Type de juridiction : Conseil d’Etat
Juridiction : Conseil d’Etat
Thématique : NRJ : Un million d’euros de sanction
→ RésuméL’affaire NRJ a révélé les limites de la liberté d’expression face aux préjugés sexistes. Le Conseil d’État a confirmé une amende d’un million d’euros infligée à NRJ pour un canular humiliant diffusé dans l’émission « C Cauet ». Ce canular, qui a mis une femme en détresse en insinuant que son apparence physique justifiait l’infidélité de son compagnon, a été jugé comme une atteinte à la dignité humaine. L’ARCOM a souligné que la séquence véhiculait des stéréotypes dégradants, justifiant ainsi la sanction pour protéger l’ordre public et la dignité des individus.
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Affaire NRJ
Les sanctions de l’ARCOM peuvent atteindre des sommets. Le Conseil d’État a confirmé la sanction d’un million d’euros prononcée contre la société NRJ suite à la diffusion, au cours de l’émission « C Cauet », d‘un canular téléphonique (décision n° 2017-871 du 22 novembre 2017).
Un canular à un million
L’appel téléphonique diffusé à l’antenne était destiné à mettre une femme en situation de détresse en lui faisant croire que son compagnon la trompait de manière habituelle et en justifiant cette infidélité par le surpoids allégué de la victime. La séquence était fondée sur la répétition, pendant près de dix minutes, de propos impliquant que cette femme devait être jugée uniquement sur son apparence physique et devait veiller à préserver cette apparence pour satisfaire son compagnon.
Sexisme sanctionné
Selon le Conseil d’Etat, l’ARCOM, n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce en retenant que la séquence litigieuse était fondée sur des stéréotypes sexistes et une vision des femmes tendant à les réduire à un rôle d’objet sexuel, en méconnaissance des dispositions de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986.
Pendant toute la durée de la séquence, les interlocutrices de la victime l’ont humiliée par des insultes et des commentaires injurieux sur son physique ; au surplus, alors qu’après plusieurs minutes la victime, en pleurs, était dans un état de détresse et de vulnérabilité manifeste, l’animateur a laissé cette situation perdurer et tardé à lui révéler la supercherie ; la séquence litigieuse avait eu pour l’intéressée un caractère humiliant et sa diffusion à l’antenne avait constitué un manquement aux stipulations de l’article 2-6 de la convention du 2 octobre 2012.
Principe de dignité humaine
Aux termes de la convention relative au service de radio » NRJ » et en application de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986, la dignité de la personne humaine constitue l’une des composantes de l’ordre public. Il ne peut y être dérogé par des conventions particulières même si le consentement est exprimé par la personne intéressée. Sur le forme, à noter que le dossier de l’ARCOM ne comportait qu’une seule plainte d’une auditrice adressée au ARCOM, toutefois, la sanction ne s’est pas référé à ce courrier.
Contrôle de proportionnalité
Eu égard tant à la gravité et à la nature des faits et aux pouvoirs dévolus par la loi au ARCOM pour lutter contre la diffusion de préjugés sexistes et aux obligations qui s’imposent en la matière aux éditeurs de service, la sanction ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et par l’article 10, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Quelles limites aux sanctions pécuniaires de l’ARCOM ?
Aux termes de l’article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986, le montant de la sanction pécuniaire de l’ARCOM doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. Lorsque le manquement est constitutif d’une infraction pénale, le montant de la sanction pécuniaire ne peut excéder celui prévu pour l’amende pénale.
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