Contrôle de la légalité du placement en rétention et ses implications sur les droits individuels.

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Contrôle de la légalité du placement en rétention et ses implications sur les droits individuels.

L’Essentiel : L’affaire concerne M. [I], un ressortissant roumain en rétention administrative. Le 31 décembre 2024, un magistrat a ordonné sa libération, mais le Procureur et le Préfet ont interjeté appel. Lors de l’audience, l’avocat général a soutenu que M. [I] ne justifiait pas d’un domicile en France et représentait une menace pour l’ordre public. Le tribunal a examiné une irrégularité concernant la notification de l’ordonnance, mais a jugé que M. [I] comprenait suffisamment le français. Finalement, le tribunal a infirmé l’ordonnance initiale, rejeté la requête de M. [I] et prolongé sa rétention de 26 jours.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne M. [M] [B] [I], un ressortissant roumain né le 9 octobre 1996, qui a été placé en rétention administrative au centre de rétention de [Localité 3]. Le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris et le Préfet de police ont interjeté appel d’une ordonnance qui avait ordonné sa mise en liberté, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire national.

Ordonnance initiale et appels

Le 31 décembre 2024, un magistrat a déclaré recevable la requête de M. [I] en contestation de la légalité de son placement en rétention, ordonnant sa libération. Cependant, le Procureur et le Préfet ont fait appel de cette décision, demandant un effet suspensif. L’ordonnance du 1er janvier 2025 a accordé un caractère suspensif au recours du Procureur.

Arguments des parties

Lors de l’audience, l’avocat général a demandé l’infirmation de l’ordonnance initiale, soutenant que M. [I] ne justifiait pas d’un domicile effectif en France et qu’il représentait une menace pour l’ordre public, citant ses antécédents judiciaires. M. [I], assisté de son avocat, a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale, tout en renonçant à certains moyens de contestation.

Examen des irrégularités

Le tribunal a examiné un moyen d’irrégularité concernant la notification de l’ordonnance accordant effet suspensif. Bien que la notification ait été faite sans interprète, il a été jugé que M. [I] avait une compréhension suffisante du français, rendant ce moyen inopérant.

Décision sur les appels

Le tribunal a conclu que le premier juge avait erré en rejetant la requête du Préfet, notant que M. [I] ne justifiait pas d’une résidence stable et que sa présence constituait une menace pour l’ordre public, en raison de ses antécédents criminels. Tous les moyens de contestation de l’arrêté de placement en rétention ont été rejetés.

Conclusion de l’ordonnance

En conséquence, le tribunal a infirmé l’ordonnance initiale, rejeté la requête de M. [I] et déclaré recevable celle du Préfet, ordonnant la prolongation de la rétention de M. [I] pour une durée de 26 jours. L’ordonnance a été notifiée aux parties concernées, précisant les voies de recours possibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les irrégularités de notification de l’ordonnance accordant effet suspensif ?

La question de l’irrégularité de la notification de l’ordonnance accordant effet suspensif a été soulevée. Il est constaté que l’ordonnance a été notifiée à l’intéressé sans le concours d’un interprète.

Cependant, il est important de noter que, selon les éléments présentés, M. [M] [B] [I] parle un français suffisant, ayant résidé en France pendant plus de 10 ans.

De plus, l’acte d’appel du procureur de la République a été notifié avec l’assistance d’un interprète, ce qui signifie que l’intéressé ne pouvait ignorer les conséquences de cet appel.

Il est également rappelé que l’ordonnance accordant effet suspensif est insusceptible de recours.

Ainsi, le moyen tiré d’une irrégularité de notification est rejeté.

Quels sont les fondements juridiques du placement en rétention ?

Le placement en rétention administrative est encadré par plusieurs dispositions législatives. En particulier, l’article L. 552-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que :

« La rétention administrative d’un étranger peut être ordonnée lorsque celui-ci ne justifie pas d’un domicile effectif et certain en France. »

Dans cette affaire, il a été constaté que M. [M] [B] [I] ne justifiait pas d’un domicile effectif, les documents fournis étant insuffisants.

De plus, l’article L. 552-2 du même code précise que :

« La rétention ne peut être ordonnée que si l’étranger présente une menace pour l’ordre public. »

Il a été établi que l’intéressé avait un passé criminel significatif, avec plusieurs signalements pour des infractions diverses, ce qui a été retenu comme une menace pour l’ordre public.

Ainsi, le placement en rétention est justifié par l’absence de garanties suffisantes et la menace pour l’ordre public.

Quelles sont les conséquences de la décision d’infirmer l’ordonnance de mise en liberté ?

L’infirmation de l’ordonnance de mise en liberté a des conséquences directes sur la situation de M. [M] [B] [I].

En effet, selon l’article L. 552-3 du CESEDA, lorsque la décision de placement en rétention est confirmée, l’étranger peut être maintenu en rétention pour une durée déterminée.

Dans ce cas précis, la cour a ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 26 jours.

Cela signifie que M. [M] [B] [I] sera maintenu dans un centre de rétention, ce qui peut avoir des implications sur ses droits et sa situation personnelle.

Il est également important de noter que l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation peut être formé dans un délai de deux mois, conformément à l’article 611-1 du Code de procédure pénale.

Quels sont les moyens de contestation de l’arrêté de placement en rétention ?

Les moyens de contestation de l’arrêté de placement en rétention peuvent être variés. Dans cette affaire, plusieurs moyens ont été soulevés, notamment :

1. **Déloyauté de l’audition préalable** : Selon l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), le principe d’audition préalable ne s’applique pas à la décision de placement en rétention.

2. **Défaut de motivation suffisante** : L’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 impose que les décisions administratives soient motivées. Cependant, le préfet n’est pas tenu de mentionner tous les éléments de la situation personnelle de l’intéressé.

3. **Proportionnalité et erreur d’appréciation** : L’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule que toute privation de liberté doit être justifiée et proportionnée.

Dans cette affaire, la cour a rejeté tous les moyens de contestation, considérant que l’arrêté de placement était régulièrement motivé et que les circonstances justifiaient le placement en rétention.

Ainsi, les moyens de contestation n’ont pas été retenus, et la décision de prolongation de la rétention a été confirmée.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 11

L. 743-22 du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 02 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/00003 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKRMQ

Décision déférée : ordonnance rendue le 31 décembre 2024, à 12h39, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Marie-Anne Baulon, président de chambre, à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Aurely Arnell, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANTS :

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Christine Lesne, avocat général

2°) LE PRÉFET DE POLICE,

représenté par Me Isabelle ZERAD du groupement Tomasi, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis

INTIMÉ:

M. [M] [B] [I]

né le 09 Octobre 1996 à [Localité 1],de nationalité roumaine,

RETENU au centre de rétention de [Localité 3]

assisté de Me Ruben GARCIA avocat au barreau de Paris et de Mme [V] [Y] (interprète en roumain) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté,

ORDONNANCE :

– contradictoire,

– prononcée en audience publique,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour.

– Vu l’ordonnance du 31 décembre 2024, à 12h39, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de paris

déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, ordonnant la jonction des deux procédures, constatant l’irrégularité de la décision de placement en rétention de l’intéressé, ordonnant en conséquence la mise en liberté de l’intéressé, lui rappelant qu’il a l’obligation de quitter le territoire national ;

– Vu l’appel de ladite ordonnance interjeté le 31 décembre 2024 à 16h34 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de paris, avec demande d’effet suspensif ;

– Vu l’appel de ladite ordonnance, interjeté le 02 janvier 2025 à 10h25, par le préfet de police ;

– Vu l’ordonnance du 01 janvier 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

– Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

– Vu les conclusions et pièces reçues le 2 janvier 2025 à 08h37 et 09h05 par l’avocat de M.[M] [B] [I] ;

– Vu les observations :

– de l’avocat général tendant à l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil de la préfecture lequel, s’associant à l’argumentation développée par le ministère public, nous demande d’infirmer l’ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 26 jours ;

– de M.[M] [B] [I], qui parlant français, décline son identité et répond aux premières questions simples dans cette langue, assisté de son conseil il demande la confirmation de l’ordonnance ; le conseil de Monsieur [I], à l’audience, renonce aux moyens suivants :

– les moyens I et III tirés d’une irrecevabilité de l’appel du Parquet et d’une contestation de l’appel du Préfet, les moyens G et H de la requête en contestation d’arrêté de placement.

SUR QUOI,

Sur le moyen tiré d’une irrégularité de la notification irrégulière de l’ordonnance accordant effet suspensif :

S’il y a lieu de constater que l’ordonnance accordant effet suspensif du 1er janvier 2025 a été notifiée à l’interéssé sans le concours d’un interprète, il convient de retenir, outre le fait que celui-ci, compte tenu de sa présence, au moins ponctuelle, en France depuis plus de 10 ans, parle un français suffisant, et de relever, comme le soutiennent le ministère public et le représentant du préfet de police de [Localité 2] que l’acte d’appel du procureur de la République lui a été régulièrement notifié avec le concours d’un interprète, appel dont il ne pouvait donc ignorer les conséquences éventuelles ; par ailleurs il y a lieu de rappeler que l’ordonnance accordant effet suspensif de l’appel parquet est insusceptible de recours ;

Il convient de rejeter ce moyen.

Sur les appels du procureur de la République et du préfet de police de [Localité 2] :

C’est à tort que le premier juge a rejeté la requête du préfet au motif que la décision de placement en rétention n’est pas suffisamment fondée dès lors que, comme le retient le conseiller de cette cour qui a fait droit à l’appel avec demande d’effet suspensif du procureur de la République en ces termes : «  [M], [B] [I] ne justifie pas d’un domicile effectif et certain en France, l’attestation d’hébergement et l’unique facture d’énergie sont des pièces insuffisantes, en ce qu’elles ne sont pas accompagnées de titre de propriété, ni de bail, que par ailleurs, aucun passeport en cours de validité n’est justifié ; il se déduit de ces circonstances que l’intimé ne présente pas de garanties suffisantes » ; et de surcroît, la menace pour l’ordre public(moyen B de la requête en contestation d’arrêté de placement en rétention) est parfaitement caractérisée dès lors que, alors qu’il est de nul effet qu’il n’y ait pas de condamnations s’agissant de l’évaluation d’une ‘menace’ et non d’un trouble, il est constaté que le FAED de l’intéressé comporte pas moins de 20 signalements de 2014 à 2024 pour des faits de violation de domicile, dégradations, escroqueries, abus de confiance, dont 13 signalement pour des faits de : jeux de hasard sur la voie publique, délits courses et jeux, qu’enfin, il a encore été placé en garde à vue le 26 décembre 2024 pour des faits identiques (bonneteau), démontrant ainsi amplement la menace qu’il représente pour l’ordre public puisque, nonobstant les 20 précédentes interpellations dont 13 pour des faits proches ou identiques, l’intéressé ne manifeste, depuis 10 ans, aucune intention de réinsertion ni de cesser ses activités délictuelles ; il convient de rejeter le moyen retenu et d’infirmer l’ordonnance.

Sur les autres moyens soutenus en appel :

Sur le moyen d’irrégularité de la garde à vue au motif d’une tardiveté de notification des droits et de remise du formulaire prévu à l’article 803-6 du code de procédure pénale :

S’il est exacte que le formulaire prévu à l’article 803-6 du code de procédure pénale a été remis à l’intéressé à 14h34 lors de la notification des droits en présence de l’interprète en langue roumaine, il y a lieu de constater qu’au regard de la chronologie suivante, aucune tardiveté n’est caractérisée ni concernant la notification de la mesure et des droits afférents, ni concernant la remise du formulaire précité, en effet, présenté à l’officier de police judiciaire le 26 décembre à 13h10, l’interprète a été requis à 13h20, il est arrivé à 14h30, la mesure et les droits ont été notifiés et le document remis à 14h34, qu’aucune tardiveté n’est donc caractérisée, qu’au surplus les droits ont été compris puisque exercés, en l’espèce, l’intéressé ayant souhaité communiquer lui-même avec sa compagne, ce qui a été réalisé;

Le moyen est rejeté.

Sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention :

Sur l’ensemble des moyens de contestation de l’arrêté de placement en rétention administrative tirés d’une critique de l’audition préalable (sous l’angle d’une déloyauté), d’un défaut de motivation suffisante et d’examen concret, d’un défaut de proportionnalité, d’une erreur d’appréciation (moyens A,C,D,E,F), après avoir rappelé que le principe d’audition préalable ne s’applique pas à la décision du placement en rétention ni au regard de l’article L 121-1 du CRPA, ni au regard du principe général du droit, et que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’UE s’adresse à ses institutions, organes et organismes et non aux Etats membres, l’intéressé critique le recueil de renseignements motif pris qu’il n’aurait pas été ‘invité’ par la préfecture à justifier ‘par la production de tout document de la réalité des éléments avancés sur sa situation personnelle… la préfecture a manqué de loyauté’, dès lors que ce recueil de renseignements administratifs n’est pas obligatoire comme indiqué ci-dessus, la critique sus mentionnée est inopérante ; sur l’ensemble des autres moyens il y a lieu de retenir, après avoir rappelé que le préfet n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l’intéressé dès lors que les motifs positifs qu’il retient suffisent à justifier le placement en rétention, il y a lieu de constater que l’arrêté de placement en rétention est motivé par le défaut de justification d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à l’habitation et de menace pour l’ordre public,comme ci-dessus retenu, que dès lors il s’en déduit que ledit arrêté est régulièrement motivé au regard de la situation personnelle caractérisée de l’intéressé, qu’aucune mesure moins coercitive n’était applicable, qu’aucune disproportion n’est donc caractérisée ni défaut d’appréciation, tous ces moyens sont donc rejetés. En conséquence il convient de statuer comme indiqué au dispositif

En conséquence, il convient, la procedure ne faisant apparaître aucune irrégularité affectant la légalité de la decision, après avoir rejeté tous les moyens sus visés, il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance querellée et de statuer conformément au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

REJETONS le moyen d’irrégularité de notification de l’ordonnance accordant effet suspensif ;

INFIRMONS l’ordonnance ;

statuant à nouveau,

REJETONS l’ensemble des moyens ;

DÉCLARONS recevable la requête en contestation d’arrêté de placement en rétention, la rejetons

DÉCLARONS recevable la requête du préfet de police de [Localité 2], y faisant droit ;

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [M] [B] [I] dans les locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de 26 jours,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 02 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète

L’avocat de l’intéressé L’avocat général


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