Contrefaçon en ligne : Juridictions et responsabilités

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Contrefaçon en ligne : Juridictions et responsabilités

L’Essentiel : La contrefaçon en ligne soulève des questions complexes de juridiction et de responsabilité. Selon la jurisprudence européenne, le demandeur peut saisir les tribunaux de l’État du domicile du défendeur ou celui où le fait dommageable s’est produit. En matière de diffamation, la victime peut agir dans l’État d’établissement de l’éditeur ou dans chaque État où la publication a été diffusée. De plus, la simple accessibilité d’un site sur un territoire protégé ne suffit pas à prouver que les offres de produits contrefaisants visent des consommateurs locaux. Les juridictions nationales doivent évaluer chaque cas individuellement.

1ère espèce – Il est acquis qu’en matière de contrefaçon, le demandeur peut saisir les tribunaux de l’Etat dans lequel le défendeur a son domicile ou le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire (1), ce dernier lieu étant soit celui où l’auteur de la contrefaçon est établi, soit celui où l’objet de la contrefaçon se trouve diffusé. Concernant les contrefaçons sur Internet, les juges européens ont posé certaines spécificités :
1) L’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit » doit, en cas de diffamation au moyen d’un article de presse diffusé dans plusieurs États de l’Union, être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie (Fiona Shevill c/ Press Alliance SA, CJUE, 7 mars 1995, C-68/93) ;
2) La simple accessibilité d’un site Internet sur le territoire couvert par une marque protégée ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente de produits supposés contrefaisants sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire. Il incombe aux juridictions nationales d’apprécier au cas par cas s’il existe des indices pertinents pour conclure qu’une offre à la vente de produits supposés contrefaisants est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci (L’Oréal SA e. a. c/ eBay International e.a., CJUE, 12 juillet 2011, C-324/09) ;
3) En cas d’atteinte aux droits de la personnalité (vie privée, image …) au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’Etat membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts, que cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été et que celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie (eDate Advertising et Martinez, 25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10).
Dans cette nouvelle affaire concernant la commercialisation de CD Audio contrefaisants pressés en Autriche, la Cour de cassation vient de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une nouvelle hypothèse : si les juridictions nationales sont compétentes sur les atteinte aux droits patrimoniaux d’auteur résultant de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé, celles-ci sont elles également compétentes lorsqu’un le support matériel reproduisant le contenu est offert à la vente en ligne ?
A noter que dans le cas particulier de la publicité comparative (dénigrement) sur Internet entre Sociétés, les juges ont l’obligation de rechercher si l’information prétendument dénigrante diffusée en ligne est destinée ou non aux internautes français (la seules accessibilité du site Internet en France étant insuffisante).

(1) L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose qu’en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Mots clés : Contrefacon sur internet

Thème : Contrefacon sur internet

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour de cass. com. | 20 mars 2012 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence des tribunaux en matière de contrefaçon ?

Le demandeur en matière de contrefaçon peut saisir les tribunaux de l’État où le défendeur a son domicile ou le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Ce dernier lieu peut être celui où l’auteur de la contrefaçon est établi ou celui où l’objet de la contrefaçon est diffusé. Cette règle s’applique également aux contrefaçons sur Internet, où des spécificités ont été établies par les juges européens.

Comment les juges européens interprètent-ils le « lieu où le fait dommageable s’est produit » ?

Dans le cas de diffamation via un article de presse diffusé dans plusieurs États de l’Union, la victime peut intenter une action en réparation devant les juridictions de l’État où l’éditeur est établi.

Elle peut également agir devant les juridictions de chaque État où la publication a été diffusée, mais uniquement pour les dommages causés dans cet État. Cette interprétation a été confirmée par l’affaire Fiona Shevill c/ Press Alliance SA, jugée par la CJUE en mars 1995.

Quelles sont les implications de l’accessibilité d’un site Internet sur la contrefaçon ?

La simple accessibilité d’un site Internet sur le territoire d’une marque protégée ne suffit pas à conclure que les offres de produits supposés contrefaisants sont destinées à des consommateurs de ce territoire.

Les juridictions nationales doivent évaluer, au cas par cas, s’il existe des indices pertinents pour établir que l’offre est effectivement destinée à des consommateurs situés sur ce territoire. Cette position a été affirmée dans l’affaire L’Oréal SA e. a. c/ eBay International e.a. en juillet 2011.

Quelles sont les options pour une personne lésée par des contenus en ligne ?

Une personne qui se considère lésée par des contenus en ligne peut saisir les juridictions de l’État où l’émetteur est établi ou celles de l’État où se trouve son centre d’intérêts.

Elle peut également introduire une action devant les juridictions de chaque État membre où le contenu a été accessible, mais celles-ci ne seront compétentes que pour le dommage causé sur leur territoire. Cette règle a été précisée dans l’affaire eDate Advertising et Martinez en octobre 2011.

Quelle est la question posée à la Cour de justice de l’Union européenne concernant la vente en ligne de CD Audio contrefaisants ?

La Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour déterminer si les juridictions nationales sont compétentes pour traiter les atteintes aux droits patrimoniaux d’auteur résultant de la mise en ligne d’un contenu dématérialisé.

La question se pose également pour savoir si cette compétence s’étend à la vente en ligne d’un support matériel reproduisant ce contenu. Cette problématique souligne les défis juridiques liés à la contrefaçon sur Internet.

Quelles sont les obligations des juges concernant la publicité comparative sur Internet ?

Dans le cas de la publicité comparative sur Internet, les juges doivent vérifier si l’information prétendument dénigrante est destinée aux internautes français.

La seule accessibilité du site Internet en France ne suffit pas à établir cette intention. Cela implique une analyse plus approfondie pour déterminer si le contenu est effectivement ciblé vers le public français, ce qui est déterminant pour la protection des droits des entreprises.


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