Contrefaçon de marque Rolex : LIDL relaxée

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Contrefaçon de marque Rolex : LIDL relaxée

Motivation




MOTIVATION



1- fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée



La société ICE soutient que la société LIDL a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, que la demande formée devant la juridiction civile en réparation d’un préjudice subi du fait de la procédure en contrefaçon poursuivie devant les juridictions répressives, oppose les mêmes parties et a même objet procédant de la même cause que seule la survenance d’un événement postérieur ayant modifié la situation reconnue en justice serait de nature à faire échec à l’autorité de chose jugée.



La société LIDL expose que l’autorité de chose jugée absolue de la décision pénale sur la décision civile ne porte que sur les chefs du dispositif concernant la qualification des faits incriminés et la déclaration de culpabilité. Elle ajoute que sa demande d’indemnisation pour procédure abusive n’est pas revêtue de l’autorité de chose jugée et qu’elle a en outre été rejetée au motif que les poursuites avaient été engagées par le ministère public. Elle fait valoir enfin que les demandes présentées devant la juridiction civile sont distinctes car elles portent sur des faits de concurrence déloyale et donc procèdent d’une cause distincte.



***



L’article 480 du code de procédure civile dispose que «le jugement qui tranche dans son dispositif ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche; le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 du même code.»



Selon l’article 4 du code de procédure civile l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.



Selon l’article 1355 du code civil ‘l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.’



L’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif, toutefois, il est jugé qu’il n’est pas interdit d’éclairer la portée du dispositif par les motifs de la décision.



S’agissant de l’autorité de chose jugée d’une décision pénale sur une instance civile, il est également jugé que sont revêtues de l’autorité absolue de chose jugée, les dispositions du jugement qualifiant les faits et caractérisant l’infraction poursuivie, en revanche les dispositions du jugement pénal portant sur l’action civile ne sont revêtues que d’une autorité relative.



Si le litige oppose les mêmes parties, il ressort des décisions des juridictions répressives que la société LIDL a été citée devant le tribunal correctionnel à l’initiative du procureur de la République pour des faits de contrefaçons et délit douanier révélés à l’occasion d’un contrôle douanier opéré dans plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, ce contrôle a donné lieu à une saisie douanière.



La plainte avec constitution de partie civile, déposée par la société ICE IP est postérieure à ce contrôle.



La société ICE IP s’est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel.



Le jugement rendu le 16 avril 2015, par le tribunal correctionnel de Strasbourg, confirmé par arrêt du 27 avril 2016 de la cour d’appel de Colmar, a renvoyé la société LIDL des fins des poursuites et a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.



Il ressort des motifs tant du jugement que de l’arrêt que le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est motivé par le fait que la société ICE n’était pas à l’origine des poursuites et de la procédure, qui a été engagée sur citation du parquet.



Cette décision, qui n’a pas tranché la question de fond d’une éventuelle responsabilité de la société ICE IP, ne saurait avoir autorité de chose jugée, étant observé de surcroît que la cause des demandes et leur objet sont distinctes:


devant le tribunal correctionnel il s’agissait du caractère abusif de la procédure conduisant à demander une indemnité évaluée à 100000euros,

dans l’instance civile, est invoqué le comportement déloyal d’un concurrent et la demande formulée porte sur la réparation d’un préjudice économique évalué à 930 000 euros.


Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré la société LIDL irrecevable en ses demandes.



2- fin de non recevoir tirée de la prescription,



La société ICE IP expose que la société LIDL était en mesure d’agir à son encontre au plus tard le 21 mars 2014, dès lors l’action engagée le 26 mars 2021, au delà du délai de cinq ans de la prescription, est irrecevable, elle ajoute qu’en toute état de cause la société LIDL n’était pas dans l’impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 du code civil.



La société LIDL réplique qu’il est reproché à la société ICE d’avoir contribué par des allégations mensongères à la poursuite de la procédure pénale et par voie de conséquence en privant sa concurrente de la possibilité de commercialiser ses produits et que son préjudice n’est né qu’à l’issue de la procédure.



***



Aux termes de l’article 2224 du code civil, «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.»



Selon l’article 2234 du code civil «la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.»



En l’espèce, il n’est pas invoqué par la société LIDL une impossibilité d’agir ou un empêchement au sens de l’article 2234 du code civil.



Le délai de prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.



Il est constant que la société ICE IP a, à trois reprises, les 29 janvier 2014, 20février 2014 et 21 mars 2014, confirmé auprès du service des douanes le caractère contrefaisant des montres commercialisées par la société LIDL.

Ce sont ces déclarations qui, selon la société LIDL, seraient constitutives d’une faute.



Le préjudice invoqué par la société LIDL réside dans l’impossibilité dans laquelle cette société s’est trouvée de commercialiser ses montres à la suite des poursuites pénales dont elle a fait l’objet, poursuites engagées par le ministère public.



Peu importe que la société LIDL ait eu connaissance des agissements de la société ICE IP avant l’engagement des poursuites pénales puisque ce sont les poursuites pénales qui ont empêché la commercialisation des montres.



Il apparaît, en revanche, que la société LIDL ne pouvait avoir connaissance du dommage dans toute son ampleur qu’à l’issue de cette procédure du fait de la relaxe intervenue, de même seule la relaxe prononcée en raison de l’absence de contrefaçon permet d’invoquer le caractère fautif des déclarations de la société ICE IP et le lien de causalité entre ces déclarations faites aux services des douanes et le dommage.



Dès lors la prescription n’a commencé à courir qu’après l’arrêt de la cour de cassation du 20 mars 2018 ayant rejeté les pourvois formés à l’encontre des dispositions pénales de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, partant, l’action engagée le 26 mars 2021 n’est pas prescrite.



3- Sur les frais du procès



L’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



La société ICE IP sera condamnée à payer à la société LIDL une somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.




Dispositif

PAR CES MOTIFS



Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 septembre 2022



Statuant à nouveau et y ajoutant



Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société ICE IP,



Déboute la société ICE IP de sa demande d’indemnité de procédure,



Condamne la société ICE IP au paiement d’une somme de 4 000 euros à la société LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,











La condamne aux dépens de l’incident de première instance et de l’instance d’appel.











Le greffier







Anaïs Millescamps







Le président







Catherine Courteille

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la contrefaçon de marque Rolex impliquant LIDL ?

La société LIDL a commercialisé des montres en silicone sous la marque Auriol à partir d’octobre 2013. Ces montres sont considérées comme des adaptations de modèles de montres exploités par la société Rolex. La société ICE IP, qui a enregistré un modèle de montres identiques au modèle Auriol en avril 2013, a alors engagé un différend avec LIDL concernant la commercialisation de ces montres. Ce conflit a conduit à des actions légales et à des enquêtes douanières.

Quelles actions ont été entreprises lors des contrôles douaniers ?

Des contrôles douaniers ont été effectués dans plusieurs magasins LIDL les 23 janvier, 13 février et 12 mars 2014. Ces contrôles ont abouti à la saisie de 74 410 montres, entraînant une enquête sur les pratiques de LIDL. Parallèlement, la société ICE IP a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour contrefaçon, affirmant que LIDL avait violé ses droits en commercialisant des montres similaires à celles qu’elle avait enregistrées.

Quel a été le résultat du procès contre LIDL ?

Le 11 juin 2015, le tribunal correctionnel de Strasbourg a relaxé LIDL de toutes les accusations de contrefaçon de droit d’auteur, de dessins et modèles, ainsi que de délit douanier. Le tribunal a également ordonné la restitution des montres saisies et a débouté ICE IP de ses demandes de dommages et intérêts. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Colmar en avril 2016.

Quelles ont été les conséquences de la décision de la cour d’appel ?

La cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en mars 2018, mais a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg lors d’un renvoi. ICE IP a ensuite formé un nouveau pourvoi, dont elle s’est désistée. En janvier 2021, LIDL a assigné ICE IP pour obtenir des dommages et intérêts, ce qui a conduit à une nouvelle série de procédures judiciaires.

Quelles étaient les prétentions de LIDL dans l’affaire ?

LIDL a demandé à la cour d’infirmer la décision du juge de la mise en état, de déclarer LIDL recevable à agir en concurrence déloyale contre ICE IP, et de condamner ICE IP à lui verser 6 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. ICE IP, de son côté, a demandé la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état et a soulevé des fins de non-recevoir, notamment sur l’autorité de la chose jugée et la prescription.

Quelle a été la motivation de la cour concernant l’autorité de la chose jugée ?

La cour a statué que la demande de LIDL n’était pas couverte par l’autorité de la chose jugée, car les demandes portaient sur des faits distincts. Le jugement pénal avait rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais n’avait pas tranché sur la responsabilité de ICE IP. La cour a donc jugé que LIDL pouvait poursuivre sa demande en concurrence déloyale.

Comment la cour a-t-elle traité la question de la prescription ?

La cour a déterminé que la prescription n’avait commencé à courir qu’après la décision de la cour de cassation en mars 2018, qui avait rejeté les pourvois contre les décisions pénales. Ainsi, l’action de LIDL engagée en mars 2021 n’était pas prescrite, car elle avait été initiée dans le délai légal de cinq ans après la connaissance du dommage.

Quelles ont été les décisions finales de la cour ?

La cour a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, rejetant les fins de non-recevoir soulevées par ICE IP. Elle a également condamné ICE IP à verser 4 000 euros à LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné le paiement des dépens de l’instance.

Moyens




Par conclusions signifiées par voie électronique le 31 mars 2023, la société LIDL demande à la cour de:




infirmer la décision en toutes ses dispositions,

déclarer la société LIDL recevable à agir en concurrence déloyale à l’encontre de la société ICE IP,

condamner la société ICE IP à payer à la société LIDL la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.




Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 mai 2023, la société ICE IP demande de:



– Confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Lille du 23 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL.



A titre subsidiaire :

– Prononcer l’irrecevabilité, à raison de l’autorité de chose jugée, des prétentions de la société LIDL fondées sur le comportement de la société ICE IP dans le cadre de la procédure pénale qui a donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 27 avril 2016, en particulier s’agissant des griefs suivants:



Confirmation auprès de l’administration des douanes du caractère contrefaisant des modèles de montres AURIOL ;

Dépôt de plainte pénale ;

Constitution de partie civile ;

Maintien de la procédure pénale par l’exercice de voies de recours ;

Utilisation de la procédure pénale dans le but d’évincer un concurrent du marché.



. Subsidiairement, sur la prescription

– Juger que l’action de la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP est prescrite ;



– A tout le moins, juger prescrites les demandes de condamnation formées par la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP à raison (i) du dépôt et de l’enregistrement de modèles communautaires le 19 avril 2013, (ii) de la confirmation aux services des douanes du caractère contrefaisant des montres retenues les 29 janvier, 20 février et 21 mars 2014, (iii) des dépôts de plainte ainsi que de la constitution de partie civile le 15 avril 2015 et (iv) de l’appel formé à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 11 juin 2015 et, plus généralement, des manquements antérieurs de plus de cinq ans au 26 mars 2021, date de l’assignation.



En conséquence,

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL fondées à l’encontre de la société ICE IP ;



– A tout le moins, prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP à raison (i) du dépôt et de l’enregistrement de modèles communautaires le 19 avril 2013, (ii) de la confirmation aux services des douanes du caractère contrefaisant des montres retenues les 29 janvier, 20février et 21 mars 2014, (iii) des dépôts de plainte ainsi que de la constitution de partie civile le 15 avril 2015 et (iv) de l’appel formé à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 11 juin 2015 et, plus généralement, des manquements antérieurs de plus de cinq ans au 26 mars 2021, date de l’assignation.



En tout état de cause et y ajoutant :

– Condamner la société LIDL à payer à la société ICE IP SA la somme de 6000euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;



– Condamner la société LIDL aux entiers dépens de l ‘instance.

Motivation




MOTIVATION



1- fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée



La société ICE soutient que la société LIDL a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, que la demande formée devant la juridiction civile en réparation d’un préjudice subi du fait de la procédure en contrefaçon poursuivie devant les juridictions répressives, oppose les mêmes parties et a même objet procédant de la même cause que seule la survenance d’un événement postérieur ayant modifié la situation reconnue en justice serait de nature à faire échec à l’autorité de chose jugée.



La société LIDL expose que l’autorité de chose jugée absolue de la décision pénale sur la décision civile ne porte que sur les chefs du dispositif concernant la qualification des faits incriminés et la déclaration de culpabilité. Elle ajoute que sa demande d’indemnisation pour procédure abusive n’est pas revêtue de l’autorité de chose jugée et qu’elle a en outre été rejetée au motif que les poursuites avaient été engagées par le ministère public. Elle fait valoir enfin que les demandes présentées devant la juridiction civile sont distinctes car elles portent sur des faits de concurrence déloyale et donc procèdent d’une cause distincte.



***



L’article 480 du code de procédure civile dispose que «le jugement qui tranche dans son dispositif ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche; le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 du même code.»



Selon l’article 4 du code de procédure civile l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.



Selon l’article 1355 du code civil ‘l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.’



L’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif, toutefois, il est jugé qu’il n’est pas interdit d’éclairer la portée du dispositif par les motifs de la décision.



S’agissant de l’autorité de chose jugée d’une décision pénale sur une instance civile, il est également jugé que sont revêtues de l’autorité absolue de chose jugée, les dispositions du jugement qualifiant les faits et caractérisant l’infraction poursuivie, en revanche les dispositions du jugement pénal portant sur l’action civile ne sont revêtues que d’une autorité relative.



Si le litige oppose les mêmes parties, il ressort des décisions des juridictions répressives que la société LIDL a été citée devant le tribunal correctionnel à l’initiative du procureur de la République pour des faits de contrefaçons et délit douanier révélés à l’occasion d’un contrôle douanier opéré dans plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, ce contrôle a donné lieu à une saisie douanière.



La plainte avec constitution de partie civile, déposée par la société ICE IP est postérieure à ce contrôle.



La société ICE IP s’est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel.



Le jugement rendu le 16 avril 2015, par le tribunal correctionnel de Strasbourg, confirmé par arrêt du 27 avril 2016 de la cour d’appel de Colmar, a renvoyé la société LIDL des fins des poursuites et a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.



Il ressort des motifs tant du jugement que de l’arrêt que le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est motivé par le fait que la société ICE n’était pas à l’origine des poursuites et de la procédure, qui a été engagée sur citation du parquet.



Cette décision, qui n’a pas tranché la question de fond d’une éventuelle responsabilité de la société ICE IP, ne saurait avoir autorité de chose jugée, étant observé de surcroît que la cause des demandes et leur objet sont distinctes:


devant le tribunal correctionnel il s’agissait du caractère abusif de la procédure conduisant à demander une indemnité évaluée à 100000euros,

dans l’instance civile, est invoqué le comportement déloyal d’un concurrent et la demande formulée porte sur la réparation d’un préjudice économique évalué à 930 000 euros.


Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré la société LIDL irrecevable en ses demandes.



2- fin de non recevoir tirée de la prescription,



La société ICE IP expose que la société LIDL était en mesure d’agir à son encontre au plus tard le 21 mars 2014, dès lors l’action engagée le 26 mars 2021, au delà du délai de cinq ans de la prescription, est irrecevable, elle ajoute qu’en toute état de cause la société LIDL n’était pas dans l’impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 du code civil.



La société LIDL réplique qu’il est reproché à la société ICE d’avoir contribué par des allégations mensongères à la poursuite de la procédure pénale et par voie de conséquence en privant sa concurrente de la possibilité de commercialiser ses produits et que son préjudice n’est né qu’à l’issue de la procédure.



***



Aux termes de l’article 2224 du code civil, «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.»



Selon l’article 2234 du code civil «la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.»



En l’espèce, il n’est pas invoqué par la société LIDL une impossibilité d’agir ou un empêchement au sens de l’article 2234 du code civil.



Le délai de prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.



Il est constant que la société ICE IP a, à trois reprises, les 29 janvier 2014, 20février 2014 et 21 mars 2014, confirmé auprès du service des douanes le caractère contrefaisant des montres commercialisées par la société LIDL.

Ce sont ces déclarations qui, selon la société LIDL, seraient constitutives d’une faute.



Le préjudice invoqué par la société LIDL réside dans l’impossibilité dans laquelle cette société s’est trouvée de commercialiser ses montres à la suite des poursuites pénales dont elle a fait l’objet, poursuites engagées par le ministère public.



Peu importe que la société LIDL ait eu connaissance des agissements de la société ICE IP avant l’engagement des poursuites pénales puisque ce sont les poursuites pénales qui ont empêché la commercialisation des montres.



Il apparaît, en revanche, que la société LIDL ne pouvait avoir connaissance du dommage dans toute son ampleur qu’à l’issue de cette procédure du fait de la relaxe intervenue, de même seule la relaxe prononcée en raison de l’absence de contrefaçon permet d’invoquer le caractère fautif des déclarations de la société ICE IP et le lien de causalité entre ces déclarations faites aux services des douanes et le dommage.



Dès lors la prescription n’a commencé à courir qu’après l’arrêt de la cour de cassation du 20 mars 2018 ayant rejeté les pourvois formés à l’encontre des dispositions pénales de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, partant, l’action engagée le 26 mars 2021 n’est pas prescrite.



3- Sur les frais du procès



L’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



La société ICE IP sera condamnée à payer à la société LIDL une somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.




Dispositif

PAR CES MOTIFS



Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 septembre 2022



Statuant à nouveau et y ajoutant



Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société ICE IP,



Déboute la société ICE IP de sa demande d’indemnité de procédure,



Condamne la société ICE IP au paiement d’une somme de 4 000 euros à la société LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,











La condamne aux dépens de l’incident de première instance et de l’instance d’appel.











Le greffier







Anaïs Millescamps







Le président







Catherine Courteille

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la contrefaçon de marque Rolex impliquant LIDL ?

La société LIDL a commercialisé des montres en silicone sous la marque Auriol à partir d’octobre 2013. Ces montres sont considérées comme des adaptations de modèles de montres exploités par la société Rolex. La société ICE IP, qui a enregistré un modèle de montres identiques au modèle Auriol en avril 2013, a alors engagé un différend avec LIDL concernant la commercialisation de ces montres. Ce conflit a conduit à des actions légales et à des enquêtes douanières.

Quelles actions ont été entreprises lors des contrôles douaniers ?

Des contrôles douaniers ont été effectués dans plusieurs magasins LIDL les 23 janvier, 13 février et 12 mars 2014. Ces contrôles ont abouti à la saisie de 74 410 montres, entraînant une enquête sur les pratiques de LIDL. Parallèlement, la société ICE IP a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour contrefaçon, affirmant que LIDL avait violé ses droits en commercialisant des montres similaires à celles qu’elle avait enregistrées.

Quel a été le résultat du procès contre LIDL ?

Le 11 juin 2015, le tribunal correctionnel de Strasbourg a relaxé LIDL de toutes les accusations de contrefaçon de droit d’auteur, de dessins et modèles, ainsi que de délit douanier. Le tribunal a également ordonné la restitution des montres saisies et a débouté ICE IP de ses demandes de dommages et intérêts. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Colmar en avril 2016.

Quelles ont été les conséquences de la décision de la cour d’appel ?

La cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en mars 2018, mais a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg lors d’un renvoi. ICE IP a ensuite formé un nouveau pourvoi, dont elle s’est désistée. En janvier 2021, LIDL a assigné ICE IP pour obtenir des dommages et intérêts, ce qui a conduit à une nouvelle série de procédures judiciaires.

Quelles étaient les prétentions de LIDL dans l’affaire ?

LIDL a demandé à la cour d’infirmer la décision du juge de la mise en état, de déclarer LIDL recevable à agir en concurrence déloyale contre ICE IP, et de condamner ICE IP à lui verser 6 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. ICE IP, de son côté, a demandé la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état et a soulevé des fins de non-recevoir, notamment sur l’autorité de la chose jugée et la prescription.

Quelle a été la motivation de la cour concernant l’autorité de la chose jugée ?

La cour a statué que la demande de LIDL n’était pas couverte par l’autorité de la chose jugée, car les demandes portaient sur des faits distincts. Le jugement pénal avait rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais n’avait pas tranché sur la responsabilité de ICE IP. La cour a donc jugé que LIDL pouvait poursuivre sa demande en concurrence déloyale.

Comment la cour a-t-elle traité la question de la prescription ?

La cour a déterminé que la prescription n’avait commencé à courir qu’après la décision de la cour de cassation en mars 2018, qui avait rejeté les pourvois contre les décisions pénales. Ainsi, l’action de LIDL engagée en mars 2021 n’était pas prescrite, car elle avait été initiée dans le délai légal de cinq ans après la connaissance du dommage.

Quelles ont été les décisions finales de la cour ?

La cour a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, rejetant les fins de non-recevoir soulevées par ICE IP. Elle a également condamné ICE IP à verser 4 000 euros à LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné le paiement des dépens de l’instance.

Exposé du litige




****



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



La société LIDL, distributrice de produits de consommation, a commercialisé à partir d’octobre 2013, des montres en silicone sous la marque Auriol, marque ayant fait l’objet d’un enregistrement et la société LIDL expose que les montres sont l’adaptation de modèles de montres exploités par la société Rolex.



La société LIDL expose que la société ICE IP a déposé et enregistré en avril 2013 un modèle de montres identiques au modèle Auriol.



Un différend est né entre les deux sociétés à propos de la commercialisation de ces montres.



Les 23 janvier 2014, 13 février 2014 et 12 mars 2014, il était opéré un contrôle douanier au sein de plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, il était procédé à la saisie douanière de 74 410 montres, une enquête était diligentée.



Parallèlement, la société ICE IP SA a déposé plainte avec constitution de partie civile pour des faits de contrefaçons portant sur les montres qu’elle commercialisait.



À la suite des saisies douanières, la société LIDL a été citée par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour des faits de contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles et délit douanier.



Par jugement du 11 juin 2015, le tribunal correctionnel a relaxé la société LIDL pour l’ensemble des faits reprochés, le jugement a débouté la société LIDL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, ordonné la restitution des montres saisies et débouté la partie civile (la société ICE IP) de ses demandes.



La cour d’appel de Colmar, par arrêt du 27 avril 2016, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.



Par arrêt du 20 mars 2018, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt en ses seules dispositions ayant débouté la société ICE IP de ses demandes au titre de la contrefaçon du droit d’auteur.



Statuant sur renvoi, la cour d’appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg, la société ICE IP a formé un nouveau pourvoi dont elle s’est désistée.



Par acte d’huissier du 26 janvier 2021, la société LIDL a fait assigner la société ICE IP devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 930 000 euros à parfaire à titre de dommages et intérêts, reprochant à cette société d’avoir confirmé le caractère contrefaisant des montres commercialisées par LIDL et d’avoir ainsi conduit à une procédure pénale et à une immobilisation de ses produits.



Dans le cadre de cette instance, la société ICE IP a saisi le juge de la mise en état et a soulevé deux fins de non-recevoir tirées de l’autorité de la chose jugée et de la prescription.



Par ordonnance du 23 septembre 2022, le juge de la mise en état a:


déclaré la société LIDL irrecevable à agir;

condamné la société LIDL à payer à la société ICE IP la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.




Par déclaration du 12 octobre 2022, la société LIDL a relevé appel de cette décision.



L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.



EXPOSE DES PRÉTENTIONS

Moyens




Par conclusions signifiées par voie électronique le 31 mars 2023, la société LIDL demande à la cour de:




infirmer la décision en toutes ses dispositions,

déclarer la société LIDL recevable à agir en concurrence déloyale à l’encontre de la société ICE IP,

condamner la société ICE IP à payer à la société LIDL la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.




Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 mai 2023, la société ICE IP demande de:



– Confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Lille du 23 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL.



A titre subsidiaire :

– Prononcer l’irrecevabilité, à raison de l’autorité de chose jugée, des prétentions de la société LIDL fondées sur le comportement de la société ICE IP dans le cadre de la procédure pénale qui a donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 27 avril 2016, en particulier s’agissant des griefs suivants:



Confirmation auprès de l’administration des douanes du caractère contrefaisant des modèles de montres AURIOL ;

Dépôt de plainte pénale ;

Constitution de partie civile ;

Maintien de la procédure pénale par l’exercice de voies de recours ;

Utilisation de la procédure pénale dans le but d’évincer un concurrent du marché.



. Subsidiairement, sur la prescription

– Juger que l’action de la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP est prescrite ;



– A tout le moins, juger prescrites les demandes de condamnation formées par la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP à raison (i) du dépôt et de l’enregistrement de modèles communautaires le 19 avril 2013, (ii) de la confirmation aux services des douanes du caractère contrefaisant des montres retenues les 29 janvier, 20 février et 21 mars 2014, (iii) des dépôts de plainte ainsi que de la constitution de partie civile le 15 avril 2015 et (iv) de l’appel formé à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 11 juin 2015 et, plus généralement, des manquements antérieurs de plus de cinq ans au 26 mars 2021, date de l’assignation.



En conséquence,

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL fondées à l’encontre de la société ICE IP ;



– A tout le moins, prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP à raison (i) du dépôt et de l’enregistrement de modèles communautaires le 19 avril 2013, (ii) de la confirmation aux services des douanes du caractère contrefaisant des montres retenues les 29 janvier, 20février et 21 mars 2014, (iii) des dépôts de plainte ainsi que de la constitution de partie civile le 15 avril 2015 et (iv) de l’appel formé à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 11 juin 2015 et, plus généralement, des manquements antérieurs de plus de cinq ans au 26 mars 2021, date de l’assignation.



En tout état de cause et y ajoutant :

– Condamner la société LIDL à payer à la société ICE IP SA la somme de 6000euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;



– Condamner la société LIDL aux entiers dépens de l ‘instance.

Motivation




MOTIVATION



1- fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée



La société ICE soutient que la société LIDL a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, que la demande formée devant la juridiction civile en réparation d’un préjudice subi du fait de la procédure en contrefaçon poursuivie devant les juridictions répressives, oppose les mêmes parties et a même objet procédant de la même cause que seule la survenance d’un événement postérieur ayant modifié la situation reconnue en justice serait de nature à faire échec à l’autorité de chose jugée.



La société LIDL expose que l’autorité de chose jugée absolue de la décision pénale sur la décision civile ne porte que sur les chefs du dispositif concernant la qualification des faits incriminés et la déclaration de culpabilité. Elle ajoute que sa demande d’indemnisation pour procédure abusive n’est pas revêtue de l’autorité de chose jugée et qu’elle a en outre été rejetée au motif que les poursuites avaient été engagées par le ministère public. Elle fait valoir enfin que les demandes présentées devant la juridiction civile sont distinctes car elles portent sur des faits de concurrence déloyale et donc procèdent d’une cause distincte.



***



L’article 480 du code de procédure civile dispose que «le jugement qui tranche dans son dispositif ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche; le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 du même code.»



Selon l’article 4 du code de procédure civile l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.



Selon l’article 1355 du code civil ‘l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.’



L’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif, toutefois, il est jugé qu’il n’est pas interdit d’éclairer la portée du dispositif par les motifs de la décision.



S’agissant de l’autorité de chose jugée d’une décision pénale sur une instance civile, il est également jugé que sont revêtues de l’autorité absolue de chose jugée, les dispositions du jugement qualifiant les faits et caractérisant l’infraction poursuivie, en revanche les dispositions du jugement pénal portant sur l’action civile ne sont revêtues que d’une autorité relative.



Si le litige oppose les mêmes parties, il ressort des décisions des juridictions répressives que la société LIDL a été citée devant le tribunal correctionnel à l’initiative du procureur de la République pour des faits de contrefaçons et délit douanier révélés à l’occasion d’un contrôle douanier opéré dans plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, ce contrôle a donné lieu à une saisie douanière.



La plainte avec constitution de partie civile, déposée par la société ICE IP est postérieure à ce contrôle.



La société ICE IP s’est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel.



Le jugement rendu le 16 avril 2015, par le tribunal correctionnel de Strasbourg, confirmé par arrêt du 27 avril 2016 de la cour d’appel de Colmar, a renvoyé la société LIDL des fins des poursuites et a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.



Il ressort des motifs tant du jugement que de l’arrêt que le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est motivé par le fait que la société ICE n’était pas à l’origine des poursuites et de la procédure, qui a été engagée sur citation du parquet.



Cette décision, qui n’a pas tranché la question de fond d’une éventuelle responsabilité de la société ICE IP, ne saurait avoir autorité de chose jugée, étant observé de surcroît que la cause des demandes et leur objet sont distinctes:


devant le tribunal correctionnel il s’agissait du caractère abusif de la procédure conduisant à demander une indemnité évaluée à 100000euros,

dans l’instance civile, est invoqué le comportement déloyal d’un concurrent et la demande formulée porte sur la réparation d’un préjudice économique évalué à 930 000 euros.


Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré la société LIDL irrecevable en ses demandes.



2- fin de non recevoir tirée de la prescription,



La société ICE IP expose que la société LIDL était en mesure d’agir à son encontre au plus tard le 21 mars 2014, dès lors l’action engagée le 26 mars 2021, au delà du délai de cinq ans de la prescription, est irrecevable, elle ajoute qu’en toute état de cause la société LIDL n’était pas dans l’impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 du code civil.



La société LIDL réplique qu’il est reproché à la société ICE d’avoir contribué par des allégations mensongères à la poursuite de la procédure pénale et par voie de conséquence en privant sa concurrente de la possibilité de commercialiser ses produits et que son préjudice n’est né qu’à l’issue de la procédure.



***



Aux termes de l’article 2224 du code civil, «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.»



Selon l’article 2234 du code civil «la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.»



En l’espèce, il n’est pas invoqué par la société LIDL une impossibilité d’agir ou un empêchement au sens de l’article 2234 du code civil.



Le délai de prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.



Il est constant que la société ICE IP a, à trois reprises, les 29 janvier 2014, 20février 2014 et 21 mars 2014, confirmé auprès du service des douanes le caractère contrefaisant des montres commercialisées par la société LIDL.

Ce sont ces déclarations qui, selon la société LIDL, seraient constitutives d’une faute.



Le préjudice invoqué par la société LIDL réside dans l’impossibilité dans laquelle cette société s’est trouvée de commercialiser ses montres à la suite des poursuites pénales dont elle a fait l’objet, poursuites engagées par le ministère public.



Peu importe que la société LIDL ait eu connaissance des agissements de la société ICE IP avant l’engagement des poursuites pénales puisque ce sont les poursuites pénales qui ont empêché la commercialisation des montres.



Il apparaît, en revanche, que la société LIDL ne pouvait avoir connaissance du dommage dans toute son ampleur qu’à l’issue de cette procédure du fait de la relaxe intervenue, de même seule la relaxe prononcée en raison de l’absence de contrefaçon permet d’invoquer le caractère fautif des déclarations de la société ICE IP et le lien de causalité entre ces déclarations faites aux services des douanes et le dommage.



Dès lors la prescription n’a commencé à courir qu’après l’arrêt de la cour de cassation du 20 mars 2018 ayant rejeté les pourvois formés à l’encontre des dispositions pénales de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, partant, l’action engagée le 26 mars 2021 n’est pas prescrite.



3- Sur les frais du procès



L’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



La société ICE IP sera condamnée à payer à la société LIDL une somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.




Dispositif

PAR CES MOTIFS



Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 septembre 2022



Statuant à nouveau et y ajoutant



Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société ICE IP,



Déboute la société ICE IP de sa demande d’indemnité de procédure,



Condamne la société ICE IP au paiement d’une somme de 4 000 euros à la société LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,











La condamne aux dépens de l’incident de première instance et de l’instance d’appel.











Le greffier







Anaïs Millescamps







Le président







Catherine Courteille

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la contrefaçon de marque Rolex impliquant LIDL ?

La société LIDL a commercialisé des montres en silicone sous la marque Auriol à partir d’octobre 2013. Ces montres sont considérées comme des adaptations de modèles de montres exploités par la société Rolex. La société ICE IP, qui a enregistré un modèle de montres identiques au modèle Auriol en avril 2013, a alors engagé un différend avec LIDL concernant la commercialisation de ces montres. Ce conflit a conduit à des actions légales et à des enquêtes douanières.

Quelles actions ont été entreprises lors des contrôles douaniers ?

Des contrôles douaniers ont été effectués dans plusieurs magasins LIDL les 23 janvier, 13 février et 12 mars 2014. Ces contrôles ont abouti à la saisie de 74 410 montres, entraînant une enquête sur les pratiques de LIDL. Parallèlement, la société ICE IP a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour contrefaçon, affirmant que LIDL avait violé ses droits en commercialisant des montres similaires à celles qu’elle avait enregistrées.

Quel a été le résultat du procès contre LIDL ?

Le 11 juin 2015, le tribunal correctionnel de Strasbourg a relaxé LIDL de toutes les accusations de contrefaçon de droit d’auteur, de dessins et modèles, ainsi que de délit douanier. Le tribunal a également ordonné la restitution des montres saisies et a débouté ICE IP de ses demandes de dommages et intérêts. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Colmar en avril 2016.

Quelles ont été les conséquences de la décision de la cour d’appel ?

La cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en mars 2018, mais a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg lors d’un renvoi. ICE IP a ensuite formé un nouveau pourvoi, dont elle s’est désistée. En janvier 2021, LIDL a assigné ICE IP pour obtenir des dommages et intérêts, ce qui a conduit à une nouvelle série de procédures judiciaires.

Quelles étaient les prétentions de LIDL dans l’affaire ?

LIDL a demandé à la cour d’infirmer la décision du juge de la mise en état, de déclarer LIDL recevable à agir en concurrence déloyale contre ICE IP, et de condamner ICE IP à lui verser 6 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. ICE IP, de son côté, a demandé la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état et a soulevé des fins de non-recevoir, notamment sur l’autorité de la chose jugée et la prescription.

Quelle a été la motivation de la cour concernant l’autorité de la chose jugée ?

La cour a statué que la demande de LIDL n’était pas couverte par l’autorité de la chose jugée, car les demandes portaient sur des faits distincts. Le jugement pénal avait rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais n’avait pas tranché sur la responsabilité de ICE IP. La cour a donc jugé que LIDL pouvait poursuivre sa demande en concurrence déloyale.

Comment la cour a-t-elle traité la question de la prescription ?

La cour a déterminé que la prescription n’avait commencé à courir qu’après la décision de la cour de cassation en mars 2018, qui avait rejeté les pourvois contre les décisions pénales. Ainsi, l’action de LIDL engagée en mars 2021 n’était pas prescrite, car elle avait été initiée dans le délai légal de cinq ans après la connaissance du dommage.

Quelles ont été les décisions finales de la cour ?

La cour a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, rejetant les fins de non-recevoir soulevées par ICE IP. Elle a également condamné ICE IP à verser 4 000 euros à LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné le paiement des dépens de l’instance.
L’Essentiel : La société LIDL a été relaxée par le tribunal correctionnel de Strasbourg pour des accusations de contrefaçon de montres, après des saisies douanières en 2014. LIDL commercialisait des montres en silicone sous la marque Auriol, considérées comme des adaptations de modèles Rolex. La société ICE IP, détentrice de droits sur des modèles similaires, avait déposé plainte. Cependant, le tribunal a jugé que LIDL n’était pas responsable des faits reprochés, ordonnant la restitution des montres saisies et déboutant ICE IP de ses demandes. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel, marquant une victoire pour LIDL dans ce litige.

En cas d’enquête douanière pour distribution de contrefaçon de modèle, pensez à porter plainte contre votre fabricant (fautif) avec constitution de partie civile.

Contrefaçon de marque Rolex

La société LIDL, distributrice de produits de consommation, a commercialisé à partir d’octobre 2013, des montres en silicone sous la marque Auriol, marque ayant fait l’objet d’un enregistrement et la société LIDL expose que les montres sont l’adaptation de modèles de montres exploités par la société Rolex.

La société ICE IP a déposé et enregistré en avril 2013 un modèle de montres identiques au modèle Auriol.

Un différend est né entre les deux sociétés à propos de la commercialisation de ces montres.

Contrôle douanier

Les 23 janvier 2014, 13 février 2014 et 12 mars 2014, il était opéré un contrôle douanier au sein de plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, il était procédé à la saisie douanière de 74 410 montres, une enquête était diligentée.

Parallèlement, la société ICE IP SA a déposé plainte avec constitution de partie civile pour des faits de contrefaçons portant sur les montres qu’elle commercialisait.

LIDL relaxé

À la suite des saisies douanières, la société LIDL a été citée par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour des faits de contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles et délit douanier.

Par jugement du 11 juin 2015, le tribunal correctionnel a relaxé la société LIDL pour l’ensemble des faits reprochés, le jugement a débouté la société LIDL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, ordonné la restitution des montres saisies et débouté la partie civile (la société ICE IP) de ses demandes.


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D’APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 09/11/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 22/04762 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UQ7D



Ordonnance (N° 21/06011)

rendue le 23 septembre 2022 par le juge de la mise en état de Lille







APPELANTE



La SNC LIDL

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Floriane Codevelle, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



INTIMÉE



La société ICE IP SA

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 1] (Luxembourg)



représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Virginie Reynes, avocat au barreau de Paris et Me Lauriane Raynaud, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



DÉBATS à l’audience publique du 20 juin 2023, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Catherine Courteille, président de chambre

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

Véronique Galliot, conseiller



ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 novembre 2023 après prorogation du délibéré en date du 19 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023

Exposé du litige




****



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



La société LIDL, distributrice de produits de consommation, a commercialisé à partir d’octobre 2013, des montres en silicone sous la marque Auriol, marque ayant fait l’objet d’un enregistrement et la société LIDL expose que les montres sont l’adaptation de modèles de montres exploités par la société Rolex.



La société LIDL expose que la société ICE IP a déposé et enregistré en avril 2013 un modèle de montres identiques au modèle Auriol.



Un différend est né entre les deux sociétés à propos de la commercialisation de ces montres.



Les 23 janvier 2014, 13 février 2014 et 12 mars 2014, il était opéré un contrôle douanier au sein de plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, il était procédé à la saisie douanière de 74 410 montres, une enquête était diligentée.



Parallèlement, la société ICE IP SA a déposé plainte avec constitution de partie civile pour des faits de contrefaçons portant sur les montres qu’elle commercialisait.



À la suite des saisies douanières, la société LIDL a été citée par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour des faits de contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles et délit douanier.



Par jugement du 11 juin 2015, le tribunal correctionnel a relaxé la société LIDL pour l’ensemble des faits reprochés, le jugement a débouté la société LIDL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, ordonné la restitution des montres saisies et débouté la partie civile (la société ICE IP) de ses demandes.



La cour d’appel de Colmar, par arrêt du 27 avril 2016, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.



Par arrêt du 20 mars 2018, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt en ses seules dispositions ayant débouté la société ICE IP de ses demandes au titre de la contrefaçon du droit d’auteur.



Statuant sur renvoi, la cour d’appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg, la société ICE IP a formé un nouveau pourvoi dont elle s’est désistée.



Par acte d’huissier du 26 janvier 2021, la société LIDL a fait assigner la société ICE IP devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 930 000 euros à parfaire à titre de dommages et intérêts, reprochant à cette société d’avoir confirmé le caractère contrefaisant des montres commercialisées par LIDL et d’avoir ainsi conduit à une procédure pénale et à une immobilisation de ses produits.



Dans le cadre de cette instance, la société ICE IP a saisi le juge de la mise en état et a soulevé deux fins de non-recevoir tirées de l’autorité de la chose jugée et de la prescription.



Par ordonnance du 23 septembre 2022, le juge de la mise en état a:


déclaré la société LIDL irrecevable à agir;

condamné la société LIDL à payer à la société ICE IP la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.




Par déclaration du 12 octobre 2022, la société LIDL a relevé appel de cette décision.



L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.



EXPOSE DES PRÉTENTIONS

Moyens




Par conclusions signifiées par voie électronique le 31 mars 2023, la société LIDL demande à la cour de:




infirmer la décision en toutes ses dispositions,

déclarer la société LIDL recevable à agir en concurrence déloyale à l’encontre de la société ICE IP,

condamner la société ICE IP à payer à la société LIDL la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.




Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 mai 2023, la société ICE IP demande de:



– Confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Lille du 23 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL.



A titre subsidiaire :

– Prononcer l’irrecevabilité, à raison de l’autorité de chose jugée, des prétentions de la société LIDL fondées sur le comportement de la société ICE IP dans le cadre de la procédure pénale qui a donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Colmar du 27 avril 2016, en particulier s’agissant des griefs suivants:



Confirmation auprès de l’administration des douanes du caractère contrefaisant des modèles de montres AURIOL ;

Dépôt de plainte pénale ;

Constitution de partie civile ;

Maintien de la procédure pénale par l’exercice de voies de recours ;

Utilisation de la procédure pénale dans le but d’évincer un concurrent du marché.



. Subsidiairement, sur la prescription

– Juger que l’action de la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP est prescrite ;



– A tout le moins, juger prescrites les demandes de condamnation formées par la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP à raison (i) du dépôt et de l’enregistrement de modèles communautaires le 19 avril 2013, (ii) de la confirmation aux services des douanes du caractère contrefaisant des montres retenues les 29 janvier, 20 février et 21 mars 2014, (iii) des dépôts de plainte ainsi que de la constitution de partie civile le 15 avril 2015 et (iv) de l’appel formé à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 11 juin 2015 et, plus généralement, des manquements antérieurs de plus de cinq ans au 26 mars 2021, date de l’assignation.



En conséquence,

– Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL fondées à l’encontre de la société ICE IP ;



– A tout le moins, prononcer l’irrecevabilité des demandes de la société LIDL à l’encontre de la société ICE IP à raison (i) du dépôt et de l’enregistrement de modèles communautaires le 19 avril 2013, (ii) de la confirmation aux services des douanes du caractère contrefaisant des montres retenues les 29 janvier, 20février et 21 mars 2014, (iii) des dépôts de plainte ainsi que de la constitution de partie civile le 15 avril 2015 et (iv) de l’appel formé à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 11 juin 2015 et, plus généralement, des manquements antérieurs de plus de cinq ans au 26 mars 2021, date de l’assignation.



En tout état de cause et y ajoutant :

– Condamner la société LIDL à payer à la société ICE IP SA la somme de 6000euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ;



– Condamner la société LIDL aux entiers dépens de l ‘instance.

Motivation




MOTIVATION



1- fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée



La société ICE soutient que la société LIDL a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, que la demande formée devant la juridiction civile en réparation d’un préjudice subi du fait de la procédure en contrefaçon poursuivie devant les juridictions répressives, oppose les mêmes parties et a même objet procédant de la même cause que seule la survenance d’un événement postérieur ayant modifié la situation reconnue en justice serait de nature à faire échec à l’autorité de chose jugée.



La société LIDL expose que l’autorité de chose jugée absolue de la décision pénale sur la décision civile ne porte que sur les chefs du dispositif concernant la qualification des faits incriminés et la déclaration de culpabilité. Elle ajoute que sa demande d’indemnisation pour procédure abusive n’est pas revêtue de l’autorité de chose jugée et qu’elle a en outre été rejetée au motif que les poursuites avaient été engagées par le ministère public. Elle fait valoir enfin que les demandes présentées devant la juridiction civile sont distinctes car elles portent sur des faits de concurrence déloyale et donc procèdent d’une cause distincte.



***



L’article 480 du code de procédure civile dispose que «le jugement qui tranche dans son dispositif ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche; le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 du même code.»



Selon l’article 4 du code de procédure civile l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.



Selon l’article 1355 du code civil ‘l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.’



L’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif, toutefois, il est jugé qu’il n’est pas interdit d’éclairer la portée du dispositif par les motifs de la décision.



S’agissant de l’autorité de chose jugée d’une décision pénale sur une instance civile, il est également jugé que sont revêtues de l’autorité absolue de chose jugée, les dispositions du jugement qualifiant les faits et caractérisant l’infraction poursuivie, en revanche les dispositions du jugement pénal portant sur l’action civile ne sont revêtues que d’une autorité relative.



Si le litige oppose les mêmes parties, il ressort des décisions des juridictions répressives que la société LIDL a été citée devant le tribunal correctionnel à l’initiative du procureur de la République pour des faits de contrefaçons et délit douanier révélés à l’occasion d’un contrôle douanier opéré dans plusieurs magasins de l’enseigne LIDL, ce contrôle a donné lieu à une saisie douanière.



La plainte avec constitution de partie civile, déposée par la société ICE IP est postérieure à ce contrôle.



La société ICE IP s’est constituée partie civile devant le tribunal correctionnel.



Le jugement rendu le 16 avril 2015, par le tribunal correctionnel de Strasbourg, confirmé par arrêt du 27 avril 2016 de la cour d’appel de Colmar, a renvoyé la société LIDL des fins des poursuites et a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.



Il ressort des motifs tant du jugement que de l’arrêt que le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est motivé par le fait que la société ICE n’était pas à l’origine des poursuites et de la procédure, qui a été engagée sur citation du parquet.



Cette décision, qui n’a pas tranché la question de fond d’une éventuelle responsabilité de la société ICE IP, ne saurait avoir autorité de chose jugée, étant observé de surcroît que la cause des demandes et leur objet sont distinctes:


devant le tribunal correctionnel il s’agissait du caractère abusif de la procédure conduisant à demander une indemnité évaluée à 100000euros,

dans l’instance civile, est invoqué le comportement déloyal d’un concurrent et la demande formulée porte sur la réparation d’un préjudice économique évalué à 930 000 euros.


Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré la société LIDL irrecevable en ses demandes.



2- fin de non recevoir tirée de la prescription,



La société ICE IP expose que la société LIDL était en mesure d’agir à son encontre au plus tard le 21 mars 2014, dès lors l’action engagée le 26 mars 2021, au delà du délai de cinq ans de la prescription, est irrecevable, elle ajoute qu’en toute état de cause la société LIDL n’était pas dans l’impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 du code civil.



La société LIDL réplique qu’il est reproché à la société ICE d’avoir contribué par des allégations mensongères à la poursuite de la procédure pénale et par voie de conséquence en privant sa concurrente de la possibilité de commercialiser ses produits et que son préjudice n’est né qu’à l’issue de la procédure.



***



Aux termes de l’article 2224 du code civil, «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.»



Selon l’article 2234 du code civil «la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.»



En l’espèce, il n’est pas invoqué par la société LIDL une impossibilité d’agir ou un empêchement au sens de l’article 2234 du code civil.



Le délai de prescription de l’action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur, ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.



Il est constant que la société ICE IP a, à trois reprises, les 29 janvier 2014, 20février 2014 et 21 mars 2014, confirmé auprès du service des douanes le caractère contrefaisant des montres commercialisées par la société LIDL.

Ce sont ces déclarations qui, selon la société LIDL, seraient constitutives d’une faute.



Le préjudice invoqué par la société LIDL réside dans l’impossibilité dans laquelle cette société s’est trouvée de commercialiser ses montres à la suite des poursuites pénales dont elle a fait l’objet, poursuites engagées par le ministère public.



Peu importe que la société LIDL ait eu connaissance des agissements de la société ICE IP avant l’engagement des poursuites pénales puisque ce sont les poursuites pénales qui ont empêché la commercialisation des montres.



Il apparaît, en revanche, que la société LIDL ne pouvait avoir connaissance du dommage dans toute son ampleur qu’à l’issue de cette procédure du fait de la relaxe intervenue, de même seule la relaxe prononcée en raison de l’absence de contrefaçon permet d’invoquer le caractère fautif des déclarations de la société ICE IP et le lien de causalité entre ces déclarations faites aux services des douanes et le dommage.



Dès lors la prescription n’a commencé à courir qu’après l’arrêt de la cour de cassation du 20 mars 2018 ayant rejeté les pourvois formés à l’encontre des dispositions pénales de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, partant, l’action engagée le 26 mars 2021 n’est pas prescrite.



3- Sur les frais du procès



L’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



La société ICE IP sera condamnée à payer à la société LIDL une somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.




Dispositif

PAR CES MOTIFS



Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 septembre 2022



Statuant à nouveau et y ajoutant



Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société ICE IP,



Déboute la société ICE IP de sa demande d’indemnité de procédure,



Condamne la société ICE IP au paiement d’une somme de 4 000 euros à la société LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,











La condamne aux dépens de l’incident de première instance et de l’instance d’appel.











Le greffier







Anaïs Millescamps







Le président







Catherine Courteille

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la contrefaçon de marque Rolex impliquant LIDL ?

La société LIDL a commercialisé des montres en silicone sous la marque Auriol à partir d’octobre 2013. Ces montres sont considérées comme des adaptations de modèles de montres exploités par la société Rolex. La société ICE IP, qui a enregistré un modèle de montres identiques au modèle Auriol en avril 2013, a alors engagé un différend avec LIDL concernant la commercialisation de ces montres. Ce conflit a conduit à des actions légales et à des enquêtes douanières.

Quelles actions ont été entreprises lors des contrôles douaniers ?

Des contrôles douaniers ont été effectués dans plusieurs magasins LIDL les 23 janvier, 13 février et 12 mars 2014. Ces contrôles ont abouti à la saisie de 74 410 montres, entraînant une enquête sur les pratiques de LIDL. Parallèlement, la société ICE IP a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour contrefaçon, affirmant que LIDL avait violé ses droits en commercialisant des montres similaires à celles qu’elle avait enregistrées.

Quel a été le résultat du procès contre LIDL ?

Le 11 juin 2015, le tribunal correctionnel de Strasbourg a relaxé LIDL de toutes les accusations de contrefaçon de droit d’auteur, de dessins et modèles, ainsi que de délit douanier. Le tribunal a également ordonné la restitution des montres saisies et a débouté ICE IP de ses demandes de dommages et intérêts. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Colmar en avril 2016.

Quelles ont été les conséquences de la décision de la cour d’appel ?

La cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Colmar en mars 2018, mais a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg lors d’un renvoi. ICE IP a ensuite formé un nouveau pourvoi, dont elle s’est désistée. En janvier 2021, LIDL a assigné ICE IP pour obtenir des dommages et intérêts, ce qui a conduit à une nouvelle série de procédures judiciaires.

Quelles étaient les prétentions de LIDL dans l’affaire ?

LIDL a demandé à la cour d’infirmer la décision du juge de la mise en état, de déclarer LIDL recevable à agir en concurrence déloyale contre ICE IP, et de condamner ICE IP à lui verser 6 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. ICE IP, de son côté, a demandé la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état et a soulevé des fins de non-recevoir, notamment sur l’autorité de la chose jugée et la prescription.

Quelle a été la motivation de la cour concernant l’autorité de la chose jugée ?

La cour a statué que la demande de LIDL n’était pas couverte par l’autorité de la chose jugée, car les demandes portaient sur des faits distincts. Le jugement pénal avait rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais n’avait pas tranché sur la responsabilité de ICE IP. La cour a donc jugé que LIDL pouvait poursuivre sa demande en concurrence déloyale.

Comment la cour a-t-elle traité la question de la prescription ?

La cour a déterminé que la prescription n’avait commencé à courir qu’après la décision de la cour de cassation en mars 2018, qui avait rejeté les pourvois contre les décisions pénales. Ainsi, l’action de LIDL engagée en mars 2021 n’était pas prescrite, car elle avait été initiée dans le délai légal de cinq ans après la connaissance du dommage.

Quelles ont été les décisions finales de la cour ?

La cour a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, rejetant les fins de non-recevoir soulevées par ICE IP. Elle a également condamné ICE IP à verser 4 000 euros à LIDL sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné le paiement des dépens de l’instance.

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