Contrefaçon de marque sur une façade de commerce

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Contrefaçon de marque sur une façade de commerce

L’Essentiel : L’apposition d’une marque déposée sur une façade de commerce constitue une contrefaçon, selon l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle. Ce dernier confère au titulaire un droit de propriété sur la marque pour les produits ou services désignés. L’usage d’un signe identique ou similaire à la marque, sans autorisation, est interdit, notamment s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Dans l’affaire opposant Madame [H] aux sociétés Battle, le tribunal a reconnu la contrefaçon de la marque « striky et les bowlings » par la société Battle [Localité 6], condamnant cette dernière à verser des dommages-intérêts.

L’apposition d’une marque déposée sur une façade de commerce constitue une contrefaçon. Par ailleurs, en droit des marques, les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir CJCE, 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41).

L’article L.713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.

En vertu de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.

Ces dispositions sont équivalentes à celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont il résulte que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à sa marque que si les quatre conditions suivantes sont réunies : cet usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, il doit être fait sans le consentement du titulaire de la marque, il doit être fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public (en ce sens CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01 ; 12 juin 2008, O2 Holdings, C-533/06).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97).

En l’absence de reproduction à l’identique de la marque opposée, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).

Les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir CJCE, 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41).

La bonne foi est indifférente en matière de contrefaçon de marque (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 février 2012, n°11-11.752).

Nos Conseils:

1. Assurez-vous de respecter les obligations contractuelles liées à l’exploitation d’une marque, notamment en cas de cession de fonds de commerce. Tout manquement à ces obligations peut entraîner une demande en déchéance de vos droits sur la marque.

2. Soyez vigilant quant à l’usage des signes identiques ou similaires à une marque enregistrée, même après la cessation de vos droits sur cette marque. Tout usage non autorisé peut constituer une contrefaçon de marque et engager votre responsabilité.

3. En cas de litige pour contrefaçon de marque, veillez à ce que les dommages et intérêts demandés soient justifiés et calculés de manière adéquate, en prenant en compte les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, le préjudice moral causé et les bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Résumé de l’affaire

Madame [D] [H], co-gérante et exploitante de deux salles de bowling du Val-de-Marne, détient la marque « striky et les bowlings ». Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont repris l’exploitation des salles de bowling de Madame [H] en 2017, mais ont continué à utiliser sa marque au-delà de la période autorisée. Madame [H] a donc assigné les sociétés en contrefaçon de marque. Elle demande une indemnité provisionnelle, des dommages et intérêts, la communication des comptes sociaux des sociétés, la publication de la décision et le remboursement de ses frais. Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] contestent les demandes de Madame [H] et demandent la déchéance de sa marque pour défaut d’usage sérieux.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
21/12069
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Maître Le brun, vestiaire NA702
– Maître Kong Thong, vestiaire L69

3ème chambre
3ème section

N° RG 21/12069 –
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGXF

N° MINUTE :

Assignation du :
24 septembre 2021

JUGEMENT
rendu le 14 février 2024
DEMANDERESSE

Madame [D] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Antoine LE BRUN de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NA702

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. BATTLE [Localité 6]
[Adresse 8]
[Localité 3]

S.A.R.L. BATTLE [Localité 7]
[Adresse 8]
[Localité 3]

représentées par Maître Sylvie KONG THONG Cabinet d’Avocats AARPI OLIVIER KONG-THONG, avocats au barreau de PARIS, avocats posutlant, vestiaire #L0069 et par Maître Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’Orléans

Décision du 14 février 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 21/12069 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVGXF

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Vera ZEDERMAN, vice-présidente

assistés de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience du 26 octobre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2024, puis prorogé au 14 février 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame [D] [H], divorcée [W], se présente comme la co-gérante et exploitante, jusqu’au 20 juillet 2017, de deux salles de bowling du Val-de-Marne situées à [Localité 6] et [Localité 7] et dénommées “striky” depuis 1996.
Elle est titulaire de la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496 déposée le 19 septembre 2007 en classes 16, 35, 41 et 43 et désignant notamment des services d’exploitation de bowling, location d’équipement pour la pratique du bowling, formation pratique (démonstration) dans la pratique du bowling, organisation de compétitions sportives et de concours de bowling.
Les sociétés à responsabilité limitée Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] se présentent comme deux sociétés sœurs exerçant une activité de gestion d’installation de salles de bowling. Elles ont été créées à l’occasion de la cession à leur profit, le 20 juillet 2017, des fonds de commerce afférents à chacune des deux salles de bowling antérieurement exploitées par Mme [H].
Mme [H] expose avoir constaté, en 2020, la poursuite de l’usage de la marque “striky et les bowlings” n°3525496 par les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] au-delà de la période autorisée par les actes de cession de fonds de commerce de [Localité 6] et de [Localité 7] qui stipulaient au profit de ces dernières une autorisation gracieuse d’usage de cette marque pour une durée ferme de deux ans à compter de la signature des actes, soit jusqu’au 20 juillet 2019.
Le 2 juin 2021, Mme [H] a, par l’intermédiaire de son conseil, mise en demeure les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] de cesser l’utilisation de sa marque française “striky et les bowlings” n°3525496.
À défaut de réponse de leur part, elle a, par acte d’huissier du 24 septembre 2021, fait assigner les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] en contrefaçon de marque à l’audience d’orientation du 6 janvier 2022 de ce tribunal.
L’instruction a été close par ordonnance du 12 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 26 octobre 2023 pour être plaidée.
PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 27 septembre 2022, Mme [H] demande au tribunal de : – rejeter l’ensemble des demandes des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ;
– condamner chacune des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] à lui payer une indemnité provisionnelle de 150 000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice patrimonial et une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l’exploitation indue de sa marque verbale française n°3525496 ;
– ordonner aux sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] de communiquer chacune leurs comptes sociaux au titre des exercices clos les 30 juin 2020 et 30 juin 2021, sous astreinte de 500 euros par jours de retard ;
– ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] dans deux magazines choisis par elle ;
– condamner les sociétés Battle [Localité 7] et Battle [Localité 6] à lui payer 6000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] demandent au tribunal de : – déclarer Mme [H] mal fondée en ses demandes à leur encontre et l’en débouter intégralement ;
– les déclarer recevables et bien fondées en leur demande reconventionnelle, y faire droit ;
– prononcer la déchéance de la marque verbale française“striky et les bowlings” n°3525496 pour défaut d’usage sérieux, avec toutes conséquences de droit et débouter Mme [H] de ses demandes ;
– condamner Mme [H] à leur payer 4500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

I – Sur la demande reconventionnelle en déchéance

Moyens des parties

Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] soutiennent que depuis la cession de ses fonds de commerce en 2017, la demanderesse n’exploite plus la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496 et doit être déchue de ses droits sur cette marque.
Mme [H] oppose que la marque litigieuse était l’objet de contrats de licence exclusifs annexés au cession des fonds de commerce aux sociétés défenderesse, lesquels constituent un usage sérieux et lui en interdisait tout autre usage. Elle ajoute que ces contrats étant conclus avec chacune des défenderesses, celles-ci ne peuvent pas valablement invoquer leurs propres manquements à son exploitation.
Réponse du tribunal

Selon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’État.Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation.

Le principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ne s’applique pas en matière délictuelle (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 juin 2004, n°01-17.258).
Au cas présent, Mme [H] justifie que la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496, dont elle est titulaire, a fait l’objet d’un contrat de licence du 20 juillet 2017 au profit de la société Battle [Localité 6] et d’un autre contrat similaire à la même date au profit de la société Battle [Localité 7]. Ces contrats, conclus pour deux ans, stipulent en leur article 6 que “le licencié s’engage, pendant toute la durée du contrat, à exploiter les marques de manière effective, sérieuse, loyale et continue” (ses pièces n°2, 6 et7).
Ainsi, les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] étaient investies, entre le 20 juillet 2017 et le 20 juillet 2019, d’une obligation contractuelle d’exploitation de la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496. De plus, la licence d’usage de cette marque leur ayant été accordée concomitamment à la cession des fonds de commerce de bowling antérieurement exploités par Mme [H] dans le cadre d’une cessation d’activité, elles n’ignoraient pas que cette marque ne faisait l’objet d’aucune autre licence.
Si la demande reconventionnelle en déchéance de la marque litigieuse présentée par les défenderesses ne relève pas de la responsabilité contractuelle, son examen suppose que ces deux sociétés aient sciemment violé leur obligation contractuelle souscrite auprès de Mme [H].
Elles sont, en conséquence, mal fondées à opposer à Mme [H] un prétendu défaut d’usage sérieux de cette marque et leur demande en déchéance sera, en conséquence, rejetée.

II – Sur la contrefaçon de marque

Moyens des parties

Au soutien de ses demandes, Mme [W]-[H] fait valoir que les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont continué à user du signe “stricky et les bowlings” malgré le non renouvellement du contrat de licence.
Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] objectent qu’elles ont cessé tout usage de la marque litigieuse à l’heure actuelle, les exemples d’utilisation produits en demande datant d’avant la cession du fonds de commerce ou de la période transitoire au cours de laquelle l’usage de cette marque leur avait été autorisé, ou encore de site tiers dont elles ne sont pas responsables de la mise à jour. Elles ajoutent que les usages des signes “bowling striky” qui leur sont reprochés n’ont pas été faits à titre de marque, sont involontaires et ne reproduisent pas la marque invoquée.
Réponse du tribunal

L’article L.713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.
En vertu de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.
Ces dispositions sont équivalentes à celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont il résulte que le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire à sa marque que si les quatre conditions suivantes sont réunies : cet usage doit avoir lieu dans la vie des affaires, il doit être fait sans le consentement du titulaire de la marque, il doit être fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public (en ce sens CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01 ; 12 juin 2008, O2 Holdings, C-533/06).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97).
En l’absence de reproduction à l’identique de la marque opposée, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).
Les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir CJCE, 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41).
La bonne foi est indifférente en matière de contrefaçon de marque (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 février 2012, n°11-11.752).
Dans le cas présent, Mme [H] produit aux débats un constat d’huissier du 25 mai 2021 mentionnant que la façade de l’immeuble situé [Adresse 1], adresse du siège social de la société Battle [Localité 6], supporte une bannière mentionnant le signe “[Courriel 5]” ainsi qu’un signe “stricky et les bowlings” strictement identique à la marque n°3525496 sur tous les garde-corps de cette même façade (ses pièces n°12 et 13).
Ces pièces établissent l’usage par la société Battle [Localité 6] du signe “stricky et les bowlings” identique à la marque n°3525496 postérieurement à la cessation de ses droits sur cette marque le 20 juillet 2019. Ce signe est utilisé à titre d’identification de l’activité commerciale exercée dans l’immeuble sur lequel il est apposé, dans lequel la société Battle [Localité 6] exploite un commerce de bowling, en sorte qu’il est utilisé dans la vie des affaires pour des services identiques à ceux visés en classe 41 de l’enregistrement de la marque n°3525496, notamment, exploitation de bowling, formation pratique (démonstration) dans la pratique du bowling (pièces [H] n°2, 6 et 13).
De plus, le signe “[Courriel 5]” présente avec la marque n°3525496 des similitudes visuelles, auditives et conceptuelles fortes compte tenu du caractère dominant du terme “stricky” dans le signe et dans cette marque du fait qu’il est arbitraire tandis que le terme “bowling” est purement descriptif de l’activité qu’il désigne. Le signe litigieux étant apposé en façade de l’immeuble dans lequel la société Battle [Localité 6] exploite un commerce de bowling, il est utilisé dans la vie des affaires pour des services identiques à ceux visés à l’enregistrement de la marque n°3525496.
Il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, défini comme le consommateur de jeux de bowling, moyennement attentif.
En revanche, l’usage des signes “Bowling Stricky”, “bowlingstricky”, ou “stricky et les bowlings” sur le site ne peut pas être imputé aux sociétés Battle [Localité 6] ou Battle [Localité 7], Mme [H] exposant elle-même que ce site est exploité par une société tierce aux débats (ses conclusions page 5). Il en va de même des usages de ces mêmes signes sur les sites , , , etc (pièce [H] n°11 et 12).
Par ailleurs, la circonstance qu’il ait été mis fin à l’usage de ces signes sur internet en cours de procédure ne constitue pas la preuve de la responsabilité des défendeurs du contenu de ces différents sites.
Dès lors, la société Battle [Localité 6] a commis une contrefaçon de la marque verbale française “stricky et les bowlings” n°3525496 engageant sa responsabilité à l’égard de Mme [H].
En revanche, la contrefaçon alléguée à l’encontre de la société Battle [Localité 7] n’est pas démontrée et les demandes à ce titre de Mme [H] seront rejetées.
III – Sur les mesures réparatrices

Moyens des parties

Mme [H] demande l’indemnisation forfaitaire de son préjudice patrimonial s’appuyant sur les chiffres d’affaires réalisés par la société Battle [Localité 6] entre 2013 et 2016 et un taux de redevance de 11% pratiqué dans le domaine des franchises de loisirs, ainsi que celui de son préjudice moral.
La société Battle [Localité 6] considère que Mme [H] n’a subi aucun préjudice.
Réponse du tribunal

L’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Ce texte doit être interprété à la lumière de la législation européenne, en particulier, du considérant 26 de la directive n°2002/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle selon lequel le montant des dommages-intérêts pourrait également être calculé, par exemple dans les cas où il est difficile de déterminer le montant du préjudice véritablement subi, à partir d’éléments tels que les redevances ou les droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Le but est non pas d’introduire une obligation de prévoir des dommages-intérêts punitifs, mais de permettre un dédommagement fondé sur une base objective tout en tenant compte des frais encourus par le titulaire du droit tels que les frais de recherche et d’identification.
Ainsi, il appartient au juge, y compris dans l’allocation de dommages et intérêts calculés selon une base forfaitaire, de veiller à ce que le montant alloué répare le préjudice réellement subi par la victime d’actes de contrefaçon, sans perte ni profit pour elle.
En l’occurrence, le contrat de licence de marque conclu le 20 juillet 2017 entre Mme [H] et la scoéité Battle [Localité 6] prévoyait en son article 6 qu’elle était consentie à titre gracieux (pièce [H] n°6 annexe 11).
La circonstance qu’une enseigne tierce à l’instance propose une franchise de magasin moyennant une redevance de 11% du chiffre d’affaires réalisé est inopérante.
Néanmoins, Mme [H] a subi un préjudice à tout le moins moral du fait de la contrefaçon précédemment établie.
La société Battle [Localité 6] sera, en conséquence, condamnée à payer 1000 euros à Mme [H] en réparation du préjudice qu’elle invoque, le surplus de ses demandes étant rejeté.
IV – Sur les dispositions finales

IV.1 – Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
La société Battle [Localité 6], partie perdante, sera condamnée aux dépens.
IV.2 – Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société Battle [Localité 6] sera condamnée à payer 1000 euros à Mme [H] à ce titre.
Mme [H] sera condamnée à payer 500 euros à la société Battle [Localité 7] à ce titre.
IV. 3 – Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] de leur demande en déchéance de Mme [D] [H] de ses droits sur la marque verbale française “Striky et les bowlings” n°3525496 ;

Déboute Mme [D] [H] de ses demandes en contrefaçon de marque à l’encontre de la société Battle [Localité 7] ;

Condamne la société Battle [Localité 6] à payer 1000 euros à Mme [D] [H] à titre de dommages-intérêts en réparation de la contrefaçon de la marque verbale française “striky et les bowlings” n°3525496 ;

Déboute Mme [D] [H] de ses demandes en communication d’informations comptables et en publication ;

Condamne la société Battle [Localité 6] aux dépens ;

Condamne la société Battle [Localité 6] à payer 1000 euros à Mme [D] [H] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [D] [H] de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la société Battle [Localité 7].

Condamne Mme [D] [H] à payer 500 euros à la société Battle [Localité 7] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 14 février 2024

La greffièreLe président

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de l’affaire entre Madame [D] [H] et les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ?

L’affaire concerne Madame [D] [H], qui est co-gérante et exploitante de deux salles de bowling dans le Val-de-Marne, et détient la marque « striky et les bowlings ». En 2017, les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont repris l’exploitation de ces salles, mais ont continué à utiliser la marque au-delà de la période autorisée par les contrats de cession.

En 2020, Madame [H] a constaté cette utilisation non autorisée et a assigné les sociétés en contrefaçon de marque, demandant des dommages et intérêts, la communication de leurs comptes, et d’autres réparations. Les sociétés ont contesté ces demandes et ont demandé la déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux.

Quelles sont les dispositions légales relatives à la contrefaçon de marque ?

Les dispositions légales concernant la contrefaçon de marque sont principalement régies par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L.713-1 alinéa 1er stipule que l’enregistrement d’une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur celle-ci pour les produits ou services désignés.

L’article L.713-2 interdit, sans autorisation, l’usage d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. L’atteinte aux droits du titulaire constitue une contrefaçon, engageant la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction, comme précisé dans l’article L.716-4.

Quelles étaient les demandes de Madame [D] [H] dans cette affaire ?

Madame [D] [H] a formulé plusieurs demandes au tribunal. Elle a demandé le rejet des demandes des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7], ainsi que le paiement d’une indemnité provisionnelle de 150 000 euros pour le préjudice patrimonial et de 10 000 euros pour le préjudice moral.

Elle a également demandé la communication des comptes sociaux des sociétés pour les exercices clos les 30 juin 2020 et 30 juin 2021, la publication de la décision dans deux magazines, et le remboursement de ses frais, s’élevant à 6 000 euros.

Quelles étaient les arguments des sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ?

Les sociétés Battle [Localité 6] et Battle [Localité 7] ont contesté les demandes de Madame [H] en soutenant qu’elles avaient cessé l’usage de la marque litigieuse. Elles ont également demandé la déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux, arguant que Madame [H] n’exploitait plus la marque depuis la cession de ses fonds de commerce en 2017.

Elles ont affirmé que les contrats de licence signés avec Madame [H] ne constituaient pas un usage sérieux de la marque, et ont demandé à être déboutées de toutes les demandes de Madame [H].

Quelle a été la décision du tribunal concernant la contrefaçon de marque ?

Le tribunal a statué en faveur de Madame [D] [H] en ce qui concerne la contrefaçon de la marque « striky et les bowlings » n°3525496 par la société Battle [Localité 6]. Il a établi que cette société avait continué à utiliser le signe identique à la marque après la cessation de ses droits, ce qui constituait une contrefaçon.

En revanche, la demande de contrefaçon à l’encontre de la société Battle [Localité 7] a été rejetée, car les preuves de l’utilisation de la marque par cette société n’étaient pas suffisantes.

Quelles mesures réparatrices ont été ordonnées par le tribunal ?

Le tribunal a condamné la société Battle [Localité 6] à verser 1 000 euros à Madame [D] [H] en réparation du préjudice moral causé par la contrefaçon. Il a également rejeté la plupart des autres demandes de Madame [H], y compris celles concernant la communication des comptes et la publication de la décision.

En ce qui concerne les dépens, la société Battle [Localité 6] a été condamnée à les payer, tandis que Madame [H] a été condamnée à verser 500 euros à la société Battle [Localité 7] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


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