Conseil d’Etat, 13 janvier 2017
Conseil d’Etat, 13 janvier 2017

Type de juridiction : Conseil d’Etat

Juridiction : Conseil d’Etat

Thématique : Antichrist interdit aux -18 ans

Résumé

Le Conseil d’Etat a annulé le visa d’exploitation accordé au film « Antichrist » de Lars Von Trier, initialement classé interdit aux mineurs de seize ans. L’association Promouvoir, qui défend les valeurs judéo-chrétiennes, avait saisi le Conseil en raison des scènes de violence extrême et de sexualité explicite présentes dans le film. Les juges ont souligné que ces éléments, filmés de manière réaliste, justifiaient une classification plus stricte, notamment l’interdiction aux moins de dix-huit ans, en raison de leur impact sur la protection de la jeunesse et le respect de la dignité humaine.

Censure du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a tranché : c’est à tort que le Ministre de la culture et de la communication a accordé au film intitulé  » Antichrist  » (Lars Von Trier) un visa d’exploitation cinématographique interdit aux mineurs de seize ans.  L’association Promouvoir qui a pour but de promouvoir les « valeurs judéo-chrétiennes et de la famille » était à l’origine de la saisine.

Scènes de très grande violence

Les juges administratifs ont confirmé que le film  » Antichrist  » comporte plusieurs scènes de très grande violence, filmées de manière réaliste, à l’occasion de pratiques sexuelles filmées sans aucune dissimulation dont, notamment, une scène d’automutilation sexuelle féminine filmée en gros plan.

Ces scènes, qui revêtent un caractère cru et explicite et présentent une image dégradante de la sexualité, sont d’une très grande violence physique et psychologique. Il suit de là qu’en jugeant que si les nécessités de la protection de la jeunesse et le respect de la dignité humaine n’impliquaient pas, compte tenu de l’esthétique du film et de son thème, de retenir le classement « interdit aux moins de 18 ans »  le ministre de la culture a bien entaché d’erreur d’appréciation sa décision d’accorder un visa d’exploitation comportant seulement une interdiction de représentation aux seuls mineurs de seize ans.

Classification des œuvres

Pour rappel, l’article L. 211-1 du code du cinéma pose que la représentation cinématographique est subordonnée à l’obtention d’un visa d’exploitation délivré par le ministre chargé de la culture.  Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine ;

Le ministre chargé de la culture délivre le visa d’exploitation après avis de la commission de classification. La commission émet sur les oeuvres cinématographiques, y compris les bandes-annonces, un avis tendant à l’une des mesures suivantes : a) Visa autorisant pour tous publics la représentation de l’oeuvre cinématographique ; b) Visa comportant l’interdiction de la représentation aux mineurs de douze ans ; c) Visa comportant l’interdiction de la représentation aux mineurs de seize ans ; d ) Inscription de l’oeuvre cinématographique sur les listes prévues aux articles 11 et 12 de la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 entraînant l’interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans ; e) Interdiction totale de l’oeuvre cinématographique.

La commission peut proposer d’assortir chaque mesure d’un avertissement, destiné à l’information du spectateur, sur le contenu de l’oeuvre ou certaines de ses particularités. La commission peut également proposer au ministre chargé de la culture une mesure d’interdiction de représentation aux mineurs de dix-huit ans pour les oeuvres comportant des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité, ne justifient pas une inscription sur la liste des œuvres à caractère pornographique ou d’incitation à la violence.

Pouvoir de police spéciale

Le ministre chargé de la culture est ainsi investi d’un pouvoir de police spéciale fondée sur les nécessités de la protection de l’enfance et de la jeunesse et du respect de la dignité humaine. Pour ce faire, il lui appartient d’apprécier s’il y a lieu d’assortir la délivrance du visa d’exploitation d’une oeuvre cinématographique de l’une des restrictions par catégories d’âges.

Le caractère pornographique et d’incitation à la violence d’une oeuvre cinématographique conduit à ce que la délivrance du visa d’exploitation soit accompagnée d’une interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans avec inscription sur la liste désormais prévue à l’article L. 311-2 du code du cinéma. Alors même qu’elle comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence, le ministre de la culture peut légalement, s’il estime que la manière dont cette oeuvre est filmée et la nature du thème traité ne justifient pas une telle inscription, limiter la restriction dont est assorti le visa d’exploitation à la seule interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans.

Télécharger la décision

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon