L’Essentiel : M. [B] a été embauché par Transports G Gautier en 2002 et a évolué vers le poste de formateur-moniteur en 2012. Après sa démission en 2017, il a saisi la juridiction prud’homale en 2019 pour réclamer un repos compensateur en raison d’heures supplémentaires non rémunérées. L’employeur conteste cette demande, arguant que la convention collective ne fixe pas de contingent d’heures supplémentaires. Cependant, la cour a rappelé que les contingents négociés demeurent valables, confirmant ainsi le droit de M. [B] à une contrepartie pour ses heures supplémentaires, conformément à la convention collective en vigueur.
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Embauche et évolution professionnelleM. [B] a été embauché en tant que conducteur par la société Transports G Gautier le 2 avril 2002, sous un contrat de travail à durée indéterminée. La convention collective nationale des transports routiers et activités annexes du transport, datée du 21 décembre 1950, s’applique à sa relation de travail. Un avenant signé le 1er avril 2012 a permis au salarié d’accéder à la fonction de formateur-moniteur. Démission et action en justiceAprès avoir démissionné le 24 août 2017, M. [B] a saisi la juridiction prud’homale le 15 mai 2019 pour demander le paiement de la contrepartie obligatoire sous forme de repos, en raison du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires qu’il avait effectuées. Arguments de l’employeurL’employeur conteste la décision de la cour d’appel qui l’a condamné à verser une somme au salarié pour la contrepartie obligatoire liée aux heures supplémentaires. Il soutient que l’article 12 b de la convention collective ne fixe pas un contingent conventionnel d’heures supplémentaires, mais rappelle simplement les dispositions réglementaires. L’employeur argue également que l’article 12 b est devenu caduc suite à la loi n° 2008-789, qui a supprimé l’autorisation de l’inspection du travail pour les heures supplémentaires. Réponse de la CourLa cour a rappelé que l’article L. 212-6 du code du travail permet de fixer un contingent d’heures supplémentaires par convention ou accord collectif. Selon l’article 2 B de la loi n° 2003-47, les contingents conventionnels négociés avant la publication de cette loi continuent d’avoir effet pour l’ouverture du droit à repos compensateur, dans la limite du contingent réglementaire. La cour a donc conclu que le contingent d’heures supplémentaires, tel que défini par la convention collective, reste applicable même après l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789. Conclusion de la cour d’appelLa cour d’appel a jugé que le moyen de l’employeur n’était pas fondé, confirmant ainsi que le contingent d’heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateurs était toujours fixé par la convention collective, en l’absence de nouvelles dispositions. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article L. 212-6 du Code du travail concernant le contingent d’heures supplémentaires ?L’article L. 212-6 du Code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982, stipule que : « Un décret détermine un contingent annuel d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspecteur du travail et, s’ils existent, du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Un contingent d’un volume supérieur ou inférieur peut être fixé par une convention ou un accord collectif étendu. » Cet article établit donc un cadre légal pour la détermination des heures supplémentaires, en précisant que des contingents peuvent être fixés par voie réglementaire ou conventionnelle. Il est important de noter que les conventions collectives peuvent établir des contingents spécifiques, mais ceux-ci ne peuvent pas être inférieurs à ceux fixés par la réglementation. Ainsi, la convention collective applicable dans le cas présent, qui est celle des transports routiers, doit respecter ce cadre légal tout en ayant la possibilité de définir des contingents spécifiques pour ses salariés. Comment l’article 2 B de la loi n° 2003-47 impacte-t-il les droits à repos compensateur ?L’article 2 B de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 précise que : « Les contingents conventionnels d’heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l’article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d’ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article. » Cela signifie que les accords collectifs qui ont été négociés avant l’entrée en vigueur de cette loi continuent de s’appliquer et ouvrent droit à des repos compensateurs, tant qu’ils respectent le contingent réglementaire. Cette disposition vise à protéger les droits des salariés en garantissant que les accords antérieurs conservent leur validité et leur effet, même après des modifications législatives. Quelles sont les implications de la loi n° 2008-789 sur les heures supplémentaires ?L’article L. 3121-11, alinéa 1, du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, stipule que : « Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. » Cette loi a modifié le cadre des heures supplémentaires en supprimant l’obligation d’obtenir une autorisation de l’inspection du travail pour les heures effectuées au-delà du contingent. Cela signifie que les entreprises ont plus de flexibilité pour gérer les heures supplémentaires, mais cela doit toujours se faire dans le respect des accords collectifs en vigueur. Ainsi, même si l’autorisation de l’inspection du travail n’est plus nécessaire, les contingents fixés par les conventions collectives continuent de s’appliquer. Quel est le statut de l’article 12 b de la convention collective des transports routiers ?L’article 12 b) de la convention collective nationale des transports routiers et activités annexes du transport du 21 décembre 1950 dispose que : « En application de l’article L. 212-6 du code du travail, le contingent d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à : – 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs », « marchandises » et « déménagement » ; Cet article fixe des contingents spécifiques pour les heures supplémentaires, qui sont inférieurs à ceux qui peuvent être établis par la réglementation actuelle. Cependant, la cour d’appel a jugé que ces dispositions continuent de s’appliquer, même après l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789, tant qu’aucune nouvelle convention n’est adoptée. Cela signifie que les droits à repos compensateur peuvent toujours être revendiqués sur la base de ces contingents, tant qu’ils respectent les limites fixées par la loi. |
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 42 FS-B
Pourvoi n° K 23-10.060
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
La société Transports G Gautier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-10.060 contre l’arrêt rendu le 23 septembre 2022 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Transports G Gautier, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [B], et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Flores, Mme Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 23 septembre 2022), M. [B] a été embauché en qualité de conducteur par la société Transports G Gautier selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 avril 2002. La convention collective nationale des transports routiers et activités annexes du transport du 21 décembre 1950 est applicable à la relation de travail.
2. Selon avenant du 1er avril 2012, le salarié a accédé à la fonction de formateur-moniteur.
3. Ayant démissionné le 24 août 2017, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 15 mai 2019 d’une demande en paiement de la contrepartie obligatoire sous la forme de repos liée au dépassement du contingent annuel des heures supplémentaires effectuées.
Enoncé du moyen
4. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de la contrepartie obligatoire au dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires, alors :
« 1°/ que selon l’article L. 212-6 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982, »décret détermine un contingent annuel d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspecteur du travail et, s’ils existent, du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Un contingent d’un volume supérieur ou inférieur peut être fixé par une convention ou un accord collectif étendu » ; que l’article 12 b de la convention collective des transports routiers qui dispose qu’ »en application de l’article L. 212-6 du code du travail, le contingent d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspecteur du travail est fixé, par période de douze mois, à compter du 1er janvier 1983 à 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs », « marchandises » et « déménagement » et 130 heures pour les autres catégories de personnel », ne faisait que rappeler, pour le personnel sédentaire, les dispositions réglementaires alors applicables, relatives au contingent d’heures supplémentaires au-delà duquel une autorisation de l’inspection du travail est nécessaire, et n’emportait donc pas fixation d’un contingent conventionnel d’heures supplémentaires inférieur ou supérieur au contingent réglementaire ; que dès lors, en jugeant que l’article 2 b de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, venu préciser que »Les contingents conventionnels d’heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l’article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d’ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article », avait eu pour effet de conférer au contingent de 130 heures visé par l’article 12 b de la convention collective des transports routiers, l’effet d’un contingent ouvrant droit à des repos compensateurs obligatoires, pour en déduire qu’il résulte de l’article 12 b de la convention collective un contingent conventionnel d’heures supplémentaires générant des droits à repos qui déroge au contingent réglementaire qui est désormais de 220 heures en vertu de l’article D 3121-24 du code du travail, la cour d’appel a violé l’article 12 b de la convention collective des transports routiers, ensemble les articles L. 212-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982, 2 b de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 et D 3121-24 du code du travail ;
2°/ qu’en tout état de cause, une disposition conventionnelle qui n’a plus d’objet devient caduque ; que l’article 12 b de la convention collective des transports routiers qui dispose qu’ »en application de l’article L. 212-6 du code du travail, le contingent d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspecteur du travail est fixé, par période de douze mois, à compter du 1er janvier 1983 à 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs », « marchandises » et « déménagement » et 130 heures pour les autres catégories de personnel », visait le contingent d’heures supplémentaires au-delà duquel une autorisation de l’inspection du travail était nécessaire ; que la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ayant fait disparaître l’autorisation de l’inspection du travail pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, l’article 12 b de la convention collective des transports routiers est devenu caduc ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 12 b de la convention collective des transports routiers, ensemble l’article L. 212-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 16 janvier 1982. »
5. Selon l’article L. 212-6 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur antérieure à celle issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, un décret détermine un contingent annuel d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspecteur du travail et, s’ils existent, du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Un contingent d’un volume supérieur ou inférieur peut être fixé par une convention ou un accord collectif étendu.
6. Aux termes de l’article 2 B de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, les contingents conventionnels d’heures supplémentaires négociés, en application du deuxième alinéa de l’article L. 212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d’ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article.
7. Aux termes de l’article L. 3121-11, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Ces dispositions sont d’application immédiate et permettent de fixer par voie d’accord d’entreprise ou d’établissement le contingent d’heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l’accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier.
8. Aux termes de l’article 12 b) de la convention collective nationale des transports routiers et activités annexes du transport du 21 décembre 1950, en application de l’article L. 212-6 du code du travail, le contingent d’heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l’inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à : – 195 heures pour le personnel roulant « voyageurs », « marchandises » et « déménagement » ; – 130 heures pour les autres catégories de personnel.
9. C’est par une exacte application de la loi que la cour d’appel a retenu qu’en vertu de l’article 2 B de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, le contingent d’heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateurs continuait à être fixé par l’article 12 b) de la convention collective nationale des transports routiers et activités annexes du transport du 21 décembre 1950 et qu’en l’absence de nouvelles dispositions conventionnelles, le contingent restait applicable après l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
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