L’Essentiel : L’apposition d’une marque déposée sur une façade de commerce constitue une contrefaçon, selon l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle. Ce dernier confère au titulaire un droit de propriété sur la marque pour les produits ou services désignés. L’usage d’un signe identique ou similaire à la marque, sans autorisation, est interdit, notamment s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Dans l’affaire opposant Madame [H] aux sociétés Battle, le tribunal a reconnu la contrefaçon de la marque « striky et les bowlings » par la société Battle [Localité 6], condamnant cette dernière à verser des dommages-intérêts.
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L’apposition d’une marque déposée sur une façade de commerce constitue une contrefaçon. Par ailleurs, en droit des marques, les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir CJCE, 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41).
L’article L.713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés. En vertu de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4. Ces dispositions sont équivalentes à celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont il résulte que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à sa marque que si les quatre conditions suivantes sont réunies : cet usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, il doit être fait sans le consentement du titulaire de la marque, il doit être fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public (en ce sens CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01 ; 12 juin 2008, O2 Holdings, C-533/06). En l’absence de reproduction à l’identique de la marque opposée, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P). Les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir CJCE, 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41). La bonne foi est indifférente en matière de contrefaçon de marque (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 février 2012, n°11-11.752). Nos Conseils: 1. Assurez-vous de respecter les obligations contractuelles liées à l’exploitation d’une marque, notamment en cas de cession de fonds de commerce. Tout manquement à ces obligations peut entraîner une demande en déchéance de vos droits sur la marque. 2. Soyez vigilant quant à l’usage des signes identiques ou similaires à une marque enregistrée, même après la cessation de vos droits sur cette marque. Tout usage non autorisé peut constituer une contrefaçon de marque et engager votre responsabilité. 3. En cas de litige pour contrefaçon de marque, veillez à ce que les dommages et intérêts demandés soient justifiés et calculés de manière adéquate, en prenant en compte les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, le préjudice moral causé et les bénéfices réalisés par le contrefacteur. Résumé de l’affaireMadame [D] [H], co-gérante et exploitante de deux salles de bowling du Val-de-Marne, détient la marque « striky et les bowlings ». Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont repris l’exploitation des salles de bowling de Madame [H] en 2017, mais ont continué à utiliser sa marque au-delà de la période autorisée. Madame [H] a donc assigné les sociétés en contrefaçon de marque. Elle demande une indemnité provisionnelle, des dommages et intérêts, la communication des comptes sociaux des sociétés, la publication de la décision et le remboursement de ses frais. Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] contestent les demandes de Madame [H] et demandent la déchéance de sa marque pour défaut d’usage sérieux.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 14 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/12069 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS [1] [1] Le ■ 3ème chambre N° RG 21/12069 – N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT Madame [D] [H] représentée par Maître Antoine LE BRUN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NA702 DÉFENDERESSES S.A.R.L. BATTLE [Localité 6] S.A.R.L. BATTLE [Localité 7] représentées par Maître Sylvie KONG THONG Cabinet d’Avocats AARPI OLIVIER KONG-THONG, avocats au barreau de PARIS, avocats posutlant, vestiaire #L0069 et par Maître Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’Orléans Décision du 14 février 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l’audience du 26 octobre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2024, puis prorogé au 14 février 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Madame [D] [H], divorcée [W], se présente comme la co-gérante et exploitante, jusqu’au 20 juillet 2017, de deux salles de bowling du Val-de-Marne situées à [Localité 6] et [Localité 7] et dénommées “striky” depuis 1996. Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, Mme [H] demande au tribunal de : – rejeter l’ensemble des demandes des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ; Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] demandent au tribunal de : – déclarer Mme [H] mal fondée en ses demandes à leur encontre et l’en débouter intégralement ; MOTIVATION
I – Sur la demande reconventionnelle en déchéance Moyens des parties Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] soutiennent que depuis la cession de ses fonds de commerce en 2017, la demanderesse n’exploite plus la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496 et doit être déchue de ses droits sur cette marque. Selon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’État.Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : Le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ne s’applique pas en matière délictuelle (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 juin 2004, n°01-17.258). II – Sur la contrefaçon de marque Moyens des parties Au soutien de ses demandes, Mme [W]-[H] fait valoir que les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont continué à user du signe “stricky et les bowlings” malgré le non renouvellement du contrat de licence. L’article L.713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés. Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4. Moyens des parties Mme [H] demande l’indemnisation forfaitaire de son préjudice patrimonial s’appuyant sur les chiffres d’affaires réalisés par la société Battle [Localité 6] entre 2013 et 2016 et un taux de redevance de 11% pratiqué dans le domaine des franchises de loisirs, ainsi que celui de son préjudice moral. L’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; Ce texte doit être interprété à la lumière de la législation européenne, en particulier, du considérant 26 de la directive n°2002/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle selon lequel le montant des dommages-intérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi, à partir d’éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le but est non pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d’identification. IV.1 – Sur les dépens Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. PAR CES MOTIFS
Le tribunal, Déboute les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] de leur demande en déchéance de Mme [D] [H] de ses droits sur la marque verbale française “Striky et les bowlings” n°3525496 ; Déboute Mme [D] [H] de ses demandes en contrefaçon de marque à l’encontre de la société Battle [Localité 7] ; Condamne la société Battle [Localité 6] à payer 1000 euros à Mme [D] [H] à titre de dommages-intérêts en réparation de la contrefaçon de la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496 ; Déboute Mme [D] [H] de ses demandes en communication d’informations comptables et en publication ; Condamne la société Battle [Localité 6] aux dépens ; Condamne la société Battle [Localité 6] à payer 1000 euros à Mme [D] [H] en application de l’article 700 du code de procédure civile ; Déboute Mme [D] [H] de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société Battle [Localité 7]. Condamne Mme [D] [H] à payer 500 euros à la société Battle [Localité 7] en application de l’article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 14 février 2024 La greffièreLe président |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre Madame [D] [H] et les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ?L’affaire concerne Madame [D] [H], qui est co-gérante et exploitante de deux salles de bowling dans le Val-de-Marne, et détient la marque « striky et les bowlings ». En 2017, les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont repris l’exploitation de ces salles, mais ont continué à utiliser la marque au-delà de la période autorisée par les contrats de cession. En 2020, Madame [H] a constaté cette utilisation non autorisée et a assigné les sociétés en contrefaçon de marque, demandant des dommages et intérêts, la communication de leurs comptes, et d’autres réparations. Les sociétés ont contesté ces demandes et ont demandé la déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux. Quelles sont les dispositions légales relatives à la contrefaçon de marque ?Les dispositions légales concernant la contrefaçon de marque sont principalement régies par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L.713-1 alinéa 1er stipule que l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur celle-ci pour les produits ou services désignés. L’article L.713-2 interdit, sans autorisation, l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. L’atteinte aux droits du titulaire constitue une contrefaçon, engageant la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction, comme précisé dans l’article L.716-4. Quelles étaient les demandes de Madame [D] [H] dans cette affaire ?Madame [D] [H] a formulé plusieurs demandes au tribunal. Elle a demandé le rejet des demandes des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7], ainsi que le paiement d’une indemnité provisionnelle de 150 000 euros pour le préjudice patrimonial et de 10 000 euros pour le préjudice moral. Elle a également demandé la communication des comptes sociaux des sociétés pour les exercices clos les 30 juin 2020 et 30 juin 2021, la publication de la décision dans deux magazines, et le remboursement de ses frais, s’élevant à 6 000 euros. Quelles étaient les arguments des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ?Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont contesté les demandes de Madame [H] en soutenant qu’elles avaient cessé l’usage de la marque litigieuse. Elles ont également demandé la déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux, arguant que Madame [H] n’exploitait plus la marque depuis la cession de ses fonds de commerce en 2017. Elles ont affirmé que les contrats de licence signés avec Madame [H] ne constituaient pas un usage sérieux de la marque, et ont demandé à être déboutées de toutes les demandes de Madame [H]. Quelle a été la décision du tribunal concernant la contrefaçon de marque ?Le tribunal a statué en faveur de Madame [D] [H] en ce qui concerne la contrefaçon de la marque « striky et les bowlings » n°3525496 par la société Battle [Localité 6]. Il a établi que cette société avait continué à utiliser le signe identique à la marque après la cessation de ses droits, ce qui constituait une contrefaçon. En revanche, la demande de contrefaçon à l’encontre de la société Battle [Localité 7] a été rejetée, car les preuves de l’utilisation de la marque par cette société n’étaient pas suffisantes. Quelles mesures réparatrices ont été ordonnées par le tribunal ?Le tribunal a condamné la société Battle [Localité 6] à verser 1 000 euros à Madame [D] [H] en réparation du préjudice moral causé par la contrefaçon. Il a également rejeté la plupart des autres demandes de Madame [H], y compris celles concernant la communication des comptes et la publication de la décision. En ce qui concerne les dépens, la société Battle [Localité 6] a été condamnée à les payer, tandis que Madame [H] a été condamnée à verser 500 euros à la société Battle [Localité 7] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
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