Type de juridiction : Conseil d’Etat
Juridiction : Conseil d’Etat
Thématique : Google contre CNIL : la CJUE saisie
→ RésuméEn mars 2016, la CNIL a infligé à Google une amende de 100 000 euros pour avoir restreint le droit au déréférencement à son domaine français, Google.fr, sans l’étendre à ses autres noms de domaine. Le Conseil d’État a saisi la CJUE pour clarifier si l’exploitant d’un moteur de recherche doit appliquer le déréférencement sur tous ses domaines, garantissant ainsi que les liens litigieux ne soient plus accessibles, peu importe le lieu de recherche. La CJUE devra également se prononcer sur l’application du « géo-blocage » pour protéger le droit au déréférencement.
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Contexte de l’affaire
Par délibération du 10 mars 2016, la CNIL a sanctionné la société Google Inc. d’une amende de 100 000 euros aux motifs que le moteur de recherche limitait le droit au déréférencement des personnes physiques à Google.fr sans extension à ses autres noms de domaine. In concreto, il reste loisible à l’internaute d’effectuer ses recherches sur les autres noms de domaine du moteur de recherche.
Saisine préjudicielle de la CJUE
Le Conseil d’Etat a considéré que la question de savoir si le » droit au déréférencement » tel qu’il a été consacré par la CJUE (arrêt du 13 mai 2014) doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un moteur de recherche est tenu, lorsqu’il fait droit à une demande de déréférencement, d’opérer ce déréférencement sur l’ensemble des noms de domaine de son moteur de telle sorte que les liens litigieux n’apparaissent plus quel que soit le lieu à partir duquel la recherche lancée sur le nom du demandeur est effectuée, soulève une difficulté sérieuse d’interprétation.
La CJUE devra également donner une ligne interprétative sur la question de savoir si le » droit au déréférencement » doit être interprété en ce sens que l’exploitant d’un moteur de recherche faisant droit à une demande de déréférencement est tenu de supprimer, par la technique dite du » géo-blocage » (depuis une adresse IP réputée localisée dans l’Etat de résidence du bénéficiaire du » droit au déréférencement « ), cela indépendamment du nom de domaine utilisé par l’internaute qui effectue la recherche.
Rappel du droit applicable à l’affaire
Par son arrêt du 13 mai 2014 Google Spain SL, Google Inc. contre Agencia Espanola de Proteccion de Datos, Mario Costeja Gonzalez (C-131/12), la CJUE a considéré que l’article 2 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 doit être interprété en ce sens que i) d’une part, l’activité d’un moteur de recherche consistant à trouver des informations publiées ou placées sur Internet par des tiers, à les indexer de manière automatique, à les stocker temporairement et, enfin, à les mettre à la disposition des internautes selon un ordre de préférence donné doit être qualifiée de » traitement de données à caractère personnel » et ii) l’exploitant du moteur de recherche doit être considéré comme le » responsable » dudit traitement de données personnelles. Par ailleurs, un traitement de données à caractère personnel est effectué dans le cadre des activités d’un établissement du responsable de ce traitement sur le territoire d’un État membre, lorsque l’exploitant du moteur de recherche crée dans un État membre une succursale ou une filiale destinée à assurer la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur et dont l’activité vise les habitants de cet État membre (e.g. AdWords).
Concernant le « droit au déréférencement », l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 a été jugé applicable : « Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Elle a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d’un traitement ultérieur. » ; « Toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant » (article 40).
Sur le fondement des articles 38 et 40 de la loi du 6 janvier 1978, lorsque les conditions fixées par ces articles sont satisfaites, l’exploitant d’un moteur de recherche mettant en oeuvre son traitement en France doit donc faire droit aux demandes qui lui sont présentées tendant au déréférencement de liens, c’est-à-dire à la suppression de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’un internaute, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations le concernant.
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