Contrefaçon sur Youtube : le juge français toujours compétent

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Contrefaçon sur Youtube : le juge français toujours compétent

Exposé du litige




Les faits incriminés ont été constatés en France par huissier de justice selon trois procès-verbaux respectivement dressés sur internet les 4 novembre 2016, 6 juin 2020 et 15 février 2022.



L’article 7-2 du Règlement (CE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale permet d’attraire une personne domiciliée sur le territoire de l’Union européenne devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit.



M. [G] est donc recevable à invoquer l’atteinte aux droits d’auteur qu’il allègue devant le tribunal judiciaire de Paris. Cette juridiction étant compétente pour connaître de la présente procédure engagée contre la RTVA, qui se trouve dès lors soumise aux règles de procédure applicables devant elle, l’appelante ne peut se prévaloir d’une quelconque violation du droit espagnol de par l’absence de mise en demeure et de recours administratif préalable qui ne s’imposent pas au juge français. La demande de nullité de l’assignation formée de ce chef ne peut qu’être rejetée.



L’ordonnance dont appel doit en conséquence être confirmée en ce qu’elle a débouté la RTVA de ses exceptions d’incompétence et de nullité de l’assignation.





Sur les fins de non- recevoir invoquées par la société de YouTube



La société YouTube soulève l’irrecevabilité des demandes de M. [G] à son encontre au motif qu’elle serait étrangère à l’exploitation du service en cause en France depuis le 22 janvier 2019, le site YouTube sur lequel la vidéo litigieuse a été mise en ligne relevant désormais de la seule responsabilité juridique de la société Google Ireland. Elle soutient en outre que les demandes en contrefaçon de M. [G] relatives à des faits antérieurs au 2 septembre 2016 sont irrecevables car prescrites.



M. [G] s’approprie sur ce point les motifs de l’ordonnance dont appel et soutient que la fin de non-recevoir soulevée relative au défaut de qualité à défendre de la société You Tube s’analyse en une défense au fond relevant de l’appréciation du tribunal.



En effet, en l’espèce il apparait nécessaire de renvoyer devant le tribunal la question de l’existence ou non des liens de droit respectifs ainsi que des modalités d’organisation entre la société américaine YouTube LLC et la société Google Ireland LTD à partir du 29 janvier 2019, qui selon l’intimée imposent d’interpréter les conditions générales d’utilisation du site YouTube, les conditions générales d’utilisation des services Google et la portée du «copyright» figurant sur les pages d’aide relatives au service YouTube.



L’ordonnance dont appel sera en conséquence également confirmée sur ce point.



Par ailleurs, une partie des faits incriminés est antérieure au 29 janvier 2019, période durant laquelle la société Youtube LLC ne conteste pas avoir été responsable du site sur lequel la vidéo litigieuse a été mise en ligne.



La société YouTube a donc bien qualité à défendre eu égard aux faits incriminés par M.[G].



Enfin l’assignation de M. [G] ayant été délivrée le 29 août 2021, l’action apparait prescrite pour les faits antérieurs au 29 août 2016, ce qui n’est pas contesté.





Sur les autres demandes



Les dispositions de l’ordonnance dont appel relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.


En revanche la RTVA qui succombe sera condamnés aux dépens d’appel relatifs à l’incident.

Enfin M. [G] a dû engager en cause d’appel des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





Statuant dans les limites de l’appel,



Confirme l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions.



Y ajoutant,



Déclare irrecevables les demandes de M. [G] formées à l’encontre de la société YouTube relatives à des actes de contrefaçon qui auraient été commis sur la plateforme YouTube antérieurement au 2 septembre 2016.



Condamne la Agencia Publica Empresarial de la Radio y Televisión de Andalucía (RTVA-Canal Sur) à payer à M. [G] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.



Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.



Condamne la Agencia Publica Empresarial de la Radio y Televisión de Andalucía (RTVA-Canal Sur) aux dépens d’appel relatifs à l’incident.





La Greffière La Présidente

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire concernant les droits d’auteur ?

L’affaire concerne un auteur, M. [G], qui allègue que son œuvre théâtrale, intitulée « Robot Siglo XVIII – Shakespeare après la répétition », a été captée illicitement et diffusée sur YouTube sans son autorisation. Cette œuvre, présentée lors de l’exposition universelle de Séville en 1992, met en scène un robot récitant des vers de Shakespeare. M. [G] a découvert en novembre 2016 que sa création était accessible sur la plateforme YouTube, ce qui l’a conduit à engager des poursuites devant le tribunal judiciaire de Paris. Il invoque une atteinte à ses droits d’auteur, demandant réparation pour la contrefaçon. La RTVA, un organisme public espagnol, est impliquée en tant que diffuseur de la vidéo litigieuse.

Quelle est la compétence du tribunal judiciaire de Paris dans cette affaire ?

Le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître de l’affaire en vertu de l’article 7-2 du Règlement (CE) n°1215/2012, qui stipule qu’une personne domiciliée dans l’Union européenne peut être poursuivie devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit. Dans ce cas, M. [G] a subi un dommage en France, où il réside. La RTVA ne peut pas invoquer une violation du droit espagnol, car les règles de procédure françaises s’appliquent. Ainsi, la demande de nullité de l’assignation par la RTVA a été rejetée, confirmant la compétence du tribunal français pour traiter cette affaire de contrefaçon.

Quelles sont les principales décisions prises par la cour d’appel ?

La cour d’appel a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, qui avait débouté la RTVA de ses exceptions d’incompétence et de nullité de l’assignation. Elle a également déclaré irrecevables les demandes de M. [G] à l’encontre de la société YouTube pour des actes de contrefaçon antérieurs au 2 septembre 2016, en raison de la prescription. En outre, la RTVA a été condamnée à verser à M. [G] 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel relatifs à l’incident. Ces décisions soulignent la reconnaissance des droits d’auteur de M. [G] et la responsabilité de la RTVA dans la diffusion non autorisée de son œuvre.

Quels sont les enjeux liés à la contrefaçon sur des plateformes comme YouTube ?

Les enjeux liés à la contrefaçon sur des plateformes comme YouTube sont multiples. D’une part, ils touchent à la protection des droits d’auteur, qui est essentielle pour garantir la rémunération et la reconnaissance des créateurs. D’autre part, la question de la responsabilité des plateformes de diffusion est cruciale. Les entreprises comme YouTube doivent naviguer entre la protection des droits d’auteur et la liberté d’expression, tout en respectant les lois des différents pays où elles opèrent. Cette affaire met en lumière les défis juridiques que posent les contenus numériques et la nécessité d’une régulation efficace pour protéger les créateurs tout en permettant l’accès à la culture.

Comment la cour a-t-elle traité l’exception d’incompétence soulevée par la RTVA ?

La cour a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la RTVA, qui soutenait que le tribunal judiciaire de Paris n’était pas compétent pour trancher le litige au profit de la juridiction espagnole. Elle a affirmé que, bien que la RTVA soit un organisme public espagnol, les actions en matière de droits d’auteur relèvent de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire français. La cour a également rappelé que, selon la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États, un État ne peut invoquer l’immunité de juridiction dans une procédure relative aux droits d’auteur devant un tribunal d’un autre État. Ainsi, la cour a confirmé sa compétence pour traiter les demandes de M. [G] contre la RTVA.
L’Essentiel : Un auteur peut toujours invoquer une atteinte à ses droits d’auteur devant le tribunal judiciaire de Paris, même en cas de contrefaçon sur YouTube. La juridiction est compétente pour traiter les procédures contre la RTVA, un groupe de télévision espagnol, sans que l’absence de mise en demeure ou de recours administratif préalable ne soit un obstacle. L’affaire concerne une œuvre théâtrale, « Robot Siglo XVIII – Shakespeare », captée illicitement dans une vidéo sur YouTube. L’auteur a découvert cette contrefaçon en 2016 et a engagé des poursuites pour protéger ses droits. La décision du tribunal confirme sa compétence.

Un auteur est toujours recevable à invoquer l’atteinte aux droits d’auteur qu’il allègue (contrefaçon sur Youtube) devant le tribunal judiciaire de Paris.

Cette juridiction étant compétente pour connaître de la procédure engagée contre la RTVA (groupe de télévision espagnol), qui se trouve dès lors soumise aux règles de procédure applicables devant elle, l’appelante ne peut se prévaloir d’une quelconque violation du droit espagnol de par l’absence de mise en demeure et de recours administratif préalable qui ne s’imposent pas au juge français. La demande de nullité de l’assignation formée de ce chef ne peut qu’être rejetée.

Pour rappel, l’article 7-2 du Règlement (CE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale permet d’attraire une personne domiciliée sur le territoire de l’Union européenne devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit.

En l’occurrence, l’auteur expose avoir créé une oeuvre théâtrale intitulée Robot Siglo XVIII – Shakespeare après la répétition, montrant un robot, dénommé [P] [T], récitant des vers de la pièce Henri IV de Shakespeare et vantant les vertus du vin de Xérès, au sein d’un théâtre privé de poche. Cette oeuvre a été présentée à l’occasion de l’exposition universelle de Séville de 1992.

Il indique avoir découvert en novembre 2016 que son oeuvre avait été captée illicitement dans une vidéo disponible sur la plateforme YouTube intitulée El Pabellon Tierras del Jerez en la Expo 92. L’auteur a fait valoir que cette oeuvre était coproduite par le service d’archives Memoranda en association avec YouTube, sur la chaîne de télévision Canal Sur appartenant à la RTVA- Canal Sur.

Affaire à suivre …


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D’APPEL DE PARIS







Pôle 5 – Chambre 2









ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2023



(n°134, 7 pages)









Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/16497 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CGN7E



Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 21 juillet 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°21/11106







APPELANTE



AGENCIA PUBLICA EMPRESARIAL DE LA RADIO Y TELEVISION DE ANDALUCIA (RTVA-CANAL SUR)

Administration publique personne morale de droit public espagnol, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

ESPAGNE



Représentée par Me Sandra OHANA, avocate au barreau de PARIS, toque C 1050

Assistée de Me Paul LLOBET LECA, avocat aux barreaux de PARIS et MADRID







INTIMES





M. [H] [G]

Né le 1er octobre 1947 en [Localité 3]

De nationalité française

Exerçant la profession d’artiste cybernéticien et metteur en scène

Demeurant [Adresse 1]



Représenté par Me Amaury DUFLOS DE SAINT AMAND, avocat au barreau de PARIS, toque B 1188















Société YOUTUBE LLC, société de droit américain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Adresse 4]

CA 94043

CALIFORNIE

ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE



Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 34

Assistée de Me Laure CARDINET plaidant pour HERBERT SMITH FREEHILLS [Localité 6] LLP et substituant Me Alexandra NERI, avocate au barreau de PARIS, toque J 025







COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère



Mmes [W] [R] et [U] [B] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

MmeAgnès MARCADE, Conseillère





Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT







ARRET :





Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.







Vu l’ordonnance contradictoire rendue le 21 juillet 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris qui a

– débouté la RTVA de son exception d’incompétence,

-débouté la RTVA de son exception de nullité de l’assignation,

-déclaré M. [G] recevable en ses demandes formées contre la RTVA, aucune immunité de juridiction ne pouvant lui être opposée,

– dit que la question de la titularité des droits d’auteur invoqués par M. [G] est une question de fond relevant de la compétence du tribunal,

– dit encore que la demande de mise hors de cause de la société YouTube est également un moyen de fond relevant de la compétence du tribunal,

– réservé les dépens et dit qu’ils seront joints au fond,

– condamné la RTVA à payer à M. [G] 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,



Vu l’appel interjeté les 3 et 5 octobre 2022 par l’établissement public La Agencia Publica Empresarial de la Radio y Televisión de Andalucía (ci-après la RTVA-Canal Sur ou la RTVA),



Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 décembre 2022 par la RTVA-Canal Sur, appelante, qui demande à la cour de:

– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par la RTVA,

Y faisant droit,

– infirmer l’ordonnance prononcée le 21 juillet 2022 par le juge de la mise en état,

Et, statuant à nouveau,

– déclarer le tribunal judiciaire incompétent pour trancher le litige qui lui est soumis au profit de la juridiction espagnole, et plus précisément la juridiction contentieuse-administrative espagnole de Séville,

– déclarer que l’appelante bénéficie de l’immunité de juridiction,

– renvoyer les parties devant la juridiction espagnole et plus précisément la juridiction contentieuse-administrative espagnole de Séville,

– déclarer que l’assignation de M. [G] est nulle pour les motifs évoqués, notamment, pour violation de l’ordre public faisant grief (exigence de recours administratif préalable devant l’administration espagnole) dès lors que seule la voie instituée de façon impérative par la loi espagnole permet d’engager la responsabilité de la personne publique appelante et que, à défaut de suivre la procédure, le juge français commettrait un excès de pouvoir rendant l’éventuel titre non exécutoire selon le droit espagnol,

– condamner M. [G] à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 de procédure civile, outre les entiers dépens,

– décharger la RTVA des condamnations prononcées contre elle au titre de l’article 700 (du code de procédure civile),

– dire que les dépens d’appel pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,



Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 avril 2023 par M. [H] [G], intimé, qui demande à la cour de:

– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 21 juillet 2022 en toutes ses dispositions,

– débouter la RTVA et la société YouTube de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– juger irrecevable l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la RTVA,

-débouter la société YouTube de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la RTVA à payer à M. [G] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la RTVA aux entiers dépens,



Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 avril 2023 par la société YouTube LLC, intimée, qui demande à la cour de:

– infirmer l’ordonnance du 21 juillet 2022 en ce qu’elle a débouté la société YouTube de sa fin de non-recevoir,

Et de statuer à nouveau,

– déclarer irrecevables, faute de qualité à défendre de la société YouTube, les demandes de M. [G] à son encontre à l’égard des actes de contrefaçon qui auraient été commis sur la plateforme YouTube après le 22 janvier 2019,

– déclarer irrecevables, en raison de la prescription, les demandes de M. [H] [G] à l’encontre de la société YouTube à l’égard des actes de contrefaçon qui auraient été commis sur la plateforme YouTube avant le 2 septembre 2016,

– donner acte à la société YouTube de ce qu’elle s’en remet à justice concernant la demande relative à l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris pour connaître de la présente affaire,

– donner acte à la société YouTube de ce qu’elle s’en remet à justice sur les autres demandes de la RTVA,

– condamner M. [G] à verser à la société YouTube la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens,



Vu l’ordonnance de clôture rendue le 20 avril 2023;





SUR CE, LA COUR,





Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.



Il sera simplement rappelé que M. [H] [G] se présente comme scénographe, cybernéticien et metteur en scène.

La RTVA-Canal Sur a été créée par la loi espagnole du 17 décembre 2007 et est en charge de la mission de service public de la radio et de la télévision appartenant à la Communauté autonome d’Andalousie.

M. [G] expose avoir créé une ‘uvre théâtrale intitulée Robot Siglo XVIII – Shakespeare après la répétition, montrant un robot, dénommé [P] [T], récitant des vers de la pièce Henri IV de Shakespeare et vantant les vertus du vin de Xérès, au sein d’un théâtre privé de poche. Cette ‘uvre a été présentée à l’occasion de l’exposition universelle de Séville de 1992.

Il indique avoir découvert en novembre 2016 que son ‘uvre avait été captée illicitement dans une vidéo disponible sur la plateforme YouTube intitulée El Pabellon Tierras del Jerez en la Expo 92.

Il fait valoir que cette ‘uvre était coproduite par le service d’archives Memoranda en association avec YouTube, surla chaîne de télévision Canal Sur appartenant à la RTVA- Canal Sur.

Indiquant qu’en dépit de ses demandes, cette vidéo n’a pas fait l’objet de retrait, et est toujours disponible pour le public, M. [G] a, par actes d’huissier de justice des 29 août et 2 septembre 2021, fait assigner la société YouTube LLC (ci-après la société YouTube) et RTVA- Canal Sur devant le tribunal judiciaire de Paris, afin de voir juger que l »uvre cybernétique Robot Siglo XVIII – Shakespeare après la répétition est protégée par le droit d’auteur, juger que la RTVA et la société YouTube ont commis des actes de contrefaçon en reproduisant et représentant cette ‘uvre, portant atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux d’auteur, interdire à RTVA- Canal Sur et à la société YouTube de mettre sa création à la disposition du public et les voir condamner au paiement de diverses indemnités en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon, une mesure de publication judiciaire étant enfin sollicitée.

Le 24 janvier 2022, la RTVA- Canal Sur a saisi le juge de la mise en état de concluions d’incident.



C’est dans ces circonstances qu’a été rendue l’ordonnance dont appel.



Il convient au préalable de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’est saisie que des prétentions des parties contenues dans le dispositif de leurs dernières écritures. En conséquence en l’espèce, la cour n’est saisie que d’une demande de nullité de l’assignation de M. [G] telle que figurant au dispositif des dernières écritures de la RTVA, à l’exclusion des autres demandes de nullité figurant dans les seuls motifs de ces mêmes écritures.





Sur l’exception d’incompétence



La RTVA soulève l’incompétence tant matérielle que territoriale du tribunal judiciaire de Paris pour trancher le litige au profit de la juridiction espagnole, et plus précisément de la juridiction contentieuse administrative espagnole de Séville. Elle indique être un organisme public espagnol ayant publié la vidéo litigieuse dans le cadre de sa mission de service public de radiotélévision andalouse, contribuant à un service public d’éducation du peuple andalou et que dès lors, il s’agit d’un contentieux administratif en responsabilité extracontractuelle; qu’elle bénéficie ainsi du privilège de juridiction et de l’immunité de juridiction propre à son statut et que seule la règle de droit espagnole est applicable au litige comme étant la loi où le dommage a été réalisé, l’Espagne étant le pays avec lequel le robot (sic) présente des liens les plus étroits; elle ajoute que la vidéo litigieuse est en outre exclusivement destinée au public espagnol, de sorte que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaitre du litige.



Si M. [G] conclut, aux termes du dispositif de ses dernières écritures, à l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la RTVA, force est de constater que cette irrecevabilité n’est soutenue par aucun moyen et que l’intimé ne fait que conclure au rejet de cette exception dans les motifs de ces mêmes écritures. Il fait valoir que les images litigieuses sont accessibles en France, que le dommage est subi en France et que le juge français est en conséquence compétent pour connaitre de ses demandes. Il ajoute qu’il est de nationalité française et réside en permanence à Paris où se trouve le centre de ses intérêts et de son activité, qu’il est donc pleinement recevable à invoquer devant le tribunal judiciaire de Paris l’atteinte à ses droits d’auteur en application de l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle, qu’en vertu de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004, un Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre Etat dans une procédure se rapportant à des droits d’auteur, et qu’en l’espèce, la RTVA possède une personnalité autonome par rapport à l’Etat espagnol ainsi qu’un patrimoine distinct, enfin que les actes incriminés ne peuvent être assimilés à un acte d’autorité ou de puissance publique.



La société YouTube s’en rapporte à justice quant à l’exception d’incompétence soulevée par la RTVA.



Il résulte de l’article 14 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens du 2 décembre 2004 qu’un Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre Etat, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant notamment à un droit d’auteur qui bénéficie d’une protection juridique dans l’Etat du for. La télévision de la communauté autonome andalouse est en tout état de cause selon ses propres écritures, un organisme public qui ne se confond pas avec l’Etat espagnol.



En l’espèce, M. [G] fait grief à la RTVA d’avoir diffusé une captation illicite et déformée de son ‘uvre au sein d’une vidéo intitulée « El Pabellón Tierras del Jerez en la Expo 92 » coproduite par le service d’archive Memoranda et la société YouTube, sur la chaîne de télévision Canal Sur appartenant à la RTVA. Ses demandes sont en conséquence fondées sur la violation du droit d’auteur qu’il invoque.



Or selon le premier alinéa de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, «Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire».



Dès lors, et bien que la RTVA soit un organisme public espagnol, les litiges nés des actions dirigées contre elle au titre du droit d’auteur relèvent de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire.

Exposé du litige




Les faits incriminés ont été constatés en France par huissier de justice selon trois procès-verbaux respectivement dressés sur internet les 4 novembre 2016, 6 juin 2020 et 15 février 2022.



L’article 7-2 du Règlement (CE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale permet d’attraire une personne domiciliée sur le territoire de l’Union européenne devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit.



M. [G] est donc recevable à invoquer l’atteinte aux droits d’auteur qu’il allègue devant le tribunal judiciaire de Paris. Cette juridiction étant compétente pour connaître de la présente procédure engagée contre la RTVA, qui se trouve dès lors soumise aux règles de procédure applicables devant elle, l’appelante ne peut se prévaloir d’une quelconque violation du droit espagnol de par l’absence de mise en demeure et de recours administratif préalable qui ne s’imposent pas au juge français. La demande de nullité de l’assignation formée de ce chef ne peut qu’être rejetée.



L’ordonnance dont appel doit en conséquence être confirmée en ce qu’elle a débouté la RTVA de ses exceptions d’incompétence et de nullité de l’assignation.





Sur les fins de non- recevoir invoquées par la société de YouTube



La société YouTube soulève l’irrecevabilité des demandes de M. [G] à son encontre au motif qu’elle serait étrangère à l’exploitation du service en cause en France depuis le 22 janvier 2019, le site YouTube sur lequel la vidéo litigieuse a été mise en ligne relevant désormais de la seule responsabilité juridique de la société Google Ireland. Elle soutient en outre que les demandes en contrefaçon de M. [G] relatives à des faits antérieurs au 2 septembre 2016 sont irrecevables car prescrites.



M. [G] s’approprie sur ce point les motifs de l’ordonnance dont appel et soutient que la fin de non-recevoir soulevée relative au défaut de qualité à défendre de la société You Tube s’analyse en une défense au fond relevant de l’appréciation du tribunal.



En effet, en l’espèce il apparait nécessaire de renvoyer devant le tribunal la question de l’existence ou non des liens de droit respectifs ainsi que des modalités d’organisation entre la société américaine YouTube LLC et la société Google Ireland LTD à partir du 29 janvier 2019, qui selon l’intimée imposent d’interpréter les conditions générales d’utilisation du site YouTube, les conditions générales d’utilisation des services Google et la portée du «copyright» figurant sur les pages d’aide relatives au service YouTube.



L’ordonnance dont appel sera en conséquence également confirmée sur ce point.



Par ailleurs, une partie des faits incriminés est antérieure au 29 janvier 2019, période durant laquelle la société Youtube LLC ne conteste pas avoir été responsable du site sur lequel la vidéo litigieuse a été mise en ligne.



La société YouTube a donc bien qualité à défendre eu égard aux faits incriminés par M.[G].



Enfin l’assignation de M. [G] ayant été délivrée le 29 août 2021, l’action apparait prescrite pour les faits antérieurs au 29 août 2016, ce qui n’est pas contesté.





Sur les autres demandes



Les dispositions de l’ordonnance dont appel relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.


En revanche la RTVA qui succombe sera condamnés aux dépens d’appel relatifs à l’incident.

Enfin M. [G] a dû engager en cause d’appel des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





Statuant dans les limites de l’appel,



Confirme l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions.



Y ajoutant,



Déclare irrecevables les demandes de M. [G] formées à l’encontre de la société YouTube relatives à des actes de contrefaçon qui auraient été commis sur la plateforme YouTube antérieurement au 2 septembre 2016.



Condamne la Agencia Publica Empresarial de la Radio y Televisión de Andalucía (RTVA-Canal Sur) à payer à M. [G] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.



Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.



Condamne la Agencia Publica Empresarial de la Radio y Televisión de Andalucía (RTVA-Canal Sur) aux dépens d’appel relatifs à l’incident.





La Greffière La Présidente

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire concernant les droits d’auteur ?

L’affaire concerne un auteur, M. [G], qui allègue que son œuvre théâtrale, intitulée « Robot Siglo XVIII – Shakespeare après la répétition », a été captée illicitement et diffusée sur YouTube sans son autorisation. Cette œuvre, présentée lors de l’exposition universelle de Séville en 1992, met en scène un robot récitant des vers de Shakespeare. M. [G] a découvert en novembre 2016 que sa création était accessible sur la plateforme YouTube, ce qui l’a conduit à engager des poursuites devant le tribunal judiciaire de Paris. Il invoque une atteinte à ses droits d’auteur, demandant réparation pour la contrefaçon. La RTVA, un organisme public espagnol, est impliquée en tant que diffuseur de la vidéo litigieuse.

Quelle est la compétence du tribunal judiciaire de Paris dans cette affaire ?

Le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître de l’affaire en vertu de l’article 7-2 du Règlement (CE) n°1215/2012, qui stipule qu’une personne domiciliée dans l’Union européenne peut être poursuivie devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit. Dans ce cas, M. [G] a subi un dommage en France, où il réside. La RTVA ne peut pas invoquer une violation du droit espagnol, car les règles de procédure françaises s’appliquent. Ainsi, la demande de nullité de l’assignation par la RTVA a été rejetée, confirmant la compétence du tribunal français pour traiter cette affaire de contrefaçon.

Quelles sont les principales décisions prises par la cour d’appel ?

La cour d’appel a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, qui avait débouté la RTVA de ses exceptions d’incompétence et de nullité de l’assignation. Elle a également déclaré irrecevables les demandes de M. [G] à l’encontre de la société YouTube pour des actes de contrefaçon antérieurs au 2 septembre 2016, en raison de la prescription. En outre, la RTVA a été condamnée à verser à M. [G] 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel relatifs à l’incident. Ces décisions soulignent la reconnaissance des droits d’auteur de M. [G] et la responsabilité de la RTVA dans la diffusion non autorisée de son œuvre.

Quels sont les enjeux liés à la contrefaçon sur des plateformes comme YouTube ?

Les enjeux liés à la contrefaçon sur des plateformes comme YouTube sont multiples. D’une part, ils touchent à la protection des droits d’auteur, qui est essentielle pour garantir la rémunération et la reconnaissance des créateurs. D’autre part, la question de la responsabilité des plateformes de diffusion est cruciale. Les entreprises comme YouTube doivent naviguer entre la protection des droits d’auteur et la liberté d’expression, tout en respectant les lois des différents pays où elles opèrent. Cette affaire met en lumière les défis juridiques que posent les contenus numériques et la nécessité d’une régulation efficace pour protéger les créateurs tout en permettant l’accès à la culture.

Comment la cour a-t-elle traité l’exception d’incompétence soulevée par la RTVA ?

La cour a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la RTVA, qui soutenait que le tribunal judiciaire de Paris n’était pas compétent pour trancher le litige au profit de la juridiction espagnole. Elle a affirmé que, bien que la RTVA soit un organisme public espagnol, les actions en matière de droits d’auteur relèvent de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire français. La cour a également rappelé que, selon la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États, un État ne peut invoquer l’immunité de juridiction dans une procédure relative aux droits d’auteur devant un tribunal d’un autre État. Ainsi, la cour a confirmé sa compétence pour traiter les demandes de M. [G] contre la RTVA.

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