Contrôle douanier et contestation des déclarations d’importation

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Contrôle douanier et contestation des déclarations d’importation

L’Essentiel : La société Lama France a importé des papiers photographiques de Chine entre 2011 et 2012, avec un dédouanement effectué par Dimotrans. Huit déclarations tarifaires ont été soumises, exemptées de droits antidumping. Cependant, l’administration des douanes a contesté ces classifications, entraînant des avis de mise en recouvrement dépassant 75 000 euros. Après le rejet de leurs contestations, Lama et Dimotrans ont saisi un tribunal. La cour d’appel a finalement annulé l’avis de mise en recouvrement, jugeant que les preuves fournies par l’administration des douanes n’étaient pas suffisantes pour établir une fausse déclaration.

Importation de papiers photographiques

La société Lama France, spécialisée dans la distribution de cartouches d’encre, a importé des feuilles de papier photographique en provenance de Chine entre 2011 et 2012. Le dédouanement a été effectué par la société Dimotrans, en utilisant le mode de représentation directe.

Déclarations tarifaires et contestations

Huit déclarations d’importation ont été faites pour ces papiers, classés sous des positions tarifaires exemptées de droits antidumping et compensateurs. Cependant, l’administration des douanes a contesté ces classifications, arguant que les papiers auraient dû être déclarés sous une position tarifaire soumise à des droits antidumping et compensateurs.

Avis de mise en recouvrement

Suite à cette contestation, l’administration des douanes a émis plusieurs avis de mise en recouvrement à l’encontre de la société Lama, totalisant plus de 75 000 euros. Des avis similaires ont également été adressés à Dimotrans pour des montants correspondants.

Recours judiciaire

Après le rejet de leurs contestations par l’administration des douanes, les sociétés Lama et Dimotrans ont saisi un tribunal pour annuler cette décision et les redressements associés.

Arguments de l’administration des douanes

L’administration des douanes a fait appel de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement, soutenant que la cour d’appel n’avait pas suffisamment pris en compte les constatations des agents douaniers concernant les fausses déclarations.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a statué que les constatations des agents douaniers n’étaient pas suffisantes pour prouver la fausse déclaration, car les déductions faites par ces agents ne pouvaient pas être considérées comme des constatations matérielles. Elle a ainsi annulé l’avis de mise en recouvrement, estimant que l’administration des douanes n’avait pas prouvé ses allégations.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la force probante des procès-verbaux de douane selon l’article 336, 1, du code des douanes ?

L’article 336, 1, du code des douanes stipule que « les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre administration font foi jusqu’à inscription de faux des constatations matérielles qu’ils relatent ».

Cela signifie que les constatations matérielles consignées dans ces procès-verbaux sont présumées exactes et peuvent être utilisées comme preuve dans le cadre de litiges douaniers, sauf si une inscription de faux est établie.

Cependant, il est important de noter que cette force probante ne s’applique pas aux déductions et appréciations réalisées par les agents. En d’autres termes, les conclusions tirées par les agents des douanes à partir des constatations matérielles ne bénéficient pas de la même présomption de véracité.

Ainsi, la cour d’appel a pu conclure que l’administration des douanes ne prouvait pas que les articles importés sous le code « 8978 » avaient fait l’objet d’une fausse déclaration, car les déductions faites par les agents ne reposaient pas sur des constatations matérielles directes.

Quelles sont les implications de la décision de la cour d’appel sur l’AMR émis à l’encontre de la société Lama France ?

La cour d’appel a annulé l’avis de mise en recouvrement (AMR) émis à l’encontre de la société Lama France le 10 avril 2013, ainsi que la décision de rejet du 12 mars 2015.

Cette décision repose sur le constat que l’administration des douanes n’a pas réussi à démontrer que les articles importés sous le code « 8978 » avaient fait l’objet d’une fausse déclaration.

En effet, la cour a relevé que les tests réalisés par l’administration des douanes n’avaient porté que sur des échantillons de marchandises référencées sous d’autres codes, et non sur le code « 8978 » en question.

Cela signifie que l’administration des douanes n’a pas pu établir de manière concluante que les marchandises importées avaient été déclarées de manière incorrecte, ce qui a conduit à l’annulation de l’AMR et à l’obligation pour l’État français de rembourser la somme de 27 733 euros à la société Lama France.

Cette décision souligne l’importance de la charge de la preuve dans les litiges douaniers, où l’administration doit démontrer de manière claire et précise les infractions alléguées.

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 38 F-B

Pourvoi n° V 22-23.957

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2025

1°/ Madame la directrice générale des douanes et droits indirects, domiciliée [Adresse 1],

2°/ le directeur régional des douanes et droits indirects du [Localité 4], domicilié [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° V 22-23.957 contre l’arrêt rendu le 8 septembre 2022 par la cour d’appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Lama France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La société Lama France, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui son recours un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Madame la directrice générale des douanes et droits indirects et du directeur régional des douanes et droits indirects du [Localité 4], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Lama France, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 8 septembre 2022) et les productions, la société Lama France, qui a pour activité la distribution de cartouches d’encre pour imprimantes, a importé occasionnellement, en 2011 et 2012, des feuilles de papiers photographiques destinées à des impressions sur imprimantes domestiques, en provenance de la République populaire de Chine, le dédouanement de ces marchandises ayant été effectué par la société Dimotrans, commissionnaire agréé en douane, selon le mode de représentation directe.

2. Entre le 25 juillet 2011 et le 4 juillet 2012, huit déclarations ont été souscrites pour l’importation de papiers photographiques, déclarés aux positions tarifaires 48 11 51 00 00 et 48 10 14 80 80 pour le papier importé en 2011, et 48 10 14 00 80 pour le papier importé en 2012, ces positions tarifaires étant exemptées de droits antidumping et de droits compensateurs.

3. A la suite d’un contrôle réalisé en 2012, l’administration des douanes a contesté la position tarifaire retenue, considérant que les papiers photographiques importés auraient dû être déclarés sous la position tarifaire 48 10 14 00 20 du tarif douanier, soumise, à l’époque des dédouanements litigieux, à des droits antidumping de 27,1 % et à des droits compensateurs d’un montant de 12 %.

4. L’administration des douanes a ensuite adressé à la société Lama, le 18 septembre 2012, un avis de mise en recouvrement (AMR) n° 962/12/283 d’un montant de 46 239 euros, le 20 septembre 2012, un AMR n° 962/12/287 d’un montant de 1 741 euros, et le 10 avril 2013, un AMR n° 962/12/28 d’un montant de 27 733 euros. En parallèle, les 18 et 20 septembre 2012, l’administration des douanes a notifié deux AMR à la société Dimotrans pour les montants respectifs de 46 239 euros et de 1 741 euros.

5. Après rejet par l’administration des douanes, le 12 mars 2015, de leurs contestations, les sociétés Dimotrans et Lama ont saisi un tribunal aux fins de voir annuler cette décision de rejet et les redressements en découlant.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L’administration des douanes fait grief à l’arrêt d’annuler l’AMR émis à l’encontre de la société Lama France le 10 avril 2013 et la décision de rejet du 12 mars 2015, en ce qu’elle rejetait la contestation de cet AMR du 10 avril 2013 et de condamner l’Etat français à rembourser à la société Lama France la somme de 27 733 euros, alors « qu’en relevant, pour annuler l’avis de mise en recouvrement émis le 10 avril 2013 à l’encontre de la société Lama France, que l’administration des douanes ne justifiait pas que le contrôle a posteriori qu’elle avait réalisé démontrait que les articles importés sous le code importateur « 8978 » avaient fait l’objet d’une fausse déclaration, aux motifs que les tests réalisés n’avaient porté que sur des échantillons de marchandises référencées « 8975 », « 2812 », « 8979 », « 2820 », « 2797 », « 2803 », « 8908 » et « 2814 » et que la lettre du 11 avril 2012 de la société Dimotrans produite par l’administration des douanes n’était pas suffisante pour rapporter la preuve de la représentativité des échantillons au regard des marchandises mentionnées dans les déclarations d’importation visées par l’avis de mise en recouvrement du 10 avril 2013, sans rechercher s’il ne résultait pas des constatations matérielles des agents douaniers ayant établi le procès-verbal de notification d’infraction du 29 mars 2013 sur le fondement duquel l’avis de mise en recouvrement du 10 avril 2013 a été émis, qui valaient jusqu’à inscription de faux, que les articles importés sous le code importateur « 8978 » faisaient partie des marchandises ayant fait l’objet de déclarations d’importation ultérieures dont une visite de douane avait révélé qu’elles avaient été déclarées, à tort, sous les positions tarifaires 4810 14 80 80 et 4810 14 00 80, ce dont il résultait que ces articles référencés « 8978 » avaient bien fait l’objet d’une fausse déclaration, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 336, 1, du code des douanes. »

Réponse de la Cour

7. S’il résulte de l’article 336, 1, du code des douanes que les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre administration font foi jusqu’à inscription de faux des constatations matérielles qu’ils relatent, cette force probante ne s’attache pas aux déductions et appréciations réalisées par ces agents.

8. Ayant constaté que l’AMR n° 962/13/096 du 10 avril 2013 visait les déclarations d’importation IMA 21291635 du 25 juillet 2011, 21291639 du 25 juillet 2011, 21789768 du 26 août 2011, 25647588 du 10 avril 2012, et l’infraction de fausse déclaration d’espèce, relevée selon procès verbal du 29 mars 2013, et relevé qu’il ressort de ce procès-verbal, d’une part, que l’importateur a procédé à l’importation d’articles désignés sur les factures « photo papers » repris sous les codes importateur suivants : 8908, 8975, 8977, 8978, 2797, 2812, 2814, 2803, 2820, d’autre part, que l’administration des douanes, à partir d’échantillons prélevés sur les marchandises ayant fait l’objet de déclarations ultérieures, avait étendu l’infraction de fausse déclaration aux IMA énoncées ci-dessus, faisant ainsi ressortir que si les constatations matérielles faites par les deux agents des douanes sur les factures, à savoir les références des papiers importés, font foi jusqu’à inscription de faux, le fait qu’il s’agisse de marchandises identiques, en l’occurrence du même papier référencé « 8978 », est le résultat d’une déduction opérée par les agents des douanes, qui ne peut être assimilée à des constatations matérielles faisant preuve jusqu’à inscription de faux, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel a retenu que l’administration des douanes ne démontrait pas, à l’occasion du contrôle a posteriori qu’elle a mené, que les articles importés sous le code « 8978 » ayant donné aux quatre déclarations d’importation précitées avaient fait l’objet d’une fausse déclaration.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.


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