Contrat de vente et obligations d’exécution : enjeux de conformité et de responsabilité.

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Contrat de vente et obligations d’exécution : enjeux de conformité et de responsabilité.

L’Essentiel : La SASU ELEVANCE a assigné le GAEC [Localité 3] pour le paiement d’une créance de 32.402,23 euros, en plus de dommages et intérêts. Le tribunal a reconnu la créance comme certaine, mais a également pris en compte les manquements du fournisseur, notamment l’absence de balais Brosskit. Bien que le retard d’installation n’ait pas justifié la résolution du contrat, l’inexécution partielle a conduit à une décision partagée. Le GAEC a été condamné à verser 29.176,26 euros, tandis que la SASU ELEVANCE a dû indemniser le GAEC à hauteur de 18.500 euros, avec compensation des créances.

Contexte de l’affaire

La SASU ELEVANCE a assigné le GAEC [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Poitiers le 8 septembre 2022, réclamant le paiement d’une créance de 32.402,23 euros, ainsi que des dommages et intérêts et des frais de justice. La SASU ELEVANCE a également demandé le maintien de l’exécution provisoire.

Demandes de la SASU ELEVANCE

Dans ses conclusions, la SASU ELEVANCE a réaffirmé que la créance était certaine et exigible, demandant le paiement de la somme due, le rejet des demandes reconventionnelles du GAEC, et la condamnation de ce dernier à des dommages et intérêts. Elle a justifié sa demande en indiquant avoir livré un racleur à corde et effectué des prestations pour le GAEC, mais que les factures correspondantes n’avaient pas été réglées.

Réponse du GAEC [Localité 3]

Le GAEC [Localité 3] a contesté les demandes de la SASU ELEVANCE, demandant la résolution du contrat pour manquement aux obligations contractuelles, notamment en raison d’un retard dans l’installation et de l’absence de balais Brosskit. Il a également réclamé des dommages et intérêts pour les préjudices subis, ainsi qu’une expertise judiciaire.

Analyse du contrat

Le tribunal a examiné la qualification du contrat, concluant qu’il s’agissait d’un contrat de vente, incluant la livraison d’un racleur à corde et des balais Brosskit, malgré les arguments du GAEC pour requalifier le contrat en louage d’ouvrage. Le tribunal a noté que le contrat stipulait clairement la vente du matériel.

Retard d’installation et inexécution

Concernant le retard d’installation dû à la livraison tardive d’une poulie, le tribunal a jugé que ce retard n’était pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat. En revanche, l’absence de balais Brosskit a été reconnue comme une inexécution contractuelle, bien que cela ne justifie pas non plus la résolution du contrat.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné le GAEC [Localité 3] à payer 29.176,26 euros à la SASU ELEVANCE pour le prix du contrat, tout en condamnant la SASU ELEVANCE à verser 18.500 euros au GAEC pour les préjudices subis. Les créances des deux parties ont été ordonnées à se compenser, et la SASU ELEVANCE a été condamnée aux dépens.

Conclusion

Le tribunal a maintenu l’exécution provisoire de la décision et a rejeté toutes les autres demandes des parties, y compris celles relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la qualification juridique du contrat entre la SASU ELEVANCE et le GAEC [Localité 3] ?

La qualification juridique du contrat entre la SASU ELEVANCE et le GAEC [Localité 3] est déterminée par les articles 1103 et 1582 du Code civil.

L’article 1103 du Code civil stipule que :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Cela signifie que les parties sont tenues par les engagements qu’elles ont pris dans le cadre de leur contrat.

L’article 1582 du Code civil précise que :

« La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. »

Dans le cas présent, le contrat liant les parties est celui qui résulte du devis n°800287 émis le 27 juin 2017 par la SASU ELEVANCE, qui a été accepté et signé par le GAEC [Localité 3].

Ce contrat porte sur la livraison et le montage d’un racleur à corde, incluant l’option « brosskit ». La mention manuscrite sur le devis et les échanges de courriels entre les parties montrent que l’accord inclut également la livraison des balais « brosskit ».

Ainsi, le contrat est qualifié de contrat de vente, et non de louage d’ouvrage, car la livraison du matériel est l’objet principal de l’accord.

Quelles sont les conséquences du retard d’installation du racleur à corde ?

Les conséquences du retard d’installation du racleur à corde sont régies par les articles 1227 et 1228 du Code civil.

L’article 1227 du Code civil dispose que :

« La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. »

Cela signifie qu’une partie peut demander la résolution d’un contrat en cas de manquement de l’autre partie à ses obligations.

L’article 1228 précise que :

« Le juge peut constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »

Dans le cas présent, le GAEC [Localité 3] invoque un retard dans l’installation du racleur à corde, en raison d’une poulie manquante.

Cependant, le tribunal a constaté que le GAEC n’a pas prouvé que ce retard ait causé un préjudice grave, car il n’a pas fourni de mise en demeure ou de preuve d’un besoin urgent.

Ainsi, le retard de livraison n’est pas suffisant pour justifier la résolution du contrat.

Quelles sont les obligations de paiement du GAEC [Localité 3] envers la SASU ELEVANCE ?

Les obligations de paiement du GAEC [Localité 3] envers la SASU ELEVANCE sont régies par l’article 1650 du Code civil.

L’article 1650 stipule que :

« Le principal obligation de l’acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente. »

Dans ce litige, la SASU ELEVANCE a émis deux factures pour un montant total de 30.148,26 euros TTC, correspondant à la livraison et au montage du racleur à corde.

Il est établi que le GAEC n’a pas effectué de paiement, et le tribunal a jugé que ni le retard de livraison ni le défaut de livraison des balais « brosskit » ne justifient le non-paiement du prix.

Ainsi, le GAEC [Localité 3] est condamné à verser à la SASU ELEVANCE la somme de 29.176,26 euros TTC en paiement du prix principal.

Quelles sont les conséquences des demandes indemnitaires respectives des parties ?

Les conséquences des demandes indemnitaires respectives des parties sont régies par les articles 1103 et 1231-6 du Code civil.

L’article 1103 rappelle que :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Cela implique que chaque partie doit respecter ses engagements contractuels.

L’article 1231-6 alinéa 3 précise que :

« Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire. »

Dans ce cas, la SASU ELEVANCE n’a pas prouvé qu’elle avait subi un préjudice spécifique en raison du retard de paiement, et sa demande indemnitaire a été rejetée.

En revanche, le GAEC [Localité 3] a prouvé qu’il avait subi un préjudice en raison de l’absence de balais « brosskit », ce qui a entraîné des coûts supplémentaires pour le nettoyage.

Le tribunal a donc condamné la SASU ELEVANCE à verser 18.500 euros au GAEC en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal.

Comment se déroule la compensation des créances entre les parties ?

La compensation des créances entre les parties est régie par l’article 1347 du Code civil.

L’article 1347 dispose que :

« Il y a lieu d’ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties. »

Dans ce litige, le tribunal a ordonné la compensation des créances, ce qui signifie que les montants dus par chaque partie seront compensés l’un contre l’autre.

Le tribunal a fixé les montants des créances respectives et a renvoyé les parties à la charge d’exécuter cette compensation, en arrêtant le cours des intérêts légaux.

Ainsi, la compensation permet de réduire les montants à payer par chaque partie, en tenant compte des créances réciproques.

MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 22/02205 – N° Portalis DB3J-W-B7G-FY6G

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU 26 Novembre 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S.U. ELEVANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Nicolas BRIAND de la SELARL MADY-GILLET- BRIAND- PETILLION, avocats au barreau de POITIERS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE :

G.A.E.C. [Localité 3],
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Carl GENDREAU, avocat au barreau de POITIERS, avocat plaidant

LE :

Copie simple à :
– Me BRIAND
– Me GENDREAU

Copie exécutoire à :
– Me BRIAND
– Me GENDREAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Sébastien VANDROMME-DEWEINE, Juge

Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux avocats.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Thibault PAQUELIN
GREFFIER LORS DE LA MISE A DISPOSITION : Tara MAUBOURGUET

Débats tenus à l’audience à juge unique du 01 Octobre 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier de justice du 08 septembre 2022 remis à personne habilitée, la SASU ELEVANCE a fait assigner le GAEC [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Poitiers (1ère chambre civile) en demandant au juge de :
Dire et juger que la créance détenue par la SASU ELEVANCE est certaine, liquide et exigible ;Condamner le GAEC [Localité 3] à lui payer la somme de 32.402,23 euros en principal et pénalités de retard, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 25 avril 2022 ;Condamner le GAEC [Localité 3] à régler à la SASU ELEVANCE la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;Condamner le GAEC [Localité 3] à régler à la SASU ELEVANCE la somme de 2.000 euros sur la fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner le GAEC [Localité 3] aux dépens, avec distraction ;Maintenir l’exécution provisoire.
Par ordonnance sur incident du 15 juin 2023, le juge de la mise en état a notamment rejeté la demande d’expertise présentée par le GAEC [Localité 3].

En demande, la SASU ELEVANCE, suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 janvier 2024, demande au tribunal de notamment :
Dire et juger que la créance détenue par la SASU ELEVANCE est certaine, liquide et exigible ;Condamner le GAEC [Localité 3] à lui payer la somme de 32.402,23 euros en principal et pénalités de retard, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 25 avril 2022 ;Rejeter toute demande adverse ;Condamner le GAEC [Localité 3] à régler à la SASU ELEVANCE la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;Condamner le GAEC [Localité 3] à régler à la SASU ELEVANCE la somme de 2.000 euros sur la fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner le GAEC [Localité 3] aux dépens, avec distraction ;Maintenir l’exécution provisoire.
Au soutien de sa position, la SASU ELEVANCE expose qu’elle a livré un racleur à corde et assuré diverses prestations pour le GAEC [Localité 3] et qu’elle a en conséquence émis deux factures de respectivement 23.370,62 euros TTC le 27 décembre 2017 et 6.777,64 euros TTC pour des prestations complémentaires en 2018, mais que ces factures n’ont pas été honorées. La SASU ELEVANCE soutient en conséquence à titre principal que le GAEC [Localité 3] lui doit le paiement de ses prestations. En réponse aux demandes reconventionnelles, la SASU ELEVANCE soutient en premier lieu que la demande du GAEC [Localité 3] en requalification du contrat de vente en contrat de louage d’ouvrage ne peut être admise, alors que le contrat présente les caractéristiques d’un contrat de vente, notamment en ce que le matériel vendu est produit en série, et que l’installation du matériel n’est qu’une prestation accessoire à sa vente. La SASU ELEVANCE soutient par ailleurs que le GAEC [Localité 3] échoue à démontrer son préjudice, que les balais Brosskit ne sont que des options montables et démontables aisément, et que le GAEC [Localité 3] démontre en réalité qu’il utilise depuis plusieurs années le racleur à corde lequel est ainsi fonctionnel.

En défense, le GAEC [Localité 3], suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mars 2024, demande au tribunal de notamment :
Débouter la SASU ELEVANCE de l’ensemble de ses conclusion ;Prononcer aux torts de la SASU ELEVANCE la résolution du contrat la liant au GAEC [Localité 3] selon devis signé en date du 27 juin 2017 ;Condamner la SASU ELEVANCE à payer au GAEC [Localité 3] à titre de dommages et intérêts la somme de 307.553,64 euros ainsi que 73,184 euros par semaine de la notification des présentes conclusions à la date du prononcé du jugement, sommes augmentées avec anatocisme des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2022 ;A titre subsidiaire, ordonner une expertise avec mission définie aux écritures ;Condamner la SASU ELEVANCE à reprendre possession du racleur à corde à ses frais ;Condamner la SASU ELEVANCE à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner la SASU ELEVANCE aux dépens avec distraction.
Au soutien de sa position, le GAEC [Localité 3] expose que la SASU ELEVANCE a manqué à ses obligations contractuelles en installant, au-delà du délai raisonnable, un racleur à corde sur lequel elle se révèle incapable de monter les balais Brosskit en option, alors que cette prestation était prévue au contrat, de sorte que le GAEC [Localité 3] est bien fondé à invoquer l’exception d’inexécution et ainsi refuser de payer le prix du contrat. Le GAEC SANT HUBERT rappelle à ce titre que l’option Brosskit est un élément essentiel au bon fonctionnement du racleur à corde sur des couloirs en béton rainurés, ce qui est le cas ici. Le GAEC [Localité 3] soutient qu’il doit, chaque jour ou même deux fois par jour, procéder à des opérations de nettoyage et de paillage pour compenser l’inexécution par la SASU ELEVANCE de son obligation de poser les balais Brosskit sur le racleur à corde, ce qui lui occasionne des préjudices qui perdurent à ce jour. Le GAEC [Localité 3] conteste par ailleurs l’opposabilité des conditions générales de vente invoquées par la SASU ELEVANCE alors que ces conditions n’ont pas été annexées au devis accepté par le GAEC [Localité 3].

La clôture a été prononcée par ordonnance au 16 mai 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 1er octobre 2024.

Avis a été donné que la décision était mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 26 novembre 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT

1. Sur la demande principale de la SASU ELEVANCE en paiement du prix du contrat et la demande reconventionnelle du GAEC [Localité 3] en résolution du même contrat.

1.1. Sur la qualification du contrat litigieux.

L’article 1103 du code civil dispose que :  » Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.  »

L’article 1582 du Code civil dispose que :  » La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer.  »

Dans le présent litige, le contrat liant les parties est celui qui résulte du devis n°800287 émis le 27 juin 2017 par la SASU ELEVANCE, alors exploitante de l’enseigne commerciale de la SARL ALLAMIGEON par effets du plan de cession arrêté par jugement du tribunal de commerce de TOURS du 01 avril 2016 (pièce demanderesse n°1). Ce devis a été accepté et signé par le GAEC [Localité 3].

En l’espèce, l’engagement contractuel porte sur la livraison et le montage d’un racleur à corde. En outre, la mention manuscrite  » avec l’option brosskit  » apposée par le GAEC [Localité 3] sur le devis (pièce défendeur n°1), de même que son courriel du 03 juillet 2017 (pièce défendeur n°2), démontrent que l’accord des parties sur la chose objet de la vente inclut également la livraison des balais  » brosskit « , proposée par la vendeuse à titre optionnel. Concernant le prix, il est établi que les parties ont convenu d’un montant estimé de 29.879,98 euros TTC, en ce compris l’option  » brosskit  » valant 810 euros HT.

Au vu de leur accord sur la chose vendue et sur le prix, la SASU ELEVANCE et le GAEC [Localité 3] ont conclu un contrat de vente à la date du 27 juin 2017. Il ne peut être déduit de la circonstance que le contrat comporte une prestation de pose ou d’installation accessoire à la prestation de vente, que ce contrat ne serait pas un contrat de vente mais un contrat de louage.

1.2. Sur la demande principale du GAEC [Localité 3] en résolution du contrat de vente.

L’article 1227 du code civil dispose que :  » La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.  »

L’article 1228 du code civil précise les pouvoirs du juge en matière de résolution, à savoir qu’il a la faculté, selon les circonstances de  » constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat […], ou allouer seulement des dommages et intérêts.  »

Dans le cas d’espèce, le GAEC [Localité 3] invoque dans ses écritures deux moyens distincts pour justifier sa demande en résolution du contrat du 27 juin 2017, à savoir :
D’une part, le retard dans l’installation du racleur à corde, caractérisé par la livraison complémentaire d’une poulie manquante .D’autre part, l’installation incomplète du racleur à corde, caractérisée par le défaut de montage persistant des balais Brosskit.
1.2.1. Sur le retard d’installation du racleur à corde en raison de la livraison tardive de la poulie.

D’une part, sur le moyen tiré du retard de livraison du racleur à corde en raison d’une poulie manquante au jour de la première intervention, il résulte des éléments aux débats que le devis n°800287 a été signé par les parties le 27 juin 2017 (pièce demanderesse n°2 ; pièce défendeur n°1). Un premier bon de livraison n°23518 a été émis le 05 octobre 2017 par la SASU ELEVANCE suite à la livraison du racleur à corde (pièce défendeur n°9). Par la suite, un second bon de livraison n°25215 a été émis le 25 janvier 2018 suite à la livraison d’une poulie manquante (pièce défendeur n°10), ce qui a nécessité une prestation supplémentaire.

A cet égard, il faut relever que la SASU ELEVANCE n’a facturé la prestation de montage du racleur à corde que dans sa seconde facture n°53433 du 27 septembre 2021 (pièce demanderesse n°4), la première facture n°18031 du 27 décembre 2017 ne visant que le matériel commandé et livré (pièce demandeur n°3). Il s’en déduit que le racleur à corde, dont l’ensemble des éléments étaient listés au devis et à la facture de situation n°1, n’était fonctionnel et complètement livré qu’après l’installation de la poulie litigieuse, ce qui n’est au demeurant pas discuté par la venderesse.

Au regard de ces éléments, le manquement contractuel commis par la SASU ELEVANCE est caractérisé par le retard de livraison, quand bien même aucun délai de livraison n’ait été expressément prévu entre les parties.

Cependant, le GAEC [Localité 3] ne verse aux débats aucun élément de nature à établir en quoi ce retard de livraison aurait été particulièrement grave pour lui, à défaut notamment de fournir une relance ou mise en demeure adressée à la SASU ELEVANCE quant à un éventuel besoin urgent de la poulie pour pouvoir utiliser le racleur à corde. Le GAEC [Localité 3] déclare seulement avoir entrepris les travaux préalables nécessaires à l’installation du racleur, ce dont elle ne tire nulle conséquence.

En l’état de ces éléments, il convient de retenir que le retard de livraison de la poulie, ayant retardé de quelques mois l’installation complète du racleur à cordes (hors la question de l’option Brosskit), et alors que le contrat ne prévoyait aucun délai impératif d’exécution, ne constitue pas une faute contractuelle suffisante pour prononcer la résolution judiciaire du contrat.

1.2.2. Sur le défaut de montage des balais optionnel  » brosskit « .

En l’espèce, il ressort de la mention manuscrite apposée par le GAEC [Localité 3] au devis et de son courriel adressé à la SASU ELEVANCE quelques jours plus tard (pièces défendeur n°1 et 2) qu’elle avait l’intention de se faire livrer les balais  » brosskit  » fournis par la société vendeuse à titre optionnel, et qui sont ainsi parties intégrantes de son engagement.

Il est constant que les balais  » brosskit « , sans être indispensables au bon fonctionnement du racleur à corde (preuve en étant que le GAEC l’utilise depuis février 2018 sans discontinuer), présentent toutefois un intérêt non négligeable en ce qu’ils favorisent un meilleur nettoyage des couloirs en béton où déambulent les bovins. En particulier, ils permettent d’extraire plus aisément le fumier et le lisier, ce qui est d’autant plus utile lorsque les couloirs sont rainurés, comme c’est le cas en l’espèce (pièce défendeur n°5).

Plus encore, de l’état des couloirs bétonnés dépend le niveau sanitaire de l’élevage. Il est démontré que les résidus de lisier ou de fumier dans les rainures du sol occasionnent des maladies bactériennes chez les animaux (dermatite digitée), ce qui nécessite des soins réguliers (pièces défendeur n°5 à 7).

Indépendamment de la question de savoir si la SASU ELEVANCE était contractuellement engagée à une obligation d’installation desdits balais accessoirement à leur vente, il demeure néanmoins établi que la SASU ELEVANCE a commis une inexécution contractuelle en s’abstenant de livrer la machine avec les balais optionnels expressément commandés par le client suivant mention manuscrite au contrat, l’objet livré n’étant ainsi pas totalement conforme aux attentes de l’acquéreur.

Toutefois, malgré leur utilité manifeste quant à l’activité du GAEC [Localité 3], ces balais demeurent une option, ce qui se retrouve dans leur prix modique. Il doit également être tenu compte de la circonstance que cette option peut manifestement être encore ajoutée au racleur à cordes à ce jour, au moyen éventuellement d’une adaptation sur mesure, ainsi qu’il résulte de la réunion d’expertise amiable de 2023 à l’issue de laquelle la SASU ELEVANCE s’était engagée à fournir des balais compatibles.

Par conséquent, il faut juger que l’inexécution contractuelle n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier de prononcer la résolution judiciaire du contrat entre les parties.

La demande du GAEC [Localité 3] en résolution du contrat de vente est ainsi rejetée en tous ses moyens.

1.3. Sur la demande principale de la SASU ELEVANCE en paiement du prix du contrat.

Il résulte de l’article 1353 alinéa 1er du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

1.3.1. Sur le paiement du prix en principal.

L’article 1103 du code civil dispose que :  » Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.  »

Concernant les obligations de l’acheteur, l’article 1650 du Code civil précise que sa principale obligation est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente.

En l’espèce, dans la suite du devis accepté et signé par le GAEC [Localité 3], la SASU ELEVANCE a établi deux factures, la première du 27 décembre 2017 pour un montant définitif de 23.370,62 euros TTC au titre de la livraison matérielle du racleur à corde (pièce demanderesse n°3) et la seconde pour un montant définitif de 6.777,64 euros TTC au titre de la prestation de montage complet dudit racleur et de la livraison des balais  » brosskit  » optionnels (pièce demandeur n°4).

Il n’est pas contesté que le GAEC [Localité 3] n’a à ce jour payé aucune somme en exécution de ce contrat.

Or, ni le retard de livraison de la poulie, ni le défaut de livraison de balais optionnels compatibles, ne peuvent justifier que l’acquéreur se dispense de son obligation principale de paiement du prix de la machine, qui est d’ailleurs utilisée en l’état depuis février 2018 selon les éléments aux débats.

En conséquence, le GAEC [Localité 3] sera condamné à verser à la SASU ELEVANCE la somme de 30.148,26 euros TTC au titre des factures impayées, dont à déduire la somme de 972 euros TTC (810 euros HT) correspondant au montant des balais  » brosskit  » livrés mais incompatibles avec le racleur : soit la somme totale de 29.176,26 euros TTC en principal.

1.3. Sur le paiement des accessoires : pénalités de retard, frais et intérêts.

L’article 1119 alinéa 1er du code civil dispose que :  » Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.  »

En l’espèce, la SASU ELEVANCE présente une demande augmentée de pénalités de retard et d’intérêts contractuels par référence à des conditions générales de vente (pièce demanderesse n°3 et 4).

Or, il ne résulte pas de l’exemplaire du devis signé du 27 juin 2017 tel que produit aux débats, valant contrat entre les parties, que ces conditions générales ont été portées à la connaissance du GAEC [Localité 3] et que celui-ci les a acceptées.

Par conséquent, la demande est rejetée s’agissant de ses accessoires.

Les intérêts sont accordés seulement au taux légal, et à compter seulement de l’assignation du 08 septembre 2022, à défaut de preuve de retour de l’AR pour la mise en demeure par le mandataire AGIR RECOUVREMENT produite aux débats (pièce demanderesse n°9).

2. Sur les demandes indemnitaires respectives des parties.

L’article 1103 du code civil dispose que :  » Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.  »

2.2. Sur la demande indemnitaire de la SASU ELEVANCE.

L’article 1231-6 alinéa 3 du code civil dispose que :  » Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.  »

En l’espèce, la SASU ELEVANCE ne rapporte pas la preuve que la nécessité d’agir en justice pour le recouvrement de sa créance lui cause un préjudice spécifique, excédant ce qui est raisonnablement inévitable quant à la nécessité d’une action en justice pour obtenir paiement de sa créance. Les frais liés au recours à la société AGIR RECOUVREMENT ne répondent pas à une nécessité et ne peuvent être admis sur ce poste, devant le cas échéant être examinés davantage au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est par ailleurs pas démontré de résistance abusive caractérisant une faute délictuelle de la SASU ELEVANCE quant à son refus de paiement, en considération du comportement respectif des parties dans la résolution du litige, et notamment la circonstance que la SASU ELEVANCE s’était engagée encore en 2023 à titre amiable à livrer des balais compatibles mais n’a pas respecté son propre engagement.

La demande indemnitaire de la SASU ELEVANCE est rejetée.

2.3. Sur la demande indemnitaire reconventionnelle du GAEC [Localité 3].

Il résulte de l’article 1228 du code civil qu’en présence d’une inexécution contractuelle, et à défaut de prononcer la résolution judiciaire du contrat, le juge peut allouer des dommages et intérêts.

A titre liminaire, il convient de relever une erreur de plume en ce que le détail du calcul avancé par le GAEC [Localité 3] impose de retenir que la demande présentée est de 30.753,64 et non 307.553,64 euros, outre un préjudice évolutif jusqu’au prononcé du jugement.

En l’espèce, le GAEC [Localité 3] sollicite à titre reconventionnel des dommages et intérêts résultant des travaux de nettoyage et de paillage des couloirs en béton de sa stabulation, sur deux périodes distinctes :
une première période d’octobre 2017 à janvier 2018, avant que la livraison de la poulie manquante permette la mise en fonctionnement du racleur à corde, et alors que le GAEC [Localité 3] avait effectué des travaux de rainurage des couloirs en béton en prévision de la mise en fonctionnement du racleur à corde, et que durant cette période le GAEC a dû assumer des diligences supplémentaires pour un nettoyage manuel de la stabulation ;une seconde période depuis février 2018, en ce que le racleur à corde a reçu la poulie manquante et a pu être mis en fonctionnement, mais que l’absence de fourniture et de pose de balais » brosskit  » optionnels ne permet qu’une efficacité incomplète de la machine, et impose donc au GAEC [Localité 3] des diligences de nettoyage complémentaire.
Sur ce point, il convient de juger d’une part que le GAEC [Localité 3] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice d’une consistance spécifique sur la première période, étant par ailleurs rappelé que comme jugé ci-dessus le contrat ne comportait aucun délai impératif de livraison.

En revanche, sur la seconde période, il convient de juger d’autre part que la SASU ELEVANCE a manqué à son obligation de délivrance de balais optionnels compatibles, et que si ce manquement ne justifie pas la résolution judiciaire du contrat ainsi que précédemment retenu, pour autant il fait naître un préjudice considérable quant au fonctionnement quotidien du GAEC [Localité 3] (travaux supplémentaires de nettoyage et de sur-paillage fréquents). Il faut en outre retenir que ce préjudice n’a pas été efficacement modéré par le comportement de la SASU ELEVANCE depuis la naissance du litige, en ce que celle-ci s’était encore engagée en 2023 dans le cadre de l’expertise amiable à livrer des balais compatibles mais que cet engagement n’a manifestement pas été honoré à ce jour.

Toutefois, le chiffrage retenu par l’expert amiable ne peut être retenu à défaut de pièces complémentaires démontrant la réalité des coûts invoqués. Il n’appartient toutefois pas au tribunal d’ordonner l’expertise judiciaire sollicitée subsidiairement par le GAEC [Localité 3], sauf à pallier sa carence probatoire.

Dès lors, il est justifié de retenir que le GAEC [Localité 3] a subi un préjudice à évaluer globalement à la somme de 18.500 euros.

En conséquence, la SASU ELEVANCE est condamnée à payer au GAEC [Localité 3] la somme de 18.500 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2022 date de première demande par voie de conclusions. Il n’y a toutefois pas lieu à capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière.

La demande subsidiaire en expertise judiciaire est nécessairement rejetée.

3. Sur la compensation des créances.

En application de l’article 1347 du code civil, il y a lieu d’ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties telles que fixées par le présent jugement.

Il est renvoyé aux parties la charge d’exécuter elles-mêmes la compensation en arrêtant le cours des intérêts légaux.

4. Sur le surplus des demandes et la demande subsidiaire en expertise judiciaire par le GAEC [Localité 3].

Le surplus des demandes réciproques est rejeté, y compris la demande subsidiaire du GAEC en expertise judiciaire.

5. Sur les autres demandes et les dépens.

4.1. Sur les dépens.

Au vu du sens de la décision et des diligences respectives des parties pour une résolution amiable du litige, il convient de condamner la seule SASU ELEVANCE aux dépens.

Le recouvrement direct est accordé à Me Carl GENDREAU conseil du GAEC [Localité 3].

4.2. Sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de ne faire droit à aucune demande sur ce fondement.

4.3. Sur l’exécution provisoire.

Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de l’article 514-1 du code de procédure civile au vu du sens de la décision.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu après débats en audience publique par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande principale du GAEC [Localité 3] en résolution du contrat du 27 juin 2017 liant les parties ;

CONDAMNE le GAEC [Localité 3] à payer à la SASU ELEVANCE la somme de 29.176,26 euros TTC en paiement du prix au principal, avec intérêts au taux légal sur le tout à compter du 08 septembre 2022 ;

CONDAMNE la SASU ELEVANCE à payer au GAEC [Localité 3] la somme de 18.500 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal sur le tout à compter du 13 décembre 2022, sans capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière ;

ORDONNE la compensation des créances, à charge pour les parties d’exécuter cette compensation en arrêtant le cours des intérêts respectifs ;

CONDAMNE la SASU ELEVANCE aux dépens, avec recouvrement direct dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Carl GENDREAU conseil du GAEC [Localité 3] ;

DIT n’y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

MAINTIENT l’exécution provisoire en totalité ;

Le Greffier Le Président


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