la régularité des moyens de légalité interne et externe de la décision administrative de placement en rétention, le juge judiciaire s’assure de manière effective et concrète qu’une telle décision comporte bien « les motifs de fait et de droit » sans méconnaître les prescriptions découlant du droit de l’Union.
Attendu que les éléments relevés d’office par le juge doivent être soumis à la contradiction des parties en cours d’audience et que tel a été le cas en l’espèce.
Attendu qu’interrogé par le président d’audience, le conseil de Monsieur [N] [E] a indiqué qu’à sa connaissance, aucune requête ultérieure relative à la contestation de l’arrêté de placement n’était présentée par l’intermédiaire de l’association FORUM REFUGIES.
Sur la régularité du contrôle d’identité préalable à la décision administrative de placement en rétention :
Attendu qu’il résulte des dispositions des articles 21 2° à 21-2 du code de procédure pénale, L 511-1 du Code de la Sécurité Intérieure et 537 du code de procédure pénale que les forces de police municipale ne sont pas habilitées à procéder à des opérations administratives ou judiciaires de contrôle d’identité sans constatation au préalable de la commission d’une infraction pénale, auxquels cas il leur appartient d’en rendre compte immédiatement à tout OPJ.
Attendu en l’espèce qu’il résulte du procès-verbal du 17/01/25 à 11h10 que les services de police municipale ont procédé au contrôle d’identité de Messieurs [E] et [J] sas avoir au préalable caractérisé la commission d’une infraction de leur part ou encore d’attitude particulièrement suspecte et que seul ce contrôle d’identité leur a permis de constater une infraction pénale concernant Monsieur [E] relative à sa situation irrégulière sur le territoire français, ce dont ils ont rendu compte par la suite sans désemparer à un OPJ.
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que doit être constaté une irrégularité antérieure au placement en rétention de Monsieur [N] [E] et qu’il doit dès lors faire l’objet d’une libération immédiate, sous la réserve des droits d’appel suspensifs conférés au Ministère Public, son placement en rétention s’en trouvant de fait irrégulier et cette irrégularité lui faisant nécessairement grief puisqu’il n’aurait pas pu faire légalement l’objet d’un placement en rétention si son identité ne lui avait pas été irrégulièrement demandée.
Sur l’irrégularité de la mesure de placement en rétention :
Compter tenu de ce qui précède, ce point ne sera pas examiné de manière développée, étant cependant relevé que cette décision :
– indique expressément dans son dispositif que le placement en rétention de l’intéressé « cessera au plus tard le 21/01/25 à 11h20 » et qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de procéder à la rectification d’erreur matérielle d’un acte administratif,
– ne comporte aucune mention relative aux perspectives raisonnables d’éloignement de l’intéressé alors que Monsieur [N] [E] a indiqué au cours de son audition du 17/01/25 à 16h50 qu’il a déjà été placé 3 fois en centre de rétention mais que l’Algérie « dit que je ne suis pas de chez eux », de sorte que l’irrégularité de cette mesure peut également être constatée pour défaut d’examen sérieux de sa situation mais également de motivation au regard de l’existence de perspectives raisonnables d’éloignement, s’agissant d’éléments administratifs et consulaires d’importance dont l’administration avait nécessairement connaissance dans le cadre des précédents placements en centre de rétention.
PROLONGATION DU PLACEMENT EN RETENTION :
Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il ne sera pas fait droit à la demande de prolongation présentée le 21 janvier 2025 par MADAME LA PREFETE DE [Localité 1].
Statuant par mise à disposition au greffe en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,
DÉCLARONS la procédure antérieure à la décision de placement en rétention irrégulière et, partant, l’irrégularité du placement en rétention de Monsieur [N] [E] ;
REJETONS la requête en prolongation de la rétention administrative de MADAME LA PREFETE DE [Localité 1];
DISONS n’y avoir lieu à la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [N] [E] ;
RAPPELONS que l’intéressé a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 742-10 du CESEDA.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par courriel avec accusé de réception à l’avocat du retenu et à l’avocat de la préfecture,
NOTIFIONS la présente ordonnance au centre de rétention administrative de [Localité 2] par courriel avec accusé de réception pour notification à [N] [E], lequel est informé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de sa notification ; lui notifions aussi que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par télécopie n° 04.72.40.89.56) au greffe de la cour d’appel de LYON, et que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.
Disons qu’un procès-verbal de notification sera établi à cet effet par les services de police, et nous sera retourné sans délai.
Information est donnée à [N] [E] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence.
LE GREFFIER
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