L’Essentiel : Dans l’affaire Gucci contre Vêtir, la société Gucci a poursuivi Vêtir pour contrefaçon, arguant que des mocassins vendus sous l’enseigne « GEMO » reproduisaient illicitement son emblématique mors de cheval. Cependant, le tribunal a jugé que cette forme n’était pas suffisamment distinctive, ayant été largement utilisée par d’autres avant le dépôt de la marque par Gucci. De plus, Gucci n’a pas réussi à prouver que le mors avait acquis une distinctivité par l’usage. La concurrence déloyale a également été écartée, le tribunal considérant que Vêtir avait simplement utilisé une décoration banale sur une chaussure classique.
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Gucci contre Vêtir La société Gucci France est le distributeur en France des produits Gucci, notamment de chaussures de luxe. Estimant que la société Vêtir commercialisait dans ses boutiques à l’enseigne “GEMO” des mocassins reproduisant illicitement une marque “mors de cheval” de la société Guccio Gucci SpA apposée sur des mocassins, la société Guccio Gucci SpA a poursuivi en contrefaçon la société Vêtir. La société Gucci appose sur ses mocassins, cette forme particulière de mors de cheval depuis les années 50. Nullité de marque La société Vêtir a soutenu avec succès que la forme de mors revendiquée à titre de marque par la société Gucci n’était que la représentation classique du mors à cheval “filet à olive” ? Antérieurement à son dépôt à titre de marque, ce signe était largement utilisé comme élément décoratif sur des chaussures par d’autres opérateurs économiques pour être apposé sur des articles chaussants, et ce tant en France qu’à l’étranger. La société Guccio Gucci n’a pas réussi à prouver qu’elle avait des droits antérieurs sur un tel signe. En d’autres termes, ce signe n’était pas suffisamment distinctif. Marque distinctive L’article L. 711 -2 du Code de la propriété intellectuelle énonce que pour constituer une marque, un signe doit être distinctif. Ce principe doit être interprété à la lumière de l’article 3 b) de la directive n° 89/104, lequel fait de l’exigence du caractère distinctif une condition autonome de validité. Le caractère distinctif d’une marque au sens de ce texte doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent. Seule une marque, qui de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur, et de ce fait, susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif. Les juges ont donc recherché si la représentation d’un mors à olive est susceptible de remplir la fonction d’une marque, c’est-à-dire celle de désigner aux yeux du consommateur l’origine des produits pour lesquels celle-ci est enregistrée, et dès lors les différencier “sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance ». Or, en l’espèce, dans les années 1967, 1968 la société ARS SUTORIA qui est un professionnel de la chaussure en Italie proposait déjà des mors en forme de filet à olive et des chaussures ornées de ces mors. Dans les années 1980, 1981, 1984, 1992 et 1993 de nombreux catalogues proposaient des chaussures sur lesquelles le signe mors à olive était apposé. Un catalogue Poursin de 1974 montrait également qu’en France cette société qui est un professionnel du secteur offrait en vente aux différents acteurs économiques des mors à olives. Il était donc suffisamment établi que le mors à olives et les autres mors assez similaires sont utilisés depuis les années 60 pour orner les chaussures. Le consommateur ne peut identifier cet ornement de mors à olive comme étant à lui seul un indicateur d’origine du produit Gucci. L’usage de marque La société Guccio Gucci fait aussi valoir que le mors à olive, même s’il n’était pas distinctif à l’origine, avait acquis sa distinctivité par un usage sur le territoire français. Le dernier alinéa de l’article L 711-2 du Code propriété intellectuelle indique que le caractère distinctif peut sauf dans le cas prévu au c), être acquis par l’usage. Or, là non plus, les juges ont écarté l’argument de la société Gucci. L’appréciation de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage doit s’opérer à partir de données fiables et concrètes. La CJUE a dans un arrêt du 14 mai 1999, défini les critères à appliquer pour apprécier l’acquisition du caractère distinctif : la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles. Cette preuve n’était pas apportée en l’espèce. Absence de concurrence déloyale La concurrence déloyale a également été écartée : en commercialisant ses mocassins litigieux, la société Vêtir a utilisé une forme banale de chaussure qu’elle a agrémentée d’une décoration banale, un mors de cheval, utilisé uniquement en moitié eu égard au peu de place pour le disposer, ce qui ne démontre pas l’existence d’actes de parasitisme au préjudice des sociétés Gucci. Affaire à suivre en cas d’appel … Mots clés : Contrefaçon – Chaussures Thème : Contrefaçon – Chaussures A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 17 janvier 2013 | Pays : France |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce qui rend une marque distinctive ?Réponse : Selon l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, une marque doit être distincte pour être protégée. Cela signifie qu’elle doit être capable de désigner l’origine des produits ou services qu’elle représente, sans confusion avec d’autres marques. La distinctivité est essentielle car elle permet aux consommateurs d’identifier rapidement l’origine d’un produit. Une marque distinctive aide à éviter la confusion sur le marché et protège les droits des entreprises. Les marques peuvent être classées en plusieurs catégories selon leur distinctivité, allant des marques fantaisistes, qui sont très distinctives, aux marques descriptives, qui sont moins distinctives et peuvent nécessiter une preuve d’usage pour obtenir une protection. Comment évalue-t-on le caractère distinctif d’une marque ?Réponse : Le caractère distinctif est évalué par rapport aux produits ou services concernés et à la perception du public. Une marque doit diverger de la norme du secteur pour être considérée comme distinctive. Les juges prennent en compte divers facteurs, tels que l’historique d’utilisation de la marque, la notoriété auprès du public et la manière dont la marque est perçue par les consommateurs. Il est également important de considérer le contexte dans lequel la marque est utilisée, car certaines marques peuvent être perçues différemment selon le secteur d’activité ou le marché cible. Quelles preuves sont nécessaires pour prouver l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage ?Réponse : Les preuves doivent inclure des données sur la part de marché, l’intensité et la durée de l’usage, ainsi que les investissements réalisés pour promouvoir la marque. Ces éléments doivent démontrer que le public associe la marque à une entreprise spécifique. Les entreprises doivent fournir des éléments tangibles, tels que des études de marché, des témoignages de consommateurs et des chiffres de ventes, pour prouver que leur marque a acquis une distinctivité au fil du temps. Sans ces preuves, il est difficile pour une entreprise de revendiquer des droits exclusifs sur un motif ou un design, surtout si celui-ci a été largement utilisé dans l’industrie. Qu’est-ce que la concurrence déloyale ?Réponse : La concurrence déloyale se réfère à des pratiques commerciales trompeuses ou injustes qui nuisent à d’autres entreprises. Dans ce cas, il s’agit de l’utilisation d’une marque ou d’un motif qui pourrait induire en erreur les consommateurs sur l’origine des produits. Les actes de concurrence déloyale peuvent inclure la contrefaçon, la désinformation sur les produits, ou l’imitation de l’apparence d’un produit. Pour qu’une action en concurrence déloyale soit retenue, il faut prouver que l’acte en question a causé un préjudice à l’entreprise plaignante, ce qui peut être complexe à établir dans certains cas. Quelles implications l’affaire Gucci contre Vêtir pourrait-elle avoir pour d’autres marques de luxe ?Réponse : L’affaire Gucci contre Vêtir met en lumière les défis liés à la protection des marques dans l’industrie de la mode. La décision des juges souligne l’importance de la distinctivité et de l’usage dans l’évaluation des droits de propriété intellectuelle. Cette affaire pourrait inciter d’autres marques de luxe à renforcer leurs stratégies de protection de marque, en s’assurant que leurs motifs et designs sont suffisamment distinctifs et en fournissant des preuves solides de leur usage. Les marques devront également être conscientes des motifs qui sont considérés comme banals ou largement utilisés, afin d’éviter des litiges similaires à l’avenir. |
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