L’Essentiel : Dans le cadre d’un litige concernant la contrefaçon de droits d’auteur, la Cour d’appel de Paris a jugé que les demandes d’informations adressées à l’ADAGP par les artistes [V] et [X] [J] étaient sans pertinence. Les requêtes, visant à obtenir des détails sur les œuvres déclarées et les ventes effectuées par la Galerie Objet Trouvé, ne touchaient pas au cœur du litige, qui portait sur la reproduction non autorisée de certaines œuvres sur le site de la galerie. La cour a confirmé l’ordonnance initiale, déboutant les demandeurs de leur requête de communication de pièces.
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En matière de ventes non autorisées d’oeuvres en galerie d’art, les demandes dirigées contre l’ADAGP ne sont pas pertinentes. Les demandes relatives à la communication de « toutes les informations sur les oeuvres déclarées auprès de l’ADAGP (date, format, technique, provenance) permettant d’identifier les oeuvres déclarées à l’ADAGP et non identifiables sur les cinq dernières années », ainsi que « tous les relevés des ventes avec la mention des informations permettant d’identifier les oeuvres vendues de [I] sur les cinq dernières années, les redditions de comptes et la copie des factures correspondantes de la société GALERIE OBJET TROUVE» sont sans pertinence relativement au litige qui ne porte pas sur le droit de suite des artistes mais sur la prétendue contrefaçon de droits d’auteur au titre de la reproduction supposée illicite de quatre oeuvres sur le site internet de la galerie et de l’exposition d’une autre oeuvre sans autorisation. * * * Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, 29 mars 2023, 22/07028 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 1 ARRET DU 29 MARS 2023 (n°052/2023, 5 pages) Numéro d’inscription au répertoire général :22/07028 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTKL Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Février 2022 du Juge de la mise en état – Tribunal judiciaire de Paris – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 21/05823 APPELANTS Monsieur [V] [J] Né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 7], ROYAUME-UNI De nationalité britannique Demeurant [Adresse 6] [Localité 3] Madame [X] [J] Née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8], ROYAUME-UNI De nationalité britannique Demeurant [Adresse 6] [Localité 3] Représentés et assistés de Me Ismay MARÇAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E701 INTIMEE SOCIETE GALERIE OBJET TROUVE exerçant sous l’enseigne GALERIE CHRISTIAN BERST, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliès ès qualités audit siège [Adresse 2] [Localité 5] Représentée et assistée de Me Marie-Hélène VIGNES de la SELARL ARTWORK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B696 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et, Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, Mme Françoise BARUTEL, conseillère, Mme Déborah BOHEE, conseillère, Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON ARRÊT : Contradictoire par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** EXPOSE DU LITIGE [V] et [X] [J] se présentent comme deux artistes d’origine britannique identifiés sous le pseudonyme ‘[I]’. La Galerie Objet Trouvé, exerçant sous le nom commercial « Galerie Christian Berst », a été créée en 2006 et représentait [I] jusqu’au 3 février 2010. Exposant que la Galerie Objet Trouvé a reproduit sans autorisation sur son site internet quatre ‘uvres de l’artiste [I] et qu’elle a communiqué au public une oeuvre dans le cadre de l’exposition ‘In the flesh : corps véritables’ du 14 juin au 12 juillet 2020, [V] et [X] [J] ont, par acte délivré le 15 avril 2021, fait assigner la société Galerie Objet Trouvé en contrefaçon de droit d’auteur. Par conclusions d’incident du 10 août 2021, la société Galerie Objet Trouvé a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de nullité de l’assignation. [V] et [X] [J] ont formé une demande reconventionnelle d’injonction sous astreinte de communication d’informations et de pièces. Dans l’ordonnance dont appel rendue le 18 février 2022, le juge de la mise en état a : – donné acte à la société Galerie Objet Trouvé de son désistement de sa demande d’annulation de l’assignation ; – débouté [X] et [V] [J] de leur demande de communication de pièces ; – condamné [X] et [V] [J] à payer à la société Galerie Objet Trouvé la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; – renvoyé l’affaire à l’audience de mise en l’état du 24 mars 2022 (audience dématérialisée) pour conclusions au fond de la demanderesse ; – réservé les dépens. Le 5 avril 2022, M. et Mme [J] ont interjeté appel de cette ordonnance. Dans leurs conclusions, numérotées 1 signifiées par RPVA le 30 juin 2022, M. et Mme [J] demandent à la cour de : Vu les articles du code civil 1984 et 1993 du code civil Vu l’adage « Fraus omnia corrumpit » – reformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a : – débouté [X] et [V] [J] de leur demande de communication de pièces; – condamné [X] et [V] [J] à payer à la société OBJET TROUVE la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; – renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 24 mars 2022 (audience dématérialisée) pour conclusions au fond de la demanderesse ; – réservé les dépens. Statuant à nouveau – faire injonction à la société Galerie Objet Trouvé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir de communiquer : * (…) – Toutes les informations au titre de l »uvre exposée de l’artiste [I] (date, format, technique, provenance) et la liste des prix de l’exposition intitulée « In the Flesh : corps véritables » qui s’est déroulée du 14 juin au 12 juillet 2020 au sein de la Galerie Objet Trouvé ; *Toutes les informations sur les ‘uvres déclarées auprès de l’ADAGP (date, format, technique, provenance) permettant d’identifier les ‘uvres déclarées à l’ADAGP et non identifiables sur les cinq dernières années ; *Tous les relevés des ventes avec la mention des informations permettant d’identifier les ‘uvres vendues de [I] sur les cinq dernières années, les redditions de comptes et la copie des factures correspondantes de la société Galerie Objet Trouvé. (…) » En tout état de cause – renvoyer le dossier à une prochaine audience de mise en état et FAIRE INJONCTION à la Galerie Objet Trouvé de conclure au fond ; – condamner la Galerie Objet Trouvé à payer à M. et Mme [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner la Galerie Objet Trouvé aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Ismay MARÇAIS en application de l’article 699 du code de procédure civile. Dans ses conclusions, numérotées 1 signifiées par RPVA le 15 août 2022, la société Galerie Objet Trouvé, exerçant sous le nom Galerie Christian Berst demande à la cour de : Vu les dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile, – confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; En conséquence, – débouter Mme [X] [J] et M. [V] [J] de leur demande de production forcée de pièces et plus généralement de l’ensemble de leurs demandes en toutes fins qu’elles comportent ; Y ajoutant, – condamner in solidum Mme [X] [J] et M. [V] [J] à payer à la Galerie Objet Trouvé (Galerie Christian Berst la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner in solidum Mme [X] [J] et M. [V] [J] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Marie-Hélène Vignes. MOTIFS DE LA DECISIONEn application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées. Sur le chef de l’ordonnance non contesté La cour constate que l’ordonnance dont appel n’est pas contestée en ce qu’elle a donné acte du désistement de la société Galerie Trouvé de sa demande d’annulation de l’assignation. Sur l’injonction de communiquer M.et Mme [J] font valoir que depuis le 3 février 2010 la Galerie Objet Trouvé n’est plus autorisée à reproduire sans autorisation les ‘uvres des artistes pour sa promotion ou la vente de leurs ‘uvres ; qu’elle a continué à mentionner le nom de [R] [I] sur son site internet, à reproduire la photographie de M. [V] [J] sans autorisation et exposer les ‘uvres sans autorisation ; qu’ayant été liés à la société Galerie Objet Trouvé par un contrat de mandat de représentation, ils sont en droit de demander à cette galerie de rendre compte de sa gestion ; qu’elle n’a pas déclaré auprès de l’ADAGP le titre exact des ‘uvres vendues, ni les ‘uvres exposées après la fin du mandat, de sorte que M. et Mme [J] ne peuvent identifier ces dernières pour recevoir la rémunération qui leur est due. Ils soutiennent que le 20 août 2020 l’ADAGP a indiqué que la Galerie Objet Trouvé avait déclaré deux ventes des oeuvres des artistes au 27 janvier 2020 et 24 juin 2020 pour un montant total de 6 500 euros ; qu’elle n’a jamais précisé le titre des oeuvres vendues ne permettant pas leur identification ; que la Galerie Objet Trouvé dissimule l’étendue réelle des infractions et la violation de la fin du contrat de mandat. La Galerie Objet Trouvé soutient que la demande de production de pièces formée par les époux [J] est sans objet s’agissant de l’ouvre exposée qu’ils ont identifiée dans leurs conclusions et pour le reste dénuée de tout lien avec les allégations de contrefaçon ; qu’au surplus le bulletin type de déclaration de droit de suite à l’ADAGP ne prévoit pas de mention du titre des oeuvres vendues ; que les seuls renseignements requis conformément à l’article R. 122-10 du code de la propriété intellectuelle sont la date de la vente, le nom de l’auteur et le cas échéant les bénéficiaires du droit de suite ; que la galerie n’avait donc aucune obligation légale de déclarer à l’ADAGP, qui ne le lui demandait pas, les titres des oeuvres vendues ; qu’aucune dissimulation ne peut donc lui être reprochée. La cour constate que la demande de production de ‘toutes les informations au titre de l »uvre exposée de l’artiste [I] (date, format, technique, provenance) et la liste des prix de l’exposition intitulée « IN THE FLESH : CORPS VÉRITABLES » qui s’est déroulée du 14 juin au 12 juillet 2020 au sein de la GALERIE OBJET TROUVÉ’, est pour partie sans objet relativement à l’oeuvre exposée, que M.et Mme [J] ont identifiée dans leurs écritures au fond devant le tribunal judiciaire, pour partie prématurée relativement au prix de ladite oeuvre, et pour le reste sans lien avec le litige s’agissant du prix des autres oeuvres exposées. Les autres demandes relatives à la communication de « toutes les informations sur les ‘uvres déclarées auprès de l’ADAGP (date, format, technique, provenance) permettant d’identifier les ‘uvres déclarées à l’ADAGP et non identifiables sur les cinq dernières années », ainsi que « tous les relevés des ventes avec la mention des informations permettant d’identifier les ‘uvres vendues de [I] sur les cinq dernières années, les redditions de comptes et la copie des factures correspondantes de la société GALERIE OBJET TROUVE» sont également sans pertinence relativement au litige qui ne porte pas sur le droit de suite des artistes mais sur la prétendue contrefaçon de droits d’auteur au titre de la reproduction supposée illicite de quatre oeuvres sur le site internet de la galerie et de l’exposition d’une autre oeuvre sans autorisation. L’ordonnance doit dès lors être confirmée en ce qu’elle a débouté M.et Mme [J] de leur demande de communication de pièces. PAR CES MOTIFS, Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne [V] et [X] [J] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile, et vu l’article 700 du code de procédure civile les condamne à verser, à ce titre, à la société Galerie Objet Trouvé, la somme de 1 000 euros. La Greffière La Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature du litige entre les artistes [V] et [X] [J] et la Galerie Objet Trouvé ?Le litige entre les artistes [V] et [X] [J], qui se présentent sous le pseudonyme ‘[I]’, et la Galerie Objet Trouvé concerne des allégations de contrefaçon de droits d’auteur. Les artistes affirment que la galerie a reproduit sans autorisation quatre de leurs œuvres sur son site internet et a exposé une autre œuvre lors de l’exposition intitulée « In the Flesh : corps véritables » sans obtenir le consentement nécessaire. Cette situation a conduit les artistes à assigner la galerie en justice pour contrefaçon, en date du 15 avril 2021. Ils soutiennent que la galerie a continué à utiliser leur nom et à exposer leurs œuvres après la fin de leur contrat de représentation, ce qui constitue une violation de leurs droits d’auteur. Pourquoi les demandes de communication d’informations des artistes ont-elles été jugées sans pertinence ?Les demandes de communication d’informations formulées par [V] et [X] [J] ont été jugées sans pertinence par la cour car elles ne sont pas directement liées au litige principal, qui porte sur la contrefaçon de droits d’auteur. Les artistes avaient demandé des informations concernant les œuvres déclarées auprès de l’ADAGP, ainsi que des relevés de ventes et des factures de la galerie. Cependant, la cour a estimé que ces demandes ne concernaient pas le cœur du litige, qui se concentre sur la reproduction supposée illicite de leurs œuvres. En effet, le litige ne traite pas du droit de suite des artistes, mais de la contrefaçon liée à l’utilisation non autorisée de leurs œuvres. Par conséquent, les demandes de communication ont été considérées comme dénuées de pertinence. Quelles ont été les décisions prises par la cour d’appel de Paris dans cette affaire ?La cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, qui avait débouté [V] et [X] [J] de leur demande de communication de pièces. La cour a également condamné les artistes à payer des dépens à la société Galerie Objet Trouvé, en application des articles 699 et 700 du code de procédure civile. En résumé, la cour a statué que les demandes des artistes étaient sans objet ou sans lien avec le litige principal, et a donc maintenu la décision initiale du tribunal. Cela signifie que les artistes n’ont pas obtenu les informations qu’ils avaient demandées, et la galerie n’a pas été contrainte de fournir ces données. Quel est le contexte légal entourant cette affaire ?Le contexte légal de cette affaire repose sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. Les artistes [V] et [X] [J] invoquent leurs droits d’auteur pour contester la reproduction non autorisée de leurs œuvres par la Galerie Objet Trouvé. Selon le code de la propriété intellectuelle, les artistes ont le droit de contrôler l’utilisation de leurs œuvres et de recevoir une rémunération pour leur exploitation. La cour a également pris en compte les dispositions du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne la communication de pièces et les demandes reconventionnelles. Les articles cités dans le jugement, tels que l’article 700, prévoient des dispositions sur les dépens et les frais de justice, ce qui a conduit à la condamnation des artistes à verser des sommes à la galerie. Ainsi, cette affaire illustre les enjeux complexes liés à la protection des droits d’auteur dans le domaine de l’art et les procédures judiciaires qui en découlent. |
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