L’Essentiel : Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] ont assigné Madame [N] [C] pour faire reconnaître la mitoyenneté de leur propriété et stopper un empiétement dû à la surélévation de sa maison. Ils soutiennent que cet empiétement constitue un trouble illicite, affectant leurs propres travaux. En réponse, Madame [C] conteste la compétence du juge des référés, arguant que la question de la mitoyenneté relève du fond. Le juge a confirmé sa compétence, mais a rejeté les demandes des demandeurs, estimant qu’ils n’avaient pas prouvé l’illicéité du trouble, entraînant le déboutement de toutes les parties.
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Contexte de l’affaireMonsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] ont assigné Madame [N] [C] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 13 mai 2024. Ils demandent la reconnaissance de la mitoyenneté de leur propriété et l’arrêt d’un empiétement causé par une surélévation de la maison de Madame [C]. Ils réclament également des provisions pour préjudices de jouissance, d’immobilisation, ainsi qu’une indemnité pour résistance abusive. Arguments des demandeursLes demandeurs soutiennent avoir acquis une maison mitoyenne et avoir découvert que la surélévation de Madame [C] empiétait sur leur propriété. Ils affirment que cet empiétement constitue un trouble manifestement illicite et contestent la légalité des autorisations de travaux de Madame [C]. Ils estiment subir un préjudice en raison de l’arrêt de leurs propres travaux et demandent des provisions pour compenser ce préjudice. Réponse de la défenderesseMadame [N] [C] conteste la compétence du juge des référés et demande à ce qu’il se déclare incompétent au profit du juge du fond. Elle argue que la question de la mitoyenneté et de l’empiétement est un débat de fond et que les demandes de provisions des demandeurs sont abusives. Elle réclame également une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Décision du juge des référésLe juge des référés a confirmé sa compétence pour statuer sur l’affaire, rejetant les arguments de Madame [C] concernant l’incompétence. Cependant, il a estimé que les demandeurs n’avaient pas prouvé de manière suffisante l’illicéité du trouble invoqué, ni justifié les préjudices allégués. Par conséquent, toutes les demandes des consorts [V]/[X] ont été rejetées, ainsi que celles de Madame [C] concernant ses demandes reconventionnelles. Conséquences de la décisionMonsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] ont été déboutés de l’ensemble de leurs demandes et condamnés aux entiers dépens de l’instance. Madame [C] a également été déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du juge des référés dans le cadre d’un trouble manifestement illicite ?Le juge des référés est compétent pour statuer sur les demandes visant à faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d’une contestation sérieuse. Cela est précisé par l’article 835 du Code de procédure civile, qui dispose : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » Ainsi, le juge des référés peut intervenir pour ordonner des mesures nécessaires à la cessation d’un trouble, même si la question de l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il est donc essentiel que le demandeur prouve le caractère manifestement illicite du trouble invoqué, ce qui implique de démontrer que le fait en cause constitue une violation évidente de la règle de droit. Quelles sont les conditions pour établir un trouble manifestement illicite ?Pour établir un trouble manifestement illicite, le demandeur doit démontrer que le fait matériel ou juridique en cause constitue une violation évidente de la règle de droit. L’article 835 du Code de procédure civile précise que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait qui constitue une violation évidente de la loi. Il appartient donc au demandeur de prouver les fautes du défendeur comme cause du trouble invoqué. Dans le cas présent, les consorts [V]/[X] n’ont pas réussi à établir de manière suffisamment évidente l’empiétement litigieux, ce qui a conduit à un rejet de leurs demandes. Quels sont les effets de l’empiétement sur la propriété voisine selon le Code civil ?L’empiétement sur la propriété d’autrui est régi par l’article 545 du Code civil, qui stipule : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. » Cet article souligne le droit de propriété et la protection contre les empiétements. Dans le cas d’un empiétement, le propriétaire peut demander la cessation de l’empiétement et éventuellement des dommages-intérêts. Cependant, pour que la demande soit fondée, il est nécessaire de prouver l’existence de l’empiétement et son caractère illicite. Les consorts [V]/[X] ont allégué un empiétement, mais n’ont pas fourni de preuves suffisantes pour établir la réalité de celui-ci, ce qui a conduit à la décision de rejet de leurs demandes. Quelles sont les conséquences de l’absence de preuve des préjudices invoqués ?L’absence de preuve des préjudices invoqués a des conséquences directes sur la recevabilité des demandes de dommages-intérêts. Les demandes provisionnelles de dommages et intérêts doivent être justifiées par la réalité des préjudices subis. En l’absence de justification, le juge ne peut pas accorder de provisions. Dans le cas présent, les consorts [V]/[X] n’ont pas réussi à prouver l’existence de préjudices de jouissance et d’immobilisation, ce qui a conduit à un rejet de leurs demandes. Le juge a souligné que les demandes de provision étaient infondées, car elles ne reposaient pas sur des éléments probants. Quelles sont les implications de la résistance abusive dans le cadre d’une procédure judiciaire ?La résistance abusive peut entraîner des conséquences financières pour la partie qui s’y livre. L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que : « La partie qui perd peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans le cas présent, Madame [C] a été déboutée de sa demande sur ce fondement, car le juge a estimé que l’équité ne justifiait pas l’application de l’article 700. Cela signifie que même si une partie a résisté à des prétentions jugées légitimes, cela ne conduit pas nécessairement à une condamnation à payer des frais. Le juge a donc exercé son pouvoir d’appréciation pour décider de ne pas faire application de cette disposition dans cette affaire. |
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
70B
Minute n° 25/
N° RG 24/01143 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZCES
3 copies
GROSSE délivrée
le 06/01/2025
à Me Pierre LANDETE
Me Lionel POMPIERE
COPIE délivrée
le 06/01/2025
à
Rendue le SIX JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Après débats à l’audience publique du 02 Décembre 2024,
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière.
DEMANDEURS
Monsieur [Z] [V]
né le 17 Juillet 1986 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Madame [P] [X]
née le 01 Mars 1987 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Tous deux représentés par Maître Lionel POMPIERE, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE
Madame [N] [C]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître Pierre LANDETE, avocat au barreau de BORDEAUX
Par acte de commissaire de justice délivré 13 mai 2024, Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] ont fait assigner Madame [N] [C] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir:
– dire que la mitoyenneté est établie,
– condamner Madame [N] [C], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à faire cesser tout empiétement sur leur propriété sise [Adresse 2] à [Localité 5] et cadastrée section BD n°[Cadastre 3], et ce par la démolition de sa surélévation, à tout le moins sur la partie en empiétement, objet de la déclaration préalable de travaux du 24 mars 2015,
– condamner Madame [B] [C] à leur verser une provision de 259 euros par mois à compter du 29 février 2024, à valoir sur leur préjudice de jouissance, soit 518 euros à ce jour, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,
-condamner Madame [N] [C] à leur verser une provision basée sur le taux d’intérêt légal à compter du 29 février 2024 et à valoir sur leur préjudice d’immobilisation de la somme de 7.726,13 euros soit 103,43 euros à ce jour, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,
– condamner Madame [N] [C] à leur verser une provision de 2.500 euros à valoir sur leur préjudice moral pour résistance abusive,
– condamner Madame [N] [C] à leur verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris le coût du constat de commissaire de justice du 18 mars 2024 pour un montant de 249,20 euros.
Aux termes de leurs dernières écritures, Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] ont maintenu leurs demandes, indiquant qu’à ce jour, les sommes à valoir sur leur préjudice de jouissance et leur préjudice d’immobilisation s’élèvent respectivement à 1.813 euros et 365,73 euros.
Au soutien de leurs prétentions, ils indiquent avoir, selon acte authentique du 22 février 2019, acquis une maison à usage d’habitation située [Adresse 2] à [Localité 5], dont les clôtures et les murs sont mitoyens avec les constructions situées aux 14 et 18 de la même rue. Ils précisent avoir découvert à l’occasion de leur projet de surélévation au-dessus de leur garage que le bardage ainsi que le bâti de la surélévation voisine, appartenant à Madame [C], propriétaire du bien situé au n°14, empiétaient sur leur fonds, constituant un trouble manifestement illicite. Ils contestent les autorisations dont se prévaut Madame [C] pour justifier la légalité de sa surélévation et rappellent qu’ils n’ont jamais revendiqué son caractère mitoyen. Ils ajoutent qu’un empiétement peut être aérien et seulement minime. Au soutien de leurs demandes de provisions, ils allèguent subir un préjudice de jouissance en raison de l’arrêt des travaux du fait de l’empiétement ainsi qu’un préjudice d’immobilisation. Concernant l’incompétence du juge des référés soulevée par la défenderesse, ils font remarquer qu’ils fondent leur demande, non pas sur l’article 834 du Code de procédure civile avec un motif d’urgence mais sur le trouble manifestement illicite prévu aux dispositions de l’article 835 du Code de procédure civile. Enfin, ils soutiennent que Madame [C] a fait preuve d’une particulière mauvaise foi en résistant aux prétentions légitimes des requérants et qu’elle doit donc être condamnée à leur verser une provision au titre de sa résistance abusive.
Madame [N] [C] a demandé à la présente juridiction de :
– à titre principal, se déclarer incompétente au profit du juge du fond du tribunal judiciaire de Bordeaux,
– en tout état de cause, condamner Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] à verser à Madame [N] [C] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que le fait de savoir si la partie exhaussée d’un mur qui serait mitoyen est elle-même mitoyenne, ce qu’aucune des pièces des demandeurs ne permet de trancher, est un problème de fond, et fait valoir que le bardage fixé sur le mur ne présente qu’un très léger dépassement aérien de quelques centimètres. Elle ajoute que si un empiétement fait obstacle à la mitoyenneté, il s’agit d’un débat de fond et elle soutient que les demandeurs formulent des arguments contradictoires relativement à la reconnaissance d’une mitoyenneté et à la sanction de l’empiétement. Elle considère par ailleurs les demandes de provision particulièrement abusives et allègue qu’elles ont pour objet de financer en partie les travaux envisagés par les demandeurs.
Évoquée à l’audience du 02 décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 06 janvier 2024.
A titre liminaire, en application des articles 4, 5 et 768 du code de procédure civile, il y a lieu de rappeler que le Juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, et que les « dire », « prendre ou donner acte » , et « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la présente juridiction ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Concernant l’incompétence du juge des référés soulevée en défense par Madame [C], il convient de souligner que les moyens qu’elle évoque ne visent qu’à contester le bien-fondé des demandes des consorts [V]/[X] et le pouvoir du juge des référés, et non sa compétence, ce dont il résulte qu’ils ne constituent pas une exception d’incompétence, étant au surplus observé que les demandeurs formulent leurs demandes au visa de l’article 835 alinéa 1er du Code de procédure civile permettant au juge des référés de statuer même en présence de contestations sérieuses pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il s’ensuit que le juge des référés est compétent pour statuer sur l’action engagée par les consorts [V]/[X].
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Si l’existence d’une contestation sérieuse n’interdit pas de prendre les mesures prévues par le premier alinéa de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble invoqué.
Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il appartient au demandeur de démontrer les fautes du défendeur comme cause du trouble invoqué.
En vertu de l’article 545 du Code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Les consorts [V]/[X] soutiennent que la maison mitoyenne à la leur, à savoir celle appartenant à Madame [C], est constituée d’une surélévation empiétant sur leur propriété. Plus précisément, ils allèguent que la surélévation appartenant à la défenderesse s’appuie intégralement sur le mur mitoyen et que son bardage déborde de ce mur, en empiétant sur leur fonds, ce qui les empêchent de procéder à la réalisation de leur propre surélévation.
Il résulte des pièces produites et notamment du procès-verbal de constat de constat communiqué par les consorts [V]/[X], dressé le 28 mars 2024 par Maître [D], qu’il existe sur le fonds appartenant à Madame [C] une construction en surélévation, laquelle dépasse en hauteur le garage des requérants. Le commissaire de justice estime que cette construction empiète sur la propriété des requérants entre 10 et 12 centimètres.
Cependant, ce constat, qui n’est au demeurant pas contradictoire, ne peut suffire à établir l’empiétement litigieux de manière suffisamment évidente pour établir l’illicéité manifeste du trouble invoqué. En effet, les requérants ne produisent aucun relevé ou mesurage précis des lieux, effectué par un homme de l’art, qui permettraient d’établir de manière claire les limites entre les parcelles et partant, de démontrer un quelconque empiétement.
Ainsi, l’illicéité du trouble invoqué par les consorts [V]/[X] n’étant pas manifeste et nécessitant des débats de fond, il y a lieu de rejeter l’ensemble de leurs demandes.
Les demandes provisionnelles de dommages et intérêts à valoir sur la réparation du préjudice de jouissance et d’immobilisation ne pourront qu’être rejetées, en l’absence de justification de la réalité des préjudices invoqués, et de preuve de l’existence d’une obligation d’indemnisation de la défenderesse dépourvue de contestation sérieuse.
Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X], succombant en leurs demandes, supporteront la charge des entiers dépens de l’instance.
L’équité imposant de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Madame [C] sera déboutée de sa demande sur ce fondement.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, en premier ressort,
DEBOUTE Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] de l’ensemble de leurs demandes ;
DEBOUTE Madame [C] de ses demandes reconventionnelles ;
CONDAMNE Monsieur [Z] [V] et Madame [P] [X] aux entiers dépens de l’instance.
La présente décision a été signée par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.
Le Greffier, Le Président,
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