L’Essentiel : L’affaire concerne M. [B] [T], un ressortissant algérien, interpellé pour vol à l’étalage et placé en rétention administrative. Le 31 décembre 2024, le juge des libertés d’Orléans a déclaré irrecevable la demande de prolongation de la préfecture de la Sarthe, qui a contesté cette décision par appel. La préfecture n’ayant pas fourni le procès-verbal d’interpellation, le juge n’a pu vérifier la légalité de la rétention. Ainsi, l’irrecevabilité de la requête a été confirmée, et bien que l’appel soit recevable, l’ordonnance initiale a été maintenue. Un pourvoi en cassation est possible dans un délai de deux mois.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne M. [B] [T], un ressortissant algérien né le 20 juillet 2003, qui a été convoqué au centre de rétention d'[Localité 4] après avoir été interpellé pour des faits de vol à l’étalage. La préfecture de la Sarthe a demandé la prolongation de sa rétention administrative. Ordonnance du juge des libertésLe 31 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d’Orléans a rendu une ordonnance déclarant irrecevable la requête de la préfecture et a décidé qu’il n’y avait pas lieu à prolongation de la rétention de M. [B] [T]. Cette décision a été contestée par la préfecture par un appel interjeté le même jour. Examen de la requête préfectoraleSelon l’article R743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la requête doit être motivée et accompagnée de pièces justificatives. Le juge doit vérifier la légalité de la mesure de rétention et s’assurer que les documents nécessaires sont fournis. Décision de la CJUELa Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé que le juge national doit vérifier de sa propre initiative la légalité de la rétention d’un ressortissant en séjour irrégulier, en se basant sur les éléments du dossier, même si ces éléments n’ont pas été soulevés par la personne concernée. Absence de documents justificatifsDans cette affaire, la préfecture n’a pas fourni le procès-verbal d’interpellation de M. [B] [T], ce qui a empêché le juge de vérifier la régularité de la procédure de rétention. Le seul document produit ne permettait pas d’établir les conditions d’interpellation. Confirmation de l’irrecevabilitéLe juge de première instance a donc conclu que les documents nécessaires pour établir les conditions de la rétention n’avaient pas été fournis, confirmant ainsi l’irrecevabilité de la requête préfectorale. L’appel de la préfecture a été déclaré recevable, mais l’ordonnance initiale a été confirmée. Conséquences de la décisionLa décision a été signée par le conseiller et le greffier présents lors du prononcé. La préfecture de la Sarthe, M. [B] [T], son avocat et le procureur général ont été notifiés de l’ordonnance. Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une requête en rétention administrative selon le CESEDA ?La recevabilité d’une requête en rétention administrative est régie par l’article R743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que : « À peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2. » Il est donc impératif que la requête soit accompagnée de documents justifiant le placement en rétention, permettant au juge d’apprécier les éléments de fait et de droit. Le juge doit également vérifier, de sa propre initiative, la légalité de la mesure de rétention, ce qui implique qu’il doit s’assurer que toutes les pièces justificatives nécessaires sont présentes. En l’espèce, la préfecture n’a pas fourni le procès-verbal d’interpellation, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de la requête. Quel est le rôle du juge dans l’examen des requêtes de rétention administrative ?Le rôle du juge dans l’examen des requêtes de rétention administrative est clairement défini par le CESEDA et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Selon l’article R743-2 du CESEDA, le juge doit apprécier le caractère utile des pièces jointes à la requête. Il doit également vérifier la légalité de la mesure de rétention, en s’assurant que toutes les conditions requises sont respectées. La CJUE, dans sa décision du 8 novembre 2022, a précisé que : « Le contrôle, par une autorité judiciaire, du respect des conditions de légalité de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers doit conduire cette autorité à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité. » Cela signifie que le juge a une obligation de vigilance et doit s’assurer que toutes les conditions légales sont remplies, même si cela n’est pas soulevé par la personne concernée. Dans le cas présent, le juge a constaté que la préfecture n’avait pas fourni les documents nécessaires pour établir la légalité de la rétention, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de la requête. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité d’une requête en rétention administrative ?L’irrecevabilité d’une requête en rétention administrative a des conséquences significatives, tant pour l’autorité administrative que pour l’étranger concerné. Lorsque le juge déclare une requête irrecevable, cela signifie que la mesure de rétention ne peut pas être prolongée. Dans le cas présent, le tribunal judiciaire d’Orléans a confirmé l’irrecevabilité de la requête de la préfecture, ce qui a conduit à la décision de ne pas prolonger la rétention de M. [B] [T]. Cette décision est conforme aux articles L. 743-21 à L. 743-23 du CESEDA, qui régissent les conditions de prolongation de la rétention administrative. En effet, ces articles stipulent que la prolongation de la rétention ne peut être ordonnée que si les conditions de légalité sont remplies. Ainsi, l’absence de documents justificatifs a conduit à une situation où la préfecture ne pouvait pas justifier la légalité de la rétention, entraînant la libération de l’étranger. Quels recours sont possibles suite à une décision d’irrecevabilité d’une requête en rétention administrative ?Suite à une décision d’irrecevabilité d’une requête en rétention administrative, plusieurs recours sont possibles. Selon les dispositions applicables, notamment celles mentionnées à la fin de l’ordonnance, le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien de la rétention, et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de la décision. Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Cela permet à l’autorité administrative ou à l’étranger de contester la décision d’irrecevabilité devant une juridiction supérieure, qui examinera si les conditions de légalité de la rétention ont été respectées. Ainsi, même en cas d’irrecevabilité, des voies de recours existent pour garantir le respect des droits des personnes concernées. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 02 JANVIER 2025
Minute N°
N° RG 25/00001 – N° Portalis DBVN-V-B7I-HEC5
(1 pages)
Décision déférée : ordonnance du tribunal judiciaire d’Orléans en date du 31 décembre 2024 à 11h25
Nous, Ferréole DELONS, conseiller à la cour d’appel d’Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Axel DURAND, greffier, aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
LA PREFECTURE DE LA SARTHE
non comparante, non représentée ;
INTIMÉ :
M. [B] [T]
né le 20 Juillet 2003 à [Localité 3], de nationalité algérienne
demeurant : [Adresse 1]
convoqué au centre de rétention d'[Localité 4], dernière adresse connue en France, contre récépissé.
non comparant, ayant pour conseil Me Anne-catherine LE SQUER, avocat au barreau d’ORLEANS, absente ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
À notre audience publique tenueau Palais de Justice d’Orléans, le 02 janvier 2025 à 10 H 00 ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l’ordonnance rendue le 31 décembre 2024 à 11h25 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d’Orléans constatant l’irrecevabilité de la requête préfectorle et disons n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [B] [T] ;
Vu l’appel de ladite ordonnance interjeté le 31 décembre 2024 à 18h38 par LA PREFECTURE DE LA SARTHE ;
AVONS RENDU ce jour l’ordonnance publique et réputée contradictoire suivante :
Il résulte de l’article R743-2 du CESEDA que ‘à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2″.
Il appartient au juge d’apprécier, in concreto, le caractère utile des pièces jointes à la requête, qui lui permettront d’apprécier les éléments de fait et de droit qui lui sont soumis, et d’exercer ainsi pleinement ses pouvoirs de contrôle.
Pour cela, le juge doit rechercher si les pièces justificatives utiles sont jointes à la requête et doit vérifier de sa propre initiative la légalité d’une mesure de rétention.
En ce sens, le 8 novembre 2022, la CJUE (en grande chambre) a rendu une décision dans les affaires jointes (C-704/20 PPU et C39/21 PPU) dans laquelle elle a dit pour droit que le juge national était tenu de vérifier de sa propre initiative la légalité d’une mesure de rétention prise à l’égard d’un ressortissant étranger en séjour irrégulier ou d’un demandeur d’asile :
« L’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil,
du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l’article 9, paragraphes 3 et 5, de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, et l’article 28, paragraphe 4, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lus en combinaison avec les articles 6 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que : le contrôle, par une autorité judiciaire, du respect des conditions de légalité de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers qui découlent du droit de l’Union doit conduire cette autorité à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés lors de la procédure contradictoire devant elle, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité qui n’a pas été invoquée par la personne concernée. »
En l’espèce, la prefecture ne joint pas à la requête le procés verbal d’interpellation de M. [B] [T] ayant donné lieu à son placement en garde à vue, suivi de sin placement en rétention administrative dans un local ne relevant pas de l’adminsitration pénitentiaire.
Le premier document produit dans la chronologie du placement en rétention se trouve en pièce 5 et porte sur ‘la procédure administrative séjour irréulier d’un étranger en France’ avec la mention suivante: ‘les militaires de [Localité 2] interpellent et placent en garde à vue d’une personne de sexe masculin, se disant répondre au nom de [T] [B], né le 20 juillet 2002 à [Localité 3] (Algérie) et de nationalité Algérienne pour des faits de VOL A L’ETALAGE’
Cette seule mention sur les circonstance de l’interpellation ne peuvent permettre au juge de vérifier la régularité de la procédure ayant immédiatement précédé la mesure de rétention, s’agissant ici plus précisément des conditions d’interpellation.
C’est donc à bon droit que le juge de première instance a considéré que les documents propres à établir les conditions de placement en rétention administrative n’ont pas été transmis, et constaté l’irrecevabilité de la requête préfectorale. Cette décision sera donc confirmée.
DÉCLARONS recevable l’appel dela prefecture de la Sarthe ;
CONFIRMONS l’ordonnance du tribunal judiciaire d’Orléans du 31 décembre 2024 ayant constaté l’irrecevabilité de la requête prefectorale et disant n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [B] [T];
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d’une expédition de la présente ordonnance à LA PREFECTURE DE LA SARTHE, à M. [B] [T] et son conseil, et au procureur général près la cour d’appel d’Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Ferréole DELONS, conseiller, et Axel DURAND, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Axel DURAND Ferréole DELONS
Pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 02 janvier 2025 :
LA PREFECTURE DE LA SARTHE, par courriel
M. le procureur général près la cour d’appel d’Orléans, par courriel
M. [B] [T] , copie par LRAR
Me Anne-catherine LE SQUER, par PLEX
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