L’Essentiel : Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné aux fournisseurs d’accès à internet, dont Bouygues Telecom et Orange, de bloquer l’accès à plusieurs sites jugés contrefaisants, tels que UQLOAD et VUDEO. Ces sites, accessibles via de nouveaux noms de domaine, continuent de proposer des œuvres protégées sans autorisation. La décision, fondée sur l’ARCEPicle L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, vise à protéger les droits d’auteur tout en respectant les libertés fondamentales. Les mesures de blocage doivent être mises en œuvre dans un délai de 15 jours, et les fournisseurs d’accès doivent informer les plaignants des actions entreprises.
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Mettre en place des redirections vers de nouveaux noms de domaine pour contourner une précédente mesure de blocage est sanctionné par l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle.
En la cause, les constats produits établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent toujours aux internautes, via les nouveaux chemins d’accès, de télécharger ou d’accéder en continu à des œuvres protégées à partir de liens hypertextes sans avoir l’autorisation des titulaires de droits, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. La mise en œuvre de moyens de contournements de mesures de blocage de sites jugés structurellement contrefaisants peut en outre être regardée comme un trouble manifestement illicite. En la cause, le site « UQLOAD » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des oeuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire de sociétés de gestion collective pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine “ uqload.to”. Pour rappel, il résulte de l’article L. 336-2 du même code qu’”En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée. La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins. L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin”. Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”). La CJUE a dit pour droit dans l’arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu’ainsi qu’il découle des points 62 à 68 de l’arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux : Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu’il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d’auteur, d’assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures. Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d’auteur, et celle de la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l’article 16 de la charte. (…) La réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. » Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part. La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la « substance même du droit à la liberté d’entreprendre » des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre. Résumé de l’affaireLes Fédération Nationale des Editeurs de Films, le Syndicat de l’Edition Vidéo Numérique, l’Association des Producteurs Indépendants, l’Union des Producteurs de Cinéma et le Syndicat des Producteurs Indépendants ont constaté que certains sites web mettaient à disposition du public de nombreuses œuvres protégées sans autorisation. Ils ont donc assigné les opérateurs de communications électroniques Bouygues Telecom, Free, SFR, Orange et SFR Fibre devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir des mesures de blocage de ces sites. Le tribunal a ordonné ces mesures, mais les plaignants ont constaté que de nouveaux noms de domaine permettaient toujours l’accès aux sites litigieux. Ils ont donc demandé au tribunal d’étendre les mesures de blocage aux nouveaux noms de domaine. Les opérateurs de communications électroniques ont contesté ces demandes, mais le tribunal a finalement décidé de les accorder.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 27 juin 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 24/06396 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS [1] [1] Le : ■ 3ème chambre N° RG 24/06396 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT DEMANDERESSES FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (FNEF) SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE (SEVN) ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (API) UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC) SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI) [19] ([20]) – Intervenant volontaire accessoire représentés par Me Christian SOULIE de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267 DÉFENDERESSES S.A. ORANGE représentée par Me Christophe CARON de l’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500 S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE – SFR S.A.S. SFR FIBRE représentées par Me Pierre-Olivier CHARTIER de l’ASSOCIATION CBR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 S.A.S. FREE représentée par Me Yves COURSIN de l’AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2186 S.A. BOUYGUES TELECOM représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0873 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe, DÉBATS En application de l’article L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et avec l’accord des parties, la procédure s’est déroulée sans audience. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DU LITIGE :
La FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (ci-après « FNEF »), le SYNDICAT DE L’EDITION VIDEO NUMERIQUE (ci-après « SEVN »), L’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « API »), L’UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (ci-après « UPC ») et le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « SPI ») sont des organismes professionnels ayant vocation à défendre les membres de leur secteur professionnel respectif (audiovisuel et cinéma). Le [19] (ci-après « [20] ») est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture et destiné notamment à contribuer, dans un but d’intérêt général, au financement et au développement du cinéma et de l’industrie de l’image animée ainsi qu’à la lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia. Les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR FIBRE, ORANGE et SFR sont des opérateurs de communications électroniques qui commercialisent notamment des offres de téléphonie et d’accès à internet sur le territoire français. La FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI exposent avoir constaté que les 4 sites suivants : « UQLOAD (ID P3) », « VUDEO (ID P4) », « DOODSTREAM (ID P6) », « TURBOBIT (IDP13) », qui sont accessibles par différents noms de domaine mettent, sans autorisation, à la disposition du public de très nombreuses oeuvres de leurs répertoires en continu ou au moyen de liens de téléchargement. Elles précisent que ces sites sont des plateformes d’hébergement et de partage de contenus numériques (dites “cyberlockers”) permettant à différents utilisateurs de téléverser et stocker, notamment des vidéos, et de partager les liens d’accès à ces vidéos, en particulier par transclusion de sorte que l’accès à ce lien se réalise depuis un site d’indexation de liens, distinct de la plateforme, sans changement d’interface. Aux fins de faire cesser les atteintes constatées aux droits de leurs membres, la FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI ont fait assigner les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SFR et SFR FIBRE devant le tribunal judiciaire de Paris en vue d’obtenir la mise en œuvre par ces derniers en leur qualité de principaux fournisseurs d’accès à internet, des mesures propres à empêcher l’accès par leurs abonnés, à ces sites à partir du territoire français. Par jugements en date des 19 janvier 2023 (RG 22/13473), 6 juillet 2023 (RG 23/069569) et un jugement rectificatif d’erreur matérielle du 20 juillet 2023 (RG 23/09026), 13 juillet 2023 (RG 23/06576), 17 janvier 2024 (RG 23/15325 et RG 23/15329), le tribunal judiciaire de Paris a ainsi ordonné aux sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SFR et SFR FIBRE de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites et services litigieux énumérés ci-dessus. Ayant constaté que postérieurement à ces jugements d’autres noms de domaine que ceux visés par ces décisions permettaient l’accès aux sites litigieux, où continuaient à être mis, sans autorisation, à la disposition du public des œuvres audiovisuelles protégées, la FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI ont, par actes d’huissier des 2, 3 et 6 mai 2024, fait assigner les sociétés ORANGE, FREE, SFR, SFR FIBRE et BOUYGUES TÉLÉCOM, devant le tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond pour l’audience du 3 juin 2024, aux fins qu’il étende les mesures ordonnées aux sociétés défenderesses dans les jugements susmentionnés aux nouveaux noms de domaines permettant l’accès aux mêmes sites. Le [20] a, le 29 mai 2024, signifié des conclusions d’intervention volontaire accessoire. Aux termes de leurs conclusions signifiées le 31 mai 2024, la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, la SPI et le [20] demandent, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2024, la société FREE demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : Aux termes de leurs conclusions signifiées le 31 mai 2024, les sociétés SFR et SFR FIBRE demandent, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2024, la société ORANGE demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2024, la société BOUYGUES demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : Décision du 27 juin 2024 – Laisser à la charge de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] le paiement des entiers dépens de l’instance. En application de l’article L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et avec l’accord des parties, la procédure s’est déroulée sans audience MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la qualité à agir de la FNEF, du SEVN, de l’API, de l’UPC, du [20] et du SPI Aux termes de l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, “Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.” Selon l’article L. 122-4, “Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.” De la même manière, en application de l’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle, l’autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme. Enfin, il résulte de l’article L. 336-2 du même code qu’”En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée.” La FNEF, la SEVN, l’API, l’UPC, le [20], le SPI ont, en vertu de leurs statuts, le pouvoir d’agir en justice aux fins de défendre les intérêts professionnels des auteurs, producteurs et distributeurs d’œuvres audiovisuelles/cinématographiques et de vidéogrammes. La mise en œuvre de moyens de contournements de mesures de blocage de sites jugés structurellement contrefaisants peut en outre être regardée comme un trouble manifestement illicite. En conséquence, la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] sont recevables en leurs demandes. II – Sur l’atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins. Par jugements en date des 19 janvier 2023 (RG 22/13473), 6 juillet 2023 (RG 23/069569) et un jugement rectificatif d’erreur matérielle du 20 juillet 2023 (RG 23/09026), 13 juillet 2023 (RG 23/06576), 17 janvier 2024 (RG 23/15325 et RG 23/15329), le tribunal judiciaire de Paris a constaté le caractère structurellement contrefaisant des sites internet : « UQLOAD (ID P3) », « VUDEO (ID P4) », « DOODSTREAM (ID P6) », « TURBOBIT (IDP13) , accessibles à cette époque par différents noms de domaine, ceux-ci étant quasiment entièrement dédié à la représentation et la mise à la disposition du public en ligne d’œuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC , le SPI et le [20] sans le consentement ni des auteurs ni des producteurs. Les procès-verbaux des agents assermentés de l’ALPA versés aux débats établissent également que ces sites, qui s’adressent à un public francophone, permettent l’accès à des œuvres audiovisuelles/cinématographiques sans autorisation des titulaires de droits : 1. Ainsi, le site « UQLOAD » (ID P3) persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des oeuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire des demandeurs, pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine “ uqload.to” et en particulier les oeuvres suivantes : Pauvres créatures, Aquaman et le royaume perdu. Il est également observé que : 2. Le site « VUDEO (ID P4) », persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des œuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire des demandeurs, pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine et en particulier les œuvres suivantes : Aquaman et le royaume perdu, Pauvres créatures. Il est également observé que : 3. Le site « DOODSTREAM (ID P6) » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des œuvres audiovisuelles/cinématographiques, pouvant être téléchargés à partir des noms de domaine et et en particulier les œuvres suivantes : Aquaman et le royaume perdu, Pauvres créatures. Il est également observé que : 4. Le site « TURBOBIT (ID P13) » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des œuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire des demandeurs, pouvant être téléchargés à partir des noms de domaine , , , , et , en particulier les œuvres suivantes : Tout sauf toi, Mission impossible : dead reckoning. Il est également observé que : *** Il ressort de l’ensemble de ces constatations que la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent toujours aux internautes, via les nouveaux chemins d’accès précités, de télécharger ou d’accéder en continu à des œuvres protégées à partir de liens hypertextes sans avoir l’autorisation des titulaires de droits, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. La FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] sont donc fondés à solliciter la prescription de mesures propres à faire cesser ce trouble. III – Sur les mesures sollicitées L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin”. Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”). La CJUE a dit pour droit dans l’arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu’ainsi qu’il découle des points 62 à 68 de l’arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux : Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part. La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la « substance même du droit à la liberté d’entreprendre » des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre. Aussi, conformément aux dispositions de l’article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle, il sera enjoint aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites : « UQLOAD (ID P3) », « VUDEO (ID P4) », « DOODSTREAM (ID P6) », « TURBOBIT (IDP13) », à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés, à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix. Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés dans la liste annexée à la présente ordonnance, et permettant l’accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s’étendront à tous les sous domaines associés à un nom de domaine mentionné dans cette liste. Ces mesures devront être mises en œuvre au plus tard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pour la durée visée au dispositif de la présente décision. Le coût des mesures de blocage sera à la charge des fournisseurs d’accès internet. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens. PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Constate que le cyberlocker UQLOAD (ID P3), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 19 janvier 2023 (RG 22/13473) est désormais accessible par le nom de domaine ; Constate que le cyberlocker VUDEO (ID P4), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 19 janvier 2023 (RG 22/13473), est désormais accessible par le nom de domaine ; Constate que le cyberlocker DOODSTREAM (ID P6), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 6 juillet 2023 (RG 23/06569), modifié par jugement rectificatif d’erreur matérielle en date du 20 juillet 2023 (RG 23/09026) est désormais accessibles par les noms de domaine , et ; Constate que le cyberlocker TURBOBIT (ID P13), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 17 janvier 2024 (RG 23/15329) est désormais accessibles par les noms de domaine , , , , et ; En conséquence : Ordonne aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites internet à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaine et des sous-domaines associés, figurant dans le tableau annexé à la présente ordonnance et faisant partie de la minute, et ce, sans délai, et au plus tard dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et jusqu’au : Dit que les fournisseurs d’accès à internet devront informer la FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l’UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS et le [19] de la réalisation de ces mesures en précisant éventuellement les difficultés qu’ils rencontreraient, Dit que la FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l’UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS et le [19] devront dans ce cadre indiquer aux fournisseurs d’accès à internet, les noms de domaine dont ils auraient appris la fermeture ou la disparition, afin d’éviter des coûts de blocage inutiles, Dit que le coût de la mise en œuvre des mesures ordonnées restera à la charge des fournisseurs d’accès à internet, Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision, Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens. Fait et jugé à Paris le 27 juin 2024 La Greffière La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences de la mise en place de redirections vers de nouveaux noms de domaine pour contourner des mesures de blocage ?La mise en place de redirections vers de nouveaux noms de domaine pour contourner des mesures de blocage est sanctionnée par l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle. Cette disposition stipule que toute atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, causée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, peut entraîner des mesures judiciaires. Ces mesures peuvent inclure l’interdiction d’accès à des sites jugés contrefaisants. Dans le cas présent, les sites comme « UQLOAD » continuent de permettre l’accès à des œuvres protégées sans autorisation, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. Les tribunaux peuvent ordonner aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer ces nouveaux noms de domaine, afin de protéger les droits des titulaires d’œuvres. Cela souligne l’importance de la protection des droits d’auteur dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon en ligne. Comment le tribunal a-t-il justifié la nécessité de mesures de blocage ?Le tribunal a justifié la nécessité de mesures de blocage en se basant sur plusieurs éléments. Tout d’abord, il a constaté que les sites en question, tels que « UQLOAD », « VUDEO », « DOODSTREAM » et « TURBOBIT », étaient structurellement contrefaisants, permettant l’accès à des œuvres protégées sans autorisation. Les jugements précédents avaient déjà établi que ces sites constituaient une atteinte aux droits d’auteur. En conséquence, le tribunal a ordonné des mesures pour empêcher l’accès à ces sites, en tenant compte des preuves fournies par les agents assermentés. De plus, le tribunal a souligné l’importance de protéger les droits des titulaires d’œuvres tout en cherchant à maintenir un équilibre avec les droits fondamentaux des utilisateurs, comme la liberté d’information. Cela implique que les mesures de blocage doivent être proportionnées et ne pas porter atteinte à des contenus licites. Quelles sont les obligations des fournisseurs d’accès à internet suite à cette décision ?Suite à cette décision, les fournisseurs d’accès à internet, tels que Bouygues Telecom, Free, SFR et Orange, ont l’obligation de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’accès aux sites litigieux. Cela inclut le blocage des noms de domaine et de tous les sous-domaines associés. Ils doivent agir dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision, et ce, pour une durée déterminée allant jusqu’à 18 mois, selon les sites concernés. Les fournisseurs doivent également informer les organismes de gestion des droits d’auteur des mesures mises en œuvre et des difficultés rencontrées. Le coût de ces mesures de blocage sera à la charge des fournisseurs d’accès, ce qui souligne leur responsabilité dans la lutte contre la contrefaçon en ligne. Cela implique également qu’ils doivent rester vigilants face à d’éventuels nouveaux noms de domaine qui pourraient émerger pour contourner ces blocages. Quels principes doivent être respectés lors de l’application des mesures de blocage ?Lors de l’application des mesures de blocage, plusieurs principes doivent être respectés. Tout d’abord, il est essentiel d’assurer un juste équilibre entre la protection des droits d’auteur et les droits fondamentaux des utilisateurs, notamment la liberté d’expression et le droit à l’information. Les mesures de blocage ne doivent pas être absolues ou systématiques, et elles doivent être limitées dans le temps. Cela signifie qu’elles ne doivent pas porter atteinte à la substance même du droit à la liberté d’entreprendre des fournisseurs d’accès à internet. De plus, les mesures doivent être proportionnées et adaptées à la situation, en évitant de bloquer des contenus licites. Les fournisseurs d’accès doivent avoir la liberté de choisir les moyens les plus efficaces pour mettre en œuvre ces mesures, tout en respectant les exigences légales et réglementaires en matière de droits d’auteur. |
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