Conflit de voisinage et obligations de mise en conformité des propriétés

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Conflit de voisinage et obligations de mise en conformité des propriétés

L’Essentiel : Dans cette affaire, un occupant de propriété, désigné comme le demandeur, a engagé une procédure contre deux autres propriétaires, désignés comme les défendeurs. Le litige a débuté en 2018 concernant l’arrachage et la mise en conformité des plantations contiguës. Le Tribunal Judiciaire a condamné les défendeurs à installer une barrière anti-rhizomes, tandis que le demandeur a été contraint de rétablir une clôture. Une saisie-attribution tentée par le demandeur a été levée. Les défendeurs ont demandé une astreinte définitive, mais leurs demandes ont été rejetées. Le demandeur a été condamné à verser des dommages-intérêts pour son comportement agressif.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, un occupant de propriété, désigné comme le demandeur, a engagé une procédure contre deux autres propriétaires et occupants de propriétés voisines, désignés comme les défendeurs. Le litige a débuté en 2018, lorsque le demandeur a demandé l’arrachage et la mise en conformité des arbres et plantations contigus.

Décisions judiciaires antérieures

Le Tribunal Judiciaire a rendu un jugement le 2 février 2024, condamnant solidairement les défendeurs à installer une barrière anti-rhizomes à leurs frais, sous astreinte de 50€ par jour de retard. De plus, le demandeur a été condamné à rétablir la clôture séparative qu’il avait arrachée, sous astreinte de 30€ par jour de retard. Parallèlement, le demandeur a été condamné par le Tribunal correctionnel à une peine d’emprisonnement avec sursis et à verser des dommages-intérêts.

Demande de saisie et levée de celle-ci

Le demandeur a tenté de diligenter une saisie-attribution sur les comptes des défendeurs, mais cette saisie a été levée par le Juge de l’exécution le 25 septembre 2024. Les défendeurs ont ensuite demandé la mise en place d’une astreinte définitive, arguant que le demandeur n’avait pas respecté la décision du Tribunal Judiciaire.

Arguments des parties

Les défendeurs ont sollicité une astreinte rétroactive de 100€ par jour de retard, suivie d’une astreinte définitive de 150€ par jour de retard, ainsi que des dommages-intérêts. En réponse, le demandeur a affirmé avoir effectué les travaux requis et a demandé le rejet des demandes des défendeurs. Une médiation a été ordonnée, mais le demandeur a refusé d’y participer.

Motivations du jugement

Le Juge de l’exécution a rappelé que la liquidation d’une astreinte provisoire est nécessaire avant de se prononcer sur une astreinte définitive. Les demandes des défendeurs ont été rejetées, car aucune astreinte « provisoire-définitive » n’est prévue par la loi. Le demandeur a également demandé la liquidation de l’astreinte initiale, mais sans preuves suffisantes, sa demande a été rejetée.

Décision sur les dommages-intérêts

Concernant les dommages-intérêts, le Juge a noté le comportement agressif du demandeur et son refus de se conformer aux décisions judiciaires. En conséquence, il a été condamné à verser 400€ de dommages-intérêts à chaque défendeur.

Conclusion et exécution du jugement

Le jugement a été rendu en premier ressort, déboutant les défendeurs de leur demande d’astreinte et le demandeur de sa demande de liquidation d’astreinte. Le demandeur a été condamné aux dépens de l’instance. Le jugement est exécutoire de plein droit, sans effet suspensif de l’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en place d’une astreinte définitive selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L131-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

“Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

De plus, l’article L131-2 précise que :

“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.

L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.

Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine.”

Ainsi, pour qu’une astreinte définitive soit mise en place, il est impératif qu’une astreinte provisoire ait été prononcée au préalable.

Si cette condition n’est pas respectée, l’astreinte sera liquidée comme une astreinte provisoire.

Quel est le rôle du Juge de l’exécution dans la liquidation des astreintes ?

L’article L131-3 du Code des procédures civiles d’exécution indique que :

“L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.”

Cela signifie que le Juge de l’exécution a la compétence exclusive pour liquider l’astreinte, sauf dans les cas où le juge initial a conservé cette compétence.

L’article L131-4 précise également que :

“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.”

Le Juge de l’exécution doit donc évaluer le comportement du débiteur et les circonstances entourant l’exécution de la décision pour déterminer le montant de l’astreinte.

Quelles sont les implications de la demande de dommages-intérêts dans le cadre de l’exécution forcée ?

L’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire stipule que :

“Le Juge de l’exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcées ou des mesures conservatoires.”

De plus, l’article L121-3 du Code des procédures civiles d’exécution précise que :

“Le Juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.”

Dans le cas présent, bien que les demandes de certains demandeurs n’aient pas été satisfaites, le comportement de l’autre partie a été jugé comme agressif et de rupture.

Cela a conduit le Juge de l’exécution à accorder des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi par les demandeurs.

Quelles sont les conséquences de l’absence de condamnation en application de l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits.

Cependant, dans cette affaire, le Juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu à condamnation en application de cet article, en raison de la nature de l’affaire et de son contexte.

Cela signifie que chaque partie devra supporter ses propres frais, sans compensation de la part de l’autre.

Cette décision est souvent prise lorsque le litige ne justifie pas une telle indemnisation, ou lorsque les circonstances de l’affaire ne le permettent pas.

MINUTE N° :
DOSSIER : N° RG 24/02922 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TAN3
AFFAIRE : [Y] [S], [P] [W] / [L] [U]
NAC: 78G

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 05 FEVRIER 2025

PRESIDENT : Sophie SELOSSE, Vice-Président

GREFFIER : Emma JOUCLA, Greffier, lors de l’audience de plaidoirie et lors du prononcé

DEMANDEURS

M. [Y] [S]
né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Susanne SALERNO-WAGENSONNER de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 48

Mme [P] [W]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Susanne SALERNO-WAGENSONNER de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats plaidant, vestiaire : 48

DEFENDEUR

M. [L] [U]
né le [Date naissance 1] 1963,
demeurant [Adresse 5]

comparant

DEBATS Audience publique du 22 Janvier 2025

PROCEDURE : Articles L 213-5 et L 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire, R 121-11 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

SAISINE : par Assignation – procédure au fond du 12 Juin 2024

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [U] d’une part, et Monsieur [S] et Madame [W] d’autre part, sont propriétaires et occupants de deux propriétés voisines.
Monsieur [U] a sollicité en 2018 l’arrachage et le maintien en conformité des arbres et plantations contigues.

Par jugement du 2 février 2024, le Tribunal Judiciaire de Toulouse a notamment condamné solidairement Monsieur [S] et Madame [W] à faire installer à leurs frais et sous astreinte de 50€ par jour de retard, une barrière anti-rhizomes telle que prescrite dans le rapport d’expertise rendu le 7 juin 2021.
De la même façon, Monsieur [U] a été condamné à rétablir la clôture séparative initiale sur les 17.3 mètres, clôture qu’il avait arrachée, et à reboucher la tranchée qu’il avait creusée au moyen de tout ouvrage permettant de retenir les terres de sa propriété, une fois achevés les travaux d’installation de la barrière anti-rhizomes, sous astreinte de 30€ par jour de retard commençant à courir à compter d’un délai de 2 mois suivant l’achèvement des travaux sus visés et pendant 30 jours.

Paralèllement, Monsieur [U] a été condamné par le Tribunal correctionnel de Toulouse à une peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire de 24 mois, avec obligations de soins, indemnisation et interdiction de contact avec les parties civiles, et 8.000€ de dommages intérêts outre 600€ en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Monsieur [U] a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes de ses voisins, mais par décision du Juge de l’exécution du 25 septembre 2024, cette saisie attribution a été levée.

Dans le cadre de la même assignation, Monsieur [S] et Madame [W] sollicitent la mise en place d’une astreinte définitive, estimant que Monsieur [U] n’a en aucun cas respecté la décision du Tribunal Judiciaire, les travaux effectués après l’assignation étant non conformes à la décision du 2 février 2024.
Ils affirment que si le Tribunal Judiciaire s’est réservé la liquidation de l’astreinte provisoire, le Juge de l’exécution reste compétent pour fixer une astreinte définitive.
Aussi sollicitent-ils du Juge de l’exécution d’assortir le jugement du 2 février 2024 d’une astreinte “définitive provisoire” rétroactive de 100€ par jour de retard à compter du 6 juin 2024 et sur une période de 30 jours, et que passé ce délai, d’assortir le jugement d’une astreinte définitive de 150 € par jour de retard.
Monsieur [S] et Madame [W] sollicitent également 500€ à titre de dommages intérêts.

En réplique, Monsieur [U] affirme avoir effectué les travaux le 24 juillet 2024, et sollicite le rejet des demandes.

Pour les demandes de liquidation d’astreinte et de dommages intérêts, une médiation était ordonnée, mais Monsieur [U] refusait d’y participer.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions écrites des parties pour plus amples détails sur leurs prétentions respectives et moyens soulevés.

L’affaire a été mise en délibéré au 5 février 2024.

MOTIVATION

Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive

L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir”.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère”.

Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fonds doit se livrer lors de la liquidation d’une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l’évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci. Ce raisonnment d’applique a fortiori au Juge de l’exécution, juge naturel de la liquidation d’astreinte.

Il ressort de la présente procédure que le Tribunal Judiciaire s’est réservé la liquidation de l’astreinte provisoire dans sa décision du 2 février 2024.

Or, le Juge de l’exécution a été saisi d’une demande de fixation d’astreinte “définitive provisoire” aux effets rétroactifs et évolutifs, ce qui ne répond en aucun cas aux critères des articles rappelés ci-dessus.

En effet, avant de se prononcer sur toute demande d’astreinte définitive, la liquidation préalable de l’astreinte provisoire est nécessaire.
Par ailleurs, aucune astreinte “provisoire-définitive” n’est prévue par les textes, pas plus que n’est prévu le caractère rétroactif d’une telle mesure.

Les demandes à ce titre de Monsieur [S] et Madame [W] seront rejetées.

Monsieur [U] sollicite la condamnation de Monsieur [S] et Madame [W] à la liquidation de l’astreinte fixée par la juridiction initiale à hauteur de 50€ pour une durée de 30 jours, soit 1.500€.
Il affirmait en effet que la barrière anti-rhizomes mise en place par ses contradicteurs n’était pas conforme puisque des repousses et rhizomes étaient à nouveau visibles sur son fonds.
Toutefois, il ne produisait aucune pièce au soutien de ses affirmations.

La demande sera rejetée.

Sur la demande de dommages intérêts

L’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose : “Le Juge de l’exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution forcées ou des mesures conservatoires.”.
L’article L121-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose “ Le Juge de l’exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages intérêts en cas de résistance abusive”.

Dans le cas d’espèce, si les demandes de Monsieur [S] et Madame [W] ne peuvent légalement être satisfaites, il n’en demeure pas moins que Monsieur [U], depuis le début de cette procédure, adopte un comportement agressif et de rupture, en refusant toute tentative de médiation, et en refusant de se soumettre aux exigences du Tribunal Judiciaire dans la reconstruction de la clôture qu’il a lui-même dégradée.

Il sera ainsi fait droit à la demande de dommages intérêts à hauteur de 400€ pour chacun des demandeurs.

Sur les demandes annexes

Au regard de la nature de l’affaire et de son contexte, il n’y a pas lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [U] sera néanmoins tenu des entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en premier ressort

Déboute Monsieur [S] et Madame [W] de leur demande de fixation d’astreinte “définitive provisoire”,

Déboute Monsieur [U] de sa demande de liquidation d’astreinte,

Condamne Monsieur [U] à 400€ à titre de dommages intérêts pour chaque demandeur, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

Déboute les parties de toute demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit, le délai d’appel et l’appel lui-même n’ayant pas d’effet suspensif par application des dispositions de l’article R. 121- 21 du code des procédures civiles d’exécution ;

Ainsi jugé par Madame Sophie SÉLOSSE, Vice-Présidente en charge des fonctions de Juge de l’exécution, assistée de Madame Emma JOUCLA, greffière, jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.

Le greffier Le Juge de l’exécution


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