L’Essentiel : L’affaire Yagi Tsusho concerne la contrefaçon de la marque Château de Chambord. Le domaine national a assigné la société japonaise pour nullité de marques et concurrence déloyale, après une mise en demeure restée sans réponse. Le tribunal a rejeté la demande de déchéance des marques du domaine, affirmant qu’il avait démontré un usage sérieux de ses marques. En revanche, Yagi Tsusho a prouvé qu’elle détenait des droits antérieurs sur les signes litigieux. Le jugement, rendu le 25 septembre 2024, a débouté les deux parties de leurs demandes respectives, tout en condamnant le domaine national aux dépens.
|
Les éventuels actes de commercialisation sur le territoire japonais ne peuvent aboutir à aucune condamnation pour contrefaçon d’une marque française (Château de Chambord).
Toutefois, en raison de la commercialisation de produits dérivés, les sociétés exploitantes de châteaux bénéficient désormais d’une protection de leurs marques pour les produits de la mode, de la papeterie et autres. Le domaine national du Château de Chambord a pu ainsi démontrer un usage sérieux de ses marques sur la période de référence, la demande reconventionnelle en déchéance de marques formulée par la société Yagi Tsusho poursuivie pour contrefaçon a été rejetée. Néanmoins, la société Yagi Tsusho a établi, disposer de droits antérieurs à ceux du domaine national de Chambord sur les signes litigieux. Dès lors, elle n’a fait que continuer l’exploitation de signes qu’elle a acquis et qui avaient été déposés antérieurement aux dépôts des marques invoquées par le domaine national de Chambord. Selon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable les 23 novembre 2011 et 4 février 2013, dates du dépôt des marques litigieuses, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; c) L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits ou aux services concernés. L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande. La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. Ces dispositions s’interprètent à la lumière des dispositions de l’article 12 paragraphe 1 de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, reprises par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, selon lequel le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire d’une marque est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande en déchéance, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux ; cependant, le commencement ou la reprise d’usage qui a lieu dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande de déchéance, ce délai commençant à courir au plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque les préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande de déchéance pourrait être présentée. La notion de commencement ou de reprise d’usage sérieux, permettant d’échapper à la déchéance, suppose que soit prouvé l’usage sérieux de la marque contestée (en ce sens Tribunal de l’Union européenne – TUE -, 14 mars 2017, IR c EUIPO et Pirelli Tyre SpA, T-132/15, § 95). Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (en ce sens Cour de justice de l’Union européenne – CJUE -, 11 mars 2003, Ansul, C-40/01, § 43). L’usage sérieux de la marque doit être établi pour chacun des produits ou services couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 29 janvier 2013, n° 11-28.596). Il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux et, même minime, il peut être suffisant pour recevoir cette qualification à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 16 février 2022, n° 19-20.562). Enfin, la CJUE, interprétant les dispositions de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n°207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, équivalente à celles de l’article 12, paragraphe 1, de la directive précitée, a dit pour droit qu’elles doivent être interprétées en ce sens que, dans le cas d’une demande reconventionnelle en déchéance des droits attachés à une marque de l’Union européenne, la date à prendre en compte pour déterminer si la période ininterrompue de cinq ans figurant à cette disposition est arrivée à son terme est celle de l’introduction de cette demande (CJUE, 17 décembre 2020, Husqvarna AB c. Lidl Digital International GmbH & Co. KG, C-607/19). Cette interprétation doit également s’appliquer aux marques françaises, dans la mesure où les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle ne sont que la transposition de celles de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, reprises par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. Selon l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.Ce droit s’exerce sans préjudice des droits acquis par les tiers avant la date de dépôt ou la date de priorité de cette marque. En vertu de l’article L.713-2 du même code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. L’article L.713-3-1 du même code précise que sont notamment interdits, en application des articles L.713-2 et L.713-3, les actes ou usages suivants : 1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; 2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe; 3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ; 4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale; 5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ; 6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L.122-1 à L.122-7 du code de la consommation; 7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée. Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Par ailleurs, constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle. En application de l’article L.716-4-9 du même code, le tribunal peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. Résumé de l’affaire : L’établissement public à caractère industriel et commercial du domaine national de [Localité 2] détient plusieurs marques liées au château de [Localité 2]. La société japonaise Yagi Tsusho possède également des marques qui, selon le domaine national, créent un lien trompeur avec le château. Après une mise en demeure restée sans réponse, le domaine national a assigné Yagi Tsusho en nullité de marques et en concurrence déloyale. Parallèlement, il a déposé des demandes de déchéance et de nullité auprès de l’EUIPO concernant les marques de Yagi Tsusho. Le tribunal a statué sur plusieurs points, écartant certaines demandes et déclarant son incompétence sur d’autres. L’EUIPO a prononcé la nullité d’une des marques de Yagi Tsusho, tandis qu’une autre demande a été rejetée. Les parties ont formulé des demandes contradictoires, le domaine national cherchant à faire reconnaître des actes de contrefaçon, tandis que Yagi Tsusho demandait la déchéance des marques du domaine national pour défaut d’usage sérieux. L’affaire est fixée pour plaidoirie en mars 2024.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 25 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/07910 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS [1] [1] Le ■ 3ème chambre N° RG 21/07910 – N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT E.P.I.C. DOMAINE NATIONAL DE [Localité 2] représentée par Maitre Eric CHAUPITRE, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #B0994 DÉFENDERESSE Société YAGI TSUSHO LIMITED représentée par Maître Sophie VIARIS DE LESEGNO de la SELEURL SVL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #G605 Décision du 25 septembre 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l’audience du 13 mars 2024 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Anne BOUTRON, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024 puis prorogé au 25 septembre 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L’établissement public à caractère industriel et commercial du domaine national de [Localité 2] (ci-après le domaine national de [Localité 2] ou EPDNC) est un ensemble architectural et naturel français. Il comprend, notamment, le monument historique du château de [Localité 2], situé dans le Loir et Cher, appartenant à l’État. La société Yagi Tsusho est une société japonaise spécialisée dans l’importation, la distribution et le développement de marques de prestige à destination du marché japonais. Elle est titulaire des marques : – verbale de l’Union européenne “[Localité 2]” n° 011705266, déposée le 2 avril 2013 pour désigner divers produits en classes 13, 18 et 25 Estimant que ces marques créaient un lien trompeur avec le château de [Localité 2], le domaine national de [Localité 2] a adressé, par courrier du 7 janvier 2021, une mise en demeure à la société Yagi Tsusho, sollicitant le retrait volontaire des marques litigieuses auprès de l’INPI, ainsi que l’engagement de la cessation de l’utilisation de l’image du château de [Localité 2]. La société Yagi Tsusho n’a pas déféré à ces demandes. Par conclusions d’incident du 14 septembre 2022, la société Yagi Tsusho a saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée du défaut d’usage sérieux des marques invoquées par le domaine national de [Localité 2]. Le 18 novembre 2022, par mesure d’administration judiciaire, le juge de la mise en état à renvoyé l’incident au tribunal. Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 1er février 2023, le domaine national de [Localité 2] demande au tribunal de :- débouter la défenderesse de sa demande de déchéance de ses marques, tant à titre d’irrecevabilité que sur le fond, Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2023, la société Yagi Tsusho demande au tribunal de : – la déclarer recevable en sa demande reconventionnelle MOTIVATION
1 – Sur la demande reconventionnelle en déchéance des marques n° 3876290 et n° 3980815 Moyens des parties La société Yagi Tsusho fait valoir que les marques n° 3876290 et n° 3980815 ne font l’objet d’aucune preuve d’usage dans les cinq ans suivant leur enregistrement, respectivement publiés les 15 mars 2013 et 31 mai 2013, et n’ont fait l’objet d’une reprise d’usage que postérieurement au 24 mai 2022, date à laquelle la demanderesse connaissait la demande en déchéance qui lui a été opposée au cours de la procédure devant l’EUIPO. Elle ajoute que les preuves d’usage produites pour la période antérieure démontrent que les ventes d’articles sont confidentielles, postérieures à l’introduction de l’instance, ne concernent pas l’ensemble des produits pour lesquels les marques ont été enregistrées et les signes exploités le sont à titre décoratif, non à titre de marque. Selon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable les 23 novembre 2011 et 4 février 2013, dates du dépôt des marques litigieuses, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.Est assimilé à un tel usage : Ces dispositions s’interprètent à la lumière des dispositions de l’article 12 paragraphe 1 de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, reprises par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, selon lequel le titulaire d’une marque peut être déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire d’une marque est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande en déchéance, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux ; cependant, le commencement ou la reprise d’usage qui a lieu dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande de déchéance, ce délai commençant à courir au plus tôt à l’expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n’est pas pris en considération lorsque les préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande de déchéance pourrait être présentée. La notion de commencement ou de reprise d’usage sérieux, permettant d’échapper à la déchéance, suppose que soit prouvé l’usage sérieux de la marque contestée (en ce sens Tribunal de l’Union européenne – TUE -, 14 mars 2017, IR c EUIPO et Pirelli Tyre SpA, T-132/15, § 95). Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (en ce sens Cour de justice de l’Union européenne – CJUE -, 11 mars 2003, Ansul, C-40/01, § 43). Il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux et, même minime, il peut être suffisant pour recevoir cette qualification à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 16 février 2022, n° 19-20.562). Cette interprétation doit également s’appliquer aux marques françaises, dans la mesure où les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle ne sont que la transposition de celles de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, reprises par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. Il ressort de l’ensemble de ces éléments, et surtout des constats réalisés dans les boutiques du domaine, que le demandeur use bel et bien des marques en cause, pour la vente de produits des classes 18 et 25, peu important que quelques offres à la vente soient constatées postérieurement à la période de référence de cinq ans précédant le 14 septembre 2022. 2 – Sur la demande de communication de pièces Moyens des parties Suite à une sommation de communiquer des pièces demeurée sans effet, le domaine national de [Localité 2] demande au tribunal d’ordonner la communication de ces mêmes pièces par la défenderesse, afin de pouvoir établir la contrefaçon de ses marques sur le territoire français. Il considère qu’en commercialisant des articles de maroquinerie sous la marque “[Localité 2] sellier” et en reprenant l’image du château de [Localité 2], la société Yagi Tsusho commet des actes de contrefaçon des marques françaises verbales n° 3876290 et n° 3980815 et figurative n° 4368358 que seules les pièces qu’il réclame permettraient d’établir. Selon l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.Ce droit s’exerce sans préjudice des droits acquis par les tiers avant la date de dépôt ou la date de priorité de cette marque. En vertu de l’article L.713-2 du même code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; L’article L.713-3-1 du même code précise que sont notamment interdits, en application des articles L.713-2 et L.713-3, les actes ou usages suivants :1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; Aux termes de l’article L.716-4 du même code, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Par ailleurs, constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle. La société Yagi Tsusho établit, de ce fait, disposer de droits antérieurs à ceux du domaine national de [Localité 2] sur les signes litigieux. Dès lors, elle ne fait que continuer l’exploitation de signes qu’elle a acquis et qui avaient été déposés antérieurement aux dépôts des marques invoquées par le domaine national de [Localité 2]. Moyens des parties Le domaine national de [Localité 2] demande, à titre subsidiaire, au tribunal d’interdire à la société Yagi Tsusho d’utiliser la dénomination “[Localité 2]” et l’image du château de [Localité 2] pour commercialiser des articles de maroquinerie. En vertu de l’article 768 alinéa 2 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Moyens des parties La société Yagi Tsusho demande la condamnation du domaine national de [Localité 2] au paiement de 10 000 euros pour procédure abusive, estimant que son action vise à l’exproprier de l’usage d’une marque exploitée paisiblement de longue date dans une intention manifeste de lui nuire. L’article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 5.1 – S’agissant des frais du procès Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. PAR CES MOTIFS
Le tribunal, Déboute la société Yagi Tsusho de sa demande en déchéance des marques n° 3876290 et n° 3980815 ; Déboute l’établissement public du domaine national de [Localité 2] de ses demandes principale en communication de pièces et subsidiaire en interdiction ; Déboute la société Yagi Tsusho de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; Condamne l’établissement public du domaine national de [Localité 2] aux dépens avec droit pour Maître Sophie Viaris de Lesegno, avocate au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l’avance sans recevoir provision ; Condamne l’établissement public du domaine national de [Localité 2] à payer à la société Tagi Tsusho 16 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 25 septembre 2024 La greffière Le président |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre le domaine national de Chambord et la société Yagi Tsusho ?L’affaire concerne un conflit entre l’établissement public à caractère industriel et commercial du domaine national de Chambord, qui détient plusieurs marques liées au château de Chambord, et la société japonaise Yagi Tsusho, qui possède également des marques similaires. Le domaine national a estimé que les marques de Yagi Tsusho créaient un lien trompeur avec le château et a donc engagé des actions en nullité de marques et en concurrence déloyale. Après une mise en demeure restée sans réponse, le domaine national a assigné Yagi Tsusho en justice, demandant la déchéance de ses marques et la reconnaissance d’actes de contrefaçon. Le tribunal a examiné plusieurs points, écartant certaines demandes et déclarant son incompétence sur d’autres, tandis que l’EUIPO a prononcé la nullité d’une des marques de Yagi Tsusho. Quelles sont les marques en jeu dans cette affaire ?Le domaine national de Chambord détient plusieurs marques, notamment : – La marque verbale “Château de Chambord” n° 3876290, déposée le 23 novembre 2011, pour divers produits et services. De son côté, la société Yagi Tsusho possède des marques telles que : – La marque verbale de l’Union européenne “[Chambord]” n° 011705266, déposée le 2 avril 2013. Ces marques sont au cœur du litige, car le domaine national de Chambord accuse Yagi Tsusho de contrefaçon et de concurrence déloyale. Quelles sont les implications de l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dans cette affaire ?L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle stipule que le propriétaire d’une marque peut encourir la déchéance de ses droits s’il n’en a pas fait un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cet usage sérieux est essentiel pour maintenir les droits sur la marque. L’article précise également que la preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Dans le cadre de cette affaire, la société Yagi Tsusho a demandé la déchéance des marques du domaine national de Chambord, arguant qu’il n’y avait pas eu d’usage sérieux de ces marques pendant la période requise. Le tribunal a dû examiner si le domaine national pouvait prouver un usage sérieux de ses marques pour éviter la déchéance. Comment le tribunal a-t-il statué sur la demande de déchéance des marques ?Le tribunal a rejeté la demande de déchéance formulée par la société Yagi Tsusho concernant les marques n° 3876290 et n° 3980815. Il a constaté que le domaine national de Chambord avait effectivement démontré un usage sérieux de ses marques pendant la période de référence. Les preuves présentées comprenaient des ventes de produits portant les marques, des contrats de licence, et des constats de commissaires de justice attestant de l’utilisation des marques dans le cadre de la commercialisation de produits. Le tribunal a ainsi conclu que le domaine national avait respecté les exigences d’usage sérieux, ce qui a permis de maintenir ses droits sur les marques en question. Quelles ont été les conséquences pour la société Yagi Tsusho suite à cette décision ?Suite à la décision du tribunal, la société Yagi Tsusho a vu sa demande de déchéance des marques du domaine national de Chambord rejetée. Cela signifie qu’elle ne pourra pas revendiquer la déchéance des droits sur les marques n° 3876290 et n° 3980815, ce qui renforce la position du domaine national sur ses marques. De plus, le tribunal a condamné Yagi Tsusho à payer 16 000 euros au titre des frais de justice, ce qui représente un coût supplémentaire pour la société. Cette décision a également des implications sur la capacité de Yagi Tsusho à utiliser les marques litigieuses, renforçant ainsi la protection des droits du domaine national de Chambord. |
Laisser un commentaire