Contrefaçon de roman : la charge de la preuve

·

·

Contrefaçon de roman : la charge de la preuve

L’Essentiel : Dans l’affaire opposant Mme [C] [S] à Mme [D] [V] et aux éditions l’Iconoclaste, Mme [C] [S] a allégué que le roman « La vraie vie » constituait une contrefaçon de ses écrits. Après une mise en demeure infructueuse, elle a assigné les parties en justice pour contrefaçon de droit d’auteur. Le tribunal a confirmé que Mme [C] [S] bénéficiait de la présomption de titularité des droits d’auteur, mais a rejeté ses demandes de contrefaçon, considérant qu’elle n’avait pas prouvé l’originalité de ses œuvres. L’appel de Mme [C] [S] a également été débouté, et les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ont été rejetées.

Considérant que le roman « La vraie vie » constituait une contrefaçon de ses propres écrits, Mme [C] [S] a, par lettre du 20 mai 2019, vainement mis en demeure les éditions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] d’avoir à réparer les préjudices patrimonial et moral dont elle se disait victime. C’est dans ce contexte qu’elle a alors fait assigner Mme [D] [V], la société l’Iconoclaste, la société Cinenovo et la société Sailor Films par actes en date du 20 mai 2019 en contrefaçon de droit d’auteur.

——————

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 03 FEVRIER 2023

(n°22, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/07452 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDQKX

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 février 2021 – Tribunal Judiciaire de Paris – 3ème chambre 2ème section – RG n°20/00410

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

Mme [C] [S]

Née le 3 mai 1986 à [Localité 6]

Exerçant la profession d’auteur et de journaliste

Demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque P 240

Assistée de Me Thibaud LELONG plaidant pour la SELAS FIDAL et substituant Me Laurence DREYFUSS-BECHMANN, avocate au barreau de STRASBOURG, case 174

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.R.L. LES EDITIONS DE L’ICONOCLASTE, prise en la personne de sa gérante, Mme [B] [P], domiciliée en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 3]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 431 315 571

Mme [D] [V]

Née le 12 octobre 1982

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentées par Me Vincent TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS, toque A 859

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes Laurence LEHMANN et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 12 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris.

Vu l’appel interjeté le 16 avril 2021 par Mme [C] [S].

Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 10 février 2022 constatant le désistement partiel de Mme [C] [S], l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour à l’égard des sociétés Cinenovo et Sailor Films.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 octobre 2022 par Mme [C] [S], appelante.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 31 octobre 2022 par Mme [D] [V] et la société Les Editions de l’Iconoclaste, intimées et appelantes incidentes.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 03 novembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Mme [C] [S] se présente comme journaliste et auteure notamment de la nouvelle «Premières Lignes» primée d’une mention spéciale du jury au Festival des Ecrivains de [Localité 4] en 2013 et indique avoir publié plusieurs écrits sur un blog littéraire dépeignant son quotidien et la violence de son environnement familial.

Elle expose avoir, courant 2017, soumis divers textes à la société d’édition l’Iconoclaste en la personne de Mme [E] [O].

Mme [D] [V] se présente comme une auteure belge connue.

La société Les Editions de l’Iconoclaste (ci-après l’Iconoclaste) est une maison d’édition indépendante créée en 1997 à [Localité 5]. Elle a édité sous la direction de Mme [E] [O], le roman « La Vraie vie » le 29 août 2018, dont Mme [D] [V] se présente comme l’auteure, et qui a notamment remporté le Prix du roman FNAC, le Renaudot des lycéens, le Prix des lectrices du magazine ELLE et le prix Victor-Rossel. Cet ouvrage est présenté comme le « Goncourt belge ».

Ce roman fait l’objet d’un projet d’adaptation cinématographique et/ou théâtrale par la réalisatrice [K] [R], produite par les sociétés Cinenovo et Sailor Films. Ces deux dernières sociétés exercent une activité de production cinématographique.

Considérant que le roman « La vraie vie » constituait une contrefaçon de ses propres écrits, Mme [C] [S] a, par lettre du 20 mai 2019, vainement mis en demeure les éditions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] d’avoir à réparer les préjudices patrimonial et moral dont elle se disait victime.

C’est dans ce contexte qu’elle a alors fait assigner Mme [D] [V], la société l’Iconoclaste, la société Cinenovo et la société Sailor Films par actes en date du 20 mai 2019 en contrefaçon de droit d’auteur.

Par jugement dont appel le tribunal a’:

– dit que [C] [S] bénéficie de la présomption de titularité des droits d’auteur qu’elle invoque’;

– dit que les récits et nouvelles produits aux débats par [C] [S] bénéficient de la protection par le droit d’auteur ;

– rejeté les demandes formées par [C] [S] au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;

– rejeté la demande formée au titre de la procédure abusive ;

– condamné [C] [S] à payer à [D] [V] et à la société Les Editions de l’Iconoclaste une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné [C] [S] aux dépens qui seront recouvrés par Me Toledano conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile’;

– dit n’y avoir lieu d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire.

Mme [C] [S] a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions demande à la cour de’:

Sur l’appel principal :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris (n°RG 20/00410) le 12 février 2021, mais seulement en ce qu’il a :

– rejeté les demandes formées par [C] [S] au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;

– condamné [C] [S] à payer à [D] [V] et à la société Les Editions de l’Iconoclaste une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné [C] [S] aux dépens qui seront recouvrés par Maître Toledano conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– dire que le roman La Vraie Vie, écrit par Mme [D] [V] et édité par les Editions l’Iconoclaste constitue une contrefaçon de son ‘uvre’;

En conséquence :

– ordonner aux Editions l’Iconoclaste de communiquer l’ensemble des contrats conclus en France et à l’étranger ayant trait au roman La Vraie Vie, et notamment la copie du contrat conclu avec les producteurs cinématographiques de l’adaptation du roman La Vraie Vie ;

– ordonner aux Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] de communiquer l’ensemble des relevés de comptes, certifiés conformes et sincères par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, ayant trait au roman La Vraie Vie, et notamment les relevés de comptes correspondant à l’ensemble des revenus et droits d’auteur perçus pour l’exploitation du roman La Vraie Vie, en France et à l’étranger ;

– accompagner ladite injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter d’un délai de 15 jours suivant la signification de la décision ;

– condamner les Editions l’Iconoclaste à lui verser 30% des revenus nets dégagés et perçus par les Editions l’Iconoclaste pour l’exploitation du roman La Vraie Vie ;

– condamner Mme [D] [V] à lui verser 50% des droits d’auteur perçus par Mme [D] [V] pour les ventes du roman La Vraie Vie au titre du préjudice matériel subi pour le passé, le présent et l’avenir ;

– condamner la société Editions l’Iconoclaste à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de provision, en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner Mme [D] [V] à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de provision, en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner in solidum les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi ;

– surseoir à statuer sur la liquidation définitive du préjudice subi par elle et ordonner le renvoi de l’affaire à une audience de mise en état pour s’assurer de la communication des documents et informations précités ;

– lui réserver le droit de parfaire et actualiser sa demande en réparation au vu des documents et informations communiqués et des faits commis jusqu’à la date de la décision à intervenir ;

– ordonner aux Editions l’Iconoclaste et à Mme [D] [V] d’inscrire sur les publications futures de l »uvre La Vraie Vie la mention : « D’après une ‘uvre originale de [C] [S] » ;

– créditer Mme. [C] [S] dans le film constituant l’adaptation cinématographique du roman La Vraie Vie ;

– créditer Mme. [C] [S] dans la pièce de théâtre constituant l’adaptation théâtrale du roman La Vraie Vie ;

A titre subsidiaire :

– dire que le roman La Vraie Vie constitue une ‘uvre de collaboration à laquelle elle a collaboré en tant que co-auteur’;

En conséquence :

– ordonner aux Editions l’Iconoclaste de communiquer l’ensemble des contrats conclus en France et à l’étranger ayant trait au roman La Vraie Vie, et notamment la copie du contrat conclu avec les producteurs cinématographiques de l’adaptation du roman La Vraie Vie ;

– ordonner aux Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] de communiquer l’ensemble des relevés de comptes, certifiés conformes et sincères par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, ayant trait au roman La Vraie Vie, et notamment les relevés de comptes correspondant à l’ensemble des revenus et droits d’auteur perçus pour l’exploitation du roman La Vraie Vie, en France et à l’étranger ;

– accompagner ladite injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter d’un délai de 15 jours suivant la signification de la décision ;

– condamner les Editions l’Iconoclaste à lui verser 30% des revenus nets dégagés et perçus par les Editions l’Iconoclaste pour l’exploitation du roman La Vraie Vie ;

– condamner Mme [D] [V] à lui verser 50% des droits d’auteur perçus par Mme. [D] [V] pour les ventes du roman La Vraie Vie au titre du préjudice matériel subi pour le passé, le présent et l’avenir ;

– condamner la société Editions l’Iconoclaste à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de provision, en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner Mme [D] [V] à lui verser la somme de 100 000 euros, à titre de provision, en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner in solidum les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi ;

– surseoir à statuer sur la liquidation définitive du préjudice subi par Mme. [C] [S] et ordonner le renvoi de l’affaire à une audience de mise en état pour s’assurer de la communication des documents et informations précités ;

– lui réserver le droit de parfaire et actualiser sa demande en réparation au vu des documents et informations communiqués et des faits commis jusqu’à la date de la décision à intervenir ;

– ordonner aux Editions l’Iconoclaste et à Mme [D] [V] d’inscrire sur les publications futures de l »uvre La Vraie Vie la mention : « D’après une ‘uvre originale de [C] [S] » ;

– créditer Mme [C] [S] dans le film constituant l’adaptation cinématographique du roman La Vraie Vie ;

– créditer Mme [C] [S] dans la pièce de théâtre constituant l’adaptation théâtrale du roman La Vraie Vie ;

A titre très subsidiaire :

– dire que le comportement déloyal de la société Editions l’Iconoclaste et de Mme [D] [V] constitue une faute engageant leur responsabilité en application des articles 1240 et 1241 du code civil.

En conséquence :

– condamner la société Editions l’Iconoclaste à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner Mme [D] [V] à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel subi ;

– condamner in solidum les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi ;

Sur l’appel incident :

– déclarer la société les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] mal fondées en leur appel incident,

En conséquence, le rejeter ;

– débouter la société les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :

– débouter la société les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner in solidum la société les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société les Editions l’Iconoclaste et Mme [D] [V], aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Dans leurs dernières conclusions, Mme [D] [V] et la société les Editions l’Iconoclaste, intimées, demandent à la cour de’:

– prononcer l’irrecevabilité des demandes nouvelles et tardives ;

– débouter [C] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon et condamné [C] [S] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance ;

– infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant de nouveau :

– condamner [C] [S] à leur verser la somme de 15 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamner [C] [S] à leur verser la somme de 6 000 euros chacune par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner [C] [S] aux entiers dépens d’appel dont distraction.

Par ordonnance en date du 10 février 2022, le conseiller de la mise en état a constaté en suite du désistement partiel de Mme [C] [S], l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour à l’égard des sociétés Cinenovo et Sailor Films.

– Sur l’individualisation et l’originalité de l »uvre invoquée par Mme [S] au titre du droit d’auteur

Il résulte des dispositions des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Mme [V] et la société L’Iconoclaste critiquent le jugement déféré en ce qu’il a considéré que les récits et nouvelles produits aux débats par [C] [S] bénéficient de la protection par le droit d’auteur. Elles sollicitent néanmoins la confirmation de la décision rendue par les premiers juges en ce qu’elle rejette les demandes de Mme [S] au titre de la contrefaçon du droit d’auteur.

Elles opposent à Mme [S] de ne pas rapporter la preuve d’une création déterminée à une date certaine et de ne pas caractériser l’originalité de cette création.

Il revient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.

Dans ses écritures Mme [S] évoque les «’récits’» dont elle est l’auteur qui «’comportent des éléments caractéristiques et originaux qui proviennent de son vécu mais aussi de ses influences littéraires et de ses fascinations pour les éléments naturels, leur influence sur les hommes, le corps, la mort ou encore les sentiments forts’».

Selon elle, le roman «’La Vraie Vie’» dont Mme [V] est l’auteur et la société L’Iconoclaste l’éditeur, n’est que la reprise des éléments caractéristiques et originaux de ses «’récits’». Elle ajoute que cette contrefaçon a été organisée par la société éditrice elle-même en la personne de Mme [E] [O] qui lui avait demandé au mois d’octobre 2017 de lui adresser chaque jour un écrit ce jusqu’au mois de décembre suivant, fournissant à l’éditeur toute la matière du roman.

Elle fournit au débat des copies de divers courriels échangés avec Mme [O] (pièces n° 2, 2-1, 3, 4, 4-1, 4-2, 5, 6, 8, 9, 9-1), un procès-verbal de constat (pièce 14) dressé le 6 mai 2019 par huissier de justice, et en pièce 52, un document intitulé «’tableau comparatif des éléments du roman La Vraie Vie’repris des écrits de [C] [S]’» (non daté).

Le procès-verbal précité constate sur l’adresse e-mail de Mme [S] les échanges de courriels entre Mme [S] et Mme [O] des 5, 10, 25 et 30 octobre, 6, 8, 15, 21, 24 et 27 novembre, 1er décembre 2017, 9 avril, 20 et 15 et 21mai 2018, ainsi que les pièces jointes à ces échanges qui sont annexées au procès-verbal.

L’huissier instrumentaire se connecte également sur l’espace personnel de Mme [S] du site wordpress.com, sur lequel il clique sur le lien «’Articles’» et capture la page visible à l’écran qui comporte une liste d’articles dont seuls les titres sont visibles.

L’huissier de justice constate aussi sur le site Facebook.com la présence du lien «’Et maman est en train de mourir ‘ Accueil Facebook’» et, après avoir cliqué sur le lien, fait défiler la page jusqu’au 29 novembre 2015 et capture la page visible à l’écran.

Enfin, l’huissier instrumentaire recherche sur le site Google l’expression «’premieres lignes geraldine pigault fuveau’» puis clique sur le lien «’concours des nouvelles 2013 ‘ les écrivains en provence’», est dirigé vers une page «’concours de nouvelles 2013’» et capture celle-ci où figure un document intitulé «’premières lignes de [C] [S]’» avec la précision qu’il s’agit de la «’mention spéciale du jury’».

Le tableau comparatif précité (pièce 52) mentionne dans les deux colonnes de gauche les passages de l’ouvrage La Vraie Vie (première colonne) et les références aux pages du livre (deuxième colonne) et, dans les deux colonnes de droite dudit tableau, «’l’élément dans les écrits de [C] [S]’» et leur origine par référence à la seule date du «’post’» tel «’post 21/10/2015’».

Ainsi que le relèvent pertinemment Mme [V] et la société L’Iconoclaste, ces éléments ne sont pas suffisants pour déterminer la ou les ‘uvres sur lesquelles Mme [S] se fonde au titre de la contrefaçon du droit d’auteur, celle-ci ne pouvant se contenter de soutenir que le roman «’La Vraie Vie’» n’est que la reprise des éléments caractéristiques et originaux de ses «’récits’», sans plus de précision sur les «’récits’» en cause. Les très nombreux éléments communiqués au débat par l’appelante notamment constatés par l’huissier de justice dans son procès-verbal et ci-dessus rappelés, ne permettent pas à la cour d’identifier les «’récits’» argués de contrefaçon, comme le tableau comparatif qui se contente de citer des extraits et de viser les «’post’» sans plus de précision, aucune référence au procès-verbal de constat ou à une autre pièce communiquée n’étant précisée.

De même, il ne peut pas plus être déduit des échanges de courriels entre Mme [S] et Mme [O] de la société L’Iconoclaste constatés par l’huissier instrumentaire, que le roman La Vraie Vie est la reprise des «’récits’» dont elle serait l’auteur, ce quel que soit l’interventionnisme, dénoncé par Mme [S], de Mme [O] auprès des auteurs dans l’écriture de leur ‘uvre, ou les contradictions que Mme [S] prétend relever de la part de Mme [V] lors d’entretiens avec la presse s’agissant de l’origine du roman «’La Vraie Vie’».

Si, comme le soutient Mme [S], le juge doit rechercher «’si par leur composition ou leur expression, les scènes et les dialogues qui décrivent et mettent en ‘uvre des rapports comparables entre les personnages en présence, ne comportent pas des ressemblances telles que, dans le second roman, ces épisodes constituent des reproductions ou des adaptations de ceux du premier dont elles sont la reprise’», encore faut-il que la ou les ‘uvres premières soient clairement identifiées ce qui n’est pas le cas en l’espèce, Mme [S] se contentant dans son tableau à reprendre des extraits de textes dont elle serait l’auteur, sans qu’il soit possible à la cour d’identifier les textes argués de contrefaçon et partant, d’apprécier l’originalité de ceux-ci, contestée en défense, l’appelante ne pouvant se contenter d’affirmer que les «’récits’» dont elle est l’auteur sont originaux car autobiographiques et inspirés des diverses influences dont elle a été l’objet.

Il résulte de ce qui précède que Mme [S] échoue à définir et à expliciter les contours de l’originalité des «’récits’» qu’elle allègue au titre de la contrefaçon de droit d’auteur et sera en conséquence déboutée de ses demandes à ce titre.

Le jugement est en conséquence, pour ces motifs, confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [S] au titre de la contrefaçon de droit d’auteur.

– Sur les demandes de Mme [S] au titre de l »uvre de collaboration et au titre de la responsabilité délictuelle des articles 1240 et 1241 du code civil

A titre subsidiaire, Mme [S] sollicite de la cour de dire que le roman La Vraie Vie constitue une ‘uvre de collaboration à laquelle elle a participé en tant que co-auteur et, à titre très subsidiaire, de dire que le comportement déloyal de la société L’Iconoclaste et de Mme [V] constitue une faute engageant leur responsabilité civile en application des articles 1240 et 1241 du code civil.

La société L’Iconoclaste et Mme [V] lui opposent une fin de non’recevoir considérant qu’il s’agit de demandes nouvelles non présentées en première instance ni dans les premières conclusions d’appel.

Selon les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, «’A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’»

L’article 910-4, du même code prévoit que’:’«’A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’»

La cour constate, ce qui n’est pas discuté par l’appelante, que devant les premiers juges aucune prétention au titre de l »uvre de collaboration et d’un droit d’auteur relatif au roman «’La Vraie Vie’» ou de la responsabilité fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil n’a été formée. De même, ces demandes ne figurent pas plus dans les premières conclusions d’appel de Mme [S] signifiées le 15 juillet 2021.

Ces prétentions qui tendent non plus à sanctionner l’atteinte portée à un droit privatif tel la contrefaçon de droit d’auteur, mais à voir reconnaître, d’une part, la qualité de co-auteur de Mme [S] de l’ouvrage «’La Vraie Vie’» ou, d’autre part, sanctionner des agissements déloyaux de la part de Mme [V] et de la société L’Iconoclaste susceptibles d’engager leur responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil, ne sont pas des moyens nouveaux, comme le soutient à tort Mme [S], mais des prétentions nouvelles sur le fond.

Ces prétentions qui n’étaient pas présentées dans les premières conclusions d’appel de Mme [S] et qui ne sont pas destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, doivent donc être déclarées irrecevables.

– Sur la demande de Mme [V] et de la société L’Iconoclaste au titre de la procédure abusive

Les appelantes incidentes sollicitent l’infirmation de la décision entreprise qui a rejeté leur demande indemnitaire fondée sur l’action abusive de Mme [S] considérant que celle-ci a agi de mauvaise foi caractérisée par l’inanité de ses moyens au regard de l’outrance de ses demandes exorbitantes, la fabrication de citations inexistantes dont elle prétend qu’elles figureraient dans ses propres écrits ou dans l’ouvrage argué de contrefaçon, ou la tentative d’obtenir du journal L’Express qu’il dénonce les actes de contrefaçon.

Néanmoins, le fait d’exercer une action en justice ne constitue pas une faute, sauf s’il dégénère en abus. En l’espèce, aucun des moyens développés par la société L’Iconoclaste et Mme [V] ne caractérise une telle faute, Mme [S] ayant pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits, la mention de quelques passages erronés parmi cent pages de citations n’étant pas suffisante à caractériser une intention malveillante de la part de Mme [S] à l’égard des intimées, comme sa vaine démarche pour obtenir d’un magazine reconnu la publication d’un article dénonçant la contrefaçon dont elle était convaincue.

En conséquence, la société L’Iconoclaste et Mme [V] seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

– Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, Mme [S] est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société L’Iconoclaste et à Mme [V], en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 2.500 euros, à chacune.

PAR CES MOTIFS

 

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [C] [S] au titre de la contrefaçon du droit d’auteur, rejeté la demande formée au titre de la procédure abusive, condamné Mme [C] [S] aux dépens de première instance et à verser à Mme [D] [V] et à la société Les Editions de l’Iconoclaste la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Y ajoutant,

Dit irrecevables les demandes de Mme [C] [S] au titre de l »uvre de collaboration et de la responsabilité délictuelle’;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [C] [S] à payer la société Les Editions de l’Iconoclaste et à Mme [V] la somme complémentaire de 2.500 euros, à chacune, soit la somme totale de 5.000 euros,

Condamne Mme [C] [S] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire entre Mme [C] [S] et les éditions l’Iconoclaste ?

L’affaire entre Mme [C] [S] et les éditions l’Iconoclaste découle d’une accusation de contrefaçon de droit d’auteur. Mme [C] [S], qui se présente comme auteure et journaliste, a affirmé que le roman « La vraie vie », écrit par Mme [D] [V] et publié par l’Iconoclaste, était une contrefaçon de ses propres écrits.

Elle a tenté de résoudre le problème à l’amiable en adressant une mise en demeure aux éditions l’Iconoclaste et à Mme [D] [V] le 20 mai 2019, mais sans succès.

Face à cette situation, elle a décidé d’intenter une action en justice, assignant plusieurs parties, dont Mme [D] [V] et l’Iconoclaste, pour contrefaçon de droit d’auteur.

Cette démarche a été motivée par des préjudices patrimoniaux et moraux qu’elle prétendait avoir subis en raison de la publication du roman.

Quelles ont été les décisions du tribunal judiciaire de Paris concernant cette affaire ?

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement le 12 février 2021, qui a statué sur plusieurs points importants. Tout d’abord, il a reconnu que Mme [C] [S] bénéficiait de la présomption de titularité des droits d’auteur qu’elle invoquait.

Cependant, le tribunal a également rejeté les demandes de Mme [C] [S] concernant la contrefaçon de droits d’auteur, ainsi que sa demande de procédure abusive.

En outre, Mme [C] [S] a été condamnée à verser une somme de 5 000 euros à Mme [D] [V] et à l’Iconoclaste, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Le jugement a donc été en grande partie défavorable à Mme [C] [S], qui a ensuite décidé de faire appel de cette décision.

Quels sont les principaux arguments de Mme [C] [S] dans son appel ?

Dans son appel, Mme [C] [S] a formulé plusieurs demandes. Elle a demandé à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, et d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris, notamment en ce qui concerne le rejet de ses demandes de contrefaçon de droits d’auteur.

Elle a également contesté la condamnation à payer 5 000 euros et les dépens, demandant une réévaluation de ces décisions.

Mme [C] [S] a soutenu que le roman « La vraie vie » était une contrefaçon de ses œuvres, et a demandé des mesures spécifiques, telles que la communication de contrats et de relevés de comptes liés à l’exploitation du roman.

Elle a également demandé des compensations financières pour le préjudice matériel et moral qu’elle prétendait avoir subi.

Quelles ont été les conclusions de la cour d’appel de Paris ?

La cour d’appel de Paris a rendu son arrêt le 3 février 2023, confirmant en grande partie le jugement du tribunal judiciaire de Paris. Elle a rejeté les demandes de Mme [C] [S] au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, considérant qu’elle n’avait pas réussi à prouver l’originalité de ses écrits.

La cour a également déclaré irrecevables les demandes de Mme [C] [S] concernant l’œuvre de collaboration et la responsabilité délictuelle, estimant qu’il s’agissait de prétentions nouvelles non présentées en première instance.

En ce qui concerne les demandes de Mme [D] [V] et de l’Iconoclaste pour procédure abusive, la cour a également rejeté ces demandes, considérant que Mme [C] [S] avait agi de bonne foi en exerçant son droit d’action.

Enfin, Mme [C] [S] a été condamnée à payer des frais d’appel, confirmant ainsi la décision initiale du tribunal.

Quels éléments ont été pris en compte pour évaluer l’originalité des œuvres de Mme [C] [S] ?

Pour évaluer l’originalité des œuvres de Mme [C] [S], la cour a examiné plusieurs éléments. Selon le code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif sur celle-ci, ce qui inclut des attributs intellectuels, moraux et patrimoniaux.

Cependant, la cour a noté que Mme [C] [S] n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir l’originalité de ses récits.

Elle a mentionné que les éléments présentés par Mme [C] [S], tels que des courriels échangés avec l’éditeur et un tableau comparatif, ne permettaient pas d’identifier clairement les œuvres en question.

La cour a également souligné que Mme [C] [S] devait expliciter les contours de l’originalité de ses récits, ce qu’elle n’a pas réussi à faire.

Ainsi, l’absence de preuves concrètes et la difficulté à établir un lien direct entre ses écrits et le roman « La vraie vie » ont conduit à la confirmation du rejet de ses demandes.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon