Consignation des sommes et exécution provisoire : enjeux et limites dans le cadre des décisions prud’homales.

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Consignation des sommes et exécution provisoire : enjeux et limites dans le cadre des décisions prud’homales.

L’Essentiel : Mme [X] [B] épouse [V] a interjeté appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de Toulon, dans une affaire l’opposant à Mme [Y] [G]. Le 1er octobre 2024, elle a assigné Mme [G] en référé pour obtenir l’autorisation de consigner des condamnations s’élevant à 17.414,21 euros. Selon le code du travail, seules certaines sommes, totalisant 9.222 euros, peuvent être consignées. Le tribunal a ordonné cette consignation et a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de Mme [G], tout en notant sa situation financière précaire. Les dépens ont été laissés à la charge de Mme [V].

Contexte de l’Affaire

Mme [X] [B] épouse [V] a interjeté appel le 9 juillet 2021 contre un jugement rendu le 13 mai 2024 par le conseil de prud’hommes de Toulon, dans une affaire l’opposant à Mme [Y] [G].

Procédure de Référé

Le 1er octobre 2024, Mme [V] a signifié une assignation en référé devant le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence à Mme [Y] [G], en vue d’une audience prévue le 4 novembre 2024. Cette assignation visait à obtenir l’autorisation de consigner le montant des condamnations prononcées à son encontre, s’élevant à 17.414,21 euros.

Conclusions des Parties

Les conclusions de Mme [V] ont été remises au greffe et notifiées le 31 octobre 2024, tout comme celles de Mme [G], qui ont également été déposées le même jour.

Demande de Consignation

Selon l’article R.1454-28 du code du travail, les décisions du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire, sauf exceptions. Les condamnations prononcées dans cette affaire, bénéficiant de l’exécution provisoire, s’élèvent à 16.599 euros. Toutefois, certaines sommes, considérées comme alimentaires, ne peuvent pas être consignées.

Sommes Susceptibles de Consignation

Les seules sommes pouvant faire l’objet d’une consignation concernent l’indemnité légale de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, totalisant 9.222 euros.

Situation de Mme [G]

Le tribunal a noté que Mme [G] bénéficie de l’aide juridictionnelle totale et se trouve dans une situation financière précaire, ce qui soulève des inquiétudes quant à la restitution des sommes en cas d’infirmation du jugement.

Décision du Tribunal

Le tribunal a ordonné la consignation de 9.222 euros entre les mains de la Selarl Huissiers MED, office Giordano Gongora, et a rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formulée par Mme [G]. Les dépens du référé ont été laissés à la charge de Mme [X] [B] épouse [V].

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’exécution provisoire des décisions du conseil de prud’hommes ?

L’article R.1454-28 du code du travail précise que, sauf disposition contraire de la loi ou du règlement, les décisions du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire.

Cependant, le conseil de prud’hommes peut ordonner l’exécution provisoire de ses décisions.

Les jugements qui sont de droit exécutoires à titre provisoire incluent :

1° Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Cette moyenne doit être mentionnée dans le jugement.

Comment la consignation des sommes dues est-elle régie par le code de procédure civile ?

L’article 521 du code de procédure civile stipule que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Cette disposition permet à la partie condamnée de protéger ses intérêts en cas d’infirmation du jugement.

Il est donc essentiel de respecter cette procédure pour éviter des conséquences financières indésirables.

Quels sont les montants pouvant faire l’objet d’une consignation dans cette affaire ?

Dans le cas présent, les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes et bénéficiant de l’exécution provisoire de droit s’élèvent à 16.599 euros, conformément à l’article R.1454-28-3°.

Cependant, les rappels de salaire, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés, qui ont un caractère alimentaire, ne peuvent pas faire l’objet d’une consignation.

Les seules sommes susceptibles d’être consignées sont celles portant sur l’indemnité légale de licenciement, qui s’élève à 1.844,44 euros, et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s’élèvent à 7.377,60 euros.

Ainsi, le montant total à consigner est de 9.222 euros.

Quelles sont les implications de l’aide juridictionnelle sur la consignation ?

Le fait que Mme [G] bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, soit qu’elle soit locataire de son logement et sans ressources, soulève des préoccupations quant à la représentation des sommes en cas d’infirmation du jugement.

Cela signifie qu’il existe un risque que les sommes ne soient pas remboursées si le jugement est annulé.

Dans ce contexte, le tribunal a jugé nécessaire d’ordonner la consignation de la somme de 9.222 euros pour garantir le paiement en cas d’infirmation du jugement.

Cette décision vise à protéger les droits de la partie qui pourrait être lésée par une éventuelle décision ultérieure.

Quelles sont les conséquences de la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ?

La demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formulée par Mme [G] a été rejetée, car la demande de consignation de Mme [V] a été partiellement accueillie.

Cela signifie que le tribunal a considéré que la résistance de Mme [V] n’était pas abusive dans le cadre de la procédure en cours.

Le rejet de cette demande souligne l’importance de la bonne foi dans les procédures judiciaires et la nécessité de justifier les demandes d’indemnisation pour résistance abusive.

En conséquence, les demandes de Mme [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont également été rejetées, laissant les dépens à la charge de Mme [X] [B] épouse [V].

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 25 Novembre 2024

N° 2024/79

Rôle N° RG 24/00531 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BNZP7

[X] [B] épouse [V]

C/

[Y] [G]

Copie exécutoire délivrée

le : 25 Novembre 2024

à :

Me Jean-Michel GARRY de la SELARL GARRY ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON

Prononcée à la suite d’une assignation en référé en date du 01 Octobre 2024.

DEMANDERESSE

Madame [X] [B] épouse [V], demeurant [Adresse 1]/FRANCE

représentée par Me Jean-Michel GARRY de la SELARL GARRY ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

DEFENDERESSE

Madame [Y] [G], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 04 Novembre 2024 en audience publique devant Mme Caroline CHICLET, Présidente de chambre, déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2024.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2024.

Signée par Mme Caroline CHICLET, Présidente de chambre et Mme Caroline POTTIER, adjointe administrative faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Vu l’appel interjeté le 9 juillet 2021 par Mme [X] [B] épouse [V] à l’encontre d’un jugement prononcé le 13 mai 2024 par le conseil de prud’hommes de Toulon dans une affaire l’opposant à Mme [Y] [G] ;

Vu l’assignation en référé devant le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence signifiée à Mme [Y] [G], par remise à la personne ainsi déclarée, le 1er octobre 2024 à la demande de Madame [V] pour l’audience du lundi 4 novembre 2024 à 9h, afin d’être autorisée à consigner entre les mains de la Selarl Huissiers MED, office Giordano Gongora, le montant des condamnations assorties de l’exécution provisoire de droit mises à sa charge par le jugement entrepris, soit la somme de 17.414,21 euros;

Vu les conclusions de Mme [V] remises au greffe et notifiées le 31 octobre 2024 ;

Vu les conclusions de Mme [G] remises au greffe et notifiées le 31 octobre 2024 ;

MOTIFS :

Sur la demande de consignation :

L’article R.1454-28 du code de travail dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 dispose que : ‘A moins que la loi ou le règlement n’en dispose autrement, les décisions du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud’hommes peut ordonner l’exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
1° Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.’

Selon l’article 521 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 : ‘ La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. (…)’

Les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes et bénéficiant de l’exécution provisoire de droit s’élèvent à 16.599 euros en application de l’article R.1454-28-3° précité (1844,40 x 9 mois).

Cependant, les rappels de salaire (39.955,60 euros bruts), l’indemnité compensatrice de préavis (3.688 euros bruts) et les congés payés y afférents (3.995, 56 euros brut d’une part et 368,80 euros brut d’autre part), en ce qu’ils présentent un caractère alimentaire, ne peuvent faire l’objet d’une consignation.

Les seules sommes susceptibles d’être consignées sont celles portant sur l’indemnité légale de licenciement (1.844,44 euros) et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7.377,60 euros).

Le fait que Mme [G] soit bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, locataire de son logement et sans ressource, fait craindre un risque de non représentation des sommes en cas d’infirmation du jugement et il y a donc lieu d’ordonner la consignation de la somme de 9.222 euros entre les mains de la Selarl Huissiers MED, office Giordano Gongora.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

La demande de consignation de Mme [V] étant partiellement accueillie, la demande indemnitaire formée par Mme [G] pour résistance abusive est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement sur délégation du Premier Président ;

Ordonne la consignation des condamnations bénéficiant de l’exécution provisoire de droit et ne présentant pas de caractère alimentaire, d’un montant de 9.222 euros, entre les mains de la Selarl Huissiers MED, office Giordano Gongora;

Rejette les demandes de Mme [Y] [G] pour résistance abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse les dépens du référé à la charge de Mme [X] [B] épouse [V].

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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