L’Essentiel : La SCI Les Toits, propriétaire d’un hôtel, a été confrontée à des dégâts des eaux signalés par Mme [R] en janvier 2022. Suite à une expertise, la SCI a assigné Mme [R] en référé le 5 avril 2024 pour réaliser des travaux sur sa toiture. Le tribunal a ordonné ces travaux, mais Mme [R] a interjeté appel le 4 juillet 2024, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire. En réponse, la SCI a demandé le déboutement de Mme [R] et des frais supplémentaires. Le tribunal a finalement débouté Mme [R] et l’a condamnée à verser 800 euros à la SCI.
|
Propriétaire et Contexte du LitigeLa SCI Les Toits possède un immeuble à usage d’hôtel situé à proximité de la maison de Mme [R]. À partir de janvier 2022, Mme [R] a signalé des dégâts des eaux provenant de la toiture de son immeuble, ce qui a conduit la SCI à faire réaliser une expertise amiable confirmant l’origine du sinistre. Procédure Judiciaire InitialeLe 5 avril 2024, la SCI Les Toits a assigné Mme [R] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, demandant la réalisation de travaux sur sa toiture pour remédier aux infiltrations. Le 21 mai 2024, le juge a ordonné à Mme [R] d’effectuer ces travaux dans un délai d’un mois, sous peine d’une astreinte de 150 euros par jour de retard. Appel et Demandes de Mme [R]Mme [R] a interjeté appel de cette décision le 4 juillet 2024 et a assigné la SCI Les Toits en référé devant la cour d’appel de Toulouse. Elle a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé, ainsi que le rejet des demandes de la SCI concernant les frais irrépétibles. Arguments de la SCI Les ToitsEn réponse, la SCI Les Toits a demandé le déboutement de Mme [R] et a réclamé des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a soutenu que les demandes de Mme [R] étaient infondées et que l’assignation était valide. Motivations du TribunalLe tribunal a examiné les arguments de Mme [R], notamment la nullité de l’assignation et l’irrecevabilité de la demande. Il a conclu que la SCI Les Toits avait respecté les procédures nécessaires et que les preuves fournies justifiaient les demandes de travaux. Décision FinaleLe tribunal a débouté Mme [R] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du 21 mai 2024, l’a condamnée aux dépens et à verser 800 euros à la SCI Les Toits au titre des frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’arrêt de l’exécution provisoire selon l’article 514-3 du code de procédure civile ?L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que, en cas d’appel, le premier président peut être saisi pour arrêter l’exécution provisoire d’une décision lorsque deux conditions sont réunies : 1. Il doit exister un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision. 2. L’exécution doit risquer d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces conséquences doivent être appréciées en tenant compte de la situation du débiteur, notamment de ses capacités à régler les condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La charge de la preuve incombe à celui qui invoque ces conditions. Ainsi, pour que Mme [R] puisse obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, elle devait démontrer l’existence de moyens sérieux de réformation et prouver que l’exécution de l’ordonnance de référé entraînerait des conséquences manifestement excessives. Quels sont les effets de l’irrecevabilité d’une demande en justice selon l’article 750-1 du code de procédure civile ?L’article 750-1 du code de procédure civile précise que, pour les demandes en justice tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros, ou relatives à certaines actions, une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative doit être effectuée au préalable. À défaut, le juge peut prononcer l’irrecevabilité de la demande d’office. Dans le cas présent, la SCI Les Toits a saisi le juge des référés pour obtenir des travaux nécessaires à la cessation des infiltrations, ce qui ne relevait pas des dispositions de l’article 750-1, car il s’agissait d’une demande indéterminée et non d’une somme précise. Ainsi, la fin de non-recevoir fondée sur l’absence de démarches amiables a été écartée, permettant à la demande de la SCI d’être examinée. Comment la preuve de l’origine des infiltrations a-t-elle été établie dans cette affaire ?La preuve de l’origine des infiltrations a été établie par la production d’un rapport d’expertise amiable, qui a été réalisé par un expert ayant participé à l’expertise de l’assureur de la demanderesse. Ce rapport a clairement indiqué que les infiltrations provenaient des chéneaux de Mme [R], qui étaient obstrués, empêchant l’évacuation des eaux de pluie. Bien que Mme [R] ait contesté ce rapport, elle n’a pas fourni d’expertise contradictoire pour le contredire. De plus, des SMS échangés entre les parties ont montré que Mme [R] avait été informée des problèmes d’infiltration et avait été sollicitée pour y remédier. Ainsi, la SCI Les Toits a pu démontrer que les infiltrations étaient bien dues à un défaut d’entretien des chéneaux de sa voisine, ce qui a renforcé la légitimité de sa demande en référé. Quelles sont les conséquences de l’échec de la demande d’arrêt d’exécution provisoire pour Mme [R] ?L’échec de la demande d’arrêt d’exécution provisoire a conduit à plusieurs conséquences pour Mme [R]. Tout d’abord, elle a été déboutée de sa demande, ce qui signifie que l’ordonnance de référé du 21 mai 2024, qui l’obligeait à réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser les infiltrations, reste en vigueur. Ensuite, Mme [R] a été condamnée aux dépens, ce qui implique qu’elle devra supporter les frais de la procédure, y compris les frais d’avocat de la SCI Les Toits. Enfin, elle a également été condamnée à verser à la SCI Les Toits la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit le remboursement des frais irrépétibles engagés par la partie gagnante. Ces conséquences soulignent l’importance de la preuve et de la procédure dans les litiges de voisinage, ainsi que les implications financières d’une décision défavorable en justice. |
C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E
DU 10 Janvier 2025
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
2/25
N° RG 24/00119 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QMEG
Décision déférée du 21 Mai 2024
– Président du TJ de TOULOUSE – 24/00756
DEMANDERESSE
Madame [M] [R]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par :
– Me Isabelle DINGLI de la SELAS D’AVOCATS ATCM, avocat au barreau de Toulouse (plaidant)
– Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de Toulouse (postulant)
DEFENDERESSE
S.C.I. LES TOITS
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Bernard BAYLE-BESSON de l’AARPI BAYLE BESSON-ESTRADE, avocat au barreau de Toulouse
DÉBATS : A l’audience publique du 06 Décembre 2024 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD
Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 12 décembre 2024, en présence de notre greffière et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :
– avons mis l’affaire en délibéré au 10 Janvier 2025
– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, l’ordonnance contradictoire suivante :
La SCI Les Toits est propriétaire d’un immeuble à usage d’hôtel situé [Adresse 3] à [Localité 4], mitoyen de la maison de Mme [M] [R].
À compter de janvier 2022, elle s’est plainte d’un dégât des eaux provenant de la toiture de Mme [R].
Après avoir fait réaliser une expertise amiable contradictoire confirmant l’origine du sinistre, par acte du 5 avril 2024, elle a assigné sa voisine devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse pour la voir essentiellement condamnée à effectuer tous les travaux nécessaires sur sa toiture pour faire cesser le trouble.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 21 mai 2024, le juge a :
– condamné Mme [R] à effectuer tous les travaux nécessaires sur sa toiture pour faire cesser le trouble qu’elle engendre sur l’immeuble de la SCI Les Toits dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision,
– dit qu’à défaut Mme [R] sera condamnée à payer une astreinte de 150 euros par jour de retard,
– dit que cette astreinte courra sur un délai de 3 mois à compter de sa mise en oeuvre,
– dit que le juge de l’exécution reste compétent pour liquider cette astreinte et/ou prononcer une nouvelle,
– condamné Mme [R] aux dépens,
– la condamnée à payer à la SCI Les Toits la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [R] a interjeté appel de cette décision le 4 juillet 2024.
Par acte du 19 juillet 2024, elle a fait assigner la SCI Les Toits en référé devant la première présidente de la cour d’appel de Toulouse, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 30 novembre 2024 soutenues oralement à l’audience du 6 décembre 2024, auxquelles il conviendra de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile, elle demande à la première présidente de :
– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie l’ordonnance de référé du 21 mai 2024,
– subsidiairement, ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie l’ordonnance de référé du 21 mai 2024, en ce qu’elle :
l’a condamnée à effectuer tous les travaux nécessaires sur sa toiture pour faire cesser le trouble qu’elle engendre sur l’immeuble de la SCI Les Toits dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision,
a dit qu’à défaut elle sera condamnée à payer une astreinte de 150 euros par jour de retard,
a dit que cette astreinte courra sur un délai de 3 mois à compter de sa mise en oeuvre,
a dit que le juge de l’exécution reste compétent pour liquider cette astreinte et/ ou en prononcer une nouvelle,
– rejeter les demandes de la SCI Les Toits notamment au titre de ses frais irrépétibles,
– ordonner que les dépens suivront le sort de ceux de l’instance d’appel.
Suivant conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2024, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SCI Les Toits demande à la première présidente de :
– débouter Mme [R] de sa demande,
– la condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens.
MOTIVATION :
Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces dernières doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La preuve en incombe à celui qui les invoque.
En l’espèce, Mme [R] excipe de moyens sérieux de réformation de l’ordonnance de référé tirés du fait que l’assignation est entachée d’une nullité de fond en ce que M. [U] [I] n’avait pas le pouvoir d’engager la société, que la SCI Les Toits ne justifie pas de démarches amiables préalables au sens de l’article 750-1 du code de procédure civile de sorte que sa demande aurait dû être déclarée irrecevable, et du caractère infondé des demandes de la SCI.
=> sur la nullité de l’assignation :
La SCI Les Toits verse aux débats un extrait du Bodacc du 26 octobre 2023 précisant que M. [V] [U] [I] est gérant de la société depuis cette date.
Les extraits du site internet Pappers fournis par la demanderesse qui ne permettent pas de remettre en cause ce document légal, confirment que le 26 octobre 2023 une modification est intervenue est que M. M. [V] [U] [I] est devenu le gérant de la SCI.
Le moyen tiré de la nullité de l’assignation et subséquemment de la nullité de l’ordonnance attaquée est en conséquence inopérant.
=> sur l’irrecevabilité :
Selon l’article 750-1 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Or, l’assignation introductive d’instance est fondée sur les seuls articles 834 et 835 du code de procédure civile n’évoque aucunement un trouble anormal du voisinage mais des dégâts immobiliers causés par des infiltrations.
Par ailleurs, si une action en référé ne dispense pas des obligations posées par l’article 750-1 précité, il n’en demeure pas moins que la SCI Les Toits a saisi le juge des référés afin de la voir contraindre à réaliser les travaux nécessaires à la cessation des infiltrations, cette demande s’apparentant à une demande indéterminée non soumise aux dispositions évoquées.
La fin de non recevoir fondée sur l’absence de démarches en vue d’une résolution amiable du litige doit donc être écartée.
=> sur le caractère infondé des demandes :
Mme [R] prétend que la SCI n’a pas démontré en première instance que les infiltrations prétendument subies proviendraient de ses chéneaux qui seraient obstrués en raison d’un défaut d’entretien.
Toutefois, la défenderesse a produit des SMS envoyés à sa voisine les 1er mars et 5 mai 2022 pour se plaindre des infiltrations et lui demander d’y remédier ainsi qu’un rapport d’expertise amiable à laquelle l’expert de l’assureur de la demanderesse a participé, précisant que tous les experts présents constatent que le sinistre prend son origine chez [M] [F] (…) Le sinistre du 21/01/2023 est consécutif à un dégat des eaux provoqué par nune infiltration venant du bâtiment mitoyen appartenant à Mme [F]. En effet nous constatons que les chéneaux sont obstrués et ne permettent plus l’évacuation des eaux de pluies vers les gouttières présentent en façade ce qui provoque des infiltrations dans le mur mitoyen’.
Il est exact que ce rapport n’est pas contresigné par l’expert de la demanderesse mais cette dernière ne fournit pas celui établi par son propre expert qui viendrait le contredire.
C’est donc à tort que Mme [R] soutient que le sinistre trouve sa cause dans l’obstruction de ses chénaux par la poudre d’enduit générés par les travaux d’isolation thermique réalisés courant 2024 par la SCI.
Par ailleurs, il ressort du dernier procès-verbal de constat dressé le 4 novembre 2024 que l’épaisseur d’isolation thermique recouvrant le chéneau a été retirée et n’empêche plus les travaux mis à la charge de la voisine.
Enfin, les griefs tirés des éventuels dommages causés chez Mme [R] à l’occasion des travaux d’isolation entrepris par la SCI sont indépendants du présent litige portant sur la condamnation à effectuer tous les travaux nécessaires sur sa toiture pour faire cesser le trouble subi par la société.
Mme [R] qui échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de l’existence de moyens sérieux de réformation, doit être déboutée de sa demande d’arrêt d’exécution provisoire de l’ordonnance sans qu’il soit besoin de statuer sur les conséquences manifestement excessives qu’elle avance.
Comme elle succombe, elle sera condamnée aux dépens et à payer à la SCI Les Toits la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-:-:-:-:-
Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,
Déboutons Mme [M] [R] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance rendue le 21 mai 2024 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse,
La condamnons aux dépens,
La condamnons à payer à la SCI Les Toits la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE
C. IZARD A. DUBOIS
Laisser un commentaire