L’Essentiel : Mme [R] [M] a été engagée comme aide-soignante par l’association Notre Dame du Blauberg en 2007, avec un contrat à durée déterminée, transformé en CDI en 2008. Après plusieurs absences pour congés maternité et maladie, elle a été licenciée pour faute grave en avril 2021, suite à un abandon de poste. Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a confirmé la légitimité de son licenciement. En appel, la cour a infirmé ce jugement, réintégrant Mme [M] dans ses fonctions, mais a débouté ses demandes de dommages et intérêts, lui imposant des frais.
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Embauche et évolution du contrat de travailMme [R] [M] a été engagée par l’association Notre Dame du Blauberg en tant qu’aide-soignante, avec un contrat à durée déterminée du 20 août au 30 septembre 2007, sous la convention collective FEHAP. Ce contrat a été prolongé par divers avenants, et a finalement été transformé en contrat à durée indéterminée en mars 2008. Au fil des années, le contrat a subi plusieurs suspensions dues à des congés maternité, parentaux, arrêts maladie et congés pathologiques. Absences et mises en demeureAprès un congé parental se terminant le 1er avril 2019, Mme [M] a été en arrêt maladie jusqu’au 19 mai 2019. Ne reprenant pas le travail, l’employeur lui a adressé deux mises en demeure pour justifier son absence. Mme [M] a répondu qu’elle était en congé maternité à partir du 20 mai 2019 et a exprimé son intention de prendre un congé parental à partir du 18 novembre 2019. Demande de rupture et licenciementEn septembre 2020, Mme [M] a demandé une rupture contractuelle, mais la Fondation Vincent de Paul a refusé. En mars 2021, l’employeur a mis Mme [M] en demeure de justifier son absence, indiquant que son congé parental avait pris fin. Après une seconde mise en demeure restée sans réponse, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, mais ne s’est pas présentée. Elle a été licenciée pour faute grave le 28 avril 2021, en raison d’un abandon de poste. Contestations et procédures judiciairesMme [M] a contesté son licenciement par courrier le 10 mai 2021, affirmant être en congé parental jusqu’au 30 juin 2021, et a demandé une prolongation de son congé parental jusqu’au 30 juin 2022. En décembre 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach pour contester son licenciement. Le jugement du 7 novembre 2022 a déclaré la demande de Mme [M] recevable mais mal fondée, confirmant que son licenciement était basé sur une faute grave. Appel et décisions de la courMme [M] a interjeté appel du jugement, demandant l’infirmation de la décision et la reconnaissance de son licenciement comme nul ou sans cause réelle et sérieuse. La Fondation Vincent de Paul a soutenu que l’appel était irrecevable et a demandé la confirmation du jugement initial. La cour a finalement infirmé le jugement du 7 novembre 2022, déclarant que le contrat de travail de Mme [M] n’avait pas été rompu et qu’elle avait été réintégrée dans ses fonctions. Conclusion et conséquences financièresLa cour a débouté Mme [M] de toutes ses demandes liées à son licenciement pour faute grave et a condamné Mme [M] à verser des frais à la Fondation Vincent de Paul. Les décisions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ont été confirmées, et Mme [M] a été condamnée à payer des frais irrépétibles à l’employeur. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique du licenciement pour faute grave ?Le licenciement pour faute grave est encadré par l’article L. 1234-1 du Code du travail, qui stipule que le contrat de travail peut être rompu par l’employeur pour un motif réel et sérieux. La faute grave est définie comme un manquement aux obligations contractuelles qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’article L. 1234-9 précise que le licenciement doit être notifié par écrit et mentionner le motif. Dans le cas de Mme [M], la Fondation Vincent de Paul a invoqué un abandon de poste comme motif de licenciement. Cependant, la jurisprudence indique que l’employeur doit prouver la réalité de la faute grave, ce qui implique de démontrer que l’absence du salarié était injustifiée. Il est également important de noter que, selon l’article L. 1235-1, le salarié peut contester son licenciement devant le tribunal compétent, ce qui a été fait par Mme [M]. Quelles sont les conséquences d’une rétractation de licenciement ?La rétractation d’un licenciement est possible, mais elle doit être acceptée par le salarié. Selon la jurisprudence, l’acceptation peut être explicite ou implicite, résultant d’un comportement clair et non équivoque du salarié. L’article L. 1234-1 du Code du travail stipule que le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par l’employeur. Dans le cas présent, la Fondation Vincent de Paul a tenté de justifier que Mme [M] avait accepté la rétractation de son licenciement par ses courriers ultérieurs. Cependant, la cour a retenu que Mme [M] avait continué à revendiquer son statut de salariée et à prolonger son congé parental, ce qui démontre qu’elle n’avait pas considéré le licenciement comme définitif. Ainsi, la cour a conclu que le contrat de travail n’avait pas été rompu et que la réintégration était effective. Comment se déroule la contestation d’un licenciement devant le conseil de prud’hommes ?La contestation d’un licenciement se fait par voie de requête auprès du conseil de prud’hommes, conformément à l’article L. 1411-1 du Code du travail. Le salarié doit saisir le conseil dans un délai de deux ans à compter de la notification du licenciement, comme le précise l’article L. 1471-1. Dans le cas de Mme [M], elle a saisi le conseil de prud’hommes le 9 décembre 2021, ce qui était dans le délai légal. Le conseil examine la recevabilité de la demande et le bien-fondé des motifs de licenciement. Il peut ordonner la réintégration du salarié ou, à défaut, accorder des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L. 1235-3. Dans cette affaire, le conseil a d’abord jugé que le licenciement était fondé sur une faute grave, mais la cour d’appel a infirmé cette décision, considérant que le contrat de travail n’avait pas été rompu. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de congé parental ?L’article L. 1225-47 du Code du travail précise que le salarié a droit à un congé parental d’éducation, qui peut être pris à l’issue d’un congé de maternité. L’employeur doit être informé de la durée du congé parental et de toute prolongation, comme le stipule l’article L. 1225-48. Dans le cas de Mme [M], elle a informé son employeur de son intention de prolonger son congé parental jusqu’au 30 juin 2022. L’employeur a l’obligation de respecter ce congé et ne peut pas procéder à un licenciement pour absence injustifiée tant que le salarié est en congé parental. La cour a retenu que la Fondation Vincent de Paul n’avait pas été informée de la fin du congé parental de Mme [M] et qu’elle ne pouvait donc pas justifier un licenciement pour abandon de poste. Ainsi, l’employeur doit veiller à respecter les droits des salariés en congé parental et ne peut pas agir unilatéralement sans justification. |
08 janvier 2025
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N° RG 22/02760 –
N° Portalis DBVS-V-B7G-F3SB
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH
07 novembre 2022
F 21/288
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Huit janvier deux mille vingt cinq
APPELANTE :
Mme [R] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022-000252 du 02/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
Fondation VINCENT DE PAUL représentée par son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Cédric D’OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
M. François-Xavier KOEHL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [R] [M] a été embauchée, à durée déterminée et à temps complet du 20 août au 30 septembre 2007 en qualité d’aide-soignante par l’association Notre Dame du Blauberg, exploitée par la Fondation Vincent de Paul, avec application de la convention collective FEHAP du 31 octobre 1951.
Les parties ont signé divers avenants et la relation de travail s’est poursuivie a durée indéterminée conformément à l’avenant n° 4 du 15 mars 2008.
Le contrat de travail de Mme [M] a été suspendu à plusieurs reprises, en raison de congés maternité, de congés parentaux, d’arrêts maladie, ainsi que de congés pathologiques.
A l’issue de son congé parental fixé au 1er avril 2019, Mme [M] a été placée en arrêt maladie jusqu’au 19 mai 2019.
La salariée n’ayant pas repris le travail au terme de son arrêt maladie, l’employeur l’a mise en demeure, par un courrier du 23 mai 2019, de justifier de son absence à compter du 19 mai 2019. Une seconde mise en demeure a été adressée à Mme [M] le 27 mai 2019.
La salariée a répondu, par courrier du 24 mai 2019 (non produit), qu’elle se trouvait en congé maternité du 20 mai au 17 novembre 2019 et qu’elle souhaitait prendre son congé parental à compter du 18 novembre 2019.
Par courrier du 7 juin 2019, l’employeur a indiqué régulariser la situation, notamment auprès de la caisse primaire d’assurance maladie, et prendre acte du congé parental de la salariée.
Le 7 novembre 2019, la Fondation Vincent Saint Paul a interrogé Mme [M] sur ses intentions à l’issue de son congé de maternité, qui a confirmé, par un courrier daté du 25 octobre 2019 et réceptionné le 7 novembre 2019, sa volonté de prendre son congé parental sans en communiquer la durée et a mentionné également qu’elle n’était joignable que par courrier, sa ligne téléphonique n’étant plus active.
Par courrier du 23 septembre 2020, Mme [M] a sollicité une rupture contractuelle. La Fondation Vincent de Paul a répondu le 23 octobre 2020 par un refus, qui a été réitéré par lettre du 21 décembre 2020.
Le 26 mars 2021, l’employeur a mis la salariée en demeure de justifier de son absence injustifiée, en indiquant que son congé parental avait pris fin le 22 mars 2021 et qu’elle n’avait transmis aucun certificat médical pour justifier de son absence.
Sans réponse, la Fondation Vincent de Paul a adressé une seconde mise en demeure à Mme [M], le 6 avril 2021, en reprenant les termes de sa première correspondance. La salariée n’a pas donné suite à ce deuxième envoi.
Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 27 avril 2021 auquel elle ne s’est pas présentée, puis licenciée le 28 avril 2021, pour faute grave, en raison d’un abandon de poste.
Par courrier du 10 mai 2021, Mme [M] a contesté son licenciement en indiquant qu’elle se trouvait en congé parental jusqu’au 30 juin 2021.
Dans un second courrier du 18 mai 2021, la salariée a informé l’employeur de sa volonté de prolonger son congé parental jusqu’au 30 juin 2022.
Par requête enregistrée le 9 décembre 2021, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach.
En parallèle, la salariée n’a pas repris son poste de travail à l’issue de la prolongation de son congé parental le 30 juin 2022, et n’a pas fourni de justificatifs de son absence, de sorte que l’employeur a initié une procédure de licenciement à son encontre.
Par jugement contradictoire du 7 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Forbach a statué comme suit :
« Dit que la demande de Mme [M] est recevable mais mal-fondée ;
Sont concernés par la demande les points suivants :
1 – Le licenciement ne repose pas sur une faute grave ;
2 – Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déclare que le licenciement de Mme [M] est basé sur une faute grave ;
Déboute Mme [M] du surplus de ses prétentions ;
Ordonne à la Fondation Vincent de Paul de délivrer les documents sociaux de fin de contrat de Mme [M] ;
Déboute la Fondation Vincent de Paul du surplus de ses prétentions ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens. »
Par déclaration transmise par voie électronique le 6 décembre 2022, Mme [M] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 9 novembre 2022.
Par ses conclusions datées du 19 décembre 2022 et transmises par voie électronique le 20 décembre 2022, Mme [M] demande à la cour de statuer comme suit :
« Déclarer l’appel recevable et bien fondé
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Forbach le 7 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
Débouter l’employeur de l’intégralité de ses fins et prétentions
Ordonner la délivrance à Mme [M] de son certificat de travail, de son attestation Pôle Emploi, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard
Déclarer que la rupture du contrat de travail ne repose pas sur une faute grave
Condamner la Fondation Vincent de Paul à payer à Mme [M] les sommes suivantes :
– 3 843,28 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– 384,33 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;
– 7 166,44 euros net au titre de l’indemnité de licenciement ;
Déclarer que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul ou, à défaut, dépourvu de cause réelle et sérieuse
Condamner la Fondation Vincent de Paul à payer à Mme [M] une somme de 28 815 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, en réparation des préjudices professionnels, financiers et moraux subis
Condamner la Fondation Vincent de Paul à payer à Mme [M] une somme de 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire
Condamner la Fondation Vincent de Paul à payer à Mme [M] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et 3 000 euros à hauteur de cour
Condamner l’intimée aux entiers frais et dépens, d’instance et d’appel »
A l’appui de son appel, Mme [M] fait valoir :
– qu’elle n’a pas repris son poste postérieurement au licenciement, ni manifesté son intention de reprendre le travail ;
– qu’elle n’a jamais accepté une quelconque rétractation de l’employeur, et encore moins demandé sa réintégration ;
– que l’employeur ne lui a pas adressé de courrier lui indiquant qu’il rétractait le licenciement et n’a pas sollicité son acceptation ;
– qu’elle n’a pas été destinataire des fiches de paie produites par l’employeur, qui mentionnent d’ailleurs une date de début de contrat au 1er juillet alors que, s’il y avait eu réintégration, la date d’embauche de 2007 aurait dû y figurer ;
– qu’en l’absence d’acceptation de la rétractation, son licenciement est effectif.
S’agissant du caractère abusif du licenciement, Mme [M] affirme qu’il appartient à la Fondation Vincent de Paul de prouver que son absence était injustifiée.
Elle rappelle qu’elle était en congé parental jusqu’au 30 juin 2021, ce dont la Fondation Vincent de Paul était avisée.
Elle ajoute que, quand bien même l’employeur ignorait la date de fin du congé parental, il ne pouvait la licencier pour absence injustifiée, dès lors qu’en absence de visite médicale de reprise, le contrat restait toujours suspendu.
Dans ses conclusions datées du 20 mars 2023 et transmises par voie électronique le même jour, la Fondation Vincent de Paul demande à la cour de statuer comme suit :
« Juger les demandes de la Fondation Vincent de Paul recevables et bien fondées ;
Déclarer l’appel de Mme [M] irrecevable et subsidiairement mal fondé, le rejeter ;
Confirmer le jugement du 7 novembre 2022 entrepris par le conseil de prud’hommes de Forbach en ce qu’il a :
« Dit que la demande de Mme [M] est recevable mais mal-fondée ;
Sont concernés par la demande les points suivants :
1. Le licenciement ne repose pas sur une faute grave ;
2.Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déclare que le licenciement de Mme [M] est basé sur une faute grave ;
Déboute Mme [M] du surplus de ses prétentions ;
Ordonne à la Fondation Vincent de Paul de délivrer les documents sociaux de fin de contrat de Mme [M] » ;
En conséquence,
Débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes ;
Sur l’appel incident,
Recevoir l’appel incident de la Fondation Vincent de Paul et le dire bien fondé ;
Infirmer le jugement sur le surplus en ce qu’il :
« Déboute la Fondation Vincent de Paul du surplus de ses prétentions ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens. »
Statuant à nouveau,
Déclarer les demandes de Mme [M] irrecevables et mal fondées ;
Débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre principal,
Juger que Mme [M] n’a pas été licenciée ;
Juger que Mme [M] a fait l’objet d’une réintégration à son poste de travail en date du 29 avril 2021 avec une reprise de son ancienneté ;
En conséquence,
Débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
Juger que la Fondation Vincent de Paul a respecté son obligation de santé et de sécurité ;
Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Juger que le licenciement n’a pas de caractère vexatoire ;
En conséquence,
Débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes ;
A titre extrêmement subsidiaire,
Réduire à de justes proportions les montants sollicités par Mme [M] en application du barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail ;
En tout état de cause,
Condamner Mme [M] à payer à la Fondation Vincent de Paul la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [M] en tous les frais et dépens d’instance et d’appel. »
La Fondation Vincent de Paul relate qu’elle a été contrainte de procéder au licenciement de Mme [M] le 28 avril 2021 en raison de son abandon de poste, mais qu’elle est toutefois revenue sur sa décision de rupture, d’un commun accord avec la salariée, lorsque cette dernière a régularisé sa situation.
Elle précise qu’elle n’avait réceptionné aucun document indiquant les dates précises du congé parental de Mme [M], et que ce n’est qu’un mois après le licenciement, à savoir le 20 mai 2021, qu’elle a reçu un premier courrier de Mme [M] daté du 10 mai 2021 au terme duquel la salariée contestait son licenciement et indiquait être en congé parental jusqu’au 30 juin 2021.
Elle ajoute que, dans un second courrier du 18 mai 2021, réceptionné le 20 mai 2021, Mme [M] lui a fait part de son souhait de prolonger son congé parental jusqu’au 30 juin 2022.
La Fondation explique que la réintégration de Mme [M] a été effectuée avec effet au 29 avril 2021 et reprise d’ancienneté, comme en atteste le bulletin de paie du mois de décembre 2021.
Concernant les fiches de paie, l’employeur précise que les bulletins des mois de mai et juin 2021 n’ont pu être édités, la salariée ayant été sortie des effectifs de l’entreprise suite au quiproquo lié à son congé parental, et que sa réintégration a ensuite été actée au 29 avril 2021. Il ajoute que la salariée figurait toujours dans le registre du personnel.
L’employeur fait valoir que Mme [M] ne peut valablement prétendre qu’elle a été licenciée et qu’elle n’a pas manifesté son accord pour obtenir la rétractation, alors qu’elle a sollicité la prolongation de son congé parental. Il observe que Mme [M] n’a saisi le conseil de prud’hommes qu’au mois de décembre 2021 afin de contester son prétendu licenciement abusif.
Concernant le motif du licenciement de Mme [M], l’employeur expose qu’il n’avait pas été avisé de l’absence de la salariée pour congé parental jusqu’au 30 juin 2021, et que le courrier de la caisse d’allocations familiales daté du 21 mai 2021 a pour seul destinataire Mme [M].
Il fait valoir qu’il n’avait aucune obligation d’organiser une visite de reprise à l’issue d’un congé parental, et que l’absence d’une telle visite ne permet pas à la salariée de bénéficier de la protection spécifique attachée à la maternité au-delà du délai prévu.
Il conclut que le contrat de Mme [M] ne restait pas suspendu en l’absence de visite médicale de reprise, et que dès lors il pouvait procéder à son licenciement pour absence injustifiée et abandon de poste.
L’ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été rendue le 12 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire, la cour relève que si l’employeur se prévaut de l’irrecevabilité des demandes de Mme [M], il ne développe aucun moyen tendant à cette fin dans ses écritures, se contentant de prendre position sur le caractère infondé des prétentions de la salariée. Dès lors, seul le bien-fondé des demandes sera examiné.
Sur la rupture du contrat de travail
Le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par l’employeur, qui ne peut revenir sur sa décision qu’avec l’accord du salarié (Cass. Soc. 4 mars 2015, pourvoi n° 13-16.148).
Il est admis par la jurisprudence que l’acceptation du salarié de la rétractation de l’employeur à la mesure de son licenciement peut être expresse mais également implicite et résulte de son comportement de manière claire et non équivoque.
En l’espèce, à l’appui de l’acceptation de la salariée de la rétractation du licenciement pour faute grave du 24 avril 2018 la Fondation Vincent de Paul se prévaut de ce qu’à la suite du courrier de rupture du 28 avril 2021 notifié le 3 mai 2021 (pièce n°11 de l’intimée) Mme [M] a réagi en lui adressant deux écrits :
– par un premier courrier du 10 mai 2021 aux fins de manifester son étonnement et contester son bien-fondé au motif qu’elle se trouvait en congé parental jusqu’au 30 juin 2021 (pièce n°12 de l’intimée), en ajoutant « Pour rappel vous m’avez refusé une rupture conventionnelle en octobre 2020 » ;
– par un deuxième courrier du 18 mai 2021 adressé quelques jours plus tard (pièce n°13 de l’intimée) et rédigé comme suit :
« Actuellement en congé parental pour mon fils [W] [K] né le 3 juillet 2019. Je vous ai informé que je le prendrai en totalité. L’échéance annuelle pour vous le confirmer arrive en date du 30 juin 2021 : je vous informe donc que je prolonge jusqu’au 30 juin 2022 (sauf recalcul de la CAF pouvant faire varier de quelques jours) en respectant le délai minimal de 30 jours pour vous prévenir ».
Il ressort de ce deuxième écrit rédigé par la salariée après la notification du licenciement, puis après qu’elle a contesté son licenciement, et au terme duquel celle-ci a informé l’employeur du terme de son congé parental ainsi que de sa décision de le prolonger d’une année conformément aux formalités légales ‘ notamment en termes de délai de prévenance -, que Mme [M] a alors considéré comme acquises l’efficacité de sa contestation écrite et la suite favorable donnée par l’employeur, ainsi que la poursuite de son contrat de travail.
En effet, la salariée a par ce courrier non seulement précisé à la Fondation Vincent de Paul sa situation au moment de son licenciement mais a aussi informé son employeur du prolongement de son congé parental pour une période à venir en insistant sur le fait qu’elle respectait le délai de prévenance. Contrairement à ses allégations, si Mme [M] avait considéré comme acquise et définitive la rupture de son contrat de travail suite à son licenciement pour faute grave le 28 avril 2021, elle n’aurait pas fait part de la poursuite de son congé parental pour une année supplémentaire jusqu’au 30 juin 2022.
La Fondation Vincent de Paul justifie qu’elle a donné suite à ces deux courriers de la salariée réceptionnés le 20 mai 2021 par l’envoi d’un courrier recommandé du 1er juin 2021 (sa pièce n° 14) qui retrace la chronologie des lettres adressées à la salariée avant qu’elle n’engage la procédure de licenciement pour abandon de poste, et demeurées sans effet, puis la réaction tardive de Mme [M] suite à son licenciement dans les termes suivants :
« [‘] Nous regrettons que vous n’ayez pas répondu aux très nombreux courriers qui vous ont été adressés depuis le mois de mars et nous retrouvions dans cette situation que nous déplorons. Vous comprendrez qu’il est important pour une bonne organisation du service d’obtenir les informations dans les délais avec les dates précises de vos arrêts.
Aussi, nous vous informons que nous procédons à votre réintégration dans nos effectifs, et nous effectuerons toutes les démarches utiles.
Nous comptons à l’avenir sur votre vigilance et nous vous demandons de bien vouloir nous faire part de toute modification de votre situation et de nous informer immédiatement et systématiquement des changements pouvant intervenir ».
Cette chronologie des échanges écrits entre les parties montre que l’employeur a manifesté son accord pour la poursuite du contrat de travail selon les modalités définies par la salariée elle-même, soit une « prolongation » de son congé parental en revenant sur sa décision de licenciement en faisant suite à la démarche de Mme [M] qui revendiquait la poursuite de son contrat de travail dans le cadre d’une prolongation de son congé parental. Contrairement à ce que soutient l’appelante dans ses écritures, il importe peu que cette volonté de l’employeur soit intervenue sans ‘demande expresse’ de rétractation formulée par la salariée, et après la démarche de Mme [M] qui traduisait une volonté claire et non équivoque de poursuivre son contrat de travail.
La salariée ne conteste pas avoir réceptionné ce courrier de réintégration du 1er juin ‘ qui ne fait que se conformer à ses attentes – , et n’y avoir donné aucune suite, notamment par la manifestation d’un quelconque désaccord sur son contenu. Elle a d’ailleurs saisi la juridiction prud’homale ‘ en se prévalant à la fois de la rupture du contrat et son caractère abusif – le 9 décembre 2021, soit plus de six mois après le courrier de rétractation de l’employeur.
Si Mme [M] soutient qu’elle n’a pas été destinataire des bulletins de paie, en affirmant que les documents produits par l’employeur aux débats sont des faux établis pour les besoins de la cause, elle n’apporte pas la preuve de ces allégations.
Mme [M] se prévaut également de ce que les fiches de paie mentionnent respectivement le 1er juillet 2021 comme date de début de contrat et le 29 avril 2021 comme date d’entrée, mais ces éléments sont sans emport sur la réalité de la poursuite du contrat de travail puisqu’il est indéniable que l’ancienneté de Mme [M] a été conservée, étant relevé qu’aucun rappel de salaire à ce titre n’est demandé.
Par ailleurs, il ressort des pièces financières produites par Mme [M], et plus précisément des attestations de paiement établies par la caisse d’allocations familiales (pièce n°11 de l’appelante), que la salariée a bénéficié des droits d’une personne en situation de congé parental par la perception des allocations afférentes, notamment la prestation partagée d’éducation qui démontre que la salariée a été déclarée en congé parental auprès des organismes sociaux par l’employeur.
Ainsi, la situation de Mme [M], qui dans les mois suivant la rétractation de l’employeur a continué de percevoir des allocations liées à un statut salarié, démontre qu’au-delà de sa volonté de poursuivre la relation contractuelle après le prononcé du licenciement et par là-même d’accepter la rétractation de l’employeur, Mme [M] a bénéficié de la situation d’une salariée bénéficiant des allocations perçues dans le cadre d’un congé parental.
En conséquence, la cour retient que le contrat de travail liant les parties n’a pas été rompu le 24 avril 2021 et rejette les prétentions de Mme [M] fondées sur la contestation du licenciement pour faute grave rétracté.
La cour retient également que c’est à tort que les premiers juges ont débouté Mme [M] en retenant le bien-fondé du licenciement pour faute grave prononcé le 28 avril 2021. Le jugement est infirmé en ce sens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement sont confirmées s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [M] est déboutée de ses demandes présentées devant la cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et condamnée à payer à la Fondation Vincent de Paul la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés par celle-ci.
Mme [M] est condamnée aux dépens d’appel conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
La cour, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme le jugement rendu le 7 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Forbach, sauf dans ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et dans ses dispositions relatives aux dépens ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant :
Dit que le contrat de travail de Mme [R] [M] n’a pas été rompu le 28 avril 2021 ;
Déboute Mme [R] [M] de l’intégralité de ses demandes fondées sur son licenciement pour faute grave le 28 avril 2021 ;
Déboute Mme [R] [M] de sa demande au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne Mme [R] [M] à verser à la Fondation Vincent de Paul la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne Mme [R] [M] aux dépens d’appel.
La Greffière, La Présidente,
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