Contrat de travail et conditions d’emploi d’un joueur de football amateur : enjeux de régularité et de reconnaissance.

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Contrat de travail et conditions d’emploi d’un joueur de football amateur : enjeux de régularité et de reconnaissance.

L’Essentiel : Monsieur [X] [S] [P], né le 20 juin 1999 au Gabon, a été représenté par Me Azilis Becherie Le Coz lors de l’audience. En janvier 2019, il a présenté une demande d’asile et a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire pour faire valoir ses droits, demandant la reconnaissance d’une relation de travail avec l’Association SNAF. Le 21 mai 2021, le conseil a jugé qu’il n’existait pas de relation contractuelle, déboutant M. [S] [P] de ses demandes. Ce dernier a interjeté appel, mais la cour a confirmé le jugement, rejetant sa demande pour absence de preuve d’un contrat de travail.

Présentation des Parties

Monsieur [X] [S] [P], né le 20 juin 1999 au Gabon, a été représenté par Me Azilis Becherie Le Coz lors de l’audience. L’intimée, l’Association [Localité 5] Atlantique Football (S.N.A.F.), est représentée par Me Laurence Scetbon-Didi.

Contexte de l’Affaire

M. [S] [P] a intégré le club de football SNAF en tant que gardien de but à la fin août 2017, bénéficiant d’un visa touristique. Une licence de football a été enregistrée pour lui le 4 septembre 2017. Après l’expiration de son visa en novembre 2017, il est retourné au Gabon avant d’obtenir un nouveau visa en février 2018. Le SNAF a tenté d’obtenir une autorisation de travail pour lui, mais la demande a été refusée en août 2018.

Demande d’Asile et Saisine du Conseil de Prud’hommes

En janvier 2019, M. [S] [P] a présenté une demande d’asile. Le 26 décembre 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire pour faire valoir ses droits, demandant la reconnaissance d’une relation de travail avec le SNAF et le paiement de divers rappels de salaire et indemnités.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 21 mai 2021, le conseil de prud’hommes a jugé qu’il n’existait pas de relation contractuelle entre M. [S] [P] et le SNAF, déboutant M. [S] [P] de toutes ses demandes et le condamnant à verser des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Appel de M. [S] [P]

M. [S] [P] a interjeté appel le 26 juillet 2021, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance d’un contrat de travail. Il a formulé des demandes de rappels de salaire, d’indemnités et de dommages-intérêts.

Conclusions de l’Intimée

L’association SNAF a conclu en faveur de la confirmation du jugement de première instance, arguant qu’il n’existait pas de relation contractuelle et demandant des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Éléments de Preuve et Analyse

M. [S] [P] a produit un contrat de travail non signé et des preuves de participation à des matchs, mais l’association a contesté l’existence d’un lien de subordination et la nature des paiements reçus. La cour a examiné les éléments de preuve, notamment les échanges de messages et les documents relatifs à son activité au sein du club.

Décision de la Cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant la demande de M. [S] [P] pour l’absence de preuve d’un contrat de travail. Elle a également infirmé la condamnation pour procédure abusive, considérant que le simple fait de perdre une affaire ne constitue pas un abus de droit.

Conséquences Financières

M. [S] [P] a été condamné aux dépens d’appel, tandis que la demande de l’association pour des dommages-intérêts a été rejetée. La cour a statué sur les frais de justice, confirmant la décision de première instance concernant les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’existence d’un contrat de travail

M. [S] [P] prétend avoir été engagé par l’association [Localité 5] Atlantique Football sous un contrat de travail à durée indéterminée. Selon l’article L.1221-1 du Code du travail, le contrat de travail se caractérise par l’existence d’un lien de subordination entre le salarié et l’employeur.

Cet article stipule que :

« Le contrat de travail est un accord par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre, sous l’autorité de celle-ci, moyennant une rémunération. »

En l’espèce, M. [S] [P] a produit un document qui, bien qu’il soit signé par le président de l’association, n’est pas contresigné par lui-même. Cela signifie qu’il ne s’agit pas d’un contrat de travail valide, mais d’une simple offre.

De plus, l’association a soutenu que M. [S] [P] ne disposait pas du titre l’autorisant à travailler en France, ce qui est corroboré par le refus de la DIRECCTE d’accorder une autorisation de travail.

Ainsi, l’absence de lien de subordination, de rémunération et de contrat signé démontre qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre M. [S] [P] et l’association.

Sur la rémunération et le lien de subordination

M. [S] [P] a tenté de prouver qu’il avait reçu des paiements de l’association, mais ces versements ne sont pas clairement identifiés comme des salaires. L’article L.3241-1 du Code du travail précise que :

« Tout employeur est tenu de remettre à son salarié un bulletin de paie lors de chaque paiement de salaire. »

En l’absence de bulletins de paie ou de déclarations d’embauche, il est difficile de prouver l’existence d’une rémunération liée à un contrat de travail.

De plus, le lien de subordination, qui est essentiel pour établir un contrat de travail, n’est pas démontré. Les échanges de messages entre M. [S] [P] et son coach montrent qu’il y avait des instructions, mais cela ne suffit pas à établir un pouvoir de sanction de l’employeur.

Ainsi, l’absence de preuve d’une rémunération régulière et d’un lien de subordination solide renforce l’argument selon lequel il n’y a pas de contrat de travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L’association a demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive, arguant que M. [S] [P] avait abusé de son droit d’ester en justice. Cependant, selon la jurisprudence, le simple fait de perdre un procès ne constitue pas en soi un abus de droit.

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans ce cas, le tribunal a jugé que M. [S] [P] avait le droit d’agir en justice pour faire valoir ses droits, même si ses demandes n’ont pas été retenues.

Ainsi, la demande de l’association pour des dommages-intérêts pour procédure abusive a été rejetée, confirmant que le droit d’ester en justice ne doit pas être entravé par la crainte de sanctions financières en cas d’échec.

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°22

N° RG 21/04826 –

N° Portalis DBVL-V-B7F-R4DV

M. [X] [S] [P]

C/

Association [Localité 5] ATLANTIQUE FOOTBALL (S.N.A.F.)

Sur appel du jugement du C.P.H.de SAINT -NAZAIRE du 21/05/2021

RG : 19/227

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le : 30-01-25

à :

-Me Géraldine MARION

-Me Laurence SCETBON-DIDI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 JANVIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Novembre 2024

devant Madame Nadège BOSSARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame Natacha BONNEAU-RICHARD, médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [X] [S] [P]

né le 20 Juin 1999 à [Localité 4] (GABON)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Azilis BECHERIE LE COZ substituant à l’audience Me Géraldine MARION de la SELARL CABINET ADVIS,Avocats au Barreau de RENNES

(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/007633 du 25/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

L’Association [Localité 5] ATLANTIQUE FOOTBALL (S.N.A.F.) prise en la personne de son Président en exercice et ayant son siège :

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurence SCETBON-DIDI, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE

M. [X] [S] [P], de nationalité gabonaise, s’est présenté fin août 2017 comme joueur de football (gardien de but) afin d’intégrer le club de l’association [Localité 5] Atlantique Football (la SNAF).

L’association [Localité 5] Atlantique Football (la SNAF) est un club de football amateur affilié à la FFF (Fédération Française de Football) qui emploie habituellement moins de dix salariés.

Cette association de loi 1901 est en charge de développer la pratique du football depuis les enfants de moins de 6 ans (U6) jusqu’aux vétérans.

La convention collective applicable est la convention collective du sport, code 2511.

M. [S] [P] bénéficiait d’un visa touristique valable jusqu’au 14 novembre 2017.

Une licence de football a été enregistrée le 04 septembre 2017.

A l’expiration de son visa en novembre 2017, il est retourné au Gabon et a sollicité un nouveau visa qu’il a obtenu le 5 février 2018 jusqu’au 3 juin 2018.

Le 20 avril 2018, le SNAF a effectué les démarches auprès de la DIRECCTE et de la Préfecture de Loire Atlantique en vue d’obtenir une autorisation de travail pour M. [S] [P].

La demande a été refusée le 8 août 2018.

Le 3 octobre 2018, le SNAF a formé un recours gracieux contre ce rejet.

En janvier 2019, M. [S] [P] a présenté une demande d’asile.

Le 26 décembre 2019, M. [S] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire aux fins de :

– dire fondées et recevables les demandes formées par M. [S] [P],

– dire et juger que M. [S] [P] devait être classé en groupe 3,

– dire et juger que les salaires applicables sont :

– 2017 soit un salaire de 1 740,35 € brut

– 2018 soit un salaire de 1 761,75 € brut

– 2019 soit un salaire de 1 788,49 € brut

– dire et juger que M. [S] [P] n’a pas été réglé de la totalité de ses salaires,

– dire et juger que l’association SNAF 44 a dissimulé des heures,

– dire et juger que M. [S] [P] a été licencié sans motif et sans procédure,

– dire et juger que l’association SNAF 44 a embauché, conservé à son service ou employé M. [S] [P] non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

Le salaire brut de référence étant de 1 788,49 €.

En conséquence, condamner l’association SNAF 44 à verser à M. [S] [P] :

– 31 793,00 € au titre des rappels de salaire et 3 180 € au titre des congés payés,

– 10 730,00 € au titre du travail dissimulé,

– 15 000,00 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1000,00 € au titre de la procédure irrégulière,

– 3 576,98 € au titre de l’indemnité de préavis et 358 € au titre des congés payés,

– 746,69 € au titre de l’indemnité de licenciement,

– 10 730,00 € au titre de l’emploi d’un salarié non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

– dire et juger que les sommes indemnitaires énoncées ci-dessus devront être fixées nettes de CSG/CRDS toute cotisation toute contribution au profit de M. [S] [P] ;

– ordonner la fixation des sommes mentionnées ci-dessus avec intérêts légaux et anatocisme à compter de la saisine ;

– ordonner l’exécution provisoire sur la totalité de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution ;

– ordonner la délivrance de l’ensemble des bulletins de paie ainsi que des documents de rupture rectifiées sous astreinte de 50,00 € par jour à compter de la décision à intervenir ;

– débouter la SNAF de sa demande au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– débouter la SNAFde l’ensemb1e de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner l’employeur, la SNAF 44 prise en la personne de son représentant à la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SNAF 44 prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens, ce compris les sommes à devoir dans le cadre d’une éventuelle exécution par voie d’huissier de la décision à intervenir ou pour toute autre cause.

Par jugement en date du 21 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire a :

– dit et jugé qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre M. [S] [P] et l’association [Localité 5] Atlantique Football ;

– débouté M. [S] [P] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamné M. [S] [P] à verser à l’association [Localité 5] Atlantique Football la somme de 250,00 € au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’association [Localité 5] Atlantique Football ;

– condamné M. [S] [P] aux dépens.

M. [S] [P] a interjeté appel le 26 juillet 2021.

Il a conclu le 15 octobre 2021.

L’association [Localité 5] Atlantique Football a conclu le 29 octobre 2021.

Les parties ont été avisées le 12 juillet 2024 de la fixation de la clôture au 24 octobre 2024 et de la plaidoirie le 28 novembre 2024.

Selon ses deuxièmes et dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 octobre 2024, M. [S] [P], appelant, sollicite :

– juger M. [S] [P] recevable en son appel et bien fondé.

– infirmer le jugement.

Et, statuant à nouveau :

– juger que les parties étaient liées par un contrat de travail,

– juger que M. [S] [P] n’a pas été réglé de la totalité de ses salaires,

– juger que l’association [Localité 5] Atlantique Football a dissimulé des heures de travail,

– juger que M. [S] [P] a été licencié sans motif et sans procédure,

– Juger que l’association [Localité 5] Atlantique Football a embauché, conservé à son service ou employé M. [S] [P] non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

– en conséquence, condamner l’association [Localité 5] Atlantique Football à verser à M.[S] [P] :

– 29.250,68 € bruts à titre de rappels de salaire et 2.925,07 € au titre des congés payés,

– Subsidiairement : 28.369,94 € bruts à titre de rappels de salaire et 2.836,99 € au titre des congés payés,

– 9.398 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

-15.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.566,37 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, soit un mois de salaire, et 156,63 € au titre des congés payés,

– 600,25 € au titre de l’indemnité de licenciement,

– Subsidiairement, 1.566 € à titre de dommages-intérêts de la procédure irrégulière,

-4.699,11 € au titre de l’emploi d’un salarié non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.

– juger que les sommes indemnitaires énoncées ci-dessus devront être fixées nettes de CSG/CRDS et de toute cotisation et toute contribution, au profit de M. [S] [P] ;

– ordonner la délivrance de l’ensemble des bulletins de paie ainsi que des documents de rupture rectifiés sous astreinte de 50,00 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir ;

– condamner l’association [Localité 5] Atlantique Football prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens, ce compris les sommes à devoir dans le cadre d’une éventuelle d’exécution par voie d’huissier de la décision à intervenir ou pour toute autre cause ;

– juger que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction (26.12.2019) et se capitaliseront conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du code civil;

– débouter la partie intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Selon ses deuxièmes et dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 novembre 2024, l’association [Localité 5] Atlantique Football, intimée, sollicite :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire en date du 21 mai 2021 qui a :

– Dit et jugé qu’il n’existe pas de relation contractuelle entre M. [S] [P] et l’association [Localité 5] Atlantique Football,

– Débouté M. [S] [P] de l’intégralité de ses demandes,

– Condamné M. [S] [P] aux dépens.

– réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Saint-Nazaire en date du 21 mai 2021 sur les points suivants :

– condamner M. [S] [P] à verser à l’association [Localité 5] Atlantique Football la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [S] [P] à verser à l’association [Localité 5] Atlantique Football la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture initialement fixée au 24 octobre 2024 a été reportée à la demande de l’appelant qui avait conclu la veille et a été prononcée le 14 novembre 2024.

Par conclusions notifiées le 13 novembre 2024, M. [S] [P] demande à la cour de déclarer irrecevables les pièces et conclusions notifiées le 13 novembre 2024, subsidiairement de reporter la clôture à l’ordonnance de plaidoirie.

Par conclusions notifiées le 18 novembre 2024, l’association demande à la cour de rejeter la demande d’irrecevabilité des conclusions de l’intimée du 13 novembre 2024 et des pièces 15, 16 et 17, de les déclarer recevables et de condamner M. [P] au paiement de la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience, la cour a demandé à l’appelant de communiquer l’original du contrat de travail dont il communiquait une copie.

Il a versé aux débats une copie de la copie certifiée par le maire de [Localité 5] le 20 décembre 2017 comme étant conforme à l’original. Cette pièce est identique aux pièces 1 et 11 qui consistaient respectivement dans le verso et le recto initialement communiqués séparément. Elle était elle-même communiquée par l’association intimée en pièce 6.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des conclusions de l’association intimée :

Les conclusions de l’intimée notifiées le 13 novembre 2024 répondent aux moyens développés par l’appelant. L’intimé communique trois pièces numérotées 15 à 16 dont la première est publique s’agissant de la définition du statut du joueur professionnel et les deux autres 16 et 17 consistent en des pièces personnelles de M. [S] [P] à savoir sa licence et les détails de la licence.

Ces conclusions et pièces notifiées avant la clôture de la mise en état qui ne font que répondre aux moyens développés par l’appelant et communiquer trois pièces pour l’une publique pour les deux autres connues de l’appelant ne heurtent pas le principe du contradictoire et sont en conséquence recevables.

La demande tendant à les voir déclarer irrecevables est en conséquence rejetée.

Sur l’existence d’un contrat de travail :

M. [X] [S] [P], de nationalité gabonaise, affirme avoir été engagé par l’association [Localité 5] Atlantique Football selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017 en qualité de ‘footballeur fédéral’ avec une rémunération de 1 788,49 euros bruts. Cette relation salariale est contestée par l’association [Localité 5] Atlantique Football.

M. [S] [P] prétend également avoir travaillé du 1er septembre 2017 au 1er juin 2019, pour l’association [Localité 5] Atlantique Football en qualité d’animateur sportif.

Selon l’interprétation constante de l’article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail se caractérise par l’existence d’un lien de subordination du salarié à l’égard de son employeur qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution de son travail et de sanctionner les manquements de son subordonné. La seule volonté des parties est impuissante à soustraire un salarié au statut social qui découle nécessairement des conditions d’accomplissement de son travail. Ainsi l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du salarié.

En présence d’un contrat écrit, il appartient à celui qui en conteste la réalité de rapporter la preuve de son caractère fictif.

L’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire.

En présence d’éléments caractérisant un contrat de travail apparent, la charge de la preuve repose sur l’employeur, à charge pour lui de démontrer le caractère fictif de celui-ci.

En l’espèce, M. [X] [S] [P] communique la copie d’un contrat de travail signé par le président de l’association le 19 décembre 2017, comprenant deux pages, certifiées conformes par l’agent délégué par le maire de [Localité 5] le 20 décembre 2017. Ce contrat n’est pas signé par M. [S] [P]. Dès lors, cet écrit stipulant que M. [S] [P] est engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de footballeur fédéral à compter du 1er janvier 2018 avec une période d’essai d’un mois et prévoit une rémunération mensuelle brute de 1200 euros constitue une offre de contrat.

Le joueur fédéral est un joueur salarié d’un club amateur. Il n’a pas le statut de joueur professionnel de football.

Il n’est pas contesté que M. [S] [P], de nationalité gabonaise, ne disposait pas de droit de travailler et que l’association a soutenu ses démarches afin d’obtenir un titre de séjour l’autorisant à travailler, ce qu’il n’a pas obtenu.

L’association SNAF communique un courrier daté du 19 janvier 2018 aux termes duquel le président du club ‘certifie inviter M. [S] [P] pour une période d’essai footballistique du 10 février 2018 au 8 mai 2018″ et précise ‘nous prendrons en charge M. [S] [P] dès son arrivée le 9 février 2018 jusqu’à son départ le 9 mai 2018. Notre club prendra en charge : a) l’hébergement b) la nourriture c) les frais médicaux d) la culture de M. [S] [P]’

Elle produit également deux courriers adressés le 20 avril 2018 au Préfet de Loire atlantique et à la Direccte visant à obtenir la ‘régularisation de la situation, l’autorisation de travail de M. [X] [S] [P]’ qui ‘est arrivé en France avec un visa touristique’ et indique souhaiter l’intégrer dans son effectif joueur de football au sein du club qui évolue en division d’honneur. L’association précise qu’afin de régulariser la situation, le SNAF propose un contrat fédéral (dénomination de contrat de footballeur au sein de la fédération française de football) c’est-à-dire un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 avril 2018. Elle joint le contrat signé par elle-seule mentionnant de manière discordante une période d’essai du 1er au 31 janvier 2018.

Pour autant, cette offre de contrat non acceptée en l’absence de signature de la part de M. [S] [P] est demeurée une offre.

Par ailleurs, M. [S] [P] ne produit ni bulletins de paie ni déclaration préalable à l’embauche.

Dès lors, la seule offre de contrat ne caractérise pas de contrat de travail apparent.

Il incombe en conséquence à M. [S] [P] de démontrer l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination.

– sur la prestation de travail :

Il établit avoir bénéficié d’une licence de footballeur à compter du 4 septembre 2017 et avoir été joueur au sein du club par la production des feuilles de match des 8, 15, 22 et 28 octobre 2017, 4 novembre 2017 mentionnant que M. [S] [P] participait aux matchs de coupe France et de division d’honneur avec le numéro 1, puis les 17 février 2018, 11, 18, 25 mars 2018, 8 et 22 avril 2018 aux matchs d’élite U19 enfin les 18 et 25 août 2018, 1er, 22 septembre 2018, 6 et 20 octobre 2018 et 10 novembre 15 décembre 2018, 13 janvier 2019, 16 février 2019, 16 et 23 mars 2019, 6 avril et 4,11et 25 mai 2019 aux matchs de Nationale 3 avec le numéro 1 ou 16.

La qualification de joueur fédéral salarié peut concerner un joueur à temps partiel ou à temps plein qui joue contre rémunération au sein d’un club de Nationale 1, 2 ou 3.

Si M. [S] [P] revendique l’existence d’un contrat de travail à compter de 2017, le statut de joueur fédéral salarié n’étant autorisé qu’au niveau Nationale, l’existence d’un contrat de travail en tant que joueur n’est donc envisageable qu’à compter d’août 2018.

S’agissant de la période antérieure, il résulte d’échanges de messages sms que le club lui a délivré une formation le 19 septembre 2017 à 16H45.

A cette même date, le manager était en possession du passeport de M. [S] [P] comme cela résulte des échanges entre eux.

Les 25 septembre 2017 et 8 octobre 2017, le manager a demandé à M. [S] [P] d’encadrer les ‘petits’.

M. [S] [P] revendique avoir assuré un rôle d’aide éducateur lors de temps péri-éducatif (TPE) dans les écoles de [Localité 5] et justifie qu’un ‘planning TPE’ lui a été adressé le 13 juin 2018 par le secrétariat du SNAF via sa messagerie électronique.

Le dossier constitué par l’association pour assurer des temps péri-scolaire dans les écoles de [Localité 5] et versé aux débats par l’association pour l’année scolaire 2018/2019 mentionne que M. [S] [P] est suppléant et que le BPJEPS est en cours. Il s’agit du brevet professionnel de la jeunesse de l’éducation populaire et du sport. Toutefois, aucune contractualisation de cette formation n’est versée aux débats.

Il est uniquement démontré par les échanges de messages versés aux débats que le jeudi 25 octobre 2018, M. [S] [P] a reçu un rendez-vous pour une réunion de bilan de formation de 10 heures à 12 heures.

Le cadre juridique de la mise à disposition auprès de la ville de [Localité 5] par l’association SNAF d’éducateurs pour réaliser des temps péri-éducatifs et l’existence ou non d’une contrepartie financière entre l’association et la ville ne sont pas plus précisés.

M. [S] [P] communique un emploi du temps du 7 janvier 2019 au 8 février 2019 mentionnant son identité comme intervenant pour assurer les temps péri-éducatif (TPE) les lundi, mardi et jeudi de 15H15 à 16H45.

Il produit également un emploi du temps à son nom d’aide encadrement de stage du 6 au 10 août 2018 lequel mentionne un ‘total’ heure pour la semaine soit un total de 22 heures sans que l’organisateur du stage soit désigné. Il n’est pas démontré qu’il s’agisse de l’association intimée.

Sont par ailleurs versés aux débats par M. [S] [P] des échanges de messages SMS d’août 2018 mentionnant des horaires d’entraînement des gardiens de U14, U16, U17 et 18 confiés à M. [S] [P] conjointement avec une autre personne prénommée [E].

De juin 2018 à avril 2019, les messages échangés entre M. [S] [P] et son ‘coach’ sont relatifs aux entraînements des joueurs de niveau inférieur assuré par M. [S] [P] selon les instructions de son supérieur dit ‘coach’.

Ainsi, M. [S] [P] réalisait des prestations distinctes de joueur de football, d’entraîneur de jeunes licenciés au sein du club et d’éducateur de temps péri-éducatif et par ailleurs suivait une formation délivrée par le club.

– sur l’existence d’une rémunération :

M. [S] [P] justifie par la production de son relevé de compte bancaire avoir reçu de l’association des sommes variant de 30 à 600 euros versées les mois d’avril, juin et de septembre à décembre 2018. Ces sommes s’élèvent à 600 euros en avril, à 800 euros en mai et juin 2018, 378 euros en septembre et en octobre 2018, 630 euros en novembre et 252 euros en décembre 2018. Ces versements ne comportent pas de dénomination. S’y ajoutent deux autres versements dénommés l’un ‘prime snaf montée N3″ en date du 29 juin 2018 d’un montant de 30 euros et l’autre, ‘prima SNAF août’ d’un montant de 200 euros. Au regard du montant de la prime de montée de 30 euros, le moyen invoqué par l’association selon lequel chacun de ces versements correspond à une prime de match est en discordance avec les sommes allouées, en ce qu’un match gagné serait gratifié d’une somme plus élevée que celle versée pour une montée en division supérieure à l’issue d’une saison.

Il n’est pas justifié de versements de janvier 2018 à mars 2018 ni en juillet et en août 2018 ni en 2019.

Le club de [Localité 5] n’a atteint le niveau de Nationale 3 qu’en août 2018. Si M. [S] [P] a perçu des sommes d’argent de septembre à décembre 2018, elles s’élèvent à 378 euros versés en septembre au titre du mois d’août et versés en octobre 2018 au titre du mois de septembre 2018, de 630 euros versés en novembre au titre du mois d’octobre 2018 et de 252 euros versés en décembre 2018 au titre du mois de novembre 2018, période au cours de laquelle le club était en Nationale 3, force est de constater qu’il avait également perçu des sommes similaires voire supérieures avant cette période à savoir d’avril à juin 2018 alors que le club était en Elite U19, niveau qui n’autorise pas le recours au contrat de joueur fédéral salarié. Il résulte de ces constatations que les versements de somme d’argent ne sont pas la contrepartie de l’exécution d’une prestation de joueur fédéral de football.

Il n’est ainsi pas démontré que M. [S] [P] ait mis à la disposition du club ses compétences et son potentiel physique en vue de participer à des compétitions contre rémunération au sens de l’article 10 du statut du joueur fédéral salarié de la fédération française de football.

Les dates des virements ne correspondent pas plus à l’année scolaire septembre 2018 -juin 2019 au cours de laquelle M. [S] [P] démontre avoir été éducateur de football suppléant.

Aucun élément ne permet de déterminer si ces versements constituent des primes de match, comme soutenu par l’association, constitutives de gratifications ponctuelles ou la rémunération d’une prestation éducative.

– sur le lien de subordination :

M. [S] [P] soutient qu’il exécutait les consignes qui lui était données par le manager du club de ‘faire les entraînements avec un planning fixé, intervenir auprès des écoles, et intervenir au sein de l’association, assister au match ».

Les derniers messages communiqués le 3 avril 2019 concernent un entraînement spécifique avec les U 8U9 et les ‘féminines’, alors que son ‘coach’ lui demande si l’entraînement s’est bien passé, M. [S] [P] écrit qu’il ne l’a pas fait. Le ‘coach’ lui demande ‘pourquoi’ et alors que M. [S] [P] répond ‘j’étais occupé’, le coach lui écrit ‘ce n’est pas un motif valable’ et lui demande ‘avais -tu prévenu [T] [C] et [L] ». il résulte de ces échanges que les instructions données par les représentants de l’association à M. [S] [P] étaient contrôlées par ces mêmes personnes.

Au demeurant, si la réalisation par M. [S] [P] des prestations d’entraîneur de jeunes licenciés et d’aide éducateur a fait suite à des instructions et a été soumise à un contrôle de l’exécution de celle-ci, il n’est pas caractérisé de pouvoir de sanction de l’association, l’arrêt par M. [S] [P] de toute prestation d’entraînement au sein de l’association et de toute mission de TPE étant concomitante à son inscription au sein d’un nouveau club, le stade olympique [6] ([6]) sans que l’arrêt des prestations invoqué ne soit imputable à titre d’une quelconque sanction à l’association.

Dès lors, en l’absence d’une part de démonstration d’un lien de subordination entre M. [S] [P] et l’association, d’autre part, de corrélation entre le versement ponctuel de sommes d’argent au cours de deux périodes de quatre mois en 2018 et la réalisation de prestations relevant de l’éducation populaire, la preuve d’un contrat de travail entre les parties n’est pas rapportée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] [P] de l’intégralité de ses demandes.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

L’association invoque l’absence de bien fondé des demandes de M. [S] [P] pour considérer qu’il a abusé de ses droits en agissant en justice.

Toutefois, le seul fait de succomber en ses demandes est insuffisant à caractériser un abus de droit.

C’est à tort que le conseil de prud’hommes a retenu qu’en agissant en justice contre l’association aux fins de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail alors que celle-ci l’avait soutenu dans ses démarches de régularisation de sa situation administrative, M. [S] [P] avait abusé de son droit d’ester en justice.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné M. [S] [P] aux dépens de première instance et a rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [S] [P], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, est condamné aux dépens d’appel.

La demande formée par l’association [Localité 5] Atlantique Football sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

Rejette la demande tendant à voir déclarer irrecevables les pièces et conclusions notifiées le 13 novembre 2024, subsidiairement de reporter la clôture à l’ordonnance de plaidoirie,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné M. [X] [S] [P] pour procédure abusive,

L’infirme de ce chef,

statuant à nouveau,

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Rejette la demande formée par l’association [Localité 5] Atlantique Football sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [S] [P], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


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