Conseil d’Etat, 10 mai 2017
Conseil d’Etat, 10 mai 2017

Type de juridiction : Conseil d’Etat

Juridiction : Conseil d’Etat

Thématique : Exploitation publicitaire des œuvres | Affaire Colette

Résumé

L’affaire Colette illustre les enjeux du droit moral dans l’exploitation publicitaire des œuvres. L’Association pour la Sauvegarde de la Maison de Colette a été condamnée pour avoir commercialisé une cuvée de Bourgogne sous le nom de l’écrivaine, sans le consentement de tous les héritiers. Bien qu’un cohéritier ait approuvé l’initiative, cela n’a pas suffi à éviter la violation du droit moral. Les extraits de Colette, présentés hors contexte, ont altéré l’intégrité de son œuvre. Ainsi, même des actions visant à financer la rénovation de sa maison ne justifient pas une dénaturation de ses écrits.

La Cuvée Colette

Les opérations de partenariats publicitaires utilisant l’image ou le nom des auteurs doivent être mises en place dans le respect du droit moral. L’Association pour la Sauvegarde de la Maison de Colette a été condamnée pour atteinte au droit moral de l’écrivaine. Créée par plusieurs personnalités ayant en commun une passion pour l’œuvre de Colette, l’association a noué un partenariat avec un caviste afin de lever des fonds pour poursuivre la rénovation de la maison de Colette et commercialisé une cuvée de Bourgogne spéciale baptisée « J’aime être gourmande, par Colette ». Un calligramme évoquant la silhouette de la chevelure de Colette tirée d’une photographie de l’intéressée – et composé d’un texte manuscrit – s’était ainsi retrouvé apposé sur l’étiquette des bouteilles de ladite cuvée. Le caviste devait reverser à l’Association un euro par bouteille vendue. Le carton d’invitation à la réception d’ouverture ainsi que les communiqués de presse et les dossiers de presse de l’événement, comprenaient également le calligramme, ainsi que des extraits, incomplets de divers textes et des photographies de Colette.

Droit moral de Colette

Si le fait que l’un des cohéritiers (50% des droits de Colette) a approuvé l’opération commerciale, il ne peut suffire à établir l’absence de toute atteinte au droit moral de l’auteur dont l’oeuvre est en cause. Les autres héritiers ont argué avec succès de leur absence de consentement à cette initiative de « cobranding » et, sans surprise, ont obtenu la condamnation de l’Association. La violation du droit moral de l’écrivaine a été retenue. Le droit moral confère à l’auteur et à ses ayants droit la faculté de contrôler les destinations de l’œuvre lorsque celle-ci est présentée dans un contexte qui la déprécie, la dénigre ou en affecte le sens.

Les extraits de textes écrits par Colette ont été présentés de façon altérant leur intégrité dans la mesure où ils étaient cités en dehors de leur contexte ou de façon parcellaire ou rendus illisible par les découpages réalisés pour la confection du dessin évoquant la silhouette du visage de l’écrivaine.

Piqure de rappel : l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle pose que  « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. ». Le droit moral de l’auteur au respect de son oeuvre comprend celui de voir l’oeuvre respectée dans son intégrité et dans son esprit, ce qui implique en particulier que l’oeuvre ne soit pas dénaturée et ne soit pas présentée dans un contexte qui en dénaturerait son sens.

Appréciation de la volonté du défunt

A noter que Colette, de son vivant, avait accepté de faire usage de son image et de collaborer à des actions publicitaires pour la promotion de vins de la maison Chauvenet à Nuits-St-Georges ou de la boisson « Mariani » ou de l’esthétique des voitures « Ford » ou encore des cigarettes « Lucky Strike » et de créer une ligne de produits de beauté qu’elle vendait dans le magasin qu’elle a tenu à Paris. Elle appréciait également les plaisirs de la bouche et du vin, et était très attachée à sa région natale, la Bourgogne, grande région viticole.

Toutefois, ce comportement ne permettait pas de justifier que ses textes, quand bien même il s’agirait de financer la rénovation de sa maison natale, soient dénaturés par une présentation tronquée ou hors contexte. Il a bien été porté atteinte à l’intégrité et à l’esprit de l’oeuvre de leur auteur par l’utilisation des écrits de Colette.

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