Conseil d’Etat, 31 octobre 2022
Conseil d’Etat, 31 octobre 2022

Type de juridiction : Conseil d’Etat

Juridiction : Conseil d’Etat

Thématique :

Résumé

Une association a demandé au Conseil d’État de supprimer la condition d’originalité pour la protection des droits d’auteur, arguant que cette exigence constitue une atteinte aux libertés fondamentales des auteurs. Elle a sollicité des mesures pour garantir une protection égale à toutes les œuvres, sans discrimination. Cependant, le juge des référés a rejeté cette demande, considérant que l’association n’avait pas justifié d’une situation d’urgence et que ses requêtes empiétaient sur le fonctionnement des juridictions judiciaires. Ainsi, la condition d’originalité demeure en vigueur, et la requête a été déclarée irrecevable.

Supprimer la condition d’originalité pour pouvoir bénéficier d’une protection de ses oeuvres n’est pas à l’ordre du jour.

Demande de suppression de la condition d’originalité

Une association a demande sans succès au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner à l’Etat d’assurer aux auteurs une protection effective de leurs droits d’auteur, de garantir à toutes les œuvres de l’esprit répertoriées par la loi une égale protection au titre du droit d’auteur, de prendre toutes les dispositions pour empêcher la discrimination et le contrôle des œuvres selon des critères subjectifs, d’ordonner à cet effet la suspension immédiate de la preuve de l’originalité de l’œuvre telle qu’elle est imposée dans les tribunaux français tant que l’Etat n’aura pas examiné et statué sur sa conformité, d’enjoindre au ministre de la culture et au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder à cet examen dans un délai de deux mois et d’enjoindre à l’Etat de réparer, dans un délai de deux mois à l’issue de cet examen, les dommages subis par les auteurs dont l’œuvre a été arbitrairement privée de la protection au titre du droit d’auteur.

Urgence non justifiée

L’association requérante, qui reconnaît d’ailleurs que la situation qu’elle dénonce dure depuis plusieurs années, ne justifie pas, par les considérations très générales qu’elle expose, d’une situation d’urgence particulière nécessitant l’intervention du juge des référés à très bref délai.

Demandes hors référé

Au demeurant, les mesures qu’elle sollicite reviennent pour l’essentiel à demander au juge des référés d’ordonner à des ministres de s’immiscer dans le fonctionnement des juridictions judiciaires et leur jurisprudence et d’enjoindre la prise de dispositions pour partie législatives.

De telles demandes ne sont pas au nombre de celles dont le juge des référés peut compétemment et utilement être saisi.


Conseil d’État, 31 octobre 2022, n° 468333

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association En quête de justice demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner à l’Etat de mettre un terme aux atteintes aux libertés fondamentales des auteurs ;

2°) d’ordonner à l’Etat de garantir à tous les auteurs un recours effectif et à toutes les œuvres de l’esprit répertoriées par l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle une égale protection au titre du droit d’auteur, la seule contestation relevant de l’office du juge en cas de litige étant de déterminer qui est l’auteur de l’œuvre, selon ce que prévoit la loi ;

3°) d’enjoindre à l’Etat, notamment au ministre de la culture et au garde des sceaux, ministre de la justice, de prendre toutes les mesures utiles pour mettre fin à toute forme d’exclusion, de tri ou de discrimination des œuvres à la protection légale, en raison de contraintes ou conditions non prévues par la loi et de considérations, appréciations ou critères subjectifs, dès lors que ces œuvres sont répertoriées par l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) d’enjoindre à l’Etat, notamment au ministre de la culture et au garde des sceaux, ministre de la justice, de s’assurer que la preuve de l’originalité de l’œuvre telle qu’elle est imposée aux auteurs dans les tribunaux français en dehors de tout cadre légal ne constitue pas une preuve impossible à faire et ne conduit pas à priver arbitrairement des œuvres de l’esprit de la protection légale et les auteurs de tout recours effectif ;

5°) d’ordonner la suspension immédiate de cette preuve, le temps que l’Etat procède à son examen et se prononce sur ces questions et sur sa conformité avec les lois de la République, les textes constitutionnels, les directives européennes et les conventions et traités internationaux ratifiés par la France ;

6°) d’enjoindre au ministre de la culture et au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder à cet examen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

7°) d’enjoindre à l’Etat de réparer, dans un délai de deux mois à l’issue de cet examen, les dommages subis par les auteurs, dans la mesure où ils en feront la demande ;

8°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence est remplie en raison des atteintes portées aux libertés fondamentales, des auteurs étant gravement lésés dans leurs droits depuis des années, de façon discriminatoire, sans qu’un recours effectif ni aucune solution ni indemnisation ne leur soit proposée ;

— la preuve de l’originalité de l’œuvre imposée aux auteurs dans les tribunaux en dehors de tout cadre légal constitue une atteinte au droit d’auteur et aux libertés fondamentales que sont la liberté d’expression et de création, la liberté de publier dans des conditions dignes et normales, la liberté pour l’auteur de disposer de son œuvre et de pouvoir s’opposer à sa reproduction faite sans son consentement et sans respect du principe de citation, la liberté d’entreprendre, le droit de propriété, l’égalité devant la loi, la sécurité juridique et le droit à un recours effectif ;

— en ajoutant une condition non prévue, tenant à l’obligation pour l’auteur de faire la preuve de l’originalité de son œuvre, il est contrevenu à l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et fait porter aux juges des jugements de valeur sans rapport avec le droit et discriminatoires en méconnaissance des textes nationaux et internationaux ;

— cette condition jurisprudentielle est incompréhensible en cas de reproduction servile et revient à exiger une preuve impossible à apporter par l’auteur, au prix d’une insécurité juridique et d’une absence d’effectivité des recours en violation des obligations constitutionnelles et internationales ;

— il est porté atteinte à la séparation des pouvoirs du fait d’un empiètement du judiciaire sur le législatif et aux principes démocratiques ;

— le droit de l’Union européenne est méconnu en ce qu’il exige un niveau de protection élevé des droits de propriété intellectuelle par les Etats membres et conditionne l’originalité de l’œuvre à des critères objectifs ;

— la situation actuelle se caractérise par un déni de justice, une dénaturation des faits et une obstruction à la manifestation de la vérité, une violation des articles 5, 2, 6 et 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, une méconnaissance des normes communautaires, des articles L. 112-2, L. 111-1, L. 112-1, L. 121-1, L. 121-2, L. 122-4 et L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, des articles 8 et 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 15 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

— il est de l’intérêt général que les auteurs soient protégés et que les œuvres ne soient pas discriminées en raison de considérations subjectives, au risque de laisser s’établir une nouvelle norme dont les effets seront délétères pour la culture et la démocratie ;

— l’Etat doit soustraire les auteurs à la preuve de l’originalité de l’œuvre, le temps que les ministres compétents se prononcent sur les questions soulevées, et réparer les dommages subis par les auteurs en les rétablissant dans leurs droits et en les indemnisant pour les préjudices subis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du même code : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

2. Il appartient à la personne qui saisit le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité de bénéficier, dans le très bref délai prévu par les dispositions de cet article, d’une mesure provisoire visant à sauvegarder une liberté fondamentale.

3. L’association En quête de justice demande notamment au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner à l’Etat d’assurer aux auteurs une protection effective de leurs droits d’auteur, de garantir à toutes les œuvres de l’esprit répertoriées par la loi une égale protection au titre du droitd’auteur, de prendre toutes les dispositions pour empêcher la discrimination et le contrôle des œuvres selon des critères subjectifs, d’ordonner à cet effet la suspension immédiate de la preuve de l’originalité de l’œuvre telle qu’elle est imposée dans les tribunaux français tant que l’Etat n’aura pas examiné et statué sur sa conformité, d’enjoindre au ministre de la culture et au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder à cet examen dans un délai de deux mois et d’enjoindre à l’Etat de réparer, dans un délai de deux mois à l’issue de cet examen, les dommages subis par les auteurs dont l’œuvre a été arbitrairement privée de la protection au titre du droit d’auteur. L’association requérante, qui reconnaît d’ailleurs que la situation qu’elle dénonce dure depuis plusieurs années, ne justifie pas, par les considérations très générales qu’elle expose, d’une situation d’urgence particulière nécessitant l’intervention du juge des référés à très bref délai. Au demeurant, les mesures qu’elle sollicite reviennent pour l’essentiel à demander au juge des référés d’ordonner à des ministres de s’immiscer dans le fonctionnement des juridictions judiciaires et leur jurisprudence et d’enjoindre la prise de dispositions pour partie législatives. De telles demandes ne sont pas au nombre de celles dont le juge des référés peut compétemment et utilement être saisi.

4. Par suite, la requête de l’association En quête de justice ne peut qu’être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l’association En quête de justice est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association En quête de justice.

Fait à Paris, le 31 octobre 202Signé : Anne Courrèges

 

 


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