L’Essentiel : M. [M] [G] [C] [O], de nationalité colombienne, a été placé en rétention administrative le 19 novembre 2024 suite à une obligation de quitter le territoire français. Après avoir formé un recours, le magistrat a rejeté ses arguments tout en prolongeant sa rétention. En appel, M. [M] [G] [C] [O] a contesté la régularité du contrôle d’identité qui a conduit à sa rétention, arguant d’un détournement de procédure. La cour a finalement jugé le contrôle irrégulier, infirmant la décision du magistrat et rejetant la prolongation de la rétention, rappelant l’obligation de quitter le territoire.
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Identification des PartiesM. [M] [G] [C] [O], de nationalité colombienne, né le 02 septembre 1994 à [Localité 3], est retenu au centre de rétention de Mesnil Amelot 2. Il est assisté par Me Patrick Berdugo, avocat au barreau de Paris, et Mme [K] [B], interprète en espagnol. Contexte de la RétentionLe 19 novembre 2024, M. [M] [G] [C] [O] a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral, en raison d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) notifiée le même jour. Le 23 novembre 2024, il a formé un recours contre cet arrêté, entraînant une saisine du magistrat du siège pour prolongation de la mesure. Décision du MagistratLe 24 novembre 2024, le magistrat a rejeté les moyens d’irrégularité soulevés par M. [M] [G] [C] [O], déclarant son recours recevable mais le rejetant, tout en acceptant la requête de l’administration pour prolonger la rétention de vingt-six jours. Appel de M. [M] [G] [C] [O]M. [M] [G] [C] [O] a interjeté appel de cette décision, contestant la régularité du contrôle d’identité qui a conduit à son placement en rétention. Il a soulevé plusieurs arguments, notamment un détournement de procédure et l’absence d’éléments objectifs justifiant le contrôle. Arguments de la CourLa cour a examiné les irrégularités invoquées, précisant que le juge judiciaire doit se prononcer sur les procédures préalables à la décision de placement en rétention. Elle a rappelé que le contrôle d’identité doit être justifié par des éléments objectifs et que le risque d’atteinte à l’ordre public doit être établi par l’administration. Conclusion de la CourLa cour a conclu que le contrôle d’identité de M. [M] [G] [C] [O] était irrégulier, car les infractions constatées ne suffisaient pas à justifier un contrôle préventif. Par conséquent, elle a infirmé l’ordonnance du magistrat, rejeté la requête du préfet des Hauts-de-Seine et a décidé qu’il n’y avait pas lieu à prolongation de la rétention administrative. M. [M] [G] [C] [O] a été rappelé à son obligation de quitter le territoire français. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les irrégularités soulevées concernant le contrôle d’identité de M. [M] [G] [C] [O] ?Le contrôle d’identité de M. [M] [G] [C] [O] a été contesté sur plusieurs points. Tout d’abord, il a été soutenu qu’il y a eu un détournement de procédure, car le contrôle d’identité, qui devrait viser uniquement la recherche d’infractions, a été effectué par la police spécialisée dans la lutte contre l’immigration clandestine. De plus, il a été noté que l’infraction de vente à la sauvette, qui a servi de base au contrôle, n’avait été constatée que 7 fois sur une période d’un mois, la dernière constatation remontant à 11 jours avant le contrôle. L’article 78-2 du Code de procédure pénale précise que les officiers de police judiciaire peuvent inviter à justifier de son identité toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Cependant, il a été jugé que des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne de l’intéressé sont nécessaires pour procéder à un contrôle d’identité. En l’absence de tels éléments, le contrôle doit être effectué selon les conditions prévues par l’article 78-1. Dans ce cas, le constat de sept infractions sur une période d’un peu plus d’un mois n’est pas suffisant pour justifier un contrôle d’identité préventif. Ainsi, le contrôle d’identité de M. [M] [G] [C] [O] a été jugé irrégulier, ce qui a conduit à l’invalidation de son placement en rétention administrative. Quelles sont les conséquences de l’irrégularité du contrôle d’identité sur la rétention administrative ?L’irrégularité du contrôle d’identité a des conséquences directes sur la légalité du placement en rétention administrative de M. [M] [G] [C] [O]. Selon l’article L. 743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi, toute juridiction ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. Dans le cas présent, le contrôle d’identité ayant précédé le placement en rétention a été jugé irrégulier. Par conséquent, il ne pouvait pas justifier le placement en rétention administrative. La cour a donc infirmé l’ordonnance initiale et a rejeté la requête du préfet des Hauts-de-Seine, déclarant qu’il n’y avait pas lieu à prolongation de la rétention administrative. Cela signifie que M. [M] [G] [C] [O] ne peut pas être maintenu en rétention en raison de l’irrégularité du contrôle d’identité, ce qui protège ses droits en tant qu’étranger. Quelles sont les implications de la décision de la cour sur l’obligation de quitter le territoire français ?Malgré l’invalidation de la rétention administrative, la cour a rappelé à M. [M] [G] [C] [O] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français. Cette obligation découle de l’arrêté de refus de séjour ou de l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) qui a été notifié à l’intéressé. L’article L. 511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que l’étranger qui ne remplit pas les conditions de séjour peut faire l’objet d’une OQTF. Ainsi, même si la rétention administrative a été annulée, l’obligation de quitter le territoire demeure. M. [M] [G] [C] [O] doit donc prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cette obligation, sous peine de faire face à d’autres mesures administratives. La cour a également ordonné que la décision soit notifiée à l’intéressé avec une traduction écrite, garantissant ainsi que M. [M] [G] [C] [O] comprend bien ses droits et obligations. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/05482 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLNJ
Décision déférée : ordonnance rendue le 24 novembre 2024, à 11h31, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nolwenn Hutinet, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [M] [G] [C] [O]
né le 02 septembre 1994 à [Localité 3], de nationalité colombienne
RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 2
assisté de Me Patrick Berdugo, avocat au barreau de Paris, présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
et de Mme [K] [B] (interprète en espagnol), tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
INTIMÉ :
LE PRÉFET DES HAUTS-DE-SEINE
représenté par Me Joyce Jacquard du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau de Val-de-Marne subsituant l’avocat du cabinet Mathieu, avocats au barreau de Paris, présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu l’ordonnance du 24 novembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par le recours de l’intéressé enregistrée sous le numéro 24/03097 et celle introduite par la requête du préfet des Hauts-de-Seine enregistrée sous le numéro 24/03080, rejetant les conclusions, déclarant le recours de l’intéressé recevable, le rejetant, déclarant la requête du préfet des Hauts-de-Seine recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de l’intéressé au centre de rétention administrative du [2] 2, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-six jours à compter du 23 novembre 2024 à 17h15 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 24 novembre 2024, à 13h29, par M. [M] [G] [C] [O] ;
– Après avoir entendu les observations :
– par visioconférence, de M. [M] [G] [C] [O], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet des Hauts-de-Seine tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Monsieur [M] [G] [C] [O], né le 02 septembre 1994 à [Localité 3] (Colombie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 19 novembre 2024, sur la base d’un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.
Le 23 novembre 2024, Monsieur [M] [G] [C] [O] a formé un recours contre l’arrêté de placement en rétention, et le même jour l’administration a saisi le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Meaux aux fins de prolongation de la mesure.
Par ordonnance en date du 24 novembre 2024, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté a rejeté les moyens d’irrégularité soulevés, le recours de Monsieur [M] [G] [C] [O], déclarée recevable la requête de l’administration et fait droit à sa demande.
Monsieur [M] [G] [C] [O] a interjeté appel de la décision et demande à la cour de :
– Déclarer irrégulier le contrôle d’identité en raison de :
o Un détournement de procédure, le contrôle devant avoir pour objet la seule recherche d’infractions mais étant effectué par la police spécialisée en lutte contre l’immigration clandestine, et alors que l’infraction visée (vente à la sauvette) a été constatée pour la dernière fois il y a 11 jours et uniquement 7 fois sur une période d’un mois
o Une absence d’élément d’extranéité objectif déduit de circonstances extérieures à la personne de Monsieur [M] [G] [C] [O]
– Déclarer la procédure irrégulière en raison du recours à un interprète par téléphone sans justifier de la nécessité
– Dire que l’arrêté de placement en rétention est dépourvu de base légale dès lors que les deux décisions ayant été notifiées en même temps (arrêté de placement en rétention et OQTF) il n’est pas possible de vérifier l’ordre de notification et la base légale est douteuse
– Dire l’arrêté de placement en rétention disproportionné et contenant une erreur manifeste d’appréciation en ce que Monsieur [M] [G] [C] [O], de nationalité colombienne, muni d’un visa 3 mois, était en situation régulière lors de son interpellation.
Réponse de la cour :
Sur le contrôle d’identité
Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l’étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).
Aux termes de l’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.
L’article 78-2 du code de procédure pénale énonce que « Les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
-qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
-ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
-ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit;
-ou qu’elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure suivie par le juge de l’application des peines ;
-ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
L’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.»
Il a été jugé que des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé de nature à faire paraître sa qualité d’étranger sont nécessaires pour qu’il soit procédé au contrôle des documents sous le couvert desquels les étrangers sont autorisés à séjourner en France; en l’absence de tels éléments, le contrôle d’identité doit être préalablement effectué sous les conditions et dans les formes prévues par les art. 78-1 s. (Crim. 25 avr. 1985 N° 84-92.916).
Lorsqu’un contrôle est justifié pour prévenir une atteinte à l’ordre public, le risque d’atteinte à l’ordre public doit être établi par l’administration s’agissant de la nature et du nombre d’infractions.
En l’espèce, il ressort de la procédure qu’il a été procédé au contrôle d’identité de Monsieur [M] [G] [C] [O] sur le fondement de l’alinéa 8 du texte précité. Le procès-verbal de contrôle énumère les infractions ayant donné lieu à des procédures sur le site considéré (Station RATP « Gabriel Péri », ligne 13 à [Localité 1]), à savoir 7 procédures entre le 7 octobre et le 11 novembre 2024 pour vente à la sauvette ou vente frauduleuse de tabac manufacturé ; que le constat de sept infractions sur une période d’un peu plus d’un mois ne suffit pas à caractériser une atteinte à l’ordre public telle qu’un contrôle d’identité préventif sur la base de l’article 78-2 alinéa 8 du code de procédure pénale serait justifié.
Dans ces conditions, le contrôle d’identité ayant précédé le placement en rétention administrative de Monsieur [M] [G] [C] [O] est irrégulier.
Il s’en déduit, par voie de conséquence, qu’il ne pouvait faire l’objet d’un placement en rétention administrative et que la requête de l’administration sera donc rejetée sur infirmation de la décision.
INFIRMONS l’ordonnance
STATUANT À NOUVEAU,
REJETONS la requête du préfet des Hauts-De-Seine,
DISONS n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [M] [G] [C] [O],
RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l’intéressé par l’intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction écrite du dispositif de l’ordonnance dans la langue comprise par l’intéressé),
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 25 novembre 2024 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète
L’avocat de l’intéressé
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